Après l’Argon8 basé sur les tables d’ondes et le Cobalt8 basé sur la modélisation analogique, Modal présente le Carbon8, embarquant des oscillateurs à algorithmes haute résolution modulables. Voyons comment il se démarque…

Le Carbon8 a été présenté pour la première fois au Superbooth 2023, au moment où la firme britannique Modal Electronics connaissait des difficultés financières. La sortie du synthé a donc été repoussée est c’est fin 2024, après la reprise de la marque (et d’une équipe réduite) par WT Technology Development Limited (Hong Kong), que les premiers modèles de Carbon8 ont fait une apparition timide sur le marché. Dans l’intervalle, la distribution française a été reprise par la société Adagio France. Elle vient de nous envoyer un Carbon8 flambant neuf pour l’occasion. Il s’agit du modèle doté d’un clavier de 3 octaves. La version module, baptisée Carbon8M, est annoncée, mais nous ignorons à ce stade si une version 8X à clavier de 5 octaves verra le jour. La série Carbon8 succède donc aux séries Argon (2020 – synthèse à tables d’ondes) et Cobalt (2022 – synthèse à modélisation analogique étendue). Nous avons testé la machine en version 1.1 du micrologiciel.
Copie Carbon : un design familier, mais une puissance revue à la hausse
Le Carbon8 reprend le même châssis et les mêmes commandes physiques que ses prédécesseurs. Il n’y a que les fonctions liées au cœur du moteur sonore (oscillateurs, filtre, LFO notamment) qui changent. Le synthé est emballé dans un carton toujours aussi fin, mais il semble bien calé par deux pains latéraux et une protection sous les touches en mousse haute densité. En plus du synthé, Modal nous gratifie d’une alimentation externe 9V/1,5A/centre+ type bloc extrême un peu cheap, d’un cordon USB A->B et d’une simple feuille A4 cartonnée en guise de guide de prise en main rapide (un mode d’emploi pas vraiment détaillé est téléchargeable sur le site de Modal Electronics). Le synthé pèse 5,6 kg pour une taille de 55,5 × 30 × 10 cm. Plutôt lourd pour son format compact, il est construit comme un tank, avec son épaisse façade en alu anodisé, sa coque en métal peint avec une sérigraphie sur fond gris bien lisible et ses flancs en bois épais teinté noir.
Une interface intuitive avec des contrôles complets
L’organisation en modules est en tout point identique à celle des Argon/Cobalt : LFO, oscillateurs, filtre, effets, volume, enveloppes, bâton de joie, mode vintage, transposition (-3/+4 octaves et –12/+24 demi-tons), modes du clavier, édition centrale, arpégiateur et séquenceur. On s’y retrouve toutefois un peu mieux visuellement grâce à une sérigraphie qui vient délimiter les différents modules. Il faut bien chercher pour pointer quelques rares différences avec les prédécesseurs (oscillateurs, filtres, LFO surtout). Les touches Init et Random (création de sons aléatoires) sont bien présentes, mais la fonction Compare est toujours introuvable. Il n’y a qu’un encodeur-poussoir cranté pour naviguer au sein de 500 programmes (par défilement ou par banque de 100 programmes), sans classement par catégorie. Les mémoires bouclent entre les numéros 500 et 1, tant mieux. Pour naviguer dans les menus, un second encodeur-poussoir sert à sélectionner les pages et choisir le paramètre à éditer dès qu’on appuie dessus.
Digitalement vôtre : une architecture numérique et évolutive
Le Carbon8 est un synthé numérique monotimbral polyphonique 8 voix. Il offre 500 mémoires utilisateur, dont 300 sons préprogrammés d’usine, bien fichus, permettant de voir ce que le synthé a dans le ventre tout en étant utiles, directement ou comme point de départ à des créations personnelles. Le Carbon8 est orienté textures numériques évolutives, même si on peut trouver çà et là quelques classiques de la synthèse soustractive (on lui préférera un analogique pur dans ce registre, dont il sera un parfait complément). Nous avons été séduits par la qualité audio et la qualité sonore du Carbon8, qui nous a davantage convaincus que ses prédécesseurs dès la première écoute. Déjà, les niveaux de sortie sont élevés, rien à voir avec les premières versions d’Argon/Cobalt que nous avions testées, sans pour autant pousser le gain programmable de manière excessive en plus du volume. On ne note aucun bruit de fond, le moteur audio a été particulièrement soigné par les développeurs.

- Carbon8_1audio 01 SVF Arp01:23
- Carbon8_1audio 02 Digital Ambiance01:19
- Carbon8_1audio 03 Huge Sync00:48
- Carbon8_1audio 04 Delayed Saws00:57
- Carbon8_1audio 05 Evolving Bass01:12
- Carbon8_1audio 06 Terminus Day00:38
- Carbon8_1audio 07 Vocal Art00:46
- Carbon8_1audio 08 Heart of Asia00:34
- Carbon8_1audio 09 Vintage Vibe00:40
- Carbon8_1audio 10 Arp Endings01:10
Haute résolution
Le Carbon8 est présenté comme un synthé à oscillateurs deux fois plus complexes que ces prédécesseurs. Qu’en est-il ? Chaque voix est constituée de 2 oscillateurs, un filtre, 3 LFO, 3 enveloppes et une matrice de modulation. Chaque oscillateur fait appel à l’un des 56 algorithmes d’ondes fournis, modulables en continu (paramètre « Contour »). Ce paramètre crucial, destination de la matrice de modulation, varie suivant le type d’algorithme choisi, indiqué à l’écran dès qu’on le modifie. Ce même écran affiche également l’onde obtenue en temps réel. Parmi les 56 algorithmes, on trouve des ondes classiques à synchro interne, des ondes passées dans un Wave-Folder, des PWM, des ondes à modulation de phase, des ondes à distorsion de phase, des ondes avec réduction de résolution, des ondes résonantes et des bruits modulés en audio. Le cycle des oscillateurs peut être libre ou déclenché à chaque note.
Des filtres revisités
À l’origine, l’Argon8 était doté de 4 modèles de filtres 2 pôles de type SEM, alors que le Cobalt8 disposait de 4 modèles de filtres 4 pôles en échelle à variables d’état continues. Depuis les dernières versions du micrologiciel, Modal a amélioré les choses, les deux modèles intégrant désormais 8 et 31 types de filtres. Le Carbon8 pousse quant à lui le bouchon encore plus loin, avec 34 types de filtres, les uns doubles avec morphing, les autres statiques avec saturation, incluant au passage certains de ses prédécesseurs. On commence par 2 types de filtres 2 pôles à variables d’état, permettant de passer progressivement entre LP/BP/HP et LP/Notch/HP. Viennent ensuite 7 types de filtres doubles 2 pôles avec morphing en continu : LP (x2), BP, HP (x2), Notch (2 pics résonants) et Phaser (en échelle). Viennent enfin 25 types de filtres statiques 1–2–3–4 pôles en échelle à saturation variable, déclinés en différents modes LP/BP/HP/Notch. Bref, une section encore plus musclée que les prédécesseurs du Carbon8.
Des modulations sérieuses
Comme ses prédécesseurs, le Carbon8 offre d’excellentes possibilités de modulation. On trouve pour commencer un portamento polyphonique à vitesse variable, dont le déclenchement se fait en permanence ou uniquement sur les notes liées. Viennent ensuite trois LFO (LFO1 global, LFO2 et LFO3 polyphoniques) à 15 formes d’ondes modifiables en continu (à partir d’ondes sinus, triangle, carré, rampe, dent de scie, S&H, S&H lissée, combinaisons…). La modification est une destination de la matrice de modulation, chouette ! L’onde résultante est affichée sous forme graphique, sympa. L’oscillation peut être libre, redéclenchée à chaque note ou jouée sur un seul cycle. La vitesse des LFO peut être réglée à la main (jusque dans les fréquences audio quand on lui fait suivre le clavier) ou synchronisée au tempo suivant différentes divisions. Il n’y a en revanche ni délai ni fondu. Pour assigner un LFO à un paramètre de synthèse (et d’effets pour le LFO1), on allume le bouton du LFO et on tourne l’encodeur de la destination ; la quantité de modulation, bipolaire, est réglée via l’encodeur de destination ou le potentiomètre de données. On trouve ensuite trois enveloppes ADSR : deux assignées au filtre et au volume, la troisième assignable via la matrice de modulation. Les quantités de modulation de l’enveloppe de filtre et de l’enveloppe assignable sont bipolaires. On trouve aussi 8 types de réponse d’enveloppe (courbes), allant des sons percussifs très secs aux longs pads évolutifs.
Des effets rafraîchis
En sortie de l’étage d’amplification, le son passe dans trois multieffets stéréo, à raison d’une seule instance par programme. Ils sont placés en série et interversibles. On peut router un signal audio externe vers les effets (ou directement en sortie stéréo). Chaque multieffets est capable de produire 26 algorithmes, ce qui correspond peu ou prou aux évolutions constatées du micrologiciel des Argon/Cobalt : chorus, phaser, flanger positif, flanger négatif, trémolo, unisson, réducteur de fidélité, haut-parleur tournant, délai stéréo, délai pingpong, délai croisé, réverbe, compresseur, saturation mono et saturation stéréo.
Un arpégiateur et un séquenceur performants, mais perfectibles
Le Carbon8 est doté d’un petit arpégiateur similaire à celui de ses prédécesseurs. On l’active en appuyant sur la touche du même nom. La maintenir permet d’enregistrer des notes avec le clavier (ou via Midi) et des silences, à concurrence de 32 pas. On choisit ensuite la division temporelle, puis le mode de lecture (15 motifs transposables de 1 à 4 octaves, avec les modes pendulaires, Shuffle, aléatoire, accords), le swing (bipolaire, donc avec avance ou retard de note) et la durée de note (Gate). Un mode permet de maintenir l’arpège au relâchement de touches, avec possibilité de maintien (combinaison de touche). Les notes entrées ne sont évidemment pas sauvegardées dans les programmes, seuls les paramètres décrits ci-avant le sont, rien de choquant…
Caractéristiques techniques
- Type : Synthétiseur numérique
- Polyphonie : 8 voix
- Oscillateurs : 2 par voix, 56 algorithmes d’ondes modulables
- Filtres : 34 types, morphing et saturation inclus
- LFO : 3 avec 15 formes d’ondes modifiables
- Enveloppes : 3 (filtre, volume et modulation)
- Modulation : 8 assignations personnalisables + 4 préassignées
- Effets : 3 multieffets en série, 26 algorithmes disponibles
- Arpégiateur : 32 pas, 15 modes, swing ajustable
- Séquenceur : Polyphonique, 64 pas en mode pas-à-pas ou 512 notes en temps réel
- Écran : OLED blanc sur fond noir
- Connectique : MIDI DIN in/out, USB MIDI, sortie casque, sorties ligne L/R, entrée audio stéréo
- Dimensions : 55,5 × 30 × 10 cm
- Poids : 5,6 kg
- Alimentation : Bloc externe 9V/1,5A
FAQ
Le Carbon8 est-il adapté aux débutants ?
Son interface est intuitive, mais la richesse de ses options de modulation et de filtrage en fait un instrument plus adapté aux utilisateurs ayant déjà une expérience en synthèse sonore.
Quelles sont les principales différences entre le Carbon8 et le Cobalt8 ?
Le Carbon8 utilise des oscillateurs à algorithmes modulables haute résolution, offrant une large palette de textures numériques, tandis que le Cobalt8 repose sur une modélisation analogique étendue.
Le Carbon8 est-il polyphonique ?
Oui, il propose une polyphonie de 8 voix, avec une large flexibilité dans la gestion des oscillateurs et des filtres.
Peut-on l’utiliser en studio et en live ?
Oui, grâce à sa construction robuste, ses multiples effets intégrés et ses mémoires de sons, il est adapté à une utilisation en studio et sur scène.
Quels sont les principaux points faibles du Carbon8 ?
Il est monotimbral (une seule sonorité à la fois), son séquenceur a des modes exclusifs qui peuvent être contraignants, et l’absence de réglage de panoramique peut être un frein pour certains utilisateurs.