Après le Jupiter-X, Roland étend sa gamme de synthés à modélisation avec le Juno-X, doté d’une interface conçue pour éditer les émulations des synthés vintage à un oscillateur de la marque, tels que les Juno-60 et 106. Voyons comment il se positionne…
La plateforme Zen-Core existe maintenant sur de nombreuses machines signées Roland, stations de travail, synthés, modules, BAR. Elle compte des modèles de plus en plus nombreux, basés sur l’émulation des principales gloires du passé de la marque nipponne, que ce soient des synthés analogiques, des synthés numériques ou des pianos acoustiques. Cette plateforme permet de modéliser le comportement global de ces machines tout en conservant une polyphonie suffisante, en renonçant à la précision extrême du précédent moteur générique de la marque (ACB) plus gourmand en calculs, basé sur la modélisation des composants individuels. Le Zen-Core permet aussi de créer des programmes multitimbraux en faisant tourner différents modèles simultanément.
Le Jupiter-X a été le premier grand synthé à utiliser cette technologie, très largement inspiré de l’ergonomie, des commandes et du look du vénérable Jupiter-8. À l’usage, tant que l’on reste dans la synthèse VA, tout va bien, les commandes étant cohérentes, surtout pour les synthés à deux oscillateurs comme le JP-8 ou le JX-8P. Mais sortie de ce registre, l’ergonomie montre ses limites (édition de synthés à oscillateur unique et ondes cumulables comme le Juno-106 ou le SH-101) ou se dégrade fortement (édition de synthés comme le XV-5080 ou construction de programmes multitimbraux), forçant l’utilisateur à passer par un petit écran à menus profonds ou un éditeur externe. Avec le Juno-X, Roland a revu sa copie et promet plus de simplicité.
Construction sérieuse
Le Juno-X est un grand synthé qui privilégie le confort de commandes largement dispersées et clairement organisées sur un panneau avant généreux. Du coup, on se retrouve avec un instrument mesurant 107 × 33 × 12 cm pour 11,6 kg. La construction est exemplaire : coque en solide métal peint et flancs en plastique rigide. Le format, la charte graphique et la disposition des commandes sont très largement inspirés du Juno-106, l’un des best-sellers toutes catégories confondues sorti en 1984. Les commandes sont parfaitement ancrées et agréables à manipuler, ça donne le sourire. Le Juno-X totalise 8 potentiomètres rotatifs, 7 encodeurs crantés, 21 curseurs linéaires, 31 petits boutons rétroéclairés et 24 touches larges rétroéclairées. On apprécie le soin dans les détails, par exemple la possibilité de régler l’intensité des LED selon leur mode marche/arrêt ou encore leur couleur par section, toujours dans les deux modes marche/arrêt.
Le panneau est aussi simple à comprendre qu’un Juno-106 : en haut, les modules de synthèse organisés sur une rangée (volume, arpégiateur, LFO, oscillateur, HPF, filtre, enveloppe, effets). En dessous, une rangée de boutons pour choisir le mode de jeu, appeler les programmes, sélectionner un modèle de synthèse, sélectionner/activer/désactiver une partie ou un oscillateur, éditer les pas de l’arpégiateur, atteindre directement certains modules, spliter/empiler rapidement deux sons. Au centre, un écran LED monochrome de 128 × 64 points entouré de 2 encodeurs + 6 touches pour naviguer dans les menus et éditer les très nombreux paramètres disponibles. À gauche du clavier, des contrôleurs en temps réel : bâton de joie avec pitchbend latéral et modulation, 2 curseurs linéaires assignables, 3 boutons assignables et 3 touches de transposition (par demi-ton et octave). Tiens, il manque les touches Compare et Manual. Le clavier 5 octaves maison, sensible à la vélocité et la pression mono, est d’excellente facture ; la pression est toutefois hyper dure à enclencher, même avec la sensibilité au max, il faut peser lourd et ne pas chercher à enfoncer tous les doigts (ce qui au demeurant ne servirait à rien).
Passons à la connectique : sous la partie à gauche du clavier, on trouve une prise casque mini-jack 3,5 mm stéréo, sympa ! Le reste est à l’arrière : sortie casque (cette fois en jack 6,35 mm), 2 sorties audio principales stéréo L/R (jack 6,35 et XLR), 2 entrées audio (ligne mini-jack 3,5 mm stéréo et micro combo XLR/jack symétrique avec potentiomètre de gain), 2 entrées pour pédale (maintien et modulation), entrée + sortie Midi DIN (sortie commutable en Thru), prise USB type A pour clé de sauvegarde et prise USB type B pour transmission des données audio/Midi vers un PC (2 entrées/7 sorties audio stéréo en 24 bits/44–48–88–96–192 kHz, après installation d’un driver Windows ou Mac). On trouve un connecteur IEC 3 broches pour cordon secteur standard, mais en interne, si c’est comme dans le Jupiter-X, c’est un dérivé d’adapteur externe qui est à l’œuvre (on ne nous la fait pas en matière d’alim !). Au global, la connectique est quasi complète, mais pourquoi avoir doublé les sorties principales plutôt qu’offrir deux paires de sorties séparées ? Sous le capot, il y a 4 haut-parleurs délivrant 2 × 4 W à travers de petites ouïes en façade et à l’arrière. Leur puissance est suffisante et leur qualité acceptable pour un appoint.
Principes généraux
Comme le Jupiter-X, le Juno-X est un synthé numérique multitimbral capable d’utiliser plusieurs modèles de synthèse simultanés. Il est basé sur la plateforme Zen-Core, intégrant des modélisations de synthés analogiques (ABM) et la lecture de multiéchantillons (PCM). Par rapport au Jupiter-X, on gagne les modèles Juno-60 et Juno-X (inédit) ; on conserve les modèles Juno-106, XV-5080 et RD-Piano ; on perd en revanche les modèles JP-8, JX-8P et SH-101. Soit la perte d’un modèle à inscrire au bilan. Il est possible d’ajouter ces trois modèles, ainsi que le JD-800 et le Vocal Designer. Pour cela, il faut acheter des licences perpétuelles sur le cloud Roland. Si on veut faire tourner plusieurs modèles optionnels, il faut que les licences soient attachées au même compte utilisateur. Le cloud Roland est toujours aussi nébuleux pour qui cherche juste à voir ce qui existe pour son synthé avant de créer un compte. La polyphonie maximale est de 256 voix pour les modèles PCM (moins si on empile plusieurs partiels, évidemment) mais tombe à 32 voix pour les modèles ABM (on est plus souvent entre 16 et 24 voix en pratique, avec un vol de voix bien géré). La multitimbralité est de cinq parties, les quatre premières pour les instruments simples, la cinquième pour les kits de batterie.
Le Juno-X fonctionne en permanence en mode multitimbral, appelé Scène, comprenant les paramètres communs (assignation des contrôleurs physiques, mixage global, arpégiateur, effets globaux) et les réglages spécifiques aux parties (réserve de notes, numéro de programme, mixage, zone clavier, zone de vélocité, quelques paramètres de synthèse pour ajuster un Tone sans le sauvegarder, paramètres de synthèse complets pour créer son propre Tone, canal Midi en émission, filtres Midi, effet de partie, EQ de partie). On peut sauvegarder 256 Scènes et 256 Tones (parties 1–2–3–4) mais les kits de percussions (partie R) ne sont pas modifiables. On trouve aussi des réglages globaux : accordage, transposition, niveaux des entrées et sorties (lignes, micro, USB), activation des haut-parleurs, vétusté (simulation vintage), tempo/synchro, Bluetooth, Midi, micro (niveau, porte de bruit, compresseur), contrôleurs physiques, effets maîtres type mastering (EQ 5 bandes, compresseur multibande). Sans oublier la gestion courante de la mémoire interne : sauvegarde, export, restauration. La vétusté est aussi un paramètre au niveau de chaque modèle, tout comme la simulation d’instabilité. Bon point, les canaux Midi en réception sont libres d’assignation pour chaque partie, pas besoin qu’ils se suivent.
Ergonomie et écoute
Nous saluons l’accès direct aux commandes en façade pour les synthés analogiques vintage modélisés type Juno. Mais l’ergonomie devient assez vite laborieuse dès qu’on passe à des modèles à base de PCM ou quand on veut assembler plusieurs programmes : d’une part, l’édition des Scènes et la configuration des parties multitimbrales nécessite de naviguer dans des pages parfois interminables (listes déroulantes, défilement des pages à l’horizontale et des paramètres à la verticale). Le petit écran n’est pas des plus engageants, même s’il est bien situé au centre et que les deux encodeurs facilitent la navigation. D’autre part, il faut jongler avec des touches de fonction qui déterminent le rôle de la rangée de boutons au-dessus du clavier : Scène (touche Scène allumée), banque (Shift + Scène), Fonction, choix de Modèle (touche Modèle allumée), assignation de Modèle (touche Modèle maintenue), partie, oscillateur… C’est ainsi que l’on choisit/active/coupe une partie, assigne un modèle, sélectionne un numéro de Scène, change la banque de scènes, appelle un programme par catégorie, choisit l’un des quatre partiels), choisit/active/coupe les oscillateurs… On se perd parfois, on se plante souvent !
Le Juno-X est très généreux en nombre de présélections. Il offre 112 Scènes multitimbrales (parmi les 256 mémoires utilisateur) et de nombreux Tones pour chaque modèle (en plus des 256 Tones utilisateur) : 145 pour le Juno-X, 122 pour le Juno-106, 137 pour le Juno-60, 896 pour le XV-5080, 5 pour le RD-Piano et 2 pour le vocodeur. S’y ajoutent 2807 Presets en vrac et 91 kits de percussions. Les présélections proposées alternent des ensembles rythmiques EDM, des sons synthétiques en tout genre et des instruments acoustiques & électriques. Rien de bien nouveau, mais du sérieux côté synthés modélisés et percussions. C’est plus daté pour la partie instrumentale, on s’en doutait un peu compte tenu des sources utilisées, sur lesquelles nous reviendrons. Comme pour les Jupiter-X/Xm, on reste dans un esprit synthé avec connotation vintage, plutôt que station de travail passe-partout (il y a les séries Fantom pour cela). On apprécie la polyphonie assez confortable pour le contexte et la multitimbralité, surtout avec le clavier standard. À nous les Splits, les Layers et les arpèges complexes. Nous reviendrons en détail sur la qualité de chaque modèle au sein des paragraphes respectifs. Avant d’entrer dans le vif du sujet, on apprécie aussi la résolution des paramètres continus, souvent sur 1024 valeurs, voire 2048 pour certaines modulations bipolaires. Chapeau !
- Juno-X_1audio 01 Hoover 3Filters00:30
- Juno-X_1audio 02 Power Flanger01:03
- Juno-X_1audio 03 Strings I II III00:34
- Juno-X_1audio 04 Dark Pad01:06
- Juno-X_1audio 05 Brass After Brass00:29
- Juno-X_1audio 06 Pad & Arp01:51
- Juno-X_1audio 07 Sarah-X00:57
- Juno-X_1audio 08 June GPT102:02
- Juno-X_1audio 09 June GPT201:25
- Juno-X_1audio 10 June GPT301:58
Modèles Juno
Les trois premiers modèles sont dédiés aux Juno. Les modèles de Juno-60/Juno-106 reprennent peu ou prou les paramètres de leurs ancêtres, avec quelques petites différences ici et là. Le lecteur pourra d’ailleurs se référer aux tests vintage du Juno-60 et du Juno-106, ainsi qu’au test plus récent du JU-06A qui les modélise avec la technologie ACB, plus précise mais aussi beaucoup plus gourmande que l’ABM utilisée ici sur le Juno-X. Les modèles Juno sont idéaux pour programmer rapidement. On retrouve le son spécifique des cuivres et polysynths, avec ce fameux chorus très typées 80, que ce soit filtre ouvert ou fermé et une attaque d’enveloppe caractéristique. On a aussi des nappes planantes douces, des orgues bien pêchus à attaques percussives ou des standards cuisinés à la PWM : onde carrée acidulée, strings embellis par le chorus, leads avec largeur d’impulsion baladeuse… tout comme des basses puissantes, rondes, résonantes ou pesantes avec le suboscillateur. Comme déjà dit dans le test du Jupiter-Xm, la différence entre les modélisations ACB et ABM sont ici ténues, ça fonctionne bien pour des machines originellement stables à base de DCO. Cependant, autant la modélisation de Juno-106 nous a convaincus, autant celle de Juno-60 manque un peu de rondeur et d’ampleur — de magie — par rapport à l’original.
Au plan des réglages, on retrouve la bonne vingtaine de paramètres éditables des Juno-60/106, permettant d’aller droit au but. Le son est généré par un DCO modélisé accordable sur 16–8–4 pieds, accompagné d’un suboscillateur à onde carrée à l’octave inférieure et d’un générateur de bruit blanc. L’oscillateur peut générer simultanément une impulsion à largeur variable (marche/arrêt) et une dent de scie (marche/arrêt). Il n’y a donc pas d’interactions d’oscillateurs (vu qu’il n’y en a qu’un). Le pitch peut être modulé par le LFO, alors que la largeur de l’impulsion peut être réglée à la main, modulée par le LFO ou par l’enveloppe (Juno-60 uniquement). On peut doser le niveau du suboscillateur et du bruit. Le tout passe ensuite dans un filtre passe-haut statique (réglable sur 4 positions), suivi d’un filtre passe-bas résonnant 4 pôles. En position 0, le HPF amplifie bien les basses sur le modèle Juno-106, comme sur l’original (ce qui n’est pas le cas sur le Juno-60).
Là où le modèle diffère de son ancêtre, c’est qu’il propose trois types de filtres modélisés : Roland, Moog ou Sequential. Le filtre Roland est auto-oscillant (comme sur les Juno), ce qui n’est pas le cas des deux autres types de filtre. La fréquence de coupure peut être modulée par le LFO, l’enveloppe (modulation bipolaire) et le suivi de clavier (0–200 %). La résultante passe alors dans un ampli, dont on peut régler le volume et la source de modulation (Gate ou enveloppe). Pour obtenir le chorus caractéristique du Juno, on utilise l’algorithme Juno Chorus du MFX, simulant les positions I/II/I+II du chorus du Juno-106, auxquelles s’ajoute une position III moins colorante, cumulable aux deux autres, avec possibilité d’ajouter du bruit de fond. Le LFO est plus que basique (une seule onde sinus), avec réglage de la vitesse (sub-audio) et du délai. Les modes de jeu des voix sont poly, mono ou unisson (sans désaccordage). La section de modulation physique du Juno-106 (pitchbend, modulation, portamento) est intégrée (y compris le modèle Juno-60 qui n’en disposait pas à l’origine), agissant sur le pitch et le filtre. On peut aussi simuler une dérive d’oscillateurs (on modélise pourtant un DCO stable par essence, mais bon, pourquoi pas…) et la vétusté des composants (âge). On peut aussi étendre certaines plages de modulation : vitesse du LFO, coupure, résonance. Bien vu !
Le modèle Juno-X est le plus puissant des trois et le plus gourmand en polyphonie (16 notes). Il ajoute un certain nombre de paramètres aux modèles Juno-60/106 : formes d’ondes multiples dans le LFO, synchro du cycle au tempo, onde Supersaw dans l’oscillateur, déphasage et désaccordage du suboscillateur, séparation stéréo des ondes (gros son assuré !), réglages indépendants du niveau de chaque onde, suivi de clavier bipolaire, vélocité sur le filtre/le volume/le pitch, deuxième enveloppe de pitch, pression sur le filtre/le volume/le LFO. Plus complet, plus expressif, tout en conservant le caractère sonore des Juno, avec un recours au menu très mineur.
Modèle XV-5080
Le modèle XV-5080 est hérité du module de synthèse éponyme sorti en 2000, basé sur la lecture d’échantillons. Autant dire que les sons datent un peu, même si la Rom comprend les cartes d’extension. C’est, avec le RD-Piano, le modèle le plus pénible à éditer, car les commandes directes sont inadaptées pour ce type de synthèse qui propose des centaines de paramètres pour quatre couches sonores. Nous souffrons autant que le petit écran, le recours à l’éditeur/bibliothécaire fourni est donc plus que nécessaire pour s’en sortir.
Un Tone XV-5080 est constitué de 4 couches sonores (partiels). Chaque partiel comprend une fenêtre de tessiture et de vélocité avec fondus hauts et bas, un oscillateur, un filtre, un ampli et un EQ. Les partiels sont arrangés en structures, au sein desquelles ils peuvent interagir deux par deux : synchro, modulation en anneau ou cross modulation (sorte d’AM complexe). Les oscillateurs utilisent soit un multiéchantillon mono ou stéréo, soit une onde analogique modélisée VA, soit une onde PCM-Sync, soit une onde Supersaw, soit un bruit blanc. Pour les PCM, on compte plus de deux mille multiéchantillons ; il n’y a pas de synthèse Super Natural. Les oscillateurs VA, dérivés du V-Synth, peuvent faire appel à 9 formes d’ondes élémentaires : dent de scie, carrée, triangle (x3), sinus (x2), rampe ou Juno (dent de scie modulée) ; on peut faire varier la largeur d’impulsion de chacune. Les ondes PCM-Sync utilisent 48 formes d’ondes que l’on peut détruire sauvagement. La Supersaw dispose d’un Detune, ce qui ravira les amateurs d’EDM.
Le pitch peut être directement modulé au bâton de joie, aléatoirement, par le suivi de clavier, avec un vibrato ou une enveloppe multisegments répondant à la vélocité et au suivi de clavier. Le filtre peut être de deux natures : TVF (multimode classique Roland — 6 types) ou modélisé (VCF Jupiter/Moog/Sequential + HPF). Dans le second cas, la polyphonie prend une petite claque, ça n’est pas choquant, le résultat mérite amplement le sacrifice. Les modulations sont confiées à 3 enveloppes, 2 LFO à 11 formes d’ondes synchronisables (avec Step LFO programmable sur 16 pas) et une matrice 4 sources/16 destinations. Les sources englobent les contrôleurs Midi, les enveloppes, les LFO, le suivi de clavier, la vélocité et la pression. En fin de parcours, on choisit le routage vers l’overdrive et/ou le MFX (multieffets de partie), avec départs vers le chorus, le délai et la réverbération.
Modèle RD-Piano
Le cinquième modèle est le RD-Piano. Il s’agit de multiéchantillons PCM et d’un effet de résonance sympathique simulant le comportement des pianos acoustiques. C’est donc différent du modèle V-Piano du Fantom, qui pour sa part fait appel à une modélisation note par note. On peut l’assigner à l’une des quatre parties instrumentales, mais l’effet de résonance sympathique n’est disponible que sur la première. Le modèle contient cinq Presets de base, semblant faire appel à trois pianos acoustiques stéréo distincts (ABC), chacun avec trois niveaux de vélocité (mp, mf, f).
On peut en empiler jusque quatre couches par Tone (partiels 1–2–3–4). Cela aurait été bien que Roland pousse les multiéchantillons à davantage de couches, mais ça semble la limite de l’architecture Zen-Core. Les paramètres éditables sont assez proches de ceux du modèle XV-5080, nous ne nous y attarderons donc pas. Si l’effet de résonance sympathique remplace le MFX sur la partie n° 1, ce dernier est en revanche disponible si on utilise les trois autres. On peut régler la quantité de résonance des cordes et celle du corps du piano. Le résultat est vraiment convaincant, que ce soit dans les réglages subtiles ou au contraire les extrêmes, allant même jusqu’à des effets de réverbe.
Modèle Vocoder
Le vocodeur est le sixième et dernier modèle fourni avec le Juno-X. Il est doté de deux présélections, l’une claire, l’autre douce. La qualité est excellente, avec une très bonne intelligibilité et une détection impeccable des consonnes et transitoires. Le générateur de bruit intégré fait aussi très bien son job. Dommage qu’on ne puisse éditer aucun paramètre. Nous avions fait le vœu au moment du test du Jupiter-Xm de pouvoir changer le signal de synthèse, adapter les bandes de fréquence, décaler les formants… Mais rien n’a évolué dans ce domaine. Le vocodeur étant traité comme un modèle d’instrument, on peut l’envoyer vers les effets comme un programme classique. Bien vu !
Section effets
Le Juno-X organise ses effets en trois niveaux hiérarchiques : partie, scène et système. Chacune des quatre premières parties peut faire appel à un multieffet distinct (MFX) et chacune des cinq parties possède un EQ trois bandes. Il existe cependant une restriction, le modèle RD-Piano, comme nous venons de le voir. Lorsqu’on assigne un Tone à une partie, on peut utiliser le MFX stocké avec lui ou repartir de zéro. C’est notamment utile pour certains modèles de synthés qui utilisent le chorus du MFX. Chaque MFX est capable de produire 93 algorithmes différents : filtres (EQ, booster, wahwah, Enhancer, simulateur de HP), modulations (phaser, tremolo, autopan, HP tournant), chorus/flangers, processeurs de dynamique (OD, compresseur, limiteur), délais (simple, stéréo, multiple, écho à bande), effets lo-fi, modulations de pitch, simulations vintage (CE-1, SBF-325, SDD-320, Juno-106), loopers, DJFX, saturateurs… sans oublier les combinaisons de deux effets. Entre 5 et 15 paramètres sont disponibles par effet, certains synchronisables au tempo, d’autres, prédéfinis dans chaque algorithme, modulables par la matrice dédiée (4 sources/4 destinations, modulations bipolaires).
Au niveau Scène, communs à toutes les parties, on dispose d’une OD, un chorus, un délai et une réverbe. Chaque partie peut être routée (ou non) vers l’OD (effet d’insertion) et offre des départs séparés vers le chorus, le délai et la réverbe (effets parallèles). L’OD est une simple distorsion ses propres envois séparés vers le chorus, le délai et réverbe. Le chorus offre 10 algorithmes (chorus stéréo, émulation de la pédale CE-1, émulation de SDD-320, émulation du Juno-106, délai stéréo, délai synchro, délai -> trémolo, double écho stéréo, triple écho stéréo, chorus JV). On peut définir le niveau et la quantité d’envoi vers la réverbe. Les autres paramètres (entre 1 et 10) sont fonction de l’algorithme. On passe ensuite aux délais, déclinés en 5 types stéréo, proches des délais déjà présents dans les effets chorus, avec possibilité de synchronisation des temps. Ici aussi, on peut définir le niveau et la quantité d’envoi vers la réverbe. Les paramètres (entre 1 et 10) dépendent de l’algorithme choisi. Il y a enfin la réverbe, dotée de 8 algorithmes principaux : Integra-7 (5 types), Warm Hall, Hall, GS (8 types), SRV-2000 (15 types), SRV non linéaire, GM2 (6 types) et Gate. On trouve généralement une dizaine de paramètres par type de réverbe. Des choix plus éclectiques qu’à l’accoutumée. Signalons que contrairement aux MFX, ces effets sont statiques. Ils peuvent être sauvegardés dans chaque Scène ou au plan global du synthé.
Au niveau global enfin, on trouve un EQ paramétrique 5 bandes et un compresseur multibande, permettant de masteriser le signal final selon le style souhaité ou la salle de concert, avec de nombreux paramètres. S’y ajoutent deux effets micro : un réducteur de bruit et un compresseur. On peut doser l’entrée micro vers le chorus, le délai et la réverbe. Voilà qui est tout à fait complet, avec un très bon niveau de qualité.
Arpégiateur intelligent
Le Juno-X est équipé d’un i-arpégiateur basé sur l’intelligence artificielle, à mi-chemin entre un arpégiateur et un arrangeur, un peu comme le Karma de Korg. Il permet de générer des arpèges simples ou multitimbraux sur les parties 1–2–3–4 et un rythme sur la partie R. En façade, on choisit le type d’arpège et de rythme, on ajuste le tempo et c’est parti ! L’arpégiateur fait alors varier les motifs en fonction des notes jouées (fonction Play Detector Key) et du timing de jeu live (fonction Play Detector Beat). Plus on complexifie notre jeu, plus l’arpégiateur enrichit les motifs. On peut aussi désactiver ces fonctions dites intelligentes pour jouer des arpèges classiques. Le résultat dépend de ce que l’on joue et surtout du bon vouloir de la machine. C’est parfois bluffant, parfois décevant, souvent imprévisible.
La mémoire interne renferme 65 types d’arpèges multitimbraux (parties 1–2–3–4) et 65 types de motifs (partie R), auxquels s’ajoutent 128 styles d’arpèges classiques (avec 1 à 11 variations) par partie. La partie qui gère le timing (Play Detector Beat) possède 10 niveaux de sensibilité, qui modifient les motifs de manière plus ou moins drastique. Le manuel conseille de réduire la valeur si on trouve que ça varie trop d’une mesure à l’autre. On peut aussi ajouter un peu de Shuffle. Dans chaque partie, on peut éditer bon nombre de paramètres supplémentaires d’arpège : résolution de la grille, tessiture de scan (+ ou — 3 octaves), transposition (+ ou — 36 demi-tons), ordre des notes arpégées (haut, bas, alterné, aléatoire, comme joué, rythme non transposé, phrase transposée, basse prioritaire), durée (en proportion par rapport à la longueur de note jouée), Shuffle, vélocité (fixe ou jouée). D’autres réglages permettent de spécifier comment les arpèges sont enchaînés quand le Play Detector Beat est activé (immédiatement, à la fin du battement, à la fin de la mesure, à la fin du cycle d’arpège), comment les notes en cours sont arrêtées lorsque le motif d’arpège change, comment les accords sont scannés, comment deux notes identiques sont gérées dans un arpège multitimbral (avec possibilité de Ducking), etc. L’utilisateur devra passer du temps pour bien paramétrer son arpégiateur.
Il pourra aussi consacrer du temps à la programmation d’arpèges par pas. On actionne pour cela le bouton Step Edit lorsque le motif en cours de jeu nous satisfait ou au contraire partir de rien. L’écran affiche alors l’arpège sous forme de grille de 64 pas x 16 notes maximum. On les édite par pages successives de 16 pas en ligne et 4 notes en colonne. Pour chaque pas, on peut entrer des notes, leur vélocité (de 0 à 127 par saut de 10) ou encore insérer une liaison ou un silence. Le bouton Part permet d’alterner les cinq parties multitimbrales. La touche Play/Stop permet quant à elle d’écouter le résultat obtenu. Dès qu’on est satisfait du résultat, on peut le sauvegarder dans la Scène en cours ou l’exporter sur clé USB afin de l’utiliser dans une STAN. Chaque partie contenant des données est alors exportée dans un fichier au format SMF type 0 intégrant le canal Midi utilisé par la partie. On nomme le fichier et le Juno-X ajoute automatiquement le numéro de partie aux fichiers générés, sympa. Les notes arpégées sont transmises en Midi sur le canal d’émission réglé en mode Scène, parfait !
Conclusion
Le Juno-X concentre les modélisations des gloires du passé de Roland, en particulier les synthés analogiques mono-oscillateur tels que les Juno, en ajoutant une version actualisée. Il intègre également la lecture d’échantillons pour couvrir un maximum de territoires sonores, avec une connotation vintage numérique qui peut paraitre datée. La qualité des modélisations analogiques est très bonne, en particulier celle du Juno-106, tout comme l’interface spécifiquement étudiée pour en tirer le maximum sans effort. C’est plus compliqué pour les autres modèles et la création de Scènes multitimbrales, car beaucoup de paramètres sont en jeu, ce que le petit écran peine à afficher, conduisant à pas mal de navigation ou à l’utilisation de l’éditeur fourni. On apprécie la polyphonie assez confortable, les nombreux effets très qualitatifs et l’arpégiateur dit intelligent, même si on ne comprend pas toujours tout ce qu’il se passe. La qualité de construction est exemplaire et les HP intégrés permettent une utilisation quasi nomade, pour peu qu’on puisse alimenter le synthé. Moyennant finances, le Juno-X s’ouvre à d’autres modèles de synthèse. Un synthé ouvert, robuste, puissant et agréable, tant qu’on l’oriente sur les synthés mono-oscillateur à ondes cumulables.