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Sujet La finalité de l'art.

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Sujet de la discussion La finalité de l'art.
En partant du postulat suivant:

« L’art s’accomplit et s’achève isolément. En ce sens, il ne tends vers aucun but mais trouve sa plénitude en lui-même, dans l’instant qui surgit et qu’il approfondit jusqu’à son fondement éternel. »

Kuki Shuzo conférence « Le temps en Orient »

On peut se demander si la finalité de l’art est d’être présenté/exposé au public ?
Dans nos sociétés occidentales surmédiatisées c’est tellement évident qu’on ne se pose plus la question. Avant l’art lui-même existe déjà le projet de sa diffusion et/ou de sa médiatisation.
Qu’est-ce qui motive donc notre création ?
L’art ou l’envie de le rendre publique ?
Dans le premier cas, une fois l’œuvre crée trouvant, selon l’argument de Kuki Shuzo, « sa plénitude en lui/elle-même », est-il nécessaire de la diffuser ?
Dans le second cas ne masque-t-elle une intention autre que l’art lui-même ?

Pour résumer, faire de l’art chez soi et pour soi n’est-il pas suffisant ?
A-t-on besoin de la reconnaissance de nos amis, parents, de notre conjoint(e), du grand ou du petit public, des spécialistes, des médias pour
« valider » nos œuvres (et donc un peu du sens de notre vie) en tant qu’objet artistique ?
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141
Très intéressant Slone !

Citation : l'art se voit affublé de justifications diverses et qui paraissent bien souvent artificielles, mais toutes ses justifications cachent mal qu'il est un ingrédient du ciment qui maintient les sociétés en un tout.



Ca suppose quelquepart que les finalités qu'on donne à l'art sont fondées sur les valeurs des sociétés, les finalités même de l'art se verraient être celles que l'homme veut bien lui donner, selon l'époque, et son propre ressenti.
Là ça devient totalement aporétique du coup ! Car l'art est manipulé par l'homme plus qu'il n'existe par lui-même.
J'ai perdu le fil, je sais plus ce que je voulais écrire... :((
142

Citation : Mon point de vue est plus anthropologique. Je pense que l'art répond à la nécessité de rites et de coutumes créant le lien social des tribus auxquelles nous appartenons. Il n'a pas de finalité (ou en tout cas, n'en avait pas à l'origine), il était la conséquence de la création de signes culturels permettant la reconnaissance de l'identité de chacun au travers de la culture de la tribu.



slt slone,

tu te fais rare.

moi qui croyait être à côté de la plaque dans mon message 78:...pas vraiment...pas completement en tout cas.
143
Pour répondre à slone je crois que t'as vision revoit parfaitement à l'écueil que j'essayais d'éviter dans mon précédant message :??:

3 contre exemples :

- Penses tu vraiment que le thrue evil black métal nazie soit VRAIMENT un lien pour la société prise dans son ensemble

- Penses tu vraiment qu'un mec aussi génial mais aussi inconnue que ligeti est une influence quelconque ( de ciment par ex) sur la société... pour cela il faudrait qu'il soit écouté et compris : c'est pas demain la veille...

- Penses tu que les emotions négatives porté par exemple par cure soit vraiment un moteur de lien ? Une catharsis peut-être mais un lien je ne pense pas... on est là plutot dans le domaine de l'intime

- Penses tu que l'artistes sampleur/détourneur/collagiste qui enfreint les lois de la sociétés soit porteur de lien ( cette objetction est moins fortes que les autre je sais car on pourrait objecter qu'il renouvelle ces liens)

Perso je crois qu'il ne sert à rien de chercher toute définitions d'une finalité de l'art se heurtera à des contre exemples car elle est trop globalisante et trop réductrices de la richesse et de la diversité de l'humain
144
Ethmoh> J'te suis sur l'analyse de Slone mais tu l'as écrite avant moi.

Head>

Citation : Là ça devient totalement aporétique du coup ! Car l'art est manipulé par l'homme plus qu'il n'existe par lui-même.



C'est pas qu'il n'existe plus par lui-même, c'est qu'il n'est plus perçu pour ce qu'il est, c'est à dire une forme exempt de jugement de valeur.
On enr eveint à la question d'intention:
fait-on de l'art pour qu'il soit jugé ou pour qu'il soit "tout court"?
145
Salutations à tous

Réponses à Ethmoh.

Citation :
- Penses tu vraiment que le thrue evil black métal nazie soit VRAIMENT un lien pour la société prise dans son ensemble



Je disais que notre "culture" est un emboitement de nombreuses sous-cultures. La société "française" par exemple, n'est pas une culture, elle est multiple. Il est loin le temps où l'on vivait par village, et encore plus loin celui des tribus perdus dans leur coin de brousse.

L'art en général est le produit de la société en général. Mais le Reggae n'est pas le produit de la société en général. Il est le produit d'une certaine partie de la société jamaïcaine.

Le nazisme est une "culture" comme une autre. Je pense qu'il est sain de la juger stupide, dangereuse et à proscrire, mais c'est un jugement de valeur. C'est une culture avec ses valeurs propres. Et d'une certaine façon, elle a son utilité: par son role d'épouvantail, elle rappelle à l'ordre les autres.


Citation :
- Penses tu vraiment qu'un mec aussi génial mais aussi inconnue que ligeti est une influence quelconque ( de ciment par ex) sur la société... pour cela il faudrait qu'il soit écouté et compris : c'est pas demain la veille...



L'echec d'un artiste à être entendu ne change pas grand chose pour l'art dans son ensemble. Malgré mes idées musicales géniales (humour), je sais que l'art peut se passer de moi.

Mais je suis sûr que Ligeti a une influence dans une "culture" à laquelle tu sembles faire parti.


Citation :
- Penses tu que les emotions négatives porté par exemple par cure soit vraiment un moteur de lien ? Une catharsis peut-être mais un lien je ne pense pas... on est là plutot dans le domaine de l'intime



Tu opposes experience intime et vision culturelle, comme si c'était contradictoire. Toute experience de masse est AUSSI une experience intime. Nous sommes des individus unique dans la foule heterogene. Toute culture nait de la sommes des experiences individuelles. Et chaque experience individuelle à un potentiel "contagieux". Cure se place en modèle d'une certaine experience individuelle. Untel y adhère. Son pote, grace à untel, s'y intéresse et y adhère aussi. Par contagion on obtient l'acceptation d'une certain nombre de signes (ici musicaux) qui font une culture.

C'est un lien comme n'importe quel autre emotion musicale.


Citation :
- Penses tu que l'artistes sampleur/détourneur/collagiste qui enfreint les lois de la sociétés soit porteur de lien ( cette objetction est moins fortes que les autre je sais car on pourrait objecter qu'il renouvelle ces liens)



L'art en tant que lien social se préoccupe peu de la technique, de la technologie. Il suffit que les signes qui le caracterisent soient acceptés. D'où le succès de musique ou de genre qui paraissent parfois indigents aux yeux et oreilles d'un artistes.

Nous pouvons très bien considérer des critères qualitatifs pour évaluer l'art et les artistes, mais force est de constater que ce sont rarement ceux là qui décident "du succès" d'une oeuvre et de leur acceptation durable dans la culture. La raison est que le succès dépend avant tout de son acceptation par la communauté. Cette acceptation peut être manipulé, mais c'est un autre débat.

Ceci étant dit, je ne suis pas un nihiliste qui croit que la technique, le travail, le message, etc, ne servent à rien et que ce qui compte est de plaire au plus grand nombre. Les artistes se doivent d'être exigeants, mais surtout avec eux-mêmes.
146
Slone> expliqué ainsi j'comprends mieux ton point de vue et y adhère.

Pour ce qui concerne l'exemple de Ligeti, peut-être que le mot "échec" n'est pas le plus pertinent ni à attibuer à Ligeti lui-même pour ce qui concerne sa diffusion hors d'une certaine sphère culturelle comme tu le précise bien.
147
Bruno, je viens de lire ton message 78.

Effectivement, tu as eu l'intuition à laquelle je crois faire echo.

Quand nos ancetres faisaient du symbolisme, ce n'était pas de l'abstraction poetique, c'était une représentation du monde, une façon de commencer à le classifier, les débuts de la science d'une certaine manière. Le but était d'établir ce qui était dangereux et bénéfique pour la tribu et donc pour chacun des membres. Les mythes n'étaient pas une oeuvre de fiction, mais de l'Histoire interpretée par des yeux d'un autre temps et déformé par le bouche à oreille. Cette vision du monde interpreté fait la culture. Cette vision est parfois effrayante, triste, joyeuse, conquérante. L'art est une interprétation du réelle qui de fait permet à une culture de partager une perception du monde et des valeurs ancrées sur cette perception du monde.

L'art est devenue "art" quand la "science" à commencé à se distinguer de l'art et à faire la part entre la magie issue de notre incompréhension et leur réalité.

Aujourd'hui, la science est considéré comme la seule vision raisonnable du réel. Du coup, l'art perd sa motivation originale, et est souvent considéré comme un terrain de jeu pour l'esthétisme abstrait ou l'industrie du divertissement. Mais même en étant réduit à cela, il continue de servir son rôle culturel.


... Enfin, je pense...
148
"l'art en général", ça ne veut pas dire grand chose.
On peut considérer l'art dans son principe, c'est à dire considérer ce dont il procède, et de fait, le principe de son mouvement, en quelque sorte non pas le but qu'il poursuit, mais sa façon de "bouger", ses mouvements, qui font apparaitre ce que nous pensons être sa finalité, quand ce n'est qu'une répercussion, la résolution d'un conflit interne. Art=corps en souffrance qui lutte pour sa "libération", son expansion plutôt, voilà le principe. L'oeuvre n'en est que la manifestation.
Rimbaud n'a pas eu de "public" de son vivant, ou du moins trés tard.
Créer c'est avant tout agir pour se débarasser de poids mort, la plénitude qui résulte de l'acte créateur est celle ressentie lorsqu'on a réussi à faire de la place en soi, à repousser des limites qui nous tiennent sous leur coupe. De ce point de vue, ce qu'on appelle les oeuvres sont la retranscription de ce combat pour l'autonomie.

Il n'y a pas de vérité définitive concernant le rapport au public, l'art ne sous-entend pas l'attitude, la démarche à adopter à ce niveau, affirmer que le rapport au public, la représentation sont inhérents à l'art, sont même sa condition est un point de vue grossier et brutal, en fait cela dépend de chacun: lors de la création d'une oeuvre, l'enjeu est celui de la communication, il s'agit d'établir un lien de soi à soi, un lien le plus solide possible, le plus limpide, le plus pur. Ce n'est pas exclusif à l'art, c'est également le principe d'une activité "spirituelle" (religion, de religio, religare=re-lier). Il n'y a pas de raison à cela, si ce n'est que l'humanité est un état de séparation, et qu'en amont de l'humanité, quelque chose en nous travaille à se faire entendre. De la même façon que les rêves la nuit représentent les efforts de l'inconscient pour pénétrer le conscient.

A partir de cette idée de communication, laquelle suppose deux parties, on peut voir le rapport public/artiste comme un symbole: à travers ce rapport, la représentation, l'artiste aussi bien que le public cherchent à vivre ou revivre la communication intime, la ré-union.

Certains sont attirés par cela, d'autres pas. Comme certains ont besoin de voyager pour se sentir bouger, et d'autre pas. Cela concerne la nature de chacun et il n'y a pas statuer là-dessus.

L'art "schizophrène" existe, il y a ceux qui le comprennent, et les autres. Ma sensibilité me fait dire que l'art n'est pas circonscrit à la production d'oeuvre: dans la mesure ou ce qu'on appelle art n'est que la partie visible, la manifestation d'un combat, d'une tension interne, il est possible de voir de l'art dans beaucoup d'activités humaines ne correspondant pas à la définition académique de l'art (=oeuvre), dans la mesure ou l'art est un jeu de forces internes (dont l'oeuvre d'art n'est que la manifestation), on peut envisager de faire de son corps le lieu ou ces forces agiront pleinement. On peut considérer qu' partir de là on n'a plus strictement à faire à de l'art mais plus une démarche spirituelle: c'est affaire de mot, de définition et ça n'a pas grande importance, pour ma part, dans ma perspective l'art est tout et tout est art. On peut voir l'humanité comme une métaphore crée par des dieux.
On peut "missionner" l'art, penser qu'il a pour vocation de lutter contre, d'agir pour...ce qu'on veut bien, être utile, ou au contraire inutile. L'art n'a à être que véridique, c'est à dire être la retranscription d'une lutte en soi, à partir de là il peut être ce qu'il veut, public ou privé, utile inutile, politisé ou non, ça n'a aucune importance, il faut avant tout qu'il ait agi sur l'artiste,qu'il soit efficace/efficient.
149
>Kumo Boy

Effectivement, le mot echec ne s'applique pas à Ligeti. C'était une réponse plus générale que je faisais au cas hypothetique de l'artiste qui n'influencerait pas la culture.
150
Comprachicos,

Ce n'est que mon point de vue. Mais j'ai l'impression qu'il y a confusion:

Dans mon propos, je ne parle pas vraiment de l'artiste, je parle de l'oeuvre. L'oeuvre vit indépendamment de l'artiste. Que l'artiste ait un public de son vivant ne change rien au fait que, pour que Rimbaud soit une référence que tu puisses me citer en étant sûr que je connaisse, il a fallu que son oeuvre (non lui-meme) devienne une affaire culturelle, une affaire de public.

Le fait que l'artiste puisse faire de l'art pour lui-même ou pour les autres, ne changent rien à la relation de l'oeuvre avec la culture. L'oeuvre existe par son parcours dans nos vies, n'en déplaise à l'artiste. Il ne compte pas dans l'affaire, n'en déplaise à son ego boursouflé. ;)

Effectivement, il n'y a pas de définition en tant que tel de l'art et je ne donne pas de définition. Une définition de l'art est forcément dépendante de son contexte culturel. Notre vision de l'art n'a cessé d'évoluer depuis l'origine.

Je parle plus de multiples motivations. Je ne vois pas une finalité, mais plutôt une motivation initiale ("comprendre le monde" pour faire court) qui s'est scindé en plusieurs autres processus et que ce que nous appelons l'art aujourd'hui est une des branches de ce processus initial. Le définir est compliqué, dépendant des époques, surtout que sa définition passe au travers d'enjeux ideologiques de par son caractère culturel.