Attaquons-nous à présent à un sujet brûlant qui doit en turlupiner plus d'un : la question du choix du micro lorsqu'il s'agit d'enregistrer de la voix. Tout d'abord, je vous propose aujourd'hui de tordre le coup à une idée reçue particulièrement tenace qui pollue l'esprit de beaucoup de chanteurs et d'ingénieurs du son à leurs débuts, à commencer par un certain petit Nantho au milieu des années 90…
One Mike to rule them all…
Comme je vous l’ai déjà raconté, mon aventure musicale a commencé par le chant. À cette époque, je souhaitais absolument trouver « Ze Micro », celui qui pourrait parfaitement correspondre à ma voix pour la scène comme en studio… En me penchant sur cette question, je me suis rapidement rendu compte d’une première chose : les exigences du live sont tellement différentes de celles de l’enregistrement en studio que trouver un micro en parfaite adéquation avec ma voix et ces deux mondes était tout bonnement impossible. Soit.
Je me suis donc lancé dans deux quêtes séparées et j’ai d’ailleurs très vite trouvé mon bonheur pour la partie scénique, mais ceci est une autre histoire qui n’a pas sa place ici. En revanche, j’ai buté pendant longtemps sur la question de la captation de ma voix en studio… Lors de mes très nombreux essais, je tombais toujours sur des micros qui faisaient des merveilles pour telle ou telle chose mais pas pour d’autres ; aucun ne me faisait me dire « ça y est, c’est celui-là et pas un autre », et ce, même en étant prêt à y mettre « le prix » comme on dit. Pourtant croyez-moi, je faisais énormément de recherches en amont sur le sujet avant chaque essai : des heures et des heures à demander conseil à droite à gauche, à essayer de trouver quel micro était utilisé par quel chanteur mondialement reconnu, ce qui n’était pas aussi simple que ça car, en ce temps-là, internet était à peine l’embryon de l’ogre qu’il est devenu aujourd’hui. Rendez-vous compte, Audiofanzine n’était même pas encore né ! Mais revenons à nos moutons : Jeff Buckley a enregistré avec un Neumann U 87, Prince avec un AKG C 12 et un Sennheiser MD 441, Michael Jackson avec un Neumann U 47 et un Shure SM7, etc. Et pour moi, aucun des micros susnommés n’était suffisant !? Mon bel organe serait-il à ce point exceptionnel ? Bien sûr que non. Mais alors, pourquoi m’était-il aussi difficile de trouver « chaussure à mon pied » ? La réponse m’est apparue claire comme de l’eau de roche lorsque j’ai commencé à « faire du son » pour les autres…
L’apprenti sorcier du son que j’étais à mes débuts avait bien entendu des moyens financiers très limités. Or, comme je souhaitais pouvoir faire face à la plus grande variété de situations possibles, j’ai pris soin de diversifier au maximum mon parc micro de départ : un statique à large membrane de milieu de gamme Shure KSM32, une paire de statiques à petite membrane avec plusieurs directivités d’entrée de gamme Oktava MC-012 et une ribambelle de dynamiques plus ou moins « communs » (Shure sm57 & 58, Sennheiser e609, AKG D112, etc.). Ainsi armé, j’ai commencé à enregistrer de petites formations locales dans mon home studio ou dans divers locaux qu’on voulait bien me prêter pour telle ou telle occasion. Lors des prises de chant, je me suis aperçu à la longue que l’option qui me semblait la plus logique au départ, à savoir mon statique à large membrane KSM32, cette option donc n’était pas forcément la plus judicieuse à tous les coups, loin de là… Cela dépendait bien entendu de la voix de l’interprète, mais pas que ! Le lieu de captation avait son influence, le style de chant sur tel ou tel morceau itou, sans parler de l’orientation sonore que je souhaitais donner au rendu final. Bref, la « terrible » vérité que je ne voulais pas voir lorsqu’il s’agissait de ma petite personne me sautait aux yeux, et surtout aux oreilles, face aux autres : le micro parfait de prise de voix studio pour un chanteur en particulier n’existe pas, et ce, qu’importe la taille du portefeuille…
Mine de rien après coup, je me rends compte à quel point j’ai été aveugle car le résultat de mes innombrables recherches décrites plus haut aurait dû me mettre sur « la voix ». En effet, Prince, Michael Jackson ou Jeff Buckley n’ont jamais été enregistrés avec un seul et même micro tout au long de leur carrière ! C’était toujours tel micro sur telle chanson dans telle situation et dans le but d’obtenir tel résultat précisément. Mais que voulez-vous, c’est somme toute humain de vouloir croire mordicus en l’existence de « recettes magiques » en début de parcours… Cependant, l’expérience nous ramène bien souvent très vite à la réalité qui se résume à de la réflexion et beaucoup de sueur. Et c’est vraiment un bonne chose finalement car cela rend quelque part les choses accessibles à tous à partir du moment où l’on accepte de fournir le travail nécessaire.
Sur ces bonnes paroles, je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour un épisode qui abordera concrètement les enseignements que nous pouvons tirer de toute cette histoire !