Remontons le temps et revenons quelques décennies en arrière. Nous sommes en 1976, Sylvie Vartan est élue personnalité féminine préférée des français par L’Express, Jean Gabin vient de décéder et Audrey Tautou et Virginie Ledoyen viennent de naître. Du côté du Danemark, Kim Rishøj, un musicien passionné et à la recherche de l’effet de modulation parfait développe une pédale et créé par la même occasion la marque TC Electronic. Quarante-cinq ans et quelques produits incontournables plus tard, la marque danoise réédite cette première pédale, la SCF qui porte le suffixe « Gold » pour l’occasion.
Les modulations en Or
TC Electronic a parcouru un sacré bout de chemin depuis ces quarante-cinq dernières années et c’est précisément ce que la marque souhaite bien rappeler à tout le monde en rééditant sa première pédale, la SCF. Dans le même temps, elle en profite pour nous en mettre plein la vue et les oreilles avec une pédale dont la conception date certes de plusieurs décennies, mais qui trouve toujours sa place aux pieds des musiciens les plus exigeants. Kim Rishøj a conçu la SCF pour satisfaire un besoin personnel. Si toutes les pédales de modulation de l’époque étaient efficaces et produisaient des effets très convaincants, elles étaient également très bruyantes. Au moment de sortir la pédale, TC Electronic a d’ailleurs mis cet argument en avant avec le fameux slogan « The sound of silence » qui figurait sur toutes les affiches promotionnelles de la SCF. Avec cette nouvelle version Gold que la marque a eu la gentillesse de me faire parvenir juste à temps pour Noël, la marque danoise avait pour objectif de rester le plus proche du circuit original tout en modernisant la pédale de façon à la faire entrer en compétition avec les autres acteurs du marché. Les améliorations visant à l’inscrire dans notre époque sont assez minimes. Le circuit du pré-ampli a été amélioré afin de développer davantage de headroom, la réponse globale en basses fréquences a été revue et corrigée et la plage dynamique a été légèrement étendue. De plus, on peut désormais l’alimenter avec une alimentation standard ce qui rendra son installation sur un Pedalboard assez simple. À part ces quelques modifications, on retrouve les mêmes sonorités que celles développées par la SCF originale. TC Electronic est allé jusqu’à reproduire le châssis et le look de la pédale à l’identique. On retrouve donc le châssis noir avec impressions dorées, les fiches d’entrée, sortie et alimentation sur le dessus et les mêmes contrôles que sur la pédale de 1976. Ces contrôles sont les suivants :
- Speed : ajuste la vitesse de balayage entre 1 toutes les 10 secondes et 10 par seconde (0.1Hz – 10Hz)
- Intensity : en mode Chorus, il mélange le signal traité et le signal clair ; en mode Flanger il ajuste l’intensité du filtre en peigne appliqué au signal (comme le réglage Feedback d’un delay) ; en mode Pitch Modulator, il règle le mélange entre chorus et vibrato
- Width : permet d’ajuster la largeur de la modulation sur une plage relative de 0 à 6 pas de modulation
- Mode : sélecteur à trois positions qui permet de basculer entre Chorus, Flanger et Pitch Modulator
- Input Gain : réglage de gain du pré-ampli intégré
En plus de ces réglages, on trouve une LED « Overload » qui indique quand le signal dans la pédale est proche de la saturation et un témoin lumineux qui s’allume et clignote à la vitesse de balayage quand on enclenche la pédale. Sur le dessus se trouvent les embases jack, une pour l’entrée et deux pour la sortie dont une peut être utilisée comme sortie Mono et la fiche d’alimentation.
Chorus ? Flanger ? Picth Modulator ? Les trois mon Capitaine !
Le premier contact avec la SCF Gold est très satisfaisant. La pédale affiche un poids rassurant et une construction très robuste. Les potards exercent tous une ferme résistance ce qui permet des réglages très fins. Le potard Input Gain, très petit, en est même presque difficile à manipuler. Le format de la pédale est assez inhabituel mais en même temps assez pratique bien que pas très compact. Les fiches situées sur le dessus facilitent son installation sur un pédalier déjà bien rempli comme le mien. Son look est certes assez austère mais renvoie directement à une autre époque, c’est sympa. Une fois la pédale inspectée sous toutes les coutures, je la branche et commence à bidouiller les réglages. Les embases jack, la fiche d’alimentation et le foot switch inspirent eux aussi un sentiment de solidité et robustesse. Le foot switch ne « clique » pas ce qui est pratique notamment pendant des sessions d’enregistrement. Comme à mon habitude, je débute ce test en plaçant tous les réglages sur leur position médiane, sauf le réglage Input Gain que je laisse au minimum. Je commence par explorer les sons de Chorus en plaçant donc le switch Mode sur la position Chorus. Avec tous les réglages à midi, sur un son clair, on obtient un son de chorus très vintage, super chaleureux et enveloppant. Le son semble habillé d’un voile de modulation qui le rend tout de suite plus intéressant et excitant. Le circuit de la pédale est entièrement analogique et conçu autour d’un Bucket Brigade Device (BBD). La pédale est plutôt polyvalente dans le sens où, en mode Chorus, le potard Intensity permet de doser le mélange entre le son traité et le signal clair. Cela permet d’obtenir des chorus très légers et discrets ou au contraire, un effet beaucoup plus prononcé. Le réglage Width permet d’amplifier l’effet de modulation de manière très musicale, c’est très chouette. Enfin, les différentes vitesses offertes par le réglage Speed permettent aussi d’atteindre des textures sonores très variées. Après avoir été presque ébahi par les sons de Chorus, je triture le petit switch Mode pour le placer sur la position Flanger. Le son ne change pas de manière drastique, on a l’impression qu’il s’agit du même effet mais un peu plus affirmé. Il ne s’agit pas d’un flanger très prononcé mais plutôt d’un « super-chorus ». Il fonctionne cependant très bien et fournit des modulations amples et super musicales. J’en profite pour passer en son saturé à l’aide de ma Friedman BE-OD, dernière à avoir rejoint mon perdalboard. Même constat qu’en son clair. La SCF Gold semble habiller le son en lui ajoutant un relief assez excitant et qui manque dès qu’on la désactive. J’ai cependant trouvé le Flanger un peu moins convaincant que le Chorus sur un son saturé. Il reste quand même très agréable et beaucoup plus maîtrisable que la plupart des flangers que j’ai pu essayer. Je termine en plaçant le petit switch sur le mode P-M, Pitch Modulator. C’est l’effet le moins concluant des trois et le plus anecdotique. Il faut pousser les réglages dans leurs derniers retranchements pour obtenir un réel effet de modulation de hauteur de note et ce n’est pas très plaisant à mon goût. On peut bien entendu obtenir un effet de modulation avec les réglages autour de midi mais rien de très original et bien moins intéressant que le chorus proposé par la pédale.
Je termine ce test par le réglage Input Gain qui est selon moi le gros point fort de la SCF Gold. Le fabricant danois a placé ce réglage afin de contrôler le niveau d’entrée de la pédale. La première étape du circuit est un pré-ampli haute fidélité qui restitue l’intégralité du spectre de la guitare encore une fois avec une certaine musicalité. Le réglage du gain de ce pré-ampli permet d’ajuster parfaitement la résistance de sortie des micros de la guitare à l’entrée de la pédale afin de toujours attaquer le circuit à un niveau correct. J’ai pu tester l’efficacité de ce réglage avec d’un côté ma Fender Telecaster et ses micros simples bobinage très vintage et de l’autre ma Les Paul Custom et son kit EMG 81 et 85 et leur résistance de sortie assez élevée. Mais on peut aussi l’utiliser pour faire saturer l’étage d’entrée de façon à obtenir une légère saturation analogique très agréable. C’est dans cette utilisation que j’ai préféré ce réglage. Une saturation analogique obtenue en poussant le niveau d’entrée d’un pré-ampli est quelque chose d’inimitable et de très musical. La course assez longue du réglage Input Gain permet d’amener la juste quantité de saturation et de grain, c’est très bien pensé. La qualité de ce pré-ampli est bien perceptible dans le niveau de dynamique assez énorme de la pédale. Qu’on caresse le cordes ou qu’on maltraite la guitare en lui rentrant dans la tronche avec une certaine violence, la pédale ne bronche pas et restitue chaque variation d’intensité avec précision.
- Chorus – everything 12o’clock – Clean Tele01:11
- Chorus – Speed Tweaking – Clean Tele01:31
- Chorus – Intensity Tweaking – Clean Tele01:22
- Chorus – Width Tweaking – Clean Tele01:26
- Chorus – Input Gain Tweaking – Clean Tele01:55
- Chorus – Everything 12o’clock – Dirty LP01:52
- Flanger – Everything 12 o’clock – Clean Tele01:43
- Flanger – Tweaking – Dirty LP02:00
- Pitch Modulator – Tweaking – Clean Tele02:02
- Pitch Modulator – Tweaking – Dirty LP02:38
Le chorus ultime est vintage ?
Après avoir passé quelques heures avec la « nouvelle » SCF Gold estampillée TC Electronic, il m’a été très difficile de la replacer dans sa boîte. Utilisateur du classique MXR Analog Chorus, j’ai été très impressionné par le chorus de la SCF. Sa simplicité d’utilisation est déconcertante, on obtient tout de suite LE son qu’on cherche. Le chorus n’est pas trop discret mais pas trop envahissant non plus, c’est idéal. Si vous avez la chance de jouer sur deux amplis en même temps, utiliser la pédale en stéréo sera un vrai régal. Si les modes Flanger et Pitch Modulator me sont apparus comme un peu moins intéressants, la pédale n’en est pas moins une grande réussite. Il s’agissait d’un pari assez osé de la part de TC Electronic. Cependant, la marque a su surfer avec intelligence sur la vague du vintage en rééditant une pédale à succès (dont les versions originales s’arrachent pour des sommes assez astronomiques) bien construite, fiable et qui sonne divinement bien. Si vous aimez les chorus enveloppants, dynamiques, chantants et très musicaux, jetez-vous sur cette SCF Gold. La pédale, fabriquée en Chine et proposée au tarif de 139 € affiche un rapport qualité/prix proche de l’excellence. Bravo TC !