Citoyens, l’heure est grave. Depuis quelques mois, un dangereux groupuscule menace la stabilité de notre prospère cité. Cette poignée d’agitateurs entend remettre en cause la légitimité de notre bienfaiteur, le vénéré Zorg, et dénoncent un système aseptisé, transparent et sans âme. Nous ne pouvons laisser ces fanatiques remettre en cause l’action de Sa Majesté, et l’harmonie qui en découle. Tôt ce matin, le conseil a convoqué l’Oppressor, et la chargé d’une mission. Ils veulent du caractère ? Ils en auront !
Lorsqu’un tyran fait appel à un gars qu’on appelle l’Oppressor, on ne s’attend pas à croiser un rigolo. Il en va de même pour les pédales ! L’Oppressor est en effet un compresseur radical, souhaitant mettre fin à l’omniprésence des compresseurs pour guitares insipides et transparents. Pour cela, Gabriel, le créateur de la petite marque française Zorg Effect, a intégré un amplificateur à transistors JFET en complément d’un compresseur optique basée sur une photorésistance. Notre artisan promet ainsi une compression chaude et une légère saturation proche de celle générée par des lampes. Plutôt alléchant, non ?
Gary Oldman
L’Oppressor prend la forme d’un boîtier particulièrement petit de 11 × 5,8 × 3 cm. Le châssis en métal est très brut d’apparence, mais une plaque en bois gravé lui apporte un brin d’élégance. Trois potards rouges dédiés au volume, au gain, et à la compression apportent, eux, une touche de couleur. Le rendu esthétique final est assez déroutant, pas forcément joli, mais il y a une indéniable identité visuelle et on ressent le côté « artisanal » de la fabrication.
Outre les trois potards évoqués, trois sélecteurs sont disponibles. Les deux premiers proposent trois modes pour l’attaque (Attack) et le relâchement (Release) : Fast, Slow, et Medium. Quant au sélecteur Bad, il active un mode de gain plus élevé. Notons d’ailleurs que le ratio de l’Oppressor est un ratio fixe d’environ 6.
Deux LED entourent le footswitch d’activation. L’une indique si la pédale est allumée, et l’autre donne des indications sur le taux de compression en s’illuminant plus ou moins vivement. Enfin, la machine fonctionne avec une alimentation 9 V.
Zon !
Il est temps d’écouter l’Oppressor et de découvrir si l’effet fait réellement preuve d’originalité. Le concepteur de la pédale conseille de commencer par se familiariser avec le gain en plaçant le bouton de compression à zéro. C’est donc ce que nous avons fait dans un premier temps.
- 1 Bad à droite Comp à 0, Gain de 1:4 à full 02:18
- 2 Bad à gauche Comp à 0, Gain de 1:4 à full 02:38
Le gain apporte un vrai plus et réchauffe le son. En poussant le bouton, on obtient un très léger crunch tout aussi agréable. En allant encore plus loin, la saturation vire vers l’overdrive et présente alors des limites. C’est assez granuleux, un peu strident, bref, pas très harmonieux. Autre constat, lorsque le volume est poussé il génère un bruit de fond régulier. Il paraît clair qu’il faut privilégier le gain au volume.
En mode normal, le gain ajoute de la chaleur, mais avec la compression il n’est pas possible d’obtenir un léger crunch. Si l’on souhaite ajouter beaucoup de compression et tout de même garder le petit crunch de l’Oppressor, il faut alors passer en mode Bad. Tout cela est assez réussi, mais nous avons toutefois remarqué un souci récurrent avec le gain poussé vers le maximum lorsque la compression est très élevée : une saturation en bruit de fond enrobe le signal de la guitare de façon étrange, à la manière d’un artefact audio. Vous pouvez notamment l’entendre à la fin de l’extrait 3 et dans une bonne partie de l’extrait 4. Gain élevé et forte compression ne fond clairement pas bon ménage. Notons d’ailleurs que les réglages d’attaque et de relâchement ont un impact sur la distorsion. Mais écoutons tout d’abord l’interaction entre la compression et le gain.Les contrôles de la compression, du gain, et du volume interagissent d’ailleurs énormément. Naturellement, le gain augmente le volume, mais ces deux paramètres sont aussi soumis à l’effet de la compression. Ajouter de la compression baisse la saturation, et on profite alors de la belle réserve de gain sans obtenir cet overdrive trop prononcé et peu flatteur. En fonction des paramètres sélectionnés, la course d’un bouton ne sera donc pas exploitable de manière optimale sur toute sa longueur. Néanmoins, en prenant en compte toutes les possibilités de paramétrage, la réserve de gain s’avère utile.
- 3 Bad à droite Comp et Gain variable 02:38
- 4 Bad à gauche Comp et Gain variable 2 04:50
Intéressons-nous maintenant aux sélecteurs Attack et Release. Ce sont des réglages essentiels sur un compresseur. Pour faire simple, l’Attack modifie le temps de réaction du compresseur dès que le signal dépasse le seuil fixé. Le Release, ou relâchement modifie la durée durant laquelle le compresseur agit une fois le signal passé en dessous du seuil. Il est notamment utile pour accentuer l’effet de « pompe ».
Au premier coup d’oreille, ces réglages ne changent que très peu le son de l’Oppressor. Pourtant, la différence est nette lorsqu’on y prête une plus grande attention. Avec l’Attack en mode Slow, l’attaque des cordes est très franche, alors que le mode Fast offre un rendu plus naturel, avec un son un peu plus aplani. Le réglage Release est plus difficile à cerner. Même en y prêtant attention, il ne semble pas avoir une grande influence. En mode Fast, le volume augmente, mais l’effet du compresseur ne paraît pas très différent que lorsque l’on utilise le mode Slow. On entend peut-être un léger changement sur la durée d’une note tenue, mais c’est très subtil.
Le bilan est donc mitigé, mais il est appréciable d’avoir à faire à des sélecteurs trois positions et non pas des potards parfois difficile à régler. Bon nombre de compresseur règle d’ailleurs ces paramètres de manière automatique aujourd’hui.
- 5 Attack en mode Fast puis Slow (realease Slow) 00:24
- 6 Release en mode Fast 00:56
- 7 Release en mode Slow 00:52
Zartisanales
Le premier exemplaire d’Oppressor que nous avions reçu avait un défaut : un étrange problème de masse provoquait un fond sonore évoquant des craquements de vinyles, avec parfois des pics très désagréables. Il suffisait d’ailleurs de tapoter la pédale avec ses doigts pour entendre du bruit. Nous avons donc contacté Gabriel, l’homme derrière la marque, pour lui faire part de ce problème. Celui-ci s’est empressé de travailler sur sa machine, et a fini par cibler certains composants qu’il employait et qui ne supportent pas bien les transports. Un vrai dialogue s’est établi, et nous avons, d’une certaine manière, contribué à l’évolution de la pédale puisque nous avons reçu un nouvel exemplaire exempt de souci.
Les problèmes sont-ils récurrents avec la marque ? Il nous est impossible de le savoir, mais il faut avoir conscience qu’il s’agit d’une petite production artisanale avec ses avantages et ses inconvénients. Vous aurez dans tous les cas un lien direct avec le concepteur qui mettra tout en œuvre pour vous satisfaire. Ainsi, Gabriel n’hésite pas à rapatrier à ses frais une pédale nécessitant une intervention.
De plus, tous les Oppressor n’ont pas exactement la même réserve de gain. Cela est dû à la conception de la machine, et notamment aux différentes tolérances des composants (notamment le transistor JFET). Homogénéiser tous les exemplaires aurait un cout, et nécessiterait des composants moins typés à mille lieues du concept de compresseur avec du caractère. Zorg Effect assume parfaitement ce choix qui ne contentera peut-être pas tout le monde.
Enfin, un dernier élément est à prendre en compte. Toutes les pédales de la marque sont proposées dans des kits incluant l’ensemble des composants et un manuel de montage très complet évoquant même des mods pour personnaliser les pédales. Les tarifs sont évidemment beaucoup moins importants. Par exemple, l’Oppressor vendu 180 euros déjà monté est proposé en kit pour 80 euros. La mise à disposition des kits a d’ailleurs une conséquence : Gabriel conçoit ses designs en gardant à l’esprit que les machines doivent être faciles à monter. Il a donc exclu les composants montés en surface et les PCB double-face pour faciliter les soudures. Les cartes sont donc plus grosses, et l’intérieur des pédales moins joli.
Noisulcnoc
Acheter l’Oppressor, c’est adhérer à une philosophie, celle de Zorg Effect. Tout d’abord, pour tirer la quintessence de cette pédale, il faut suivre la volonté du créateur et procéder par étapes. Il faut commencer par régler le niveau de gain pour apporter la chaleur désirée, puis augmenter la compression, à nouveau régler le gain, et ainsi de suite jusqu’à trouver un son plaisant.
L’Oppressor doit être manié avec finesse, et s’épanouit réellement lorsqu’on maîtrise le bouton de gain et surtout son interaction avec la compression : il est alors possible d’obtenir un son clean très chaud ou un léger crunch réussi. C’est un compresseur qui a une âme, bien loin par exemple de l’aspect froid et transparent du TC Electronic Forcefield Compressor que nous avons récemment testé. De plus, le tarif de 180 € nous paraît en adéquation avec les prix du marché, en particulier pour une pédale fabriquée à la main en petite quantité. Les plus bidouilleurs pourront même opter pour un kit et économiser quelques sous tout en s’exerçant au DIY.
Mais il faut aussi avoir en tête que la nature artisanale du travail de Zorg Effect peut entraîner quelques aléas comme celui que nous avons vécu avec notre premier exemplaire. La question est donc de savoir si ce type de souci est récurrent ou non… Le concepteur de la pédale est en tout cas disponible et à l’écoute, et c’est assez rare pour être souligné. Bref, l’Oppressor est un effet très attachant, mais destiné à un public prêt à tâtonner avant de pouvoir pleinement profiter de son achat.
Noisulcnoc