On n'arrête plus Polyend. Au milieu de séquenceurs, de grooveboxes et même d’effets, l’entreprise polonaise nous propose un petit synthétiseur multitimbral trois parties étonnant. Découvrons de quoi il retourne.

Fondée en 2016, Polyend est une petite entreprise polonaise qui a su se faire un nom grâce à son dynamisme, la pertinence de ses propositions et des prix toujours bien positionnés. Cela n’a pourtant pas été sans embûches, notamment après la crise du COVID, qui a entraîné des difficultés d’approvisionnement en composants, laissant certains utilisateurs déçus. Pour en savoir plus, vous pouvez (re)lire notre test du Play+.
Principalement connue pour ses grooveboxes et séquenceurs, l’arrivée de ce Synth est une petite surprise. Ce n’est pourtant pas sa première incursion dans le domaine, puisqu’en collaboration avec Dreadbox, l’entreprise avait déjà lancé le Medusa, un synthétiseur hybride combinant technologie analogique et numérique.
Cette fois, entièrement conçu par Polyend, il s’agit ici d’un tout autre animal. Le Synth est un synthétiseur, totalement numérique, à trois parties et huit voix de polyphonie, reprenant quatre moteurs de synthèse déjà aperçus sur le Play+ et le Tracker+ et en ajoute quatre nouveaux. Le tout à un tarif très compétitif : 499 € au moment de l’écriture de ce test.
Le tour du propriétaire : une présentation claire et flatteuse
Adoptant le même form factor que les Play+ et Tracker+, le Synth se présente sous la forme d’un rectangle noir aux coins arrondis, mesurant 28,2 × 20,7 × 3,3 cm pour un poids de 1,2 kg. Son panneau de contrôle est bien organisé, de manière claire et ergonomique. Malgré son prix très attractif, le Polyend Synth fait bonne impression : il ne donne absolument pas l’impression d’être un instrument cheap. Tout semble bien conçu et solide, avec des encodeurs bien ancrés et un contact agréable avec les différents éléments de l’interface. On retrouve avec plaisir les switchs habituels de Polyend, également présents sur le Tracker+ par exemple, offrant un clic particulièrement agréable.
À droite de l’écran, trois encodeurs assurent le contrôle du volume, du tempo et du pitch bend. Ils sont suivis de trois encodeurs macro, puis de neuf autres, organisés en trois rangées, dédiés à l’édition des différentes pages de l’écran.
Enfin, tout à droite, six boutons complètent l’interface : quatre permettent d’accéder aux pages d’édition des moteurs de synthèse, un cinquième sert à naviguer entre le séquenceur, l’arpégiateur et la matrice de modulation, ainsi qu’un bouton Shift, utile pour les fonctions secondaires.
Dans la partie inférieure, on découvre l’une des particularités du Polyend Synth : à moins d’être proposé sous forme de desktop ou de rack, la grande majorité des synthétiseurs commercialisés aujourd’hui intègrent un moyen de jeu et d’expression sous la forme d’un clavier musical (qu’il soit lesté, semi-lesté ou à membrane).
Pour le Synth, la marque a fait d’une matrice configurable de 60 pads RGB, sensibles à la vélocité et à la pression polyphonique. Ce n’est pas la première fois qu’un synthétiseur intègre une matrice de pads, on pense notamment à l’Hydrasynth Desktop, mais celle du Synth présente des particularités intéressantes. Nous y reviendrons.
Toute la connectique, entièrement regroupée à l’arrière, est l’un des aspects où l’on perçoit les compromis faits pour maintenir un prix bas. Elle se limite à une sortie stéréo ainsi qu’à une entrée et une sortie MIDI, toutes au format mini-jack. Heureusement, l’appareil est livré avec un adaptateur stéréo mini-jack vers deux mono-jacks 6,35 mm, ainsi qu’un adaptateur mini-jack vers MIDI DIN.
L’emballage comprend également un câble USB-C vers USB-A de 2 m, une carte MicroSD de 16 Go, un adaptateur de cartes MicroSD vers USB-A, plusieurs adaptateurs d’alimentation pour les différents standards, ainsi qu’un manuel de prise en main au format A4 de 48 pages. Le mode d’emploi complet est quant à lui téléchargeable sur le site de Polyend. On en profitera pour vérifier que l’instrument dispose bien du dernier firmware et, si nécessaire, de procéder à sa mise à jour. L’opération est simple et ne pose aucun problème particulier.
À ce sujet, le Synth a été livré avec le firmware 1.0.1. Lorsque le processeur était fortement sollicité, par exemple, lors de l’utilisation de plusieurs moteurs de synthèse gourmands (comme les moteurs granulaires), des craquements pouvaient se faire entendre. Ce problème a été corrigé avec l’installation du firmware 1.1.
Prise en main : une ergonomie sans faille
Viennent ensuite les scènes, qui regroupent les informations de tempo et d’horloge, la configuration de la matrice de pads, les réglages des trois parties de synthèse avec leur séquenceur/arpeggiateur, leurs commandes macros, ainsi que la section mixer et les effets.
Le partage de voix est également sauvegardé avec les scènes. On peut, par exemple, affecter quatre voix à la première partie synthétiseur pour les nappes, trois voix à la deuxième pour les motifs, et une à la troisième pour jouer la basse.
Enfin, au dernier niveau de l’architecture, on trouve les parties synthétiseurs, avec leurs presets.
La prise en main est immédiate, grâce à une ergonomie très bien conçue. Les neuf encodeurs contextuels permettent d’éditer les pages affichées à l’écran, accessibles pour la plupart via un bouton d’accès direct, ou, pour certaines pages secondaires, en combinant avec le bouton Shift. Tout se fait très rapidement, et on arrive vite à ce que l’on veut.
Les encodeurs ont un effet d’accélération bienvenu. Les trois macros peuvent contrôler jusqu’à cinq paramètres chacun. Dommage qu’il n’y ait aucun moyen de réinitialiser individuellement les valeurs des paramètres (je n’en ai pas trouvé en tout cas).
L’une des particularités intéressantes de la matrice est sa capacité à gérer des sets d’accords. De plus, il est possible de la configurer pour que les accords des trois parties se suivent. En appuyant, par exemple, sur un pad d’une partie, la note s’adapte automatiquement sur l’une ou les deux autres parties. Cela facilite grandement le jeu, et les musiciens ayant peu de connaissances en harmonie seront comblés. Le Synth est livré avec une belle collection de packs d’accords, mais il est également possible de configurer les siens. Ceux qui ne sont pas familiers avec ce type de jeu devront s’adapter un peu, mais on s’y fait très vite.
Les pads sont agréables et réagissent à la pression polyphonique ainsi qu’à la vélocité. Malheureusement, la réponse sur ce dernier point manque de progressivité. Il est toutefois possible de leur affecter une valeur fixe. Une petite chose sympathique et bien utile : les pads servent de clavier alphanumérique lors de l’édition d’un nom (pour une sauvegarde, par exemple).
Les moteurs de synthèse : une polyvalence bienvenue
Jetons maintenant un œil aux huit moteurs de synthèse proposés, dont les quatre premiers étaient déjà présents sur le Play+, le Tracker+ et le Tracker Mini.

- 01 – Synth – ACD – DarkBass00:31
- 02 – Synth – ACD – Driift00:35
- 03 – Synth – ACD – Square Acid00:48
- 04 – Synth – FAT – LotusPad01:26
- 05 – Synth – FAT – Key00:59
- 06 – Synth – VAP – Eutow01:17
- 07 – Synth – VAP – Dreamchime01:00
- 08 – Synth – ACD-VAP – Drumbox00:23
- 09 – Synth – WTFM – Badland00:59
- 11 – Synth – WAVS – DinkyBells01:42
- 12 – Synth – PMD – Empty Pipe00:58
- 13 – Synth – PMD – Genrator Room01:42
- 15 – Synth – PHZ – Bright Sawtooth01:05
- 16 – Synth – GRAIN – Castle atmos01:42
Côté modulation, ce moteur dispose de deux enveloppes ADSR, l’une pour l’amplification et l’autre pour le filtre, ainsi que d’un LFO capable de moduler le pitch, la largeur d’impulsion et le cutoff du filtre. Ce LFO propose les formes d’onde suivantes : Triangle, Sine, rampe descendante et ascendante, Square et Random Sample & Hold. Précisons qu’un glide polyphonique à plusieurs modes est présent, comme sur chaque moteur de synthèse proposé (celui du GRAIN est monophonique, cependant).
Le filtre propose trois modes : un classique Ladder passe-bas 24 dB par octave, émulation du filtre en échelle de transistor de Mougue, euh, Mogue, enfin Moog, alors que les deux autres modes, OB12 et OB24, toujours passe-bas, puisent leur inspiration chez Oberheim. Côté modulations, on retrouve deux enveloppes ADSR et le même LFO que celui du moteur ACD.
De plus, chaque oscillateur possède son propre réglage d’accordage sur sept octaves, par pas d’un demi-ton, tandis que le réglage fin s’effectue, de manière surprenante, sur le mix des deux. Un detune est présent, ainsi qu’une synchronisation (sync). Un Noise complète cette section Engine.
Le filtre, fort de ses 15 types (Low Pass MG 24 dB, Low Pass OB 24 dB, Low Pass OB 12 dB, Low Pass SVF 24 dB, Low Pass SVF 12 dB, Hi Pass OB 24 dB, Hi Pass OB 12 dB, Hi Pass SVF 24 dB, Hi Pass SVF 12 dB, Band Pass OB 24 dB, Band Pass OB 12 dB, Band Pass SVF 24 dB, Band Pass SVF 12 dB, Notch SVF 24 dB, Notch SVF 12 dB), offre une grande flexibilité et participe à faire de ce moteur l’un des plus polyvalents du Synth. Trois enveloppes ADSR (Filter, Amp et Aux) ainsi que deux LFO viennent ensuite. En plus des réglages vus dans les moteurs précédents, ces LFO ajoutent une synchronisation au tempo.
À cela s’ajoute le même filtre que celui du moteur VAP, avec ses 15 modes, ainsi que trois enveloppes ADSR (Filter, Amp et Aux) et deux LFO. En plus des timbres caractéristiques de la FM (pianos électriques, cloches, basses électriques, sons métalliques…), ces possibilités permettent d’étendre ce moteur bien au-delà, pour explorer des sonorités numériques, par exemple rêveuses, ou au contraire agressives.
Un mode Retro est également disponible, altérant légèrement le caractère sonore du synthé. Cependant, il ne permet pas de modifier la transition entre les ondes d’une table, celle-ci restant toujours fluide et progressive. Ainsi, il est impossible d’obtenir les transitions abruptes typiques des premiers synthétiseurs à tables d’ondes. Toutefois, en rusant avec la matrice de modulation, il est possible de contourner cette limitation pour obtenir des effets proches.
Les tables d’ondes sont stockées sur carte microSD au format WAV 16 bits mono, indépendamment de la fréquence d’échantillonnage, et l’importation de ses propres tables est possible.
Enfin, ce moteur bénéficie des trois enveloppes ADSR, des deux LFO et du filtre à 15 modes, identique à celui du moteur VAP.
Habituel de ce type de synthèse, le moteur PMD permet d’explorer des sonorités “organico-numériques”, allant des percussions résonantes aux cordes pincées, en passant par des textures plus abstraites et expérimentales.
En plus de textures qui s’approchent de certains domaines spécifiques de la synthèse FM, il est également possible d’obtenir des sons relativement proches de la synthèse analogique soustractive, par exemple des basses synthétiques.
Ici encore, les deux oscillateurs reposent sur des tables d’ondes. Ils peuvent tous deux être modulés via une matrice de modulation X/Y. La section filtre, enveloppes et LFO est la même que celle du moteur VAP.
La page Engine permet de choisir le sample de base, puis il est possible de définir, par exemple, la densité des grains, leur taille, de randomiser leur génération et leur placement dans l’espace stéréo, etc… Ce moteur très complet invite à plonger dans ses abîmes et à experimenter.
Le filtre propose les modes Low Pass SVF 12 dB, Hi Pass SVF 12 dB, Band Pass SVF 12 dB et Notch SVF 12 dB. Pour finir, trois enveloppes (Filter, Amp et Aux) et trois LFO sont disponibles.
Chaque partie dispose d’une matrice de modulation à six cordons. Si celle-ci se révèle bien utile, le nombre de sources et de destinations, propres à chaque moteur, reste limité. Les sources se résument notamment aux enveloppes et aux LFO. Quant aux destinations, elles sont plus nombreuses, mais certains manques sont regrettables, comme l’absence de la résonance des filtres.
Tous ces moteurs et leurs multiples possibilités sont engageants et stimulent la créativité. On prend un vrai plaisir à les explorer et à les programmer. Malheureusement, la puissance du processeur vient parfois ternir l’expérience. Lors de l’utilisation de moteurs gourmands, tels que le WAVS ou le GRAIN, il n’est pas rare de voir apparaître une alerte CPU à l’écran.
Effets, arp & séquenceur
Le dosage des effets se fait dans la section Mixeur, à la manière d’un effet send, pour chaque partie.
Pour animer tout cela, le Polyend Synth embarque, au choix, un arpégiateur ou un séquenceur pour chaque partie. L’arpégiateur propose les classiques du genre, comme la plage d’octave et la synchronisation au tempo interne ou externe (1/1, 1/2, 1/4, 1/8, 1/16, 1/32, 1/64). En plus des habituels Up, Down, Up/Down, Down/Up, Order Play et Random, il offre également les modes Chord, Dyad, Triad, Inside Out, Outside In, Weave, Return, Double Return, auxquels s’ajoutent des paramètres pour le swing, l’humanisation et la gate.
Le séquenceur, quant à lui, reste relativement limité. Bien que l’instrument ne revendique pas être une groovebox, l’impossibilité d’éditer les notes après avoir entré une séquence reste frustrante. Lorsque l’on connaît l’expertise de Polyend dans le domaine des séquenceurs, on ne peut que le regretter.
FAQ
1. Qu’est-ce que le Polyend Synth apporte par rapport aux autres synthétiseurs numériques ?
Le Polyend Synth se distingue par sa conception trois parties multitimbrale, ses huit moteurs de synthèse, sa matrice de pads configurable et une interface pensée pour une prise en main rapide.
2. Quels types de sons peut-on créer avec le Polyend Synth ?
Grâce à ses huit moteurs, il couvre un large spectre sonore : basses analogiques, pads riches, leads tranchants, sons granuleux et modélisations physiques expérimentales.
3. Peut-on utiliser le Polyend Synth en tant qu’interface audio USB ?
Non, contrairement au Polyend Play+, le Synth ne prend pas en charge l’audio via USB, limitant son usage aux sorties audio classiques.
4. Le Polyend Synth est-il adapté à la scène ?
Oui, avec son format compact, ses commandes intuitives et sa matrice de pads dynamique, il est conçu pour une utilisation en live.
5. Quels sont ses principaux défauts ?
Sa connectique limitée (une seule sortie audio), un processeur parfois juste pour les moteurs les plus gourmands, et l’impossibilité d’éditer les notes après enregistrement sont ses principaux points faibles.
Caractéristiques techniques
• Synthèse : 8 moteurs de synthèse
• Polyphonie : 8 voix
• Multitimbralité : 3 parties
• Contrôle : Matrice de 60 pads RGB sensibles à la vélocité et à la pression
• Écran : LCD couleur
• Effets : Modulation, délai, réverbération
• Arpégiateur & Séquenceur : Disponibles avec plusieurs modes
• Connectique : 1 sortie stéréo mini-jack, 1 entrée MIDI mini-jack, 1 sortie MIDI mini-jack, Port USB-C pour alimentation et connexion PC (pas d’audio USB), Port microSD (16 Go fournie)
• Alimentation : USB-C (secteur, ordinateur, batterie externe)
• Dimensions : 28,2 × 20,7 × 3,3 cm
• Poids : 1,2 kg