La STAN préférée des beatmakers est de retour dans une mise à jour toujours aussi gratuite. L’occasion de faire le point sur FL !
25 ans se sont écoulés depuis que Fruity Loops a poussé son premier kick, 25 ans pendant lesquels il est devenu FL Studio, toujours plus riche, toujours plus complet, et toujours plus utilisé au point de devenir incontournable dans le monde de la musique électronique comme du hip-hop. Comment ? En cultivant sa différence là où toutes les autres STAN tendent à se ressembler, tant sur le plan ergonomique que sur le plan économique : rappelons en effet que, quelle que soit l’édition du logiciel que vous achetiez, votre licence vous donne droit aux mises à jour à vie. De fait, tester la 21e mouture du bébé d’Image Line ne consiste pas à se prononcer sur le rapport qualité/prix de la mise à jour, mais plutôt à considérer le logiciel dans son ensemble à la lueur des nouvelles fonctions apportées, pour juger de sa pertinence face à ses concurrents plus conventionnels. Et comme depuis la grande époque de Fruity Loops, cela commence par un Step Sequencer…
Un clic, un beat
On ne change pas une formule qui gagne en effet et dès le lancement du logiciel, vous vous trouvez face au traditionnel Step Sequencer où sont déjà chargés un kick, un clap, un hat et une snare. De fait, un clic suffit pour commencer à séquencer, ce qui est un argument de poids face aux concurrents : pas de piste audio ou MIDI à créer, pas de boucle à glisser, pas d’instrument virtuel à charger. Un clic et on est déjà dans la compo qu’on avait en tête en démarrant le logiciel, ce qui est assurément génial.
Pour changer les sons affectés, direction le navigateur où nous attend la première nouveauté de cette version : la possibilité de taguer les différentes ressources disponibles pour simplifier les recherches ensuite, et cela vaut pour les plug-ins comme pour les presets ou fichiers audio. Une bien bonne idée pour ramener un peu de simplicité dans ce navigateur qui, au gré des plug-ins installés comme des packs de sons ou de boucles, peut vite devenir un joli petit foutoir… La création comme l’assignation de tags se fait de manière extrêmement simple via le clic droit et, en vis-à-vis du système de favori dont on disposait déjà, cela permet de mieux s’organiser. On aimerait un système de couleurs pour compléter le tout, façon Finder d’Apple, mais c’est déjà une belle avancée…
Variations sur le même thème
Puisqu’on parle de couleur, notons que cette 21e mouture voit aussi l’introduction de thèmes graphiques dans FL Studio, avec la possibilité de choisir les principales couleurs utilisées par les interfaces, mais aussi leur contraste. On est loin des possibilités dantesques d’un Reaper en termes de design d’interface mais on dispose déjà de quoi bien personnaliser son environnement de travail, ce que certains thèmes de base sont chargés de démontrer.
Seul bémol : en activant ces derniers, on se retrouve avec des contrastes souvent illisible dans les menus du logiciel, sachant qu’on ne peut précisément pas choisir les couleurs de ces derniers. Il faudra donc affiner les réglages de contraste, luminosité et saturation pour disposer de quelque chose qui convient dans ce nouveau module qu’on voudrait plus complet donc.
À propos des menus, on soulignera aussi qu’Image Line s’est penché sur la localisation du logiciel : on avait jusqu’ici droit à l’anglais et au chinois, et voici que cette version 21 ajoute l’espagnol, l’allemand… et le français (même s’il n’est qu’annoncé pour l’heure et que je n’ai pas pu en profiter pour ce test) ! Gageons qu’à la faveur d’une bonne traduction des différents pans du logiciel, FL devrait être encore plus simple à prendre en main, et que cela nous évitera à l’avenir beaucoup de mauvais franglais dans les nombreux tutos qu’on trouve sur Youtube…
Poignées d’amour
En marge de ces avancées ergonomiques, la plus grosse nouveauté de cette version tient toutefois dans la gestion des clips audio qui disposent désormais de poignées pour qu’on puisse gérer leur niveau, effectuer un fondu en entrée comme en sortie, et dont le recouvrement génère automatiquement un fondu…
Cet ajout fera sans doute sourire les utilisateurs de STAN concurrentes qui disposent depuis des décennies de telles fonctionnalités de base, mais c’est dire à quel point cela manquait dans FL Studio et à quel point on est content que ça n’y manque plus, même si on est encore loin de disposer de toutes les options d’un « clip gain ». Merci d’avoir corrigé cet oubli donc !
Fiat Luxe !
La suite des nouveautés passera par le rayon plug-ins puisque pas moins de trois nouveaux effets nous attendent, du moins dans la All plugins Edition. Réservé à cette dernière, Luxeverb est indubitablement le plus excitant d’entre eux puisqu’il s’agit de la réverbe la plus avancée jamais produite par Image Line. Bleue comme une Strymon, Luxeverb combine une réverbe globale (on ne dispose pas de différents algos mais d’un algo unique pour simuler différentes tailles de pièce) avec un pitch shifter dans sa section feedback et une enveloppe de volume qui permettra de jouer sur la dynamique, avec ou sans sidechain, le tout étant complété par deux moyens de suspendre la réverbe (Freeze, Sustain).
De fait, on dépasse de très loin le cadre de la réverbe utilitaire pour rentrer dans celui du sound design, qu’il s’agisse de réaliser des Shimmer Reverb atmosphériques grâce au pitch shifting ou des réverbes gatées grâce à la section enveloppe, le tout étant complété d’un spectrogramme facilitant la compréhension de l’effet.
Qu’en dire sinon du bien, vu que Luxeverb remplacera avantageusement les vieilles réverbes de FL Studio en termes de polyvalence, même si on aurait aimé une interface graphique redimensionnable pour gagner en lisibilité et qu’il vous faudra donc disposer de la All Plugin Edition pour mettre la main sur le joujou…
Disponible à partir de la version Signature Bundle, un Vintage Phaser est aussi de la partie, lequel a été modélisé d’après ceux utiilisés par Jean-Michel Jarre sur Oxygene, nous dit-on, soit une façon bien énigmatique de désigner le Small Stone Phase Shifter d’Electro-Harmonix, un des classiques du phaser… Précisons qu’il s’agit là d’une version bodybuildée de l’effet puisqu’en lieu et place de l’unique bouton et de l’unique potard de l’original, on dispose de quatre sections de réglages permettant de paramétrer finement l’effet. Bref, là encore, on est très au-dessus du vieux Fruity Phaser avec une large palette de sons à portée de clic.
Dispo à partir de la Producer Edition, Multiband Delay est plus original puisqu’il permet de découper le signal en 16 bandes que vous pourrez ensuite désynchroniser à loisir pour obtenir des effets variés. Une petite surprise qu’on n’attendait pas et plutôt bienvenue…
Commun enfin à toutes les éditions, VFX Sequencer est enfin un arpégiateur comme on en trouve pas mal aujourd’hui sur le marché pour générer des « mélodies » : vous pouvez y programmer une séquence qui générera des motifs à partir des accords joués. À utiliser en conjonction avec un synthé donc, dans Patcher.
Bref, selon l’édition dont vous disposez, vous mettrez la main sur de nouveaux jouets créatifs, sachant que ces derniers s’ajoutent à l’arsenal très fourni de FL Studio, trop fourni peut-être même si l’on considère que quantité de plug-ins sont plus là par souci de rétrocompatibilité que par réelle pertinence et qu’ils font doublon voir triplon au sein d’un ensemble qui alterne le bon et le moins bon… Vous l’aurez compris : on rentre dans la phase plus critique de ce test…
Trop de Fruity Loops dans FL Studio ?
Sans parler de certains effets ou instruments assez gadgets (Scratcher par exemple, vraiment pas très intéressant face à ce que permet Gross Beat en scratch virtuel, ou encore Plucked! extrêmement limité, ou Fruity Dance : un petit bonhomme qui danse en fonction du signal), il y a clairement des redondances fonctionnelles entre pas mal de plug-ins : on dispose tout de même de trois blocs-notes… Et en 2022, on peste sur le fait que la plupart des interfaces ne sont pas redimensionnables de sorte que certaines ont mal vieilli à l’heure des écrans 4K ou posent des problèmes de lisibilité en raison de contrastes mal étudiés… Bref, sur les 111 instruments et effets qu’on nous brandit comme un argument massue pour la All Plugins Edition, il se dégage un côté « Bric et Broc » qui dessert un peu le logiciel car on ne sait pas trop quoi utiliser pour quoi parfois, alors qu’on pourrait sans doute se contenter de la moitié…
Si un gros ménage là-dedans serait appréciable pour clarifier un peu le logiciel (quitte à proposer les vieux plug-ins en téléchargement libre pour ceux que ça intéresse), on notera en outre que FL Studio n’est malgré tout pas exhaustif : on ne dispose toujours pas de simulateur d’ampli guitare / basse ou de Leslie par exemple, et pour accéder à un Noise Gate, il faudra passer par le limiteur tandis que le Deessing se fera via Maximus, et qu’il faudra bricoler en side chain pour faire de l’égalisation dynamique, ou avec Patcher pour faire une égalisation en Mid / Side.
Bref, sur les outils de base de l’audio, tout cela est bien compliqué et s’il convient de signaler quelques originalités du logiciel en vis-à-vis de ses concurrents (intégration d’un Autotune-like, génial multieffet à patterns GrossBeat, générateur d’effets vidéo et Patcher qui permet de faire des choses très avancées via son approche modulaire), on râlera aussi sur le fait qu’on ne dispose pas d’outil de comping audio ou de possibilité de personnaliser les raccourcis claviers. Plus gênant encore, le logiciel ne supporte toujours pas la plateforme ARA, ce qui permettrait un usage bien plus instinctif de Melodyne ou de ReVoice qui n’ont rien de gadgets inutiles pour le Hip Hop comme le Dance Music où l’on a à gérer des voix, voire des chœurs ou des doublages… Alors certes, on dispose d’un Newtone pour se passer de Melodyne en version Signature, mais ce dernier est quand même loin de rivaliser avec le logiciel de Celemony, à commencer par la gestion de la polyphonie… Quant au support du MPE, il demeure toujours aux abonnés absents…
Côté instruments, la All Plugin Edition se défend bien mieux. Étant entendu qu’on est là face à un logiciel qui affiche clairement son parti pris pour les musiques électroniques et le hip-hop, on ne s’étonnera pas de la surreprésentation des synthés, boîtes à rythmes, samplers et drums samplers. Avec des choses vraiment excellentes (Harmor, Harmless, Poizone, Sytrus) et d’autres plus dispensables (FL Keys et Fruity DX-10 issus de freewares vieux de plusieurs décennies et ça s’entend, et même un… Soundfont Player !), sachant qu’on observe là encore les mêmes problèmes d’interfaces non redimensionnables et que l’ergonomie de tout ce petit monde n’est pas unifiée : parfois le navigateur de presets se trouve en haut à droite, parfois il faut le chercher dans la fenêtre de l’instrument. Précisons-le aussi : ceux qui chercheraient une approche plus généraliste de ce côté seront déçus en regard de ce qui se fait chez les concurrents (pas de batterie acoustique, pas de cordes, pas d’orgues, etc.). Encore une fois, FL Studio met en avant son identité electro/hip-hop et il n’y a pas à le lui reprocher ; il faut juste en avoir conscience…
Enfin, plus globalement on notera des partis pris ergonomiques qui sont loin d’être évidents. Outre la gestion de l’envoi vers des bus auxiliaires qui est originale mais pas forcément très pratique d’autant qu’on ne dispose pas dans la table de vue globale des inserts et des send, on notera le manque de cohérence dans l’affectation du clic droit qui sert tantôt à ouvrir un menu contextuel, tantôt à supprimer un élément, tantôt à rien… Bien évidemment, les habitués de FL Studio ne se plaindront pas de tout cela car ils y sont habitués, mais pour avoir testé la majorité des STAN du marché, je pense pouvoir dire que FL Studio est avec Reason celui qui demande le plus d’adaptation lorsqu’on vient d’un autre logiciel…
Tour FL
FL Studio n’est donc pas parfait, mais aucun logiciel ne l’est, et dans le petit monde des STAN, il dispose d’arguments de poids. Ce n’est pas seulement son génial système de licence à vie qui lui permet de se distinguer mais aussi sa communauté d’utilisateurs, clairement l’une des plus actives si ce n’est la plus active de tout le marché. On ne compte plus les Youtubeurs qui chaque semaine propose des tutos, en anglais comme en français ou dans quantité d’autres langues, sur la façon de faire tel type de prod hip-hop / électro ou de réaliser telle ou telle manipulation dans le logiciel. Et quand on débute, pour peu que l’on veuille se mettre aux genres de prédilection qui sont ceux du logiciel, c’est un argument de poids, tout comme le fait qu’Image Line ait également investi les plateformes iOS et Android en complément de Windows et MacOS et que FL Studio puisse être utilisé comme VSTi dans d’autres STAN.
Quant aux différentes versions du logiciel, disons qu’en dehors de la Fruity à cent euros qui ne permet de gérer l’audio et qui s’avère donc très limitée au point qu’on la déconseillera, la Producer à 200 euros, la Signature à 300 et la All Plugins Edition à 500 euros ne diffèrent que par le nombre d’instruments virtuels et de plug-ins d’effets qu’elle intègrent. En investissant 100 euros de plus qu’une Producer, vous mettez ainsi la main sur 8 plug-ins supplémentaire (Newtone, le Melodyne maison, GrossBeat, Hardcore, Pitcher, Vintage Chorus, Vintage Phaser, Harmless et Fruity Video Player), et pour 200 euros encore, vous accédez à 12 autres plugins (Luxeverb, Pitch shifter, Transient Processor, Drumaxx, Harmor, Morphine, Ogun, Poizone, Sakura, Sawer, Toxic Biohazard, Transistor Bass). Bref, chacun verra midi à sa porte, sachant que si le rapport qualité/quantité/prix de ces paliers entre les versions est attractif sur le papier, au gré des promos, il existe tellement de choses de qualité en vraiment pas cher, voire gratuit, sur le marché que chaque upgrade se réfléchira en fonction des besoins.
Conclusion
Comblant certaines lacunes et proposant quelques nouveaux effets très recommandables avec cette version 21, FL Studio est à n’en pas douter une proposition forte dans tous ses partis pris, comme peuvent l’être un Reason ou un Ableton Live. Du point de vue de son bundle comme de son ergonomie, il se montre en effet très différent de ses concurrents, et c’est précisément pour cela qu’on l’adorera ou le détestera, sachant qu’il est avant tout pensé pour les musiques électroniques et le hip-hop, avec une orientation clairement plus beatmaking que mixage…
Toutefois, s’il est indéniable que le soft a fait un bon bout de chemin depuis ses débuts au point de séduire nombre de beatmakers et musiciens électroniques pros, si son modèle des mises à jour à vie demeure absolument génial et s’il dispose très probablement de la communauté la plus active qui soit en matière de tutos sur Youtube, il n’en demeure pas moins critiquable sur plusieurs aspects. Pas mal de choses ont vieilli au sein du soft et de ses plug-ins tandis qu’Image Line est un peu trop sur le marketing de la quantité au lieu de soigner l’évolution de ses plug-ins. À l’image des courbes de volume sur les clips qui viennent seulement d’arriver, d’autres évolutions sont toujours attendues, certaines étant présentes chez la concurrence depuis des lustres, comme le comping audio, l’intégration d’ARA ou une meilleure gestion du tempo, la personnalisation des raccourcis claviers, la possibilité d’enregistrer des macros…
Bref, il y a une marge de progrès confortable pour ce bon vieux FL dont il nous tarde déjà de voir ce qu’il deviendra en version 22.