Vingt-deux épisodes consacrés à l'enregistrement de la voix depuis le 16 juillet dernier et toujours pas l'ombre d'un conseil "technico-technique" sur le choix ou le placement du moindre micro… À première vue, votre humble serviteur semble sérieusement vous balader ! Et pourtant…
Point Break
Certes, je prends mon temps. D’ailleurs, l’article de cette semaine n’est qu’une preuve de plus de cet état de fait. Sachez cependant que je ne trainaille pas dans le simple but de prolonger inutilement un pseudo-suspens. En effet, l’ensemble des points que nous avons traités ces derniers mois constitue le préalable essentiel à toute bonne captation sonore, qu’il s’agisse de voix ou de n’importe quel autre instrument du reste. C’est en somme le développement de la fameuse idée principale que j’appelle « règle d’or N°1 » et dont je vous parle si souvent : il convient avant toute chose de travailler le son à la source !
Mais pourquoi diable ai-je donc choisi de développer ce point capital seulement à ce stade du guide ? Eh bien, pour plusieurs raisons en vérité. Tout d’abord, il se trouve que la prise de voix est le domaine où mon « expertise » est la plus étendue puisque je suis à la fois chanteur et technicien du son, d’où ma réflexion assez poussée sur le sujet. De plus, je vous rappelle que lorsqu’une musique comporte de la voix, cette dernière est bien souvent le « personnage principal » du titre pour de multiples raisons que nous avons déjà évoquées et dont il est donc inutile de rediscuter aujourd’hui. Enfin, il me semble qu’après plus de deux années à lire chaque semaine ce guide de l’enregistrement, vous êtes suffisamment avancés pour vous attaquer aux choses un peu plus en profondeur, bien au-delà de ce que le « Bien débuter » du système de classement interne à Audiofanzine ne laisse supposer. Or, explorer un domaine en profondeur signifie à mon sens bon nombre de choses.
Il y a en premier lieu une étude systématique et rigoureuse des lapalissades. De fait, ce n’est pas parce qu’une notion est d’une évidence aveuglante qu’il faut l’éluder d’un revers de manche. Au contraire, il convient de souligner son importance malgré son caractère flagrant de manière à bien ancrer l’idée dans son esprit et ne plus jamais passer à côté de ce qui se doit d’être un réflexe naturel. Par exemple, le sujet du dernier article peut paraître complètement « débile » tant les conseils prodigués relèvent du bon sens commun. Cependant, le jour où vous devrez vous farcir une séance d’édition audio interminable pour rattraper le coche à cause d’un moment d’inattention lors d’une session d’enregistrement, le tout pour un résultat pour le moins mitigé, la « débilité » de ce sujet vous paraitra beaucoup moins discutable, croyez-moi sur parole !
Aborder les choses en profondeur signifie également s’affranchir de l’idée mortifère qui consiste à croire que tout est toujours rattrapable. Bien sûr, la technologie actuelle permet d’accomplir des choses extraordinaires qui semblaient totalement impossibles il y a quelques années à peine. Par exemple, les algorithmes du type de Melodyne et consorts ont effectivement un côté magique et peuvent vous sauver la mise au besoin. Mais est-ce pour cela que vous ne devez pas accompagner le musicien afin qu’il fasse de son mieux lors de l’enregistrement ? Bien sûr que non. D’une part, aussi « magiques » soient-ils, l’utilisation de tels outils demande un certain niveau de compétence ainsi qu’un temps de travail supplémentaire considérable. D’autre part, le rendu final sera toujours moins bon qu’une bonne prise. Quelque part, ces beaux joujoux sont des branches auxquelles on se raccroche en cas de chute mais ce n’est pas pour cela qu’il faut se jeter dans le vide. Pour le dire autrement, ce n’est pas parce que vous avez une assurance incendie que vous pouvez vous permettre de partir de chez vous en laissant votre gazinière allumée, n’est-ce pas ? Ainsi, l’une des notions que j’ai essayé de vous transmettre lors de ces derniers mois se résume à aborder vos séances d’enregistrement comme un trapéziste aborde son numéro : vous disposez bien de filets de sécurité mais il convient d’envisager votre performance comme si tel n’était pas le cas.
Enfin, une étude de l’enregistrement en profondeur se doit d’envisager les moindres détails, et ce, malgré l’excuse contreproductive consistant à croire que seuls une poignée d’auditeurs avertis entendront une différence. Pour en revenir au domaine de la voix, il est par exemple très facile de se dire que si la prise est destinée à être passée au travers de traitements extrêmes comme une grosse distorsion qui tâche ou un vocodeur bien violent, il est inutile de se faire des cheveux quant à l’exactitude de la prononciation ou la justesse d’interprétation. Sauf que c’est justement tout le contraire ! Plus la voix doit être maltraitée au sein de votre production et plus il faut faire attention à ces détails. Pour qu’une ligne de chant survive à une saturation extrême, mieux vaut une intelligibilité irréprochable à la base. Dans le même ordre d’idée, pour obtenir une voix robotique monocorde au travers d’un vocodeur, essayez donc avec une prise réellement chantée et une autre déjà monocorde à la base, vous constaterez très vite que la seconde option est la meilleure.
Pour conclure cet épisode, je tiens à souligner qu’il est évidemment humain de croire en début de parcours à l’existence de recettes magiques à base de matériels hors de prix et autres ruses de sioux capables de délivrer la légendaire « patine pro » à nos productions maison. Sauf qu’ici, nous nous positionnons de l’autre côté du miroir. Nous ne sommes pas le spectateur émerveillé par le tour de passe-passe mais bel et bien le prestidigitateur lui-même qui sait pertinemment qu’il n’y a rien de sorcier là-dessous, juste du bon vieux travail à l’ancienne. Or, dans le domaine de la production phonographique, le bon travail commence à la source. Une bonne prise, c’est avant tout une bonne source, l’aspect matériel comme la technique de captation n’intervenant qu’après. Bien entendu, nous allons voir tout cela en détail dans les semaines qui viennent et ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, tout ça a une importance. Ceci étant, je persiste et signe : si seulement j’avais eu conscience du contenu des 22 épisodes précédents à mes débuts, j’aurais gagné un temps phénoménal et mes productions auraient été beaucoup plus abouties. Moralité, je vous invite à les relire attentivement avant d’aborder dès la semaine prochaine la suite de nos aventures !