Avec la version 3 de Sequel, Steinberg, éditeur du célèbre Cubase, se place dans la course des séquenceurs électro dont le marché est dominé par Ableton Live. Mais au quart du prix de cette référence, on se doute bien que Sequel court dans une autre catégorie.
Laquelle ? Celle du petit logiciel orienté électro simple et créatif pour les utilisateurs de gros séquenceurs ? Celui des débutants à la recherche d’un produit peu coûteux et facile à prendre en mains ?
C’est ce que nous allons voir.
Simple et beau
Mes débuts avec cette version de Sequel (je ne connaissais pas les précédentes) ont été déstabilisants. Si l’interface à l’esthétique réussie, moderne et lisible est plaisante, je n’y retrouvais pas mes marques. Pourtant, l’ensemble est plutôt clair et assez logique, mais plein de petites choses demandent à ce qu’on perde ses réflexes acquis sur la plupart des séquenceurs. Ainsi, il n’y a aucun menu contextuel. À croire que ses développeurs ignorent que les souris ont au moins deux boutons depuis un paquet d’années. Avec Sequel, vous n’en userez qu’un.
Si vous êtes un MAOiste chevronné, il faudra faire comme si vous étiez néophyte : prendre la doc et la suivre pas à pas (mais après tout, c’est toujours la meilleure solution). Vous découvrirez alors que tout ceci repose sur une logique qui tient la route et surtout, que c’est très simple d’utilisation. En fait, on se familiarise très vite, même s’il y a quelques scories, comme nous le verrons.
Vous découvrirez aussi que malgré sa simplicité et son apparent dépouillement, Sequel dispose d’à peu près tous les outils de base qu’on peut attendre d’un séquenceur électro actuel, y compris des courbes d’automation ou l’ajustement au tempo.
Voyons rapidement comment ça fonctionne.
La zone pilote comporte les menus, le tempo et les boutons de transport, ainsi qu’un accordeur, un métronome…
Surprise : alors que les affectations de télécommande par MIDI sont simples (un classique MIDI learn), je n’ai jamais réussi à contrôler les boutons de transports avec ceux de mon Remote SL, quels que soient les messages envoyés (LSB, MMC et même CC). Sequel n’a accepté que des notes pour ces boutons. Dommage !
À droite, on trouve la MediaBay qui permet de chercher ses fichiers audio et boucles. Non seulement celles fournies avec le logiciel, mais celles que vous voudrez y ajouter. Grâce à un système de tags, on retrouvera facilement ses fichiers en cherchant par instrument, par style ou une combinaison de plusieurs critères. On peut afficher et masquer en un clic un filtre permettant de retrouver ses samples par différents critères (instrument, style…). Si l’on tague ses propres fichiers, on les retrouvera ainsi aisément, même avec une grosse bibliothèque.
Comme on le voit, tout ceci est limpide. Les fichiers se manipulent par glisser-déposer (même de l’extérieur de Sequel) et la baie permet une pré-écoute sur les samples et boucles.
Et pourtant, on trouve déjà quelques scories, des éléments illogiques. Ainsi, la MediaBay est surmontée de trois boutons-texte identiques. Le premier affiche le filtre tandis que les deux autres ouvrent des menus.
Ces menus permettent de choisir entre boucles de bases du logiciel, boucles bonus et banques ajoutées si vous en acquérez d’autres, ou encore les présets d’instruments, les boucles MIDI…
Il aurait été plus logique de différencier visuellement le simple bouton ouvrant le filtre et les deux menus. Mais, surtout, on a deux filtres qui se croisent : l’un pour gérer les types ou sources de contenus, l’autre pour gérer les styles et tags. J’ai ainsi travaillé quelques heures en trouvant la banque de samples fournie un peu maigre avant de réaliser que j’étais dans les « bonus loops » et non la banque complète.
Autre point surprenant : la MediaBay étant située en haut à droite, pourquoi faut-il aller chercher tout en bas à droite le bouton permettant de l’afficher et masquer ?
Il y ainsi dans l’interface pas mal de petits points qui ne sont pas bien graves, mais diminuent la facilité et la clarté d’utilisation, ou tout au moins de prise en main. Heureusement, presque tout est accessible par des raccourcis clavier.
La plus grande partie de l’écran est occupée par la zone Arrangement. On y retrouve le système de pistes courant sur la plupart des séquenceurs, présentées sous forme linéaire sous une barre de temps. Une ligne = une piste. Classique. On place sur les pistes des blocs de données audio ou MIDI appelés « conteneurs ».
On peut également y ouvrir une piste tempo qui permet de gérer des variations tout au long du morceau et une piste « performance ».
Sur celle-ci, on va simplement tracer à la souris des conteneurs qui sépareront le morceau en sections, lesquelles serviront au mode performance sur lequel nous reviendrons.
On dispose aussi d’une piste « transposition » qui permet de gérer des transpositions globales et une piste « performance » sur laquelle nous reviendrons.
Avant de nous attaquer à la zone Multi qui regroupe l’essentiel des fonctionnalités importantes de Sequel, ajoutons un petit mot sur la documentation PDF qui est presque un modèle du genre. Trop souvent, on se retrouve avec du simple texte, parfois sans signet vers les chapitres, écrit dans un français douteux visiblement traduit par quelqu’un qui ne connaît pas l’audio.
Point de ça ici. On y trouve une vraie table des matières avec signets (affichables sur le côté du texte) et de nombreux renvois internes par liens, que ce soit dans la table des matières, l’index ou au sein du texte lui-même. Côté contenu, c’est bien écrit et clair, avec pas mal d’explications pour les débutants (par exemple sur la latence).
On peut tout de même lui reprocher quelques manques. Ainsi, je n’ai rien trouvé sur l’implémentation MIDI et suis donc resté le bec dans l’eau pour mon problème de transport.
Mais globalement, cette documentation est un excellent point dont bien des acteurs du marché feraient bien de s’inspirer.
Passons maintenant à la zone Multi où se trouvent l’essentiel des fonctions.
La zone multi met pas sa zone
Comme son nom l’indique, cette zone au bas de l’écran sert à de multiples choses. En fait, elle change de façon contextuelle, y compris selon ce sur quoi on clique dans la zone d’arrangement.
On y trouve l’inspecteur de pistes sur laquelle on gérera les effets, les instruments, l’éditeur audio, la page performance et la console de mixage.
Cette console est un peu légère, se limitant pratiquement aux mute/solo et activation pour l’enregistrement, volume et panoramique. Les pistes sont différenciées par des numéros bien lisibles, des couleurs que l’on change à souhait et des images, chose bienvenue. Mais pour les effets ou encore l’égalisation, il faut passer par l’inspecteur de piste. Un rappel visuel dans la console des effets enclenchés aurait tout de même été bienvenu.
L’inspecteur de piste regroupe logiquement tout ce concerne une piste. On y trouve les trois inserts d’effets (pas plus), l’égaliseur 3 bandes (pas plus) et les deux envois d’auxiliaires (pas plus non plus).
Si la piste est une piste instrument, on accède aussi à un arpégiateur, un « chorder » qui génère des accords, ainsi qu’aux paramètres de l’instrument (on peut aussi ouvrir son interface).
Nous parlerons plus tard des instruments et effets, car c’est un sujet qui fâche. En attendant, on constate déjà la limitation du nombre d’effets et inserts. Est-ce un drame ? J’aurais tendance à penser que non. La plupart du temps en tous cas. Mais il m’arrive d’empiler plus de trois effets sur une piste, surtout en électro. Bah, des limites nait la créativité et au moins, ça reste simple.
Mais la limitation des auxiliaires interdit le mixage par bus. On voit ici l’orientation « débutants ».
La zone Multi accueille aussi l’éditeur. Celui-ci montre la très classique grille piano roll pour les pistes midi et l’éditeur audio pour les conteneurs… audio, oui. Il y en a qui suivent.
Cet éditeur audio offre pas mal de fonctions. On y trouve une détection de tempo pour caler le morceau au tempo d’audio importé… ou l’inverse. Car Sequel gère évidemment le time et pitch stretch. C’est à dire en français, l’étirement ou la contraction de l’audio pour le caler au tempo ou encore la modification de hauteur pour l’ajuster à la tonalité du morceau.
Je dois dire que j’ai été assez épaté de la qualité du rendu. Il est possible de manipuler le tempo de façon importante sur des instruments isolés sans que des artefacts apparaissent et il faut s’éloigner beaucoup du tempo original pour que le son subisse une dégradation… qui ne devrait pas être audible la plupart du temps dans un mix. Un point très réussi.
À part ça, on retrouve les fonctions assez courantes des éditeurs basiques : gestion des transitoires, coupure, insertion de silences… Mais aussi une gestion de transposition indépendante de celle, générale, de la zone arrangement. Bien vu.
Passons à la page Beat qui permet d’éditer les pistes de percussions et batteries. Il s’agit d’une grille type séquenceur vintage telle qu’on la retrouve dans la plupart des logiciels. Chaque ligne correspond à un élément du kit et chaque cellule représente ¼ de temps (soit une double croche). On peut faire des patterns de une ou deux mesures de 4 temps (si on est en 4/4). Deux mesures, c’est un peu juste, mais on peut mémoriser 12 patterns par piste/instrument. Tout le fonctionnement est très pratique, y compris l’intégration avec la piste dans la zone arrangement.
On dispose aussi d’une édition assez complète pour chaque sample composant le kit, sachant qu’on peut avoir jusqu’à 8 kits par instrument, utilisables simultanément. Bref, c’est complet, simple… que demande le peuple ?
Je vais me faire taper sur les doigts par mon rédac chef pour article trop long, mais avant que je ne vous parle des instruments et effets, il reste tout de même à voir…
La page performance : jeu en live
Vous vous rappelez qu’on a évoqué une piste « performance » dans la zone d’arrangement ? Sur cette piste, on trace des conteneurs qui délimitent des portions du morceau. Chaque conteneur va se retrouver sous forme de pad dans la page performance. Pour le lire, on clique dessus (ou on appuie sur le raccourci clavier correspondant).
Le résultat est qu’on peut complètement réarranger en live l’ordre de son morceau. Cool. On peut enregistrer le résultat soit en live (pendant que le morceau joue), soit en « pas à pas ».
On peut évidemment choisir comment s’enchaîneront les conteneurs lorsqu’on les déclenche. L’enchaînement peut se faire au temps, à 1, 2 ou 4 mesures ou à la fin du conteneur.
C’est assez similaire à ce qu’on trouve dans la plupart des séquenceurs électro, mais il y a une limite et pas des moindres. Ici, on n’a pas de matrice comme dans Ableton Live ou dans Cakewalk Project5. Un conteneur est égal à un bout du morceau, point. On ne peut pas moduler en ne faisant jouer que certaines pistes ou en mélangeant les pistes entre deux conteneurs (par exemple, faire jouer la basse du premier conteneur avec les autres pistes du second). C’est vraiment dommage, car ça limite beaucoup l’expression en live ou ça oblige à faire de multiples combinaisons dans la zone arrangement. Dans ce cas, son contenu n’est plus vraiment un morceau et la présentation linéaire perd sa pertinence.
Instruments et effets : la portion congrue
Autant Sequel est, on l’a vu, plutôt complet dans la plupart de ses fonctions (ainsi que dans sa base de samples fournie), autant c’est chiche côté effets et instruments.
Pour les effets, on retrouve tous les classiques, de la réverbe aux modulations en passant par des filtres, délais, distorsions… et même un simulateur d’ampli guitare.
Mais en électro, on n’utilise pas que les effets classiques. Ici on ne dispose même pas de bit-crusher ou de chopper ce qui m’aurait semblé autrement plus important qu’un simulateur d’ampli.
De plus, certains effets sont vraiment limités. Ainsi, l’unique compresseur ne propose comme réglage que… le seuil. On n’a même pas de réglage du taux de compression, et ne parlons pas des attaques et relâchements. Si ça a le mérite d’être simple, c’est vraiment très limite pour de l’électro !
Notez aussi que si l’automation est complète, on ne peut envoyer du MIDI vers les inserts d’une piste audio. Ça va pas être simple de faire du pompage ou du ducking…
Ces limitations montrent encore que la cible est plutôt l’amateur et le débutant.
Côté instruments, on en compte trois en tout et pour tout :
- Prologue qui émule un synthé analogique
- HALion Sonic SE qui a le mérite de proposer une large palette de sons, mais qui n’est pas de première jeunesse
- Groove Agent qui n’est autre que… l’instrument utilisé sur les pistes Beat comme on l’a vu plus haut.
Bref, tout ça est bien léger. Mais on sait bien qu’un séquenceur, ça s’alimente avec des plug-ins. Sauf que Sequel 3 n’est compatible qu’avec les VST3 ! Or, peu de plug-ins sont passés à ce standard et l’offre est donc restreinte, particulièrement en freeware, donationware et autres sharewares et « pascherwares » qui sont normalement une source riche et très intéressante pour les amateurs et débutants (et pas que). Quoi qu’il en soit, pour quelqu’un qui a déjà un parc d’instruments et effets fournis, c’est très frustrant de ne pas pouvoir les utiliser dans ce logiciel.
Conclusion
Sequel 3 est plein de qualités : son interface agréable, sa simplicité d’utilisation et son time/pitch stretch efficace. Mais il souffre de limites qui l’écartent pratiquement du choix d’un amateur éclairé ou d’un pro. Et malgré une très bonne stabilité globale, il y a un certain nombre de bugs dont il est surprenant qu’ils n’aient pas déjà été corrigés (comme l’export qui ne se fait qu’en 32 bits float) dont certains nuisent à l’ergonomie et agacent.
Mais le pire est cette limitation aux seuls VST3. Je n’imagine pas faire de l’électro sans mes plugs Ohm Force ou ma chère (mais gratuite) GlaceVerb. Sequel est cependant un très bon choix pour le débutant qui pourra rapidement réaliser des morceaux et exprimer sa créativité sans être bridé par la complexité d’un logiciel. Steinberg tient là une excellente base de logiciel qu’on ne peut que l’inviter à étoffer.