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L'onde sonore (I) - Les bases de la synthèse : L'onde sonore (I)

Ces quelques chapitres aborderont de manière très progressive les notions de base du son dans le but de mieux comprendre certains points clés de la lutherie électronique.

Pour commen­cer, quelques évidences, cepen­dant indis­pen­sables à la suite de ces articles. L’ouïe est le sens qui nous permet de perce­voir les sons : notre cerveau reçoit des stimuli captés par nos tympans, eux-mêmes mis en oscil­la­tion par les varia­tions de pres­sion d’air de notre envi­ron­ne­ment. Ces varia­tions sont produites natu­rel­le­ment par la nature (choc entre deux objets, vibra­tion des cordes vocales de nos congé­nères, etc.) ou provoquées par les dépla­ce­ments alter­na­tifs de la membrane d’un haut-parleur.

La fonda­men­tale et la repré­sen­ta­tion de la forme d’onde

Ces oscil­la­tions plus ou moins régu­lières peuvent être repré­sen­tées de plusieurs façons. Prenons comme exemple simple l’onde sinu­soï­dale :

Onde Sinus

Hori­zon­ta­le­ment, on repré­sente l’écou­le­ment du temps et verti­ca­le­ment ce qu’on appelle l’am­pli­tude. Cette ampli­tude repré­sente la varia­tion de la pres­sion acous­tique (celle de l’air et celle sur notre tympan) ou aussi la distance du dépla­ce­ment avant-arrière de la membrane du haut-parleur, qui pousse l’air lorsque la membrane se déplace vers l’avant et l’as­pire lorsqu’elle se déplace vers l’ar­rière.

La période repré­sente la durée qui sépare 2 instants de pres­sion maxi­male. S’agis­sant d’une durée, elle est expri­mée en secondes. On exprime plus souvent cette oscil­la­tion par le nombre de périodes qui appa­raissent pendant 1 seconde, c’est la fréquence, expri­mée en Hz (fréquence = 1/période).

Pour une note de ‘La’ au milieu d’un clavier de piano, cette fréquence est commu­né­ment de 440 Hz, à savoir que l’os­cil­la­tion se répète 440 fois chaque seconde. Cela revient à imagi­ner sur l’illus­tra­tion que la durée d’une période est de 0,002272 seconde ! Plus la fréquence est basse, plus le son est grave, et inver­se­ment.

Voilà ce qu’on entend. Ce n’est certes pas très musi­cal, mais la luthe­rie élec­tro­nique va juste­ment nous permettre d’en tirer plei­ne­ment profit : nous en repar­le­rons.

Repré­sen­ta­tion du spectre sonore

Les ondes peuvent être repré­sen­tées d’une autre façon, à savoir par leur contenu plus ou moins riche en diffé­rentes compo­santes, c’est leur spectre sonore.

Pour cette repré­sen­ta­tion, l’axe hori­zon­tal n’est cette fois pas l’écou­le­ment du temps, mais le support d’une gradua­tion où l’on trouve les sons les plus graves à gauche et les sons les plus aigus à droite. L’axe verti­cal repré­sente la quan­tité de chacune de ces compo­santes qui font partie du son complet. Voici le profil spec­tral de l’onde sinu­soï­dale :

Spectre sinus

On constate que l’onde sinu­soï­dale ne contient qu’une seule compo­sante, la barre verti­cale jaune, tout à gauche du spectre et qui est la fonda­men­tale. Du fait de cette seule compo­sante, l’onde sinu­soï­dale est l’onde la plus élémen­taire qui soit.

Il est impor­tant de se fami­lia­ri­ser avec ces 2 repré­sen­ta­tions (onde et spectre) puisque nous ajou­te­rons des harmo­niques à ce son de base : nous en verrons très clai­re­ment la forme d’onde et le spectre, et enten­drons parfai­te­ment ce qu’elles repré­sentent pour un son complexe !

Les harmo­niques et les compo­santes du spectre sonore

Après avoir expé­ri­menté la rela­tion entre les repré­sen­ta­tions graphiques d’un son (onde et spectre) et le résul­tat ‘à l’oreille’, nous pouvons super­po­ser à notre onde sinu­soï­dale (la fonda­men­tale) une seconde onde sinu­soï­dale, ayant une fréquence plus élevée et qui produit donc un son plus aigu.

À gauche, la forme d’onde, à droite, le spectre :

Harmonique 22

Note : concer­nant le spectre, on a vu dans la partie (1) que les barres jaunes qui se déploient vers le haut repré­sentent l’am­pli­tude de chaque harmo­nique. Les barres bleues vers le bas repré­sentent leurs phases. Elles n’ont pas d’ac­tion audible pour les sons que nous utili­sons ici, aussi est-il inutile de s’en préoc­cu­per. On en repar­lera cepen­dant dans un prochain chapitre.

Sur cette figure, on constate une première oscil­la­tion d’en­semble dont la période couvre toute la plage visible, ce qui corres­pond à la fonda­men­tale. Cette fonda­men­tale supporte une seconde oscil­la­tion, plus fine. Dans cet exemple, il s’agit de l’har­mo­nique de rang 22 qui comprend 22 oscil­la­tions durant la seule oscil­la­tion de la fonda­men­tale. Elle est donc à une fréquence 22 fois supé­rieure aux 440 Hz de la fonda­men­tale, à savoir 9680 Hz.

Voici le résul­tat sonore : on entend distinc­te­ment ces 2 oscil­la­tions de façon indi­vi­duelle : la fonda­men­tale seule pour commen­cer, puis l’har­mo­nique qui s’y rajoute. On dirait vrai­ment 2 sons diffé­rents.

Vers un son complexe

Si l’on ajoute encore et encore des harmo­niques, on finira par ne plus perce­voir indi­vi­duel­le­ment toutes les compo­santes du son global : il s’agira d’une onde complexe telle que produite par un instru­ment acous­tique ou tout autre phéno­mène natu­rel.

La vidéo suivante en présente une illus­tra­tion complète.

 

Harmo­niques inhar­mo­nieuses

Les sons présen­tés ici ont tous été compo­sés de fréquences dites ‘har­mo­niques’ car multiples entiers de la fonda­men­tale. Par exemple 2 × 440 pour le rang 2 du La, 3 × 440 pour son rang 3, etc. Si une ou plusieurs compo­santes sont à des fréquences diffé­rentes de multiples entiers, le son sera inhar­mo­nique. Par exemple 2,565 × 440 Hz, etc. : c’est le cas des instru­ments de type cloche et bon nombre de percus­sions. Puisque ces harmo­niques ne sont plus harmo­nieuses, on préfère les dési­gner autre­ment, ce sont les partiels.

Le timbre

Pour l’ins­tant, seul le son (ou onde sonore) a été évoqué, or pour un instru­ment de musique, ou une voix, on parle de timbre.

  • le son est le résul­tat du spectre sonore audible durant une période de la fonda­men­tale, ou durant une succes­sion de périodes si elles se suivent cyclique­ment de façon iden­tique,
  • le timbre prend en compte l’évo­lu­tion du son dans le temps : le son de l’at­taque d’une note peut être très diffé­rent du son main­tenu et de son extinc­tion progres­sive. On parle de timbre pour l’en­semble de la note perçue lorsque le spectre est évolu­tif.

L’idée de la synthèse

Puisqu’il est possible de réduire toute sono­rité en un profil spec­tral, on peut imagi­ner qu’un dispo­si­tif élec­tro­nique capable de produire ces oscil­la­tions soit aussi capable d’imi­ter tout instru­ment acous­tique. On peut même rêver à explo­rer un tout nouveau champ de sono­ri­tés inédi­tes…

On verra comment exploi­ter pour un usage musi­cal ces sono­ri­tés somme toute très élémen­taires, et pas très agréables (!).

Fréquences et progres­sion des harmo­niques

Nous avons vu que les harmo­niques se succé­daient à partir de la fonda­men­tale selon un prin­cipe très simple : pour passer d’une harmo­nique à la suivante, on lui ajoute la fréquence de la fonda­men­tale. Cette idée se trans­crit faci­le­ment comme ceci :

Fréquence de l’har­mo­nique de rang (n) est égale à la Fréquence de l’har­mo­nique de rang (n-1) + la Fréquence de la fonda­men­tale

ou encore :

F h(n) = F h(n-1) + F f

Partant du La à 440 Hz, qui est la réfé­rence commu­né­ment admise aujour­d’hui, on obtient les valeurs de la colonne de gauche du tableau 1 ci-dessous :

f : 440
rang 2 : 440 + 440 = 880
rang 3 : 880 + 440 = 1320
rang 4 : 1320 + 440 = 1760
rang 5 : 1760 + 440 = 2200
etc.

Tableau 1

Note : le résul­tat est le même si on multi­plie la fréquence de la fonda­men­tale par le numéro de rang de l’har­mo­nique, mais la méthode de l’ad­di­tion permet de mieux diffé­ren­cier cette notion de celle de la progres­sion des octaves.

Progres­sion des octaves

La défi­ni­tion de l’oc­tave est la suivante : chaque octave est à une fréquence double de la précé­dente. On peut aussi dire qu’elles se succèdent par multi­pli­ca­tion (et non par addi­tion comme les harmo­niques !) avec un facteur de 2.

F octave(n) = F octave(n-1) x 2

Si l’on part à nouveau du La à 440 Hz (tableau 1 ci-dessus) :

f : 440
octave 2 : 440 × 2 = 880
octave 3 : 880 × 2 = 1760
octave 4 : 1760 × 2 = 3520
etc.

On constate que les La des octaves succes­sives corres­pondent exac­te­ment aux harmo­niques de rang 1, 2, 4, 8, 16, 32, 64, etc., ce qui est réjouis­sant, car cela semble bien simple.

Compa­rai­son de la progres­sion des harmo­niques et des octaves

Puisque nous avons d’une part une série d’har­mo­niques crois­santes et d’autre part une série de La à des octaves égale­ment crois­santes, il est inté­res­sant de les placer sur une même échelle de fréquences :

Tableau 2


1. Le repère à gauche est gradué de façon régu­lière de 500 Hz en 500 Hz.

2. Les harmo­niques sont placés sur cette échelle avec un pas, égale­ment régu­lier, de 440 Hz.

3. Les La de chaque octave sont égale­ment placés sur cette échelle : on constate immé­dia­te­ment que les pas d’une octave à l’autre ne sont pas régu­liers, ils vont en augmen­tant.

Octave est sympa, mais il est un peu gros­sier

Imagi­nez-vous faire de la musique avec à votre dispo­si­tion une seule note par octave ?

Il convient de décou­per chaque octave en un certain nombre de notes pour déve­lop­per des harmo­nies et des mélo­dies moins gros­sières. L’une des grandes idées, celle qui s’ap­plique à la musique occi­den­tale depuis plusieurs siècles, consiste à décou­per l’oc­tave en 12 inter­valles. On obtient les notes dont nous avons l’ha­bi­tude : La, La #, Si, etc., autre­ment dit, la gamme.

La façon la plus évidente de défi­nir la taille des inter­valles est de consi­dé­rer qu’ils soient répar­tis de façon égale sur l’éten­due de chaque octave. On parle de tempé­ra­ment égal pour cette raison.

En obser­vant une telle progres­sion des notes sur le tableau 2 (pour une ques­tion d’en­com­bre­ment, seules les notes de l’oc­tave 4 ont été dési­gnées), on comprend pourquoi l’on ne peut pas avoir, pour toutes les notes, de coïn­ci­dence exacte avec une harmo­nique d’un rang de valeur entière : les harmo­niques évoluent de façon régu­lière alors que les notes évoluent de façon progres­sive.

Les fréquences des notes en tempé­ra­ment égal

On a vu que la progres­sion des octaves se fait par multi­pli­ca­tion d’un facteur 2. Si l’on souhaite des notes répar­ties selon 12 inter­valles égaux au sein d’une octave, chaque note doit donc être multi­pliée par un facteur 2 puiss­sance 1/12 pour déter­mi­ner la note suivante. Cela se traduit par :

F (n) = F (n-1) x 2 exp 1/12

ou aussi

F (n) = F (n-1) x racine 12° de 2

ou F (n) = F (n-1) x 1,059463…

Ainsi

La = 440
La # = 440 × 1,059463 = 466,164
Si = 466,164 × 1,059463 = 493,883
etc.

Tableau 3

Contrai­re­ment au tableau 2 où l’échelle est correcte, j’ai repré­senté ici la liste des fréquences des notes de façon régu­lière et j’ai tenté de placer les fréquences des harmo­niques à peu près en corres­pon­dance.

On véri­fie que les fréquences des notes ne coïn­cident pas toujours avec celles des harmo­niques.

Si l’on regarde de plus près les lignes rela­tives aux harmo­niques, on observe que les rangs 1 et 2 coïn­cident parfai­te­ment avec les la des 2 premières octaves. Le rang 3 corres­pond à peu de chose près au mi de la 2e octave. Au rang 4, on se retrouve exac­te­ment sur un La. Puis au rang 5 corres­pond à peu près un Do #. Plus loin, les écarts peuvent deve­nir assez impor­tants.

Il est inté­res­sant de remarquer que les premières notes rencon­trées sont La, Mi et Do# ! C’est un accord majeur : le plus harmo­nieux et le plus simple de tous. Ceci explique proba­ble­ment cela. Si la série avait été calcu­lée à partir du Do (habi­tuel­le­ment 264 Hz) et non à partir du La, ces trois premières notes auraient été Do, Sol et Mi : égale­ment un accord majeur bien entendu.

Les autres façons de calcu­ler les gammes

Depuis Pytha­gore jusqu’aux compo­si­teurs contem­po­rains, par monts et par vaux tout autour de la Terre, on a imaginé de bien belles théo­ries pour répar­tir les notes au sein des octaves. Ces 12 inter­valles peuvent être distri­bués de bien des façons et on rencontre des systèmes avec davan­tage d’in­ter­valles, notam­ment dans les musiques orien­tales.

Les synthé­ti­seurs actuels permettent pour la plupart l’ac­cord sur des systèmes exis­tants (Pytha­gore, Werk­meis­ter, Valotti, etc.) et même de créer libre­ment nos propres systèmes. Voici un exemple :

Microtuning

C’est ici la note C_4 qui est en cours d’édi­tion (le Do de l’oc­tave 1 du tableau 3) et sa fréquence est bien de 523,251 Hz. Il suffit de la chan­ger pour réac­cor­der cet instru­ment élec­tro­nique virtuel comme on le ferait d’un piano.

Notez le bouton ‘Octave link’ qui permet, si on l’ac­tive, de repro­duire auto­ma­tique­ment les réglages d’une seule octave vers toutes les autres.

Pour conclure

Un dernier coup d’oeil sur les tableaux ci-dessus : les octaves tombent toujours juste avec les harmo­niques ! Voilà pourquoi l’oc­tave est une base de réflexion inté­res­sante pour élabo­rer un système de gamme. Mais rien n’y oblige, et la désac­ti­va­tion du bouton ‘Octave link’ de la figure précé­dente promet des réglages tout à fait inno­vants.

Préci­sons encore que ce chapitre a traité des harmo­niques conte­nues dans un son et qu’il a cher­ché à trou­ver des équi­va­lences avec les notes de la gamme à tempé­ra­ment égal. Nous partions de la seule note de La à 440 Hz. Ces tableaux sont simple­ment à trans­po­ser si l’on souhaite connaître les fréquences des harmo­niques pour les autres notes de la gamme.

Ainsi, lorsqu’on joue un accord, à savoir plusieurs notes simul­ta­né­ment, chacune des notes va engen­drer son propre cortège d’har­mo­niques au grand complet.

Après ce petit inter­lude quelque peu théo­rique, nous revien­drons à la pratique dans la seconde partie de ce dossier pour fabriquer un joli son rien qu’avec ces vilaines et stri­dentes ondes sinu­soï­da­les… et un peu d’as­tuce.

  • adridesign 5 posts au compteur
    adridesign
    Nouvel·le AFfilié·e
    Posté le 06/05/2012 à 13:54:22
    très bon cour, on se croirait dans une école d'ingé son hééhé.
  • Bidibuleable 16 posts au compteur
    Bidibuleable
    Nouvel·le AFfilié·e
    Posté le 17/09/2014 à 18:00:03

    Merci d'avoir pris le temps de d'écrire cet article. On se doute que tout le monde ne soit pas forcément intéressé par la théorie, mais cela n'empêche pas que ce cours soit très bien fait. Encore merci et bravo ! bravo

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