Après une édition annulée et la suivante virtualisée pour cause de Covid, l'édition 2022 du Synthfest France a eu lieu en vrai cette année à Nantes, les 1-2-3 avril, entre la salle Onyx et le Lieu Unique. Une poignée d'irréductibles AFiens insensibles de la rotule y était...
Cette nouvelle édition du Synthfest en présentiel était l’occasion de voir ou revoir de vrais passionnés en chair et en os, qu’ils soient créateurs de synthés, amateurs éclairés venus bénévolement mettre à disposition leurs machines personnelles, artistes célèbres ou anonymes, acteurs divers du marché de ces curieux instruments à boutons et curseurs. Pour notre petite équipe réduite (notre rédac’ chef Red Led n’ayant toujours pas retrouvé le plein usage de sa rotule), ça a aussi été l’occasion de croiser des membres de notre belle communauté AFienne venus des quatre coins de l’hexagone, voire au-delà, pour échanger sur tel artiste, tel produit, telle méthode de synthèse, telle bonne blague Behringerienne ou telle indiscrétion sur des futures sorties. Bref, partager de bons moments autour de notre passion commune.
Beaucoup de synthés de tous les genres (petits ou gros, analogiques ou numériques, modulaires ou intégrés, récents ou vintage) étaient exposés pendant ces trois journées, nous avons donc choisi de ne parler que des nouveautés nouvelles ou quasi nouvelles, en tout cas écoutables pour la première fois dans un évènement public en France. Des news détaillant ces produits, leurs caractéristiques techniques et leurs dates de sortie supposées sont disponibles sur les fiches-produits dédiées.
L’Infini de Kodamo
L’Infini est le nouveau synthé numérique de Kodamo. Cette fois au format clavier (3 et 5 octaves), il utilise un principe d’algorithmes et une ergonomie ultra-fluide par écran multitouch, proches de l’EssenceFM, son prédécesseur. Mais en plus de la FM, il mélange cette fois différents blocs de synthèse, dont les formants (version améliorée des formants de voix du FS1R de Yamaha) et une nouvelle synthèse maison baptisée « Bitmask », qui permet de déformer les ondes en temps réel afin de produire un spectre étendu, s’apparentant tantôt à de la PWM, tantôt à du Wavefolding, tantôt à du Waveshaping. La panoplie sonore s’en trouve considérablement élargie, cela donne des textures numériques évolutives et mystérieuses. Rendez-vous est pris avec les concepteurs Stéphane et Masami pour un test sur AF, mais pas avant 2023 !
Le Pylobolus de Pylobolus
Le Pylobolus a été présenté en exclusivité au Synthfest. C’est un module numérique signé Lionel Gély (co-développeur du Kobol chez RSF vers la fin des 70's) qui embarque les DSP et la connectique pour fonctionner en autonomie. On le relie à un PC pour l’édition et la gestion des banques via un navigateur web. Il offre 3 moteurs simultanés indépendants de 8 voix hautement modulables, basés sur la synthèse soustractive, via des ondes courtes mélangeables par paire, passées dans deux filtres résonants routables (plus de détails dans la news AF). Un son précis, dynamique, riche ; une ergonomie très sympathique, permettant de tester rapidement de nombreux réglages et combinaisons. Disponible vers l’automne, un test sera fait dès que le moment sera venu !
The Pool de Baloran
L’imposant module The Pool de Baloran, que nous avions pu écouter en exclusivité, a fait ses débuts publics. Son concepteur, Laurent Lecatelier, est venu avec deux prototypes, ainsi qu’un The River et un Elka Synthex pour bien lester la voiture en cas de vent violent comme ils savent le faire à Nantes. The Pool offre une interface ultra confortable pour les amoureux de la synthèse. Finie donc la prise de tête pour assigner une source à une destination : il suffit d’appuyer sur le bouton situé sous le potentiomètre que l’on veut moduler, cela ouvre une fenêtre sur l’écran tactile indiquant toutes les sources disponibles ; les quantités de modulation sont alors directement réglables avec les encodeurs contextuels situés autour de l’écran. Quand une destination est modulée, le fameux bouton s’illumine en vert, ce qui permet de voir instantanément l’ensemble des destinations modulées quand on change de programme. La machine offre 8 voix de polyphonie combinables par paire (routage de filtres notamment), des générateurs sonores analogiques ou numériques, deux VCF multimodes résonnants (AS3320 et AS3350) et un séquenceur éditable avec des encodeurs ou via l’écran tactile (dessin à main levée). Le son est généreux, ample, envoûtant, addictif… Disponibilité prévue tout début 2023 après précommande, nous serons aux avant-postes pour en tester un !
Le SynthR4 de SynthR
Rémy Wasselin était venu avec les deux premiers exemplaires commerciaux de son SynthR4, un magnifique synthé analogique constitué de modules précablés avec matrice de modulation programmable. On peut mémoriser les routages de modulation, les potentiomètres étant quant à eux en prise directe (sans mémoire) pour les amateurs de performance live. Un son généreux et punchy comme on les aime, une super équipe de développement avec de grosses pointures du milieu de la synthèse, avec qui nous avons pu prendre le temps de discuter. Objet exceptionnel de lutherie électronique, le SynthR4 représente un travail artisanal minutieux de passionnés de beaux synthés et de beaux sons. L’un des exemplaires commandés étant censé passer près de chez nous d’ici l’automne, nous allons voir avec son futur heureux propriétaire comment mettre en place un test sur Audiofanzine.
Le K2700 de Kurzweil
Stéphane Garganigo de Barb & Co nous a présenté le K2700 de Kurzweil, premier exemplaire disponible en France, pour lequel il a développé une bonne partie de la banque sonore, en particulier les programmes et combinaisons synthétiques. Comme toujours, la puissance et la qualité exceptionnelles du moteur sonore modulaire nous ont impressionnés, ainsi que les talents de musicien et de programmateur de Stéphane. Stéphane nous a gentiment proposé de nous prêter son exemplaire personnel pour faire un test détaillé sur Audiofanzine, nous allons étudier comment mettre en œuvre cette fort sympathique proposition. Merci à lui !
L’Osmose d’ExpressiveE
Nous avons enfin pu mettre nos dix doigts et deux oreilles sur le modèle définitif de l’Osmose d’ExpressiveE. Par contre, impossible de filmer la machine avec du son, nous avons subi un « NEIN ! » très ferme du représentant de la marque. Seuls quelques Presets étaient programmés et il a bien fallu s’en contenter, car la machine n’était reliée à aucun dispositif d’édition pour plonger dans le fabuleux moteur à modélisation Eagan Matrix. Passée la déception de ces désagréables contraintes, nous avons tout de même pu apprécier le son de ce qui nous était proposé et la qualité mécanique du clavier multidimensionnel à 4 octaves (dont la taille des touches est proche de celle d’un piano) et le toucher à résistance progressive. Il permet de piloter le son en continu en fonction de la position verticale de la touche (bien plus souple qu’une simple vélocité qui mesure un temps de passage entre deux points) ; cela veut dire, par exemple, qu’on peut agir en continu sur la quantité de souffle dans un modèle d’instrument à vent. Une fois la touche enfoncée, on peut la relever puis rabaisser (et ainsi poursuivre le contrôle du son en continu), ou l’enfoncer à fond (aftertouch). Cela permet de déclencher une deuxième modulation progressive, toujours en polyphonie (par exemple des harmoniques supplémentaires dans notre modèle). Enfin, on peut « bender » latéralement la touche, ce qui crée une troisième modulation, par exemple du vibrato, toujours en polyphonie. Certains ont poussé un cri d’enthousiasme sans retenue, lançant un « enfin je peux bender ! ». Pour être précis, il ne s’agit donc pas de véritable 3D comme sur un Continuum mais de la 2D+, puisqu’il faut enfoncer une touche avant de pouvoir mettre de l’aftertouch ; ceci dit, l’Osmose est beaucoup plus facile à appréhender qu’un Continuum ou un Roli pour quelqu’un qui joue déjà du clavier. Les premiers modèles sont fabriqués mais la disponibilité pour ceux qui ont précommandé depuis deux ans n’est toujours pas très claire, nous avons cru entendre juin 2022. Quant à monter un test, espérons que ce soit plus simple que pour tourner une vidéo de la machine ce week-end !
L’Iridium Keyboard de Waldorf
L’Iridium Keyboard était également de la partie, nous avons pu passer un bon moment à triturer ses potentiomètres, glisser sur son écran tactile et apprécier son clavier à aftertouch polyphonique. Un très bel instrument, dont le design ultramoderne classieux et les différents éditeurs graphiques tranchaient avec certains vieux dinosaures en bois présents tout autour. Pour ceux qui aiment se plonger dans les eaux profondes de la synthèse, sans avoir peur de s’y noyer de temps en temps (en plus, c’est sans danger).
Les modules 2500 de Mos-Lab
Yves Usson (Yusynth) est venu bien chargé, avec un énorme modulaire bâti de ses mains expertes à partir des nouveaux modules 2500 de Mos-Lab. Annoncés disponibles pour cette année sur le site du fabricant, ces modules reprennent avec précision les caractéristiques du célèbre ARP2500, un synthé modulaire emblématique des années 70. Au programme, deux types de VCO, un générateur de bruit & de CV aléatoire, deux types de VCF (4 pôles mélangeables et multimodes), un VCA modulable en audio, un générateur Sample & Hold, un quadruple générateur d’enveloppe, un mixeur de séquences et un séquenceur CV, capables de reproduire fidèlement le gros son et emblématique et l’expérience utilisateur de l’original. Seules les matrices originelles, très délicates à reproduire et fragiles, ont été remplacées par des points de patch classiques au format jack 3,5 mm, placés de part et d’autre du module auxquels ils sont connectés.
La Bi-Phase de Behringer
Behringer s’était bien involontairement invité au Synthfest sur le stand de l’ami Nicolas Fraudet, alias Gouji. C’est d’autant plus drôle que pour une fois, le produit existe sans avoir été annoncé ! En effet, perdue au milieu de belles machines vintage et de pâté en croûte berrichon, une Bi-Phase signée Behringer (behrichonne donc), resucée moderne de la célèbre pédale éponyme à vactrol conçue par Mu-tron dans les 70's. Une vidéo promotionnelle avait été postée sur la page Facebook de Behringer il y a quelques semaines et retirée au bout de quelques minutes. Contactée par notre équipe, la marque n’avait pas souhaité nous en dire plus, alors que plusieurs dizaines d’exemplaires étaient écoulées via le compte Reverb d’un gros magasin en ligne hollandais (même pas sur leur site marchand officiel). Bref, on ne sait pas encore si et sous quelle forme cette pédale va réapparaitre un jour, toujours est-il que nous avons pu la voir et l’écouter. Le son est bien dans l’esprit de la Mu-tron, moelleux et résonant, mais nous n’avons pas pu les comparer côte à côte. La qualité de construction est très bonne, avec une coque en alu, des sélecteurs bien ancrés et des potentiomètres qui ne bougent pas trop (non vissés). Par contre, les capuchons sont assez laids et font bien cheap. Elle était vendue sous les 150 €, à comparer aux 3.000 € aujourd’hui parfois demandés pour une Mu-tron Bi-Phase bien rincée vieille de 50 ans ! Une chose est sûre, ne pas mettre 3.000 € dans une Mu-tron à moins de vouloir se goinfrer en la revendant 4.000 € dans un an à un pigeon prêt à se faire tirer !
L’affaire Loumavox
Nous avons aussi pu passer un bon moment avec l’un des instigateurs de l’aventure Loumavox, le fort sympathique Christian Lamalle, qui nous a raconté la genèse du projet et un tas d’anecdotes délicieuses lors de sa mise au point. Les vidéos de la fameuse affaire révélant le mystérieux synthé sont disponibles en ligne, d’abord l’enquête, ensuite les révélations. Que ceux qui ne connaissent pas encore n’hésitent pas à les visionner, nous n’en dirons volontairement pas plus. Merci Christian pour avoir encadré ce projet pédagogique avec des élèves ô combien espiègles, cette blague géniale et ton attachante sympathie, on se revoit vite, en bons voisins !
Merci et bravo !
Voilà, c’en est fini des grandes lignes du Synthfest 2022 côté scoops et nouveautés matos. Un grand bravo et un non moins grand merci à toute l’équipe organisatrice, qui a su une nouvelle fois se montrer professionnelle bien que bénévole pour délivrer une prestation sans faille, dans un cadre renouvelé idéal !