8 ans après la sortie de leur iconique Pyramid, Squarp Instruments réinvente le concept du séquenceur hardware au format desktop pour arroser de notes et de modulations nos synthétiseurs, modules Eurorack, et instruments virtuels.
Squarp Instruments est une petite boite française qui monte et qui propose notamment depuis 2015 différents concepts autour du séquenceur hardware et du milieu Eurorack pour ravir les AFicionados de la synthèse sonore. Leur premier produit, le séquenceur Pyramid, a été testé dans nos colonnes à sa sortie, et a pas mal évolué depuis en termes de fonctionnalités (dont une version 4 du firmware qui date de 2021). On pourrait également parler du Rample (sorti en 2020) qui est un lecteur de samples 4 voix au format Eurorack, du séquenceur spécialisé « modules » Hermod (2018) et de sa déclinaison fraichement sortie Hermod+ (2023). Mais le produit qui va nous intéresser aujourd’hui, c’est le séquenceur Hapax (disponible depuis 2022), qui entend bousculer le marché et s’imposer peut être comme le générateur de notes et de modulations ultime !
Car le Hapax n’est pas juste un séquenceur isolé sur un marché de niche, mais couvre des besoins suffisamment vastes pour justifier la propagation de ces alternatives à l’usage strict de l’ordinateur. Ainsi, en 2023, les séquenceurs hardware permettent de contrôler des synthétiseurs eux aussi hardware, numériques ou analogiques ou hybrides, au format desktop avec ou sans clavier, au format « voix Eurorack », avec des contrôles sous forme de MIDI, du MPE, mais aussi des signaux CV/gate, ou encore tout ça à destination d’un ordinateur via l’USB qui peut convertir des entrées sorties CV/Gate/MIDI/MPE en information compréhensible par votre STAN ! Et oui, bizarrerie après la digestion de cette « mode » du « DAW-less » (« Sans STAN » en français ?), il n’est plus rare aujourd’hui de voir des sets axés autour d’un séquenceur contrôler à la fois des grooveboxs/synthétiseurs/drum machines hardware, du module Eurorack, et des instruments virtuels, la STAN traditionnelle restant incontournable au moins pour la partie mixage et s’intégrant dans ce genre de workflow sans honte. Le propos du séquenceur hardware va être alors de fournir une alternative au compositeur de musiques électroniques sur la partie workflow, ainsi qu’au performeur qui utilise ses instruments en live. C’est dans cette optique qu’on a vu apparaître, en plus des traditionnels step sequencers et arpégiateurs, toutes sortes de générateurs de notes ou effets MIDI, de modulations aléatoires stochastiques et autres polyrythmes à base de machine de Turing ou de rythme euclidien, parfois même des séquenceurs dans les séquenceurs STAN (comme les Scaler, Riffer, Mutator, Cthulu, Rapid Composer, et autres joujoux M4L dans Ableton Live), sans oublier les dernières versions modernes de la groovebox…
Regardons maintenant ce que propose ce Hapax et comment il se situe ou se démarque de l’offre existante !
Quand je vois le Hapax, je me sens mieux
Le Squarp Instruments Hapax est donc un séquenceur hardware, disponible au tarif de 1200 euros environ, dans un format assez costaud (358 × 206 × 58 mm pour 1.855 kg) avec un mélange de métal et de plastique, donc une certaine impression de solidité et d’assise. Il est livré dans sa boîte en carton avec son alimentation, un manuel papier de démarrage, une carte SD, une petite carte pense-bête sur le contenu d’un projet, des stickers, une carte de visite avec des coordonnées web pour récupérer des infos supplémentaire, un câble audio minijack, un câble MIDI minijack TRS mâle vers MIDI DIN femelle, et une protection en mousse pour la façade. Le manuel complet est accessible uniquement en ligne sur la page dédiée ou au format PDF, malheureusement tous les deux en anglais seulement.
La machine elle-même possède neuf encodeurs crantés cliquables, deux écrans OLED en niveaux de gris, une grille de 16 × 8 pads RGB, et 52 boutons rétro éclairés pour les commandes. La connectique très complète elle aussi est présente à l’arrière du séquenceur, où on trouve logiquement l’entrée alimentation et un bouton poussoir on/off, un lecteur de carte SD dont l’usage est obligatoire pour enregistrer ses projets et réglages, un port USB « device » qui permet au Hapax de communiquer avec l’ordinateur en MIDI, ainsi qu’un deuxième port USB « host » permettant de brancher un contrôleur (par exemple un Arturia Keystep) pour rendre l’usage du séquenceur plus fluide. Sont présents enfin deux entrées MIDI (TRS et DIN), quatre sorties MIDI (3 DIN et une TRS), 2 entrées CV, quatre sorties CV, quatre sorties gate et une entrée footswitch qui peut servir pour commander le transport. Précisons que tout ce beau monde est indépendant, et peut être assigné à différentes tâches.
Avant de s’amuser avec le joujou, nous avons opéré une mise à jour du firmware (vers une des versions bêta 1.14 disponibles au moment du test, la version 1.14 finale étant sortie depuis), qui se fait en remplaçant le fichier hapax.bin présent sur la carte SD par un autre, puis en lançant la machine en restant appuyé sur l’encodeur principal. La mise à jour s’effectue alors automatiquement et assez rapidement. Nous en avons profité pour placer à la racine de la carte SD des fichiers de définition d’instruments (plus d’informations à ce sujet plus loin également). Puis, le démarrage du Hapax sur pression supplémentaire du bouton ON/OFF se fait quasiment instantanément et ouvre non pas un, mais deux projets vides A et B !
Et je reste DAW-less, si je le veux
La première particularité du Hapax est en effet sa capacité à manipuler deux projets simultanément, qui sont traités de manière synchrone et indépendante par la machine, ce qui permet de doubler certaines specs du Hapax si on veut utiliser les deux projets en même temps, ou de passer de l’un à l’autre dans un set live de manière fluide.
Pour réussir les transitions, charger un projet pendant qu’un autre joue met le premier en sourdine sur toutes les pistes. En utilisant le bouton mute, il est alors possible de réactiver chaque piste une par une, et de faire l’inverse sur celles du projet en cours de lecture, de lancer les patterns adéquats, de jouer avec la matière sonore comme le ferait un DJ… Et si le tempo des deux projets est différent, le Hapax nous propose automatiquement de jouer le nouveau projet au tempo de celui en cours de lecture si on le souhaite, ou nous donne la possibilité de le modifier manuellement. Cette fonctionnalité aurait été imaginée, d’après les designers du Hapax, en réponse aux retours des utilisateurs du Pyramid et d’autres produits similaires, qui pouvaient avoir besoin d’appareils supplémentaires pour occuper l’espace sonore pendant le chargement d’un nouveau projet, ce qui provoquait arrêts de séquences ou désynchronisations… Ici la problématique a été traitée dès le départ dans le design, et ravira les utilisateurs de séquenceurs en live !
Ceci étant dit, chaque projet possède un certain nombre de propriétés accessibles via l’interface du Hapax. Ils peuvent contenir jusqu’à 16 pistes, composées de 8 (longs) patterns polyphoniques de notes, avec ou sans quantification temporelle, qui ont 16 pas par défaut, mais peuvent en avoir jusqu’à 512.
Manipuler un projet consiste à naviguer dans 4 modes d’édition principaux accessibles via des boutons de couleur vive, une caractéristique partagée par tous les séquenceurs Squarp : Live, Step, Pattern et Automation. Ces modes permettent respectivement de jouer en direct d’un instrument sur une piste, de rentrer ou d’enregistrer le contenu d’un pattern, de lancer des patterns parmi tous ceux qui ont été enregistrés comme dans Ableton Live ou dans un Circuit Tracks, ou de rajouter des automations au pattern en cours d’édition pour un paramètre CC/PC/NRPN, CV et autre donné.
En plus de ces modes principaux, d’autres boutons permettent d’accéder à un panneau de réglages globaux (pour le MIDI, les entrées/sorties CV et la synchronisation notamment), à l’onglet de chargement et de sauvegarde des projets (appui long sur les boutons proA ou proB), à un espace « Assign » pour contrôler les paramètres des synthés connectés avec les encodeurs, et à deux sections intéressantes intitulées « effects » et « algo ». La première permet d’assigner jusqu’à 8 effets MIDI temps-réel, donc non destructifs, parmi une liste de 11 (un effet ModMatrix toujours en premier qui permet de connecter les paramètres des autres effets au reste de la machine, puis des choses plus ou moins classique comme les effets MIDI dans Ableton Live). La section algo permet elle d’utiliser des algorithmes destructifs pour remplir un pattern de nouvelles notes ou modifier les existantes, avec 4 possibilités (dont une disponible uniquement pour les drums).
Le MPE on ne s’en balance pas
Dans chacun de ces modes, une piste peut être sélectionnée par un bouton numérique du numéro adéquat présent au-dessus de la grille de pads RGB, par exemple pour lui assigner une des nombreuses sorties disponibles. Chaque piste peut être définie comme étant au choix polyphonique, MPE (idem, mais avec des options supplémentaires dans l’édition de chaque note/pas), ou drums. Dans ce dernier cas, la vue « live » se présente sous forme de 8 carrés de 4 × 4 cases correspondant à 8 sons avec des vélocités différentes, tandis que la vue step ne donne accès qu’à 8 sons également, auxquels on peut assigner une note et un nom textuel. Cela nous permet de dire un mot au sujet de ces fameux pads, ils ne sont pas sensibles à la vélocité malheureusement, même si l’information est enregistrée et éditable.
Les cas poly et MPE se présentent avec une vue de type piano roll en mode step, chaque note possible ayant sa ligne, et les lignes pouvant être translatées via les encodeurs et boutons de navigation. En mode live, on retrouve des fonctionnalités classiques de séquenceurs à pads, avec choix de gamme (63 classées par catégories !), fondamentale mise en avant avec un code couleur, choix de l’écartement des notes d’une ligne à l’autre, un affichage plutôt sympathique du nom des intervalles et des accords actuellement enfoncés, et même un mode « chord » très intéressant. Celui-ci permet de jouer tous les accords d’une gamme, avec soit 3 ou 4 notes, sur plusieurs octaves, en utilisant la main droite et les deux lignes de pads du bas. La main gauche peut actionner des pads de différentes couleurs plus haut permettant d’appliquer des « modificateurs », par exemple pour transposer, transformer un accord en sus4, changer le voicing de l’accord, reproduire le comportement d’un pianiste qui bouge le moins de doigts possible pendant le jeu, ajouter une octave seulement sur une des notes de l’accord, etc. Très intelligent et très agréable à utiliser !
Les écrans affichent régulièrement des propriétés organisées par cadrans, ce qui indique pour l’écran de gauche une correspondance entre une propriété donnée et un des 8 encodeurs qui se trouve logiquement au même endroit ergonomiquement parlant. L’écran de droite affiche plutôt des propriétés accessibles par rotation et appui du dernier encodeur. Le reste de la navigation dans les fonctions du Hapax se fait en appuyant sur d’autres boutons, en utilisant 4 boutons en forme de croix directionnelle, en accédant à des fonctionnalités spécifiques par un appui long, ou via un appui continu, ou bouton 2ND + autre bouton, ou encore rotation d’un encodeur maintenu appuyé. Notons enfin la présence de boutons copy/paste/delete, et d’une barre de transport sur le côté droit des pads, sous forme de 3 boutons enregistrement/lecture/stop, et d’un petit bouton qui change la vie intitulé « Undo / Redo » avec un historique de taille conséquente !
Au passage, un projet se définit par un tempo fixe en BPM (qu’on peut fixer au dixième près), une signature rythmique (4/4 par défaut mais tout est possible, ce qui va avoir un impact sur la gestion des patterns et des pas), la possibilité de fixer une gamme globale pour le projet ou non et sa nature parmi un large choix, un quantificateur temporel global, et l’usage ou non de la piste 16 comme d’une piste de « transposition ». Lorsque cette fonctionnalité est activée, toutes les autres pistes mélodiques vont avoir leurs notes jouées transposées d’un certain nombre de demi-tons, en fonction de ce qui est joué dans le pattern en cours de la piste 16, ou la gamme sera changée en fonction des notes jouées (sous forme d’accords) si le mode « Match Chord » est activé. Le Hapax offre d’ailleurs certains de ces paramètres au niveau local sur chaque piste, avec des moyens de suivre ou pas ces contraintes, ou de synchroniser différemment les changements, ainsi qu’un paramètre dit « d’élasticité » (a.k.a polychronie) permettant de jouer tout le contenu d’une piste à la vitesse par défaut de 100 %, mais aussi à d’autres valeurs comprises entre 50 et 200 %, sachant que chaque pattern peut avoir un mode de lecture de pas spécifique (en avant, en arrière, aléatoire) avec tout ce beau monde parfaitement synchronisé, ce qui permet de générer du joyeux bordel à base de polyrythmie ou de déphasage !
Et n’oublions pas de préciser que le séquenceur possède un mode « song », qui consiste à définir un ensemble de sections par une configuration donnée de la vue pattern. Ensuite, la configuration de la chanson consiste à sélectionner une liste de section (qu’on peut renommer d’ailleurs) dans l’ordre souhaité, avec à chaque fois un nombre de répétitions à indiquer. On pourra alors soit laisser la chanson se jouer toute seule, ou interagir manuellement avec les sections pour les déclencher et en sortir.
Polychronique, polyphonique ou polycalorique
À ce stade, on peut déjà affirmer que le Squarp Instruments Hapax est relativement simple à utiliser, mais que rentrer dans le détail peut nous faire aller très loin, tant les fonctionnalités pleuvent au détour de chaque section ou menu, avec des nouveaux sets de propriétés accessibles en restant appuyé sur une note, une piste, un bouton d’accès de section, un pattern… Au point qu’il paraît compliqué, voire contre-productif, de chercher à vous en faire un récapitulatif exhaustif dans ce test, d’autant que chaque petite fonctionnalité a tellement d’implications en termes d’usabilité et de pratique musicale qu’elle pourrait justifier un paragraphe entier sur son utilisation ! Alors je terminerais ce tour d’horizon simplement en indiquant quelques éléments et informations supplémentaires au sujet du Hapax que j’ai trouvés pertinents.
Par exemple, ses utilisateurs apprécieront toutes les possibilités pour donner de la vie aux séquences, dont certaines rappelleront des souvenirs aux utilisateurs des machines Elektron : usage de l’aléatoire à tous les étages (effets MIDI dédiés, propriétés de chaque note accessible via un appui long sur un pas dont le paramètre chance, modes de lecture des patterns, génération aléatoire de patterns ou simples modifications des accents), modulations (via la section automation dédiée, en utilisant deux LFOs globaux existants par projets, la ModMatrix dans les effets MIDI, la section Assign et l’enregistrement pour jouer en live des paramètres d’un instrument ou du séquenceur, etc.), modifications rythmiques (effet Swing, modes de lectures des patterns, élasticité pour faire de la polychronie, options de quantification, possibilité de décaler dans le temps la position des événements directement dans le step sequencer etc.), événementiel (possibilité d’enclencher certaines notes uniquement si certains événements se sont produits avant a.k.a. conditional trigs, boucler des sections du mode song un certain nombre de fois ou désactiver le mode song temporairement, mute/unmute de pistes, déclenchement de lignes entières de patterns, envois programmés de PC au changement de pattern, etc.).
J’ai apprécié personnellement aussi des petites choses comme le moniteur d’événements MIDI disponible au détour d’un menu, le bouton Fill qui est super intéressant en live, la fonctionnalité de Snapshot qui permet de figer l’état d’un pattern avant modifications ultérieures et d’y revenir puis d’en repartir d’un appui sur le bouton associé, les différents modes d’enregistrement, le fait qu’on puisse émettre un signal audio d’une sortie CV pour jouer le rôle du métronome, etc.
A plein régime de notes
Pendant ce test, j’ai utilisé le Hapax comme séquenceur de synthétiseurs hardware et virtuels dans un STAN (en même temps évidemment), en donnant à mon Circuit Tracks un rôle supplémentaire de table de mix avant d’aller dans l’interface audio. Honnêtement, j’ai eu parfois de la peine pour trouver une fonctionnalité spécifique, mais avec le manuel sous les yeux + 2–3 tâtonnements on retrouve facilement ses petits. L’ergonomie devient rapidement naturelle, notamment parce que les écrans et les pads RGB de très bonne facture nous renvoient constamment de l’information, même si certaines fonctionnalités nécessitent d’utiliser les deux mains obligatoirement à mon grand regret.
De plus, avoir la possibilité grâce aux écrans de donner des noms à plein de choses (sections, éléments du drum mode, éléments à moduler, noms des projets) améliore grandement le confort d’utilisation. Il est même possible de lire à partir de la carte SD un fichier texte permettant de définir un instrument de musique donné et de le charger sur une piste. Ainsi, tous les CCs et autres associés à mon Circuit Tracks ou mon NTS-1 sont automatiquement nommés comme le paramètre qu’ils modifient ! Autre exemple, toutes les informations affichées sur les écrans dans le chord mode (noms des accords, types de modificateurs activés, gamme en cours) sont assez utiles à avoir sous les yeux pendant le jeu. On peut également voir d’un regard le contenu des patterns dans les écrans, en matière de notes et d’événements… Et même si le mode de fonctionnement du Hapax, spécifiquement l’architecture des projets, impose certaines contraintes comme le nombre de patterns par piste, il est difficile de se sentir vraiment limité par la machine, que ce soit à cause du nombre de pas disponible par pattern, des possibilités accessibles par toutes les fonctionnalités dont il est difficile de faire le tour, ou pour tous les usages possibles grâce à l’exhaustivité de la connectique.
Mais ces possibilités ont eu pour effet bizarrement de faire apparaître un problème spécifique avec le Hapax, qui est la synchronisation effective de tout ce beau monde. Je ne sais pas si il existe des grooveboxs et autres qui ont réussi à trouver la solution ultime à ce problème, mais voilà tous les appareils connectés peuvent suivre un certaine route pavée ou non de multiples conversions analogiques numériques, avant de rentrer dans l’interface audio et d’interagir avec des plug-ins d’effets ou des instruments virtuels. Et tous ces éléments vont donc réagir aux requêtes du séquenceur hardware avec différentes durées de latence, sans parler de ce qui est censé être synchronisé au tempo et des aléas de la détection du signal de clock, du jitter, ou du sous échantillonnage de ces informations dans les flux MIDI.
Tout cela est gérable dans une certaine mesure dans un setup simpliste, mais au vu des possibilités du Hapax, le problème se pose plus ici que sur d’autres produits situés à des gammes de prix différentes. Or le Hapax ne propose pas de solution parfaite pour le moment. De plus, pour synchroniser correctement ce beau monde avec notamment Ableton Live et peut être moins un Bitwig, passer par l’USB n’est pas idéal pour des raisons supplémentaires de fiabilité. C’est pourquoi les concepteurs suggèrent par exemple de demander à l’ordinateur de générer un signal de clock, et de l’envoyer à une entrée CV en passant par une sortie dédiée de l’interface audio. Il semblerait qu’ils travaillent sur cette problématique actuellement en tout cas, et certaines améliorations ont déjà été proposées dans les dernières versions bêta, notamment sur la reconnaissance de signaux de clock pas assez carrés.
Dernière problématique à mes yeux, mais qui ne le sera peut-être pas pour d’autres, j’ai trouvé cette machine assez « sage ». Rien d’étonnant pour un séquenceur hardware plutôt généraliste qui dénote forcément avec des machines avec peu de contrôles et orientées « performance » ou Eurorack, ce qui ne l’empêche pas d’avoir deux sections algorithmes de génération et effets MIDI, mais certes un peu réduites. Je pense ainsi que le Hapax gagnerait à aller plus loin et à proposer plus de contenu, notamment des choses peut être un peu moins traditionnelles ou plus augmentées par de « l’intelligence » (pas forcément artificielle) concernant la création de motifs, l’usage de l’harmonie, le déclenchement de séquences et d’événements en général, ou encore sur la manipulation de la partie automation des séquences. D’autant que le Hapax propose la fonctionnalité du snapshot ou plusieurs niveaux d’annulation pour pallier aux conséquences des actions qui ont un effet « destructif » sur le contenu des patterns. A priori, les prochaines versions du firmware permettront d’aller plus loin là-dessus de ce que j’ai entendu de loin aux environs de Montreuil…
Enfin je n’ai pas pu m’empêcher de mettre ici une petite démo audio de ce que j’ai pu faire avec le Hapax, qui contrôle uniquement des plug-ins dans Ableton Live via USB (Hive 2, Ace, Viper et quelques samples de Ableton), et que j’ai « un peu arrangée » après coup même si tout a été exclusivement séquencé avec le Hapax à la base. Le morceau fait un usage intensif des effets MIDI dont je contrôle les paramètres en temps réel pour jouer sur les notes et la rythmique du son de basse, ou encore de la partie automation pour jouer avec les fréquences des filtres.
Conclusion
Le Hapax de Squarp est donc une proposition dans le monde des séquenceurs qui est vraiment inspirante, dont les spécifications, la connectique, l’ergonomie, l’accessibilité, les fonctionnalités plus avancées, mais jamais complexes, la capacité de création de projets en nombre infini, un mode « Song » pertinent, le propos sur l’enchainement des deux projets prévus pour le live, mais pas que, et les possibilités d’édition de paramètres pendant une performance ne laissent pas indifférent. Il constitue ainsi une montée en gamme manifeste par rapport au Pyramid, ce qu’il est d’ailleurs de fait puisque ses concepteurs se sont servis des retours utilisateurs pour imaginer ce qu’il allait devenir quelques années plus tard et orienter le design dans certaines directions plutôt que d’autres. Le Hermod et son successeur représentent autre chose de ce côté-là puisque l’idéologie du produit est conçue plutôt autour du contexte Eurorack et de l’optimisation de l’espace ou du nombre de boutons et d’entrées sorties, tandis que le Hapax est plutôt du genre « pas de limite » et séquenceur de luxe.
Alors on pourra toujours regretter telle fonction non présente ou tel aspect qui pourrait être amélioré, mais ce qui fait aussi l’intérêt du Hapax c’est que l’équipe de Squarp est plutôt réactive et a l’air très motivée pour rajouter encore des fonctionnalités chez leur nouveau-né, comme en témoignent leurs messages sur leur forum ou les communications que j’ai eues avec eux. Ce qui laisse donc entrevoir encore des évolutions conséquentes sur le produit, et notamment des améliorations sur les éléments que j’ai soulignés, ce qui a été plus compliqué parfois avec d’autres marques dont j’ai testé récemment les produits…
Mais ce test ne serait pas exhaustif si je ne parlais pas un peu de l’offre concurrente, d’autant que le Hapax n’est pas le moins cher des séquenceurs sur le marché, et qu’on peut trouver au même tarif ou un peu moins cher des appareils avec des fonctions semblables voire capables de générer du son. Dans le cadre de ce test, j’ai ainsi passé un peu de temps à regarder ces alternatives, notamment celles qui reviennent souvent dans la bouche des utilisateurs tels que le Synthstrom Audible Deluge, les Polyend Play/Seq, le OXI One, les grooveboxs Akai, ou encore le Reliq qui vient d’être annoncé, sans parler de tous les appareils plus centrés sur un contexte particulier chez Novation ou Arturia par exemple ou en modules Eurorack. Ce qui m’a alors frappé c’est que tous ces produits font des choses plus ou moins équivalentes certes, mais s’intègrent dans des workflows et usages très spécifiques, avec un focus ou pas sur la génération de notes plutôt que sur le séquençage pur (je pense par exemple aux Torso T-1, Conductive Labs NDLR, Make Noise Rene, TINRS Tuesday, etc.), sur l’usage avec un DAW ou pas, avec du Eurorack ou non… Et finalement, le Hapax n’est pas la réponse qui va permettre de remplacer tous ces produits et s’accaparer tous les usages et workflows. Mais ses concepteurs ont eu le bon goût de le rendre aussi polyvalent que possible, peut être même trop avec les problèmes que cela peut poser, et de proposer dans le design une synthèse de leur connaissance sur le sujet, ce qui en fait donc une proposition raffinée de séquenceur hardware, et une valeur sûre pour ses acheteurs. C’est pourquoi nous lui accordons un Award !
PS. Ce test ne serait pas à 100 % honnête avec vous chers lecteurs si je ne vous parlais pas des mésaventures que j’ai rencontrées avec la machine pendant son utilisation. En effet, j’ai dû revenir sur la version 1.13 après être passé sur la bêta 1.14B car ma machine se freezait au bout de quelques minutes d’utilisation. Et même avec la 1.13 j’ai fait plusieurs sessions qui ont du s’arrêter brutalement (en plein enregistrement évidemment sinon c’est moins fun). Heureusement l’équipe s’est intéressée très vite à mon souci malgré les effectifs réduits de l’été, et nous avons pu constater rapidement que les problèmes rencontrés venaient de l’exemplaire qu’on m’avait fourni en prêt, qui était à la base fait pour le prototypage et qui avait des courts-circuits sur la puce de données ! Heureusement, ces éléments n’ont aucune chance de se produire sur les machines envoyées aux clients, notamment grâce aux procédures de test en production.
J’ai pu en profiter pour visiter l’atelier d’assemblage et discuter de la problématique de la fabrication en France. Sans surprises, j’ai encore entendu qu’en France en 2023 les constructeurs faisaient appel à des prestataires en Chine sur certaines parties, non pas pour des histoires de prix, mais surtout pour le manque de sérieux et parfois l’absence d’une compétence spécifique chez les bureaux d’étude en France, qui rendrait un objectif du 100 % made in France au moins très compliqué, voire carrément impossible (revoir d’ailleurs les vidéos que nous avons publiées récemment sur Two Notes sur le sujet). Toutefois, la problématique écoresponsable est bien présente chez Squarp, par exemple sur la question des matériaux et du design des emballages…
J’en profite pour adresser un grand merci à l’équipe pour le prêt de l’instrument et notamment à Thibault, pour avoir répondu à nos questions et remarques !