Quand l'homme qui a inventé la MPC collabore avec l'un des leaders de l'interface audio pour faire un produit orienté Guitare, on peut s'attendre à quelque chose d'assez original et détonnant. Une boîte de Pandore ? Mieux : une Black Box.
A la fois modéliseur d’amplis guitare, générateur d’effets de modulation originaux, carte son et boîte à rythme, la Black Box est en effet un produit assez atypique : une sorte de croisement entre une interface audio USB et une Adrenalinn.
Et j’ai crié, criééé -é, Adrenalinn, pour qu’elle revienne !
Mais vous savez qui est Roger Linn, n’est-ce pas ? Comment, vous ne savez pas ? L’ami Roger est un guitariste et électronicien auquel on doit deux coups de génie : la Linn Drum d’abord, qui n’est autre que toute la première boîte à rythmes à sons échantillonnés, et la MPC d’AKAI qu’on ne présente plus (on parle même d’une voiture à venir qui aurait pour nom la Linn Renault ;) ). Excusez du peu ! Ayant quelque peu disparu de la circulation, notre homme a refait surface il y a quelques temps avec un produit atypique, j’ai nommé l’Adrenalinn, dont la version II enchante nos oreilles depuis peu.
L’Adrenalinn II combine une partie modélisation d’amplis guitare (24 modèles), une section d’effets à modulation et de delay synchronisés au tempo, et enfin une section rythmique pour s’accompagner. Or, pour revenir à ce qui nous occupe, disons que la Black Box est grosso modo une mini Adrenalinn II (12 modèles d’ampli au lieu de 24, moins de possibilités de contrôle) couplée à une carte son USB.
Plumage
La Black Box se présente sous la forme d’un boîtier anthracite garni de 10 boutons et de 8 potentiomètres, entourant un grand écran à cristaux liques à fond bleu du plus bel effet. Elle est de la taille d’un modéliseur d’amplis classique (en forme de haricot rouge par exemple). En terme de connectique, on trouve une prise casque en Jack 6,35 en face avant accompagné d’une entrée guitare en Jack 6,35 également, pour y connecter votre flutiau si celui-ci est bien sûr équipé d’une sortie jack, type de flutiau qui se raréfie ;)Derrière l’engin se trouvent trois connecteurs Jack pour les aspects « contrôle » de l’engin : on peut y connecter une pédale d’expression et deux commutateurs dont le rôle est paramétrable (changement de presets, de programme de batterie, etc.).
Une sortie coaxiale S/PDIF et deux sorties jack (la Black Box est bien sûr stéréo) permettent de se raccorder à une carte son, une console… Via une entrée XLR, on peut enfin connecter un micro, ce qui est une très bonne idée. Enfin, un connecteur USB, associé au câble gracieusement fourni, autorise l’accouplement de la Black Box avec votre ordinateur favori, sous Windows XP SP1 pour les PC ou OS X 10.3.7 pour les Macintosh.
A ce sujet, le minimum requis sur PC est un Pentium III 500 avec 128 Mo de Ram : essayez de faire tourner Windows XP SP 2 là dessus, juste pour voir ! Pour les Mac, 512 Mo de Ram et un processeur G3/G4 500 Mhz sont de rigueur. Notez que la Black Box s’alimente obligatoirement via le bloc fourni car la prise USB ne fournit pas assez de courant : la gourmande réclame en effet pas de moins de 1000 mA.
Structure sonore
Il n’est pas nécessaire de connecter la Black Box à son ordinateur pour l’utiliser. En effet, celle-ci peut fonctionner seule, comme un multi-effet standard. Le potentiomètre en bas sur la droite de l’écran permette de régler le niveau de l’entrée guitare (avec une diode clip quand cela sature). Un autre, en haut à droite, a la même fonction pour l’entrée micro. Les deux potards restant, toujours à la droite de l’écran, permettent pour l’un de régler le mixage entre le playback et le signal « sec » quand on est connecté sur un ordinateur, et pour l’autre de définir le volume général.
Le signal de la guitare passe par un simulateur d’ampli, puis un effet de delay puis une modulation. Ajoutez-y un noise gate et c’est tout ! Pas de réverb, ni de compresseur : c’est un peu décevant au premier abord. Les boutons sur la gauche permettent d’accéder aux réglages d’ampli, de modulation, de delay et de choisir la pattern de batterie qui vous accompagnera. Pour chacun des « étages » sonores, les 4 potentiomètres en bas de l’écran s’occupent de différents paramètres.
|
Commençons par la partie modélisation d’ampli : on peut régler le type d’ampli, le taux de gain, les basses et les aigus (dommage de ne pas disposer de réglages pour les médiums sur les modèles les plus récents).
Pour le delay, on peut régler le temps entre les répétitions, le nombre de répétition (feedback) et le taux de delay. Notez qu’on peut aussi envoyer la batterie dans le delay, même si les effets obtenus ne seront pas toujours très heureux…
Le temps entre les répétitions s’exprime en unités musicales (croche, croche pointée, etc.) plutôt qu’en milliseconde, philosophie que l’on retrouve pour les effets à modulation car ceux-ci sont aussi synchronisés au tempo.
Puisqu’on en parle, la partie Modulation peut être paramétrée de diverse manière : on peut régler la vitesse et le taux de l’effet et surtout choisir sont type parmi un nombre assez faramineux : chorus, flanger, filtres aléatoires ou non, 6 d’arpégiateurs, talkbox, wah automatique ou non…
Certains de ces effets peuvent évoluer dans le temps en fonction d’un contrôleur MIDI précis (la vélocité dans la plupart des cas) : on peut ainsi faire progresser le taux de filtre ou de flanger en fonction d’une vélocité entrante (et donc facilement programmable dans tout séquenceur moderne). N’oublions pas, de surcroît, qu’il est aussi possible d’utiliser une pédale d’expression pour contrôler tout ça…
Ramage
Je sors donc la Black Box de la boîte, j’y branche ma fidèle SG Reissue 61, un casque, je l’allume, et hop ! Elle est immédiatement opérationnelle : en appuyant sur un bouton, on change de presets, sur un autre on passe tout de suite en mode édition et on change les paramètres, le bouton start/stop démarre la batterie, le bouton Tap Tempo permet un réglagle « à la volée » du tempo… C’est globalement intuitif et ludique et on passe un bon moment à parcourir les presets.
On regrettera cependant que la version détaillée du manuel fourni sur CD-ROM ou téléchargeable sur www.m-audio.com soit en Anglais, même si le guide de démarrage, disponible pour sa part en Français, est heureusement assez complet. Les presets sont étonnamment bien choisis car on ne trouve pas que des sons gorgés d’effets cache-misère. Au contraire, il y a un relatif équilibre entre sons d’amplis « secs » et sons plus démonstratifs.
Au sujet des amplis, justement, on trouve tous les classiques du plus clair au plus saturé : Vox AC-30, Fender Bassman, Twin et Deluxe, Marshall JTM45, Plexi, JCM 2000, Mesa Maverick, Hiwatt, Soldano, Mesa Dual Rectifier et Bogner Überschall.
Si tous ces modèles ne m’ont pas fasciné à la première écoute, c’est à la deuxième que je les ai vraiment appréciés : ils respectent bien les personnalités des différentes guitares et répondent bien aux nuances du jeu.
|
Comme d’habitude avec les modéliseurs d’amplis, on trouve une espèce de grain de son commun à tous les modèles mais ils font très bien illusion dans un mix et les crunchs sont réussis. Je pense qu’ils se comparent assez favorablement au POD, même si ce dernier est plus fourni en modèles et en effets « standards », surtout dans sa version XT.
Mais au-delà de cette simulation d’amplis, la grande force et la grande originalité de la Black Box résident dans les effets à modulation. Les classiques Flanger ou Chorus sonnent amples et les effets synchronisés au tempo sont assez originaux et malléables (tremolo, filtres…).Mention spéciale pour l’arpégiateur, ou comment jouer une note et en obtenir quatre.
La liste des effets de modulation est longue et tous ne sont pas très faciles à décrire ! Couplés au delay, ils génèrent de formidables ambiances, le plus dur étant peut-être de les utiliser « musicalement », de les insérer dans un contexte.
Pour finir, parlons un peu des presets de batterie. Ils sont au nombre de 99 et ne sont pas modifiables, ce qui les rend, à mon humble avis, plus anecdotiques qu’autre chose. Ils peuvent toutefois s’avérer très utiles pour pratiquer l’instrument avec quelque chose de plus agréable qu’un bête métronome. Les styles couverts sont assez larges quoique résolument « modernes » et plutôt orientés métal, pop, rock, rap, etc.
Guitardinateur
Le tour du propriétaire n’est pas terminé car la Black Box a plus d’une corde à son arc. Multi-effet, elle est aussi carte son, comme en atteste la présence d’une prise USB au dos de la bête. Chose intéressante, il est tout à fait possible de brancher l’appareil sur un ordinateur sans avoir à installer de pilote. La Black Box fonctionnera alors comme une carte son basique, envoyant le signal de guitare vers un pilote Direct-X générique.La chose a toutefois ses limites : pour profiter de l’ASIO, de l’entrée micro, de fonctions de monitoring avancées et de la synchro entre séquenceur et effets, des drivers sont nécessaires. Ce mode « sans pilote » paraît donc surtout utile pour dépanner, et pour exploiter au plus vite la Black Box sur une configuration qui n’est pas la vôtre sans avoir à la poluer (intéressant pour les musiciens nomades qui squattent des configs au passage). Une fois les pilotes installés en tous cas, j’ai pu observer une latence d’environ 7ms sous Cubase SX3, ce qui est tout à fait raisonnable.
Notez que la Black Box est fourni avec l’excellent séquenceur Live en version 4 Lite GT (on dirait un nom de voiture). Le pilote ASIO de la Black Box présente 4 entrées à votre séquenceur favori : une entrée stéréo pour le général de la Black Box, batterie et effets compris, une entrée guitare « sèche » (sans effet ni modélisation) et enfin une entrée micro (rappelez-vous, le XLR en face arrière). Ces 4 entrées sont utilisables simultanément, il est donc possible d’enregistrer une partie de guitare et de chant en même temps. Bien vu, même s’il ne faut pas perdre de vue qu’on ne dispose que d’une seule section d’effet, assignable à la voix OU à la gratte. Ne comptez pas mettre une disto sur le guitare et un delay sur la voix…
Comment font-ils passer tout cela via une maigrichonne connexion USB 1, me direz-vous ? Et bien, quand vous saurez que la fréquence d’échantillonnage de la Black Box est bloquée à 44,1 kHz, vous aurez un début de réponse. Je ne sais pas quelle est la résolution audio mais je la soupçonne le bébé de M-Audio de travailler en 16 bits. Ce point ne m’a cependant pas gêné outre mesure et j’ai trouvé la qualité audio générale excellente, y compris pour l’entrée micro qui s’avère très correcte, même si évidemment, il ne faut pas en attendre les qualité d’une tranche de console à 67000 €. Une astuce pour les utilisateurs de Cubase SX : j’ai dû aller dans VST connexions (pressez F4) pour faire apparaître les entrées Guitare et Micro complémentant l’entrée stéréo.
On dispose bien sûr d’une possibilité de synchronisation du séquenceur vers la Black Box. Il s’agit d’envoyer une horloge MIDI vers l’interface MIDI « virtuelle » de l’engin pour que ce dernier se synchronise au tempo de votre séquenceur favori, boîte à rythme et effets guitare compris !
Pour finir sur la partie interface sonore, citons le petit tableau de bord installé avec les drivers qui permet de sauvegarder des presets sur son ordinateur. Il offre aussi la possibilité de choisir la source sonore pour les effets (guitare ou micro, il faudra choisir), de régler la latence et de vérifier la présence de nouveaux pilotes : simple et efficace, dans le plus pur esprit de ce que M-Audio propose habituellement avec ses interfaces audio.
Conclusion
La Black Box est un produit relativement atypique car elle ne prend tout son sens que lorsque’elle est connectée à un ordinateur.
On peut bien sûr l’utiliser de façon autonome comme simulateur d’ampli, même si dans ce contexte il manque deux ou trois petites choses pour le Live, comme un véritable pédalier de contrôle (ou tout simplement une entrée MIDI pour connecter ce dernier).
On peut certes s’en sortir avec les deux entrées pour pédale de commutation et l’entrée pour pédale d’expression, mais on sera limité à contrôler deux paramètres : cela suffira à incrémenter ou décrémenter le numéro du preset, mais pour des tâches plus complexes en revanche…
Relativisons tout de même ce point négatif, qui est quasiment le seul gros défaut qu’on puisse trouver à cette boîte noire. En définitive, le manque de réverb et de compression sont en effet moins gênants que ce que j’aurais pu penser. Et pour le reste, la modélisation est d’un excellent niveau, les effets de modulation sont extraordinaires et le delay ouvre des horizons créatifs relativement sympathiques.
Si la présence de patterns de batterie est un plus qui ne servira qu’à jammer ou à répéter, la partie carte son est quant à elle solide : on n’en attendait d’ailleurs pas moins de M-Audio. La Black Box est donc moins le remplaçant d’un ampli et de pédales que le compagnon informatique de luxe du guitariste moderne. Quoiqu’à 349 € TTC la boîte noire, il soit question ici d’un luxe des plus démocratiques…