Début mars, Arturia s'attaquait sans crier gare au monde du traitement audio logiciel en sortant deux bundles de plug-ins : 3 Filters et 3 Preamps. Si le premier est somme toute logique étant donnée l'expertise de l'éditeur en termes de modélisation de claviers hardware, le second est plus surprenant et semble illustrer la volonté de la marque d'ajouter de nouvelles cordes à son arc pourtant déjà bien fourni. Ces nouveaux produits sont-ils à la hauteur de la réputation des grenoblois ? C'est ce que la rédaction d'Audiofanzine m'a chargé de vérifier au travers de ce banc d'essai consacré au bundle 3 Preamps…
Pre-Histoire
Disponibles aux formats VST (2 & 3), AAX et AU en 64 bits pour Mac et PC, le bundle 3 Preamps comprend logiquement trois préamplis virtuels :
- V76-Pre modélisé à partir d’un Telefunken V76 à lampes ;
- 1973-Pre modélisé à partir d’un Neve 1073 avec en sus le choix entre deux types de transformateurs ;
- TridA-Pre modélisé à partir d’une tranche de console Trident A-Range.
Contrairement à ce que le nom du bundle pourrait laisser croire, Arturia ne s’est pas contenté de modéliser la partie préampli de chacun de ces fameux joujoux. Ainsi, chaque plug-in comprend également une section d’égalisation plus ou moins poussée en accord avec le modèle hardware dont il s’inspire. Et comme si cela ne suffisait pas, l’éditeur grenoblois a ajouté quelques fonctions supplémentaires comme la possibilité de calibrer le niveau de référence des retours visuels, trois modes de traitement stéréo (classique, dual mono ou Mid/Side), inversion de phase par canal et compensation automatique du gain lorsque l’utilisateur pousse le niveau en entrée. Tout ce beau monde est rassemblé au sein d’interfaces photoréalistes claires et fonctionnelles qui raviront les adeptes du skeumorphisme. Bien entendu, les derniers nés d’Arturia bénéficient de tous les « petits plus » propres aux produits logiciels de la marque, à savoir un excellent navigateur de presets, une interface redimensionnable (de 60% à 200%) et un MIDI Learn de haute volée pour piloter ces engins facilement via votre contrôleur MIDI de prédilection. Bref, jusqu’ici c’est un quasi sans faute… Sauf qu’il manque deux choses essentielles à mon sens : il n’y a pas de fonction de comparaison A/B et surtout, les réglages ne répondent pas à la manipulation via la molette de la souris… Si l’équipe d’Arturia me fait l’honneur de lire ces quelques lignes, serait-il possible d’inclure cela lors d’une prochaine mise à jour ? Merci d’avance !
Pour finir ce rapide tour du propriétaire, voici deux points que je tenais à souligner. Tout d’abord, sachez que l’installation et l’autorisation sont un véritable jeu d’enfant grâce à la solution maison Arturia Software Center. Ensuite, l’éditeur a pris la peine de traduire les manuels utilisateurs en français, chose suffisamment rare pour être saluée. Et même si certaines traductions arborent des tournures hasardeuses, je vous encourage à lire ces manuels car non seulement vous y découvrirez ces plug-ins par le menu, mais vous aurez également droit à de très intéressants résumés concernant l’histoire des préamplis de légende dont ils s’inspirent.
Sur ce, enchainons avec une séance d’écoute !
Pre-Jugé
Pour cette session de test audio, j’ai souhaité me placer dans la peau du « home-studiste lambda », au sens noble du terme. Pour ce faire, j’ai logiquement fait appel aux captations brutes réalisées à l’occasion de la série d’articles consacrés à l’enregistrement en home studio. Les pistes utilisées se résument aux overheads, la grosse caisse et la caisse claire pour la batterie, une reprise de l’ampli basse via un micro dynamique placé devant le HP de ce dernier, idem pour l’ampli guitare avec en sus une prise séparée pour le delay. Bref, un classique du genre dont la mise à plat sonne comme suit :
Même si les nouveaux joujoux d’Arturia n’ont pas pour vocation d’être employés comme seul et unique outil de mixage, le défi m’a semblé intéressant. Commençons par écouter ce qu’il est possible d’obtenir avec pour seule arme le V76-Pre :
- 02 Nonetheless V76 TraX 00:28
- 03 Nonetheless V76 WIde 00:28
Le premier extrait illustre l’utilisation d’une instance du plug-in sur chacune des pistes plus une instance supplémentaire sur le bus de batterie. L’égaliseur intégré étant pour le moins basique, j’ai eu tendance à aller chercher le côté « roots » quitte à avoir la main lourde sur les gains d’entrée. Le rendu n’est certes pas mirobolant, mais la couleur et la cohésion apportées par ce V76-Pre sont plutôt agréables. Mention spéciale pour le travail sur la grosse caisse qui donne un côté « garage » fort à propos.
Sur le second exemple, une instance supplémentaire en mode M/S a été mise à profit afin d’élargir le rendu global. Simple, efficace, rien à redire.
Passons au 1973-Pre :
- 04 Nonetheless 73 TraX 00:28
- 05 Nonetheless 73 Mixbus 00:28
- 06 Nonetheless 73 Wide 01 00:28
- 07 Nonetheless 73 Wide 02 00:28
Ici, l’égaliseur sensiblement plus fourni permet un travail un peu plus poussé, d’autant que contrairement à l’EQ du 1073 original, les fréquences du passe-haut, du Low-Shelf et du filtre en cloche sont balayables de façon continue. Ceci étant, une option permettant de restreindre le choix aux fréquences originales aurait été intéressante pour qui souhaite travailler en mode « vieille école ». Mais ne boudons pas notre plaisir et profitons de cette souplesse supplémentaire afin de sculpter le mix.
Comme précédemment, le premier extrait illustre l’utilisation d’une instance du plug-in sur chacune des pistes plus une instance supplémentaire sur le bus de batterie. Le rendu est à la fois clair et doux avec encore une fois une coloration et un effet « glue » forts agréables.
Les exemples suivants utilisent un 1973-Pre supplémentaire sur le bus principal, d’abord en mode stéréo, puis en mode M/S afin d’explorer plus avant la sensation 3D. Avouez que les possibilités sonores ne sont pas si limitées que ça !
Continuons avec le TridA-Pre :
- 08 Nonetheless TridA TraX 00:28
- 09 Nonetheless TridA Mixbus 00:28
Cette fois-ci, l’égalisation permet vraiment de commencer à travailler sérieusement, même s’il m’a encore fallu faire quelques compromis. Notez que contrairement au 1973-Pre, la section d’EQ respecte scrupuleusement les limitations du Trident A-Range original. Cependant, les fréquences disponibles pour chacune des bandes ont été particulièrement bien choisies. Cette troisième qualité de « grain sonore » est on ne peut plus séduisante et fera merveille sur les productions orientées 70's / early 80's.
Pour finir, j’ai voulu voir s’il était possible d’utiliser une combinaison de ces 3 préamplis virtuels afin de me rapprocher un peu plus de la vision que j’avais de ce mix à la base :
Ce « mixage » comprend essentiellement des instances de mon chouchou, le TridA-Pre, avec en sus un V76-Pre sur la grosse caisse, un autre sur les overheads, un dernier sur la guitare et enfin, un 1973-Pre sur le bus principal. Certes, il reste encore beaucoup à faire en termes de gestion de la dynamique, correction de certaines résonances indésirables ainsi qu’au niveau de la « profondeur de champ », ce qui impliquera l’intervention de compresseurs, EQs chirurgicaux, delays et / ou réverbérations. Ceci étant, rien qu’avec ces trois bestioles, j’ai pu aller chercher l’essentiel à mes yeux, à savoir une grosse caisse et une caisse claire « roots » mais « in your face », l’attaque incisive du médiator sur la ligne de basse sans que cela ne soit agressif, la clarté de la guitare sans qu’elle ne passe trop au premier plan, et enfin une douceur globale collant parfaitement à l’esprit du titre. Tout cela a été réalisé facilement et en très peu de temps. En effet, ces plug-ins ne disposant pas de 36 000 options, les prises de décision s’en voient simplifiées. Comme quoi, le travail à l’ancienne peut avoir du bon !
Pour conclure cette session d’écoute, je vous invite tous à aller jeter une oreille aux exemples audio disponibles sur le site d’Arturia qui illustrent parfaitement le caractère de chacun des plug-ins. Attention cependant, la sensation de volume perçue n’est pas harmonisée entre signal brut et signal traité donc essayez de vous concentrer sur la coloration du son plutôt qu’autre chose. À ce propos, notez que même avec le preset « neutre » par défaut, ces plug-ins induisent directement une légère coloration du signal mais surtout, ils ajoutent une lichette de gain de l’ordre de 0,6 dB environ, ce qui peut fausser le jugement. Rien de rédhibitoire mais il faut bien garder ça à l’esprit afin de pouvoir prendre des décisions en toute confiance.
Pre-Avis
À l’issue de cette séance d’écoute, j’avoue que les nouveaux joujoux d’Arturia ont su me séduire. Les couleurs proposées sont particulièrement attrayantes et musicales. De plus, la mise en oeuvre est on ne peut plus simple, et ce, malgré les quelques points noirs évoqués précédemment. Certes, il existe de nombreuses émulations virtuelles du 1073 certainement tout aussi agréables, mais il faut reconnaître que les modélisations Telefunken et Trident ne courent pas les rues.
Autre point positif de taille : ces trois plug-ins sont particulièrement peu gourmands en ressources, à peine 0,1% de CPU et 32 samples de latence sur ma machine (Mac Pro fin 2013 Hexacoeur Xeon 3,5 GHz – 32 Go DDR3).
Concernant le positionnement tarifaire, à 299 € le bundle (199 € en période de lancement) ou 149 € l’unité (99 € en période de lancement) pour les nouveaux clients, Arturia est plutôt bien placé par rapport à la concurrence. Et si vous êtes déjà clients de la marque, des remises supplémentaires rendent tout ça encore plus attractif !
Alors oui, on ne peut pas dire que les grenoblois jouent la carte de l’innovation avec ces nouveaux produits. Je suis d’ailleurs le premier à regretter la surabondance de l’offre en termes de plug-ins sauce « modélisation vintage » au sein du marché de l’audio. Toutefois, malgré ces considérations, le plus intéressant se résume à mon humble avis au fait que ces sorties laissent supposer un très bel avenir pour Arturia. En effet, entre les instruments virtuels de la V Collection, les différents contrôleurs MIDI, les synthés hardware, l’interface AudioFuse et à présent une gamme de plug-ins, la compagnie française se place comme un acteur incontournable du milieu. Et j’irai même plus loin, au-delà de la fanfaronnade franchouillarde, Arturia est à mon sens la marque dont le futur semble le plus intéressant actuellement parmi les grands noms du genre.
Ceci étant dit, mon avis personnel ne doit en aucun cas freiner votre sens critique et je vous invite donc comme d’habitude à télécharger les versions d’évaluations de ces trois plug-ins afin de vous forger votre propre opinion.
Téléchargez les extraits sonores (format FLAC)