À peine sortie la nouvelle version de sa Strawberry Guitar, l'éditeur Orange Tree Samples nous propose un autre instrument à cordes virtuel, une Lap Steel Guitar. Ça glisse ou ça casse ?
À l’origine, il semble qu’il y ait le procédé de résonateur/amplificateur mis en œuvre par August Stroh afin de permettre l’amplification nécessaire à l’enregistrement de divers instruments. Voir ce magnifique ukulélé hybride, par exemple. Puis d’autres fées se sont penchées sur ce qui deviendront les premiers instruments à résonateurs proprement dits, fées masculines, puisqu’il s’agit d’un côté de George Beauchamp et de l’autre des frères Dobyera. Si les seconds sont plus célèbres maintenant, notamment via leurs instruments National (société cofondée avec… George Beauchamp) et (dits-)Dobro (une contraction de Dobyera Brothers…), le premier pourrait être le véritable père de ces instruments particuliers, à la faveur d’un brevet déposé en mars 1929 et accordé en 1931, là où les frères Dobyera, et notamment John, n’ont déposé le leur qu’en 1932, finalement accordé en 1933. Mais trêve d’histoires, petites et grandes, le tout est de savoir que ces guitares particulières sont toujours disponibles chez Gibson (la marque National) et chez National Reso-Phonic Guitars. On lira avec attention et plaisir l’excellent livre de Bob Brozman, par ailleurs joueur de guitares émérite, The History & Artistry of National Resonator Instruments.
Bref. Après la naissance de ses instruments, vient celle de ses dérivés, la lap steel guitar et sa déclinaison la pedal steel guitar. C’est à la première que l’on s’intéressera, du moins dans sa version virtuelle, grâce à l’éditeur Orange Tree Samples qui nous en offre une version pour Kontakt. La question se posant étant : comment les slides et autres effets de bottleneck ont-ils été gérés ? Est-ce qu’ils sonnent ? Réponses à la fin du test.
Introducing Orange Tree Lap Steel Guitar
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Fidèle à son habitude, l’éditeur nous offre une bibliothèque compatible Kontakt (à partir de la version 4 et complète seulement, pas de Kontakt Player permis), uniquement disponible au téléchargement, pour la somme de 35 euros (prix de lancement, 57 euros après). Constituée d’échantillons 24 bits/44,1 kHz, plus de 2000 pour un total d’un peu plus d’un Go de fichiers Wave, la bibliothèque s’installe simplement, sans numéro de série ou autre procédure d’autorisation (Service Center, etc.). Merci.
Simplicity
Comme à l’accoutumée, l’interface est très simple et claire. En bas de la fenêtre se situent les trois boutons d’EQ Bass, Mid et High, puis un Volume et un Tone global (filtre passe-bas), flanqués d’un Vumètre à aiguille indiquant le niveau de sortie. La partie supérieure permet de sélectionner entre sept fenêtres différentes, reprenant les mêmes graphismes et types de potards et faders de l’une à l’autre : fond beige, typos noires quand la fenêtre ou le réglage sont actifs, grises en cas inverse. Une icône de disquette (vous vous souvenez de la disquette ? Waow, ça semble une éternité…) donne accès aux présets, un principe mis en place depuis peu par l’éditeur (on en retrouve un certain nombre dans Orange Tree Samples Evolution Electric Guitar Strawberry dont on trouvera le test ici). Il s’agit de présets intégrant tous les paramètres de l’instrument, donc attention à ne pas en charger un sans avoir sauvegardé ceux en cours si l’on y tient. Voici quelques exemples sonores de ces présets (le jeu n’est pas celui que l’on attend avec volume, vibrato, bend et slides, un peu de patience, ça arrive…).
Belles sonorités, réponses à la vélocité bien conçues (trois couches et quatre échantillons Round Robin par notes), et les présets sont bien faits, l’ensemble sonne, pas de problèmes. Pas de bouclages hasardeux, des sons dans leur durée (plus ou moins) naturelle (il semble il y avoir un mélange intelligent de différents samples entre attaque/première durée et sustain), pas de justesse approximative, ça fait du bien… La première page, General, affiche cinq curseurs, avec vitesse et profondeur du vibrato (modélisé d’après un vibrato réel, et non pas un simple LFO), volume du release et pourcentage (longueur, de 0 à 35 ms) de l’audio lu avant la note elle-même (bruits de frettes, de glissé, de médiator, etc.). Le cinquième fader va être d’une importance prépondérante, conjointement avec les réglages de la page Pitch Bend (détaillée ci-après). En effet, Slide Position conditionne le placement du bottleneck à différents endroits du manche (12 positions différentes), et donc le son produit. Voici quelques positions.
Passons la page Pitch Bend (on y reviendra). On continue avec Volume, offrant le pourcentage d’action de la pédale de volume, ainsi que la profondeur et la vitesse du Tremolo. On continue ensuite avec les effets, répartis en quatre pages : Chorus, tout d’abord, avec les paramètres habituels (taux, profondeur, vitesse et phase), Compressor ensuite (avec seuil, taux, attaque et release), Verb/Delay (avec taux séparés pour réverbe et délai, longueur de la réverbe, temps de délai et pourcentage de réinjection.
La dernière page Amp/Cab, assez simple, n’en est pas moins importante, puisqu’on utilisera ici non pas des algorithmes, mais de la convolution pour reproduire différents types de baffles (cinq types du 1×8 au 4×12) ainsi qu’une réverbe à ressort. Les différentes réponses impulsionnelles ne sont hélas pas disponibles séparément pour un usage dans d’autres programmes, mais on pourra très bien sauvegarder un préset en mode édition pour utiliser les impulses de l’éditeur avec d’autres programmes Kontakt. Tout comme on pourra essayer les IR fournies avec Kontakt. Le Amp Gain agit quant à lui sur l’effet inclus Skrm (Skreamer, je pense que c’est assez clair…), du Bypass à différents réglages des paramètres de l’effet. Tout ça est bien vu, et bien conçu, totalement transparent pour l’utilisateur, à la fois ergonomique et performant. Mais pour le moment, on reste sur une belle guitare, mais on n’a pas encore entendu ce qui fait la spécificité de l’instrument, c’est-à-dire le jeu en slides, au bottleneck.
Sliiiiiiiiiiiiiiiiiiiiide
Premier « embellissement manuel » du son, le vibrato, qui est, on l’a vu, modélisé d’après celui d’un instrumentiste. Les deux réglages Speed et Depth affineront les paramètres, tandis que la molette de modulation permettra de doser les interventions de vibrato (ne pas oublier la pédale de volume).
On entend clairement l’une des premières « astuces » de l’éditeur, c’est-à-dire un script permettant de simuler le prolongement du sustain lors d’ajout de vibrato (qui dans la réalité est effectué au bottleneck). La note est jouée, résonne normalement, puis, si l’on veut du vibrato, il faut bouger rapidement le bottleneck, ce qui produit l’effet recherché, mais aussi une remise en résonance des cordes. Le dire c’est bien, le faire, c’est mieux, un exemple du phénomène sans et avec vibrato (ici virtuel, bien sûr, et plus exagéré que nécessaire…) :
Ensuite, principe de jeu indissociable de l’instrument, les Bend et autres liaisons. L’éditeur a créé un script spécifique à cet effet, qui sera activé via les différents paramètres de la page Pitch Bend. Car c’est en effet par cette molette bipolaire que la reproduction de ce style de jeu sera possible. Le premier curseur, Bend Range, permet de déterminer la plage d’action, jusqu’à 12 demi-tons. Le deuxième, Snap To Scale, permet de forcer le Bend à finir sur une note, en fonction de l’un des six choix disponibles, Chr (pour accord joué), Maj, Min, Dim, MM, WT (whole tone). Le troisième, Snap To Key, détermine la tonalité. Ensuite, Bend Mode est peut-être le plus important, puisqu’il permet de choisir le comportement de l’instrument. Parce que je ne l’ai pas encore dit, mais ce Bend est polyphonique, c’est-à-dire ne seront affectées que les notes maintenues, suivant l’un des quatre modes. Le premier, Off, affecte toutes les notes. Ensuite, Pre, n’affectera que les notes jouées à l’intérieur de l’intervalle de temps réglé grâce à Bend Time (de la noire à la quadruple croche). Le troisième, Post, fait l’inverse. Enfin Auto passera de l’un à l’autre (Pre ou Post) selon la position de la molette de pitch bend (pour plus d’infos, le manuel est disponible sur le site de l’éditeur. Voici quelques-unes des possibilités du script.
Suivant les différents réglages, on reproduira l’effet legato via le bend ou au contraire la ré-attaque des notes via les onglets.
Téléchargez les fichiers sonores : flac article
Bilan
D’un point de vue sonore, ergonomique ou des scripts pour Kontakt (Greg Shlaepfer en écrit aussi pour d’autres éditeurs), il n’y a pas de reproche à faire, l’instrument est jouable (il y a un coup à prendre quand même), sonne et fait ce qu’on attend de lui. On pourra cependant mentionner une consommation CPU assez élevée, en comparaison avec d’autres instruments très « scriptés ». Une des références que j’utilise le plus est l’une ou l’autre des basses Scarbee, dont les scripts sont assez étoffés vu les différentes reconnaissances de jeu et notes à l’œuvre. Lap Steel est bien plus gourmand.
Autre petite chose parfois gênante, quand les projets commencent à être chargés, l’instrument provoque des pics d’utilisation du processeur, même si l’on ne lui envoie rien. Certes, Kontakt nu montre aussi quelques petites variations, mais sans commune mesure avec celles constatées une fois Lap Steel chargé. Dernier point à soulever, certaines résonances peuvent parfois être trop fortes, il faudra y prêter attention, et y remédier soit avec les EQ internes, soit avec un bon EQ externe. Bref, si vous cherchez une Lap Steel de bonne qualité sonore, avec des possibilités de traitements et de restitution du jeu tout à fait convaincantes, le petit prix (en dessous de 60 euros en tarif plein…) ne peut que vous inciter à investir dans la Lap Steel Guitar de Orange Tree Samples.