Se connecter
Se connecter

ou
Créer un compte

ou

Sujet L'artiste doit-il passer par la souffrance ou s'en servir pour créer ?

  • 119 réponses
  • 19 participants
  • 8 656 vues
  • 16 followers
Sujet de la discussion L'artiste doit-il passer par la souffrance ou s'en servir pour créer ?
L'artiste doit-il passer par la souffrance ou s'en servir pour créer ?
Les œuvres étant empreintes de souffrance sont-elles les plus "géniales" ?
Je ne sais pas si c'est le bonne endroit ou poster mais je voyais pas ou...
Perso je pense qu'on est pas obligé de souffrir ou de se servir de la souffrance pour créer mais a vrai dire j'ai du mal a trouver des exemples...
Afficher le sujet de la discussion
11
A qui peut le comprendre :mdr:
12
Absolument d'accord avec la syllogistique ADTienne, que j'appuie par un passage du Langage musical (chez Fayard) du génial André Boucourechliev :

Citation : Il est convenu de dire que la musique exprime des sentiments - et ceux du compositeur en particulier. Or tout le malentendu provient de cette idée. Il est plus juste de dire qu'elle en engendre. C'est de la force d'impact de ces affects, relevant de la composition, qu'il s'agit, non de leur origine réelle ou imaginaire et de leur illusoire transmission. Car faut-il être très amoureux pour composer un chant d'amour et très amoureux pour composer un très beau chant d'amour ? Il faut surtout avoir du talent pour la composition musicale. Quant à l'état amoureux, s'il peut être, à l'occasion, un stimulant, il n'est jamais un plus esthétique. D'ailleurs, que nous importent les affects du compositeur (qui, comme dirait Barthes, n'est jamais qu'un "monsieur" ) ? Tout le monde est amoureux, un seul écrit Tristan. Sauf à considérer que les amours des grands artistes sont "supérieures" aux autres, ce qui peut mener, en toute innocence, à un fascisme esthétique, du moins à un culte de la personnalité qui n'a rien à voir avec le musical.

"C'est blazman legacy ici" (Apocryphe) / Live music / Soundcloud
13

Citation : Tous les hommes qui souffrent ne sont pas des artistes.



...mais un grand nombre d'artistes sont des gens qui ont souffert (Morrisson, Hendrix, Janis Joplin, Kurt Cobain, Axl Rose, M Manson et un paquet d'autres..), c'est dans ce sens là qu'il faut regarder. beaucoup de grandes oeuvres, ou de chefs d'oeuvres n'auraient jamais été sans la souffrance de leur créateur...

Pour ma part, je ne suis pas du tout amateur de musique "légère" ou "gaie" car je trouve ça plat et fade, superficiel; j'ai besoin de trouver une part de noirceur, de souffrance dans la musique pour qu'elle me parle. Ayant moi même pas mal souffert à une période de ma vie, c'est aussi à cette période que j'étais le plus productif sur le plan musical; mes morceaux étaient simplissimes, mais chargés émotionnellement (c'est toujours un aspect qu'il me tient à coeur de mettre dans mes compos.. en même temps, quand on est limité techniquement, on joue sur ses points forts, on fait ce qu'on peut quoi...). Hors depuis que ma vie s'est stabilisée, équilibrée, que je ne ressens plus d'émotions aussi intenses que la souffrance (comme disais morrisson, c'est aussi pour ma part face à la souffrance que je me sens quasiment le plus en vie), j'ai plus de mal à créer, ça ne sort plus aussi spontanément, ou du moins, pas autant qu'avant. c'est quand il m'arrive des chocs émotionnels, ou des phases de déprime que la musique me sert de thérapie en quelque sorte; à ces moments là, la création devient un besoin, je n'ai même plus à réflechir, ça sort tout seul... Donc, pour ma part, la réponse est 100fois oui, du moins pour créer quelque chose de profond (c'est purement subjectif, mais c'est comme cela que je ressens les choses à ce niveau, la souffrance est pour moi un moteur à la création.

et par rapport à la citation de Lebat, la musique engendre certes des sentiments, mais elle nait aussi des sentiments, aspect à ne pas perdre de vue... et le plus talentueux des compositeurs, s'il crée seukement sous l'emprise de son savoir et qu'il laisse ses émotions et sentiments de côté ne produira jamais qu'une oeuvre fade, uniquement pourvue de technicité musicale... aucun intérêt à mes yeux.

Citation : out le monde est amoureux, un seul écrit Tristan. Sauf à considérer que les amours des grands artistes sont "supérieures" aux autres, ce qui peut mener, en toute innocence, à un fascisme esthétique, du moins à un culte de la personnalité qui n'a rien à voir avec le musical.



ce n'est parceque tout le monde vit apparement les même sentiments que chacun peut les exprimer ou les traduire en autre chose, la création. Après, tout est question de sensibilité, mais certains, et ça n'a rien de fascho de le dire, en sont totalement dépourvus.
14

Citation : ...mais un grand nombre d'artistes sont des gens qui ont souffert (Morrisson, Hendrix, et un paquet d'autres..), c'est dans ce sens là qu'il faut regarder.


Oui, et en même temps, beaucoup d'autres ont eu une vie tranquille et heureuse.
Et la plupart des gens, à un moment ou à un autre de leur vie, souffrent. Ils ne sont pas pour autant des artistes.

Citation :
Pour ma part, je ne suis pas du tout amateur de musique "légère" ou "gaie" car je trouve ça plat et fade, superficiel; j'ai besoin de trouver une part de noirceur, de souffrance dans la musique pour qu'elle me parle.


Je dirais même plus, avec Adorno, que la musique légère nie l'impossibilité de réconciliation promise par les Lumières. D'ailleurs, je "souffre" du même symptôme que toi : d'une manière générale, je fuis la musique majeure comme la peste. Je remplacerai volontiers, dans la seconde partie de la citation, "noirceur/souffrance" par "expressivité". Cela arrive parfois dans une musique majeure.

Citation : la souffrance est pour moi un moteur à la création.


Elle peut l'être, mais je persiste à penser que toutes les musiques qui nous font ressentir la souffrance ne proviennent pas forcément d'un état d'esprit qui coïncide avec le sentiment musical. Je veux dire par là que l'on peut très bien écrire des choses tristes tout en étant parfaitement heureux au moment où on les écrit.

Puisque tu édites, j'édite : tu as tout à fait raison à propos de la citation. :bravo:
"C'est blazman legacy ici" (Apocryphe) / Live music / Soundcloud
15
"Passer par la souffrance ?"...

Sans doûte.
Les meilleurs artistes (je veux dire : profonds, profondément artistes) que j'ai connus avaient ceci en commun d'avoir connu des épisodes bien douloureux dans leur vie.
Ce n'est pas pour autant du reste qu'ils sont tous "tristes" dans la vie de tous les jours. Mais comment parler des derniers espoirs humains si on ne les a pas soi-même connus ?


"S'en servir pour créer ?"...

J'ai remarqué pour ma seule part qu'après des périodes humainement difficiles, le travail se remettait en oeuvre presque automatiquement.
Aux durs instants succèdent obligatoirement des moments riches en création. Peut-être même que les meilleurs essais, ceux qui retiennent davantage l'oreille du public, prennent naissance dans ce creuset qui nous fait nous connaître mieux encore, et mieux rebondir.


Il semble inévitable à quiconque de ne pas connaître la souffrance dans sa vie. S'il a le bonheur (mais en est-ce un ?) d'être un créatif -je n'aime pas trop "créateur"-, il ne peut, comme sur toute expérience heureuse du reste, que s'en servir en recrachant le tout sur son support de prédilection. Sa toile, son papier ou son disque...
16
Je suis d'accord sur la plupart de ce que tu écris Lebat, sauf ça :

Citation : Oui, et en même temps, beaucoup d'autres ont eu une vie tranquille et heureuse.
Et la plupart des gens, à un moment ou à un autre de leur vie, souffrent. Ils ne sont pas pour autant des artistes.



tu ne m'a peut être pas bien lu. être artiste implique une pratique artistique, ce que la plupart des gens n'ont pas. tu prends donc le problème à l'envers. il faut se demander: sur tant d'artistes, combien ont traversé ou connu la souffrance? et je maintiens que les oeuvres considérées comme avant gardiste à un moment étaient l'oeuvre de gens considérés comlme déviants ou marginaux, alors qu'ils exprimaient tout simplement leurs souffrances. Et je ne pense pas que les oeuvres majeures (bon certes, c'est une histoire de goûts) proviennent de ceux qui ont eu une vie paisible... pouvoir exprimer une émotion implique de l'avoir vécue.. et puis, tu te contredis dans la même phrase, puisque tu dis que beaucoup d'artistes ont eu une vie tranquille, et juste en dessous tu prétends que tous les hommes souffrent ou ont souffert... :?!:

+1 avec Toilb :bravo:
17

Citation : il faut se demander: sur tant d'artistes, combien ont traversé ou connu la souffrance?


Oui, tu as raison sur ce point.

Citation : et je maintiens que les oeuvres considérées comme avant gardiste à un moment étaient l'oeuvre de gens considérés comlme déviants ou marginaux, alors qu'ils exprimaient tout simplement leurs souffrances.


Mais pas sur celui-là. Quel est le lien entre avant-gardisme, ou modernité, et souffrance ?

Citation : et puis, tu te contredis dans la même phrase, puisque tu dis que beaucoup d'artistes ont eu une vie tranquille, et juste en dessous tu prétends que tous les hommes souffrent ou ont souffert...


Tu sais comme moi qu'il y a des degrés de souffrance. Perdre un proche arrive à tout le monde, mais certains en sont beaucoup plus affectés.

En fait, je ne suis simplement pas d'accord avec l'idée, qui plane sur ce topic de manière latente, qui consiste à vouloir soutenir que plus on a souffert, meilleure est la musique.

Il y a aussi le problèmes des courants musicaux intrinsèquement "souffreteux". Tous les musiciens goths sont-ils expressifs ?
"C'est blazman legacy ici" (Apocryphe) / Live music / Soundcloud
18
Heureusement qu'il existe des artistes heureux. Heureux ne veut pas dire pour autant "aveuglé par le bonheur". Un artiste lucide est un artiste heureux. Cette lucidité peut d'ailleurs conduire à réaliser des oeuvres sombres. De Musset a écrit "les plus désespérés sont les chants les plus beaux". Je n'entends pas par sont discours que les artistes les plus désespérés écrivent les chants les plus beaux. Ferré écrivait, de son côté, que "le désespoir est une forme supérieure de la critique". Là encore, je n'entends pas que le désespoir est nécessaire mais qu'il est une forme (supérieure ?) de la critique.

Comme tout être humain, je connais la douleur. Je suis même passé par des périodes d'intense souffrance et je peux ici affirmer que la souffrance, quand on la vit, paralyse, empêche de penser, rend faible, craintif, soumis, vulnérable... La lucidité n'est pas l'expérience de la souffrance, c'est son dépassement. Et, pour dépasser, on est bien d'accord, il faut d'abord "passer par". Quand vous vivez une souffrance, vous êtes incapables d'en parler sans vous poser en victimes. Du coup, votre chant ou votre discours fait chier, ennuie, est intolérable au mieux. Si vous n'avez pas vécu la souffrance, vous n'êtes pas crédibles et donc ridicules. Mais qd vous avez traversé la souffrance, vous en parler normalement, avec lucidité et vous savez trouver les mots qui vont droit au coeur. Vous êtes non seulement crédibles mais vous êtes également capables d'apaiser parce que vous êtes l'exemple du dépassement. Vous êtes celui qui rend la souffrance "supportable". Pour le coup, votre chant désespéré devient beau. Il devient beau parce que, non seulement il fait écho dans la souffrance de l'autre mais aussi dans son espoir de dépasser cette souffrance.

Alors, pour revenir au sujet, en gros, je dirais que la souffrance est le passage obligé de tout être humain ; le dépassement de celle-ci est le passage obligé du philosophe. Quant au travail de l'artiste, c'est celui du passage obligé du philosophe, les mots en moins peut-être mais l'esthétique en plus.
19
Marry me.
"C'est blazman legacy ici" (Apocryphe) / Live music / Soundcloud
20

Citation : D'ailleurs, je "souffre" du même symptôme que toi : d'une manière générale, je fuis la musique majeure comme la peste. Je remplacerai volontiers, dans la seconde partie de la citation, "noirceur/souffrance" par "expressivité". Cela arrive parfois dans une musique majeure.


Citation : Pour ma part, je ne suis pas du tout amateur de musique "légère" ou "gaie" car je trouve ça plat et fade, superficiel; j'ai besoin de trouver une part de noirceur, de souffrance dans la musique pour qu'elle me parle.


Je me demande si vous allez pas un peu trop loin en dénigrant la musique gaie, majeure, exprimant une énergie positive de la sorte.
Quand je vous lis, je vous trouve aussi fermés que des ados de 15 ans, sans rire. Je vous rejoins sur une grande partie de votre discours, mais j'ai beau prendre avec des pincettes ce que je cite au dessus, bah j'me dis que vous êtes pas très "lucide" dans cette affirmation.

Affirmer que la noirceur est signe d'expressivité, et donc sous-entendre que la "lumière" est fade dans la musique, affirmer que la musique positive est "légère", pour moi c'est une belle grosse connerie. Pour reprendre vos termes, la légèreté et le manque d'expressivité se retrouvent dans pleins de musiques tristes, mélancoliques, noires, torturées... car c'est mal fait, point barre. On peut aisément supposer, trouver des exemples, qui montrent le contraire, une musique en accords majeurs expressive et très lourde de sentiments, de force etc..., car c'est bien fait, point barre.