Si l’on en croit les archéologues et les historiens, l’être humain fait de la musique, sinon depuis toujours, tout du moins depuis qu’il est — officiellement en tous cas — doublement « sapiens ». Et tout au long de son histoire, sur toute la surface du globe, il n’a cessé de diversifier aussi bien les objectifs de la musique — qui peut être entre autres rituelle, récréative, intellectuelle, etc. — que la manière d’en produire, que ce soit déjà simplement par l’utilisation de sa voix, de son corps ou bien par le développement et la pratique d’instruments spécifiques.
Cela étant, malgré la très grande diversité de ces derniers, jusqu’au 20e siècle leurs principes de fonctionnement sont toujours restés peu ou prou les mêmes : peaux animales frappées, cordes frottées, pincées ou elles aussi frappées, et tubes d’os, de bois ou de métal à travers lesquels l’air soufflé est soumis à un trajet plus ou moins complexe.
Mais le 20e siècle est celui où l’être humain a commencé à s’intéresser à la manipulation de la structure même de son environnement – pour le pire avec la bombe atomique, et pour le meilleur avec la synthèse sonore (comment ça, je fais des raccourcis ?) ! Il ne s’agit plus de reproduire des sons plus ou moins prédéfinis, mais carrément de créer des sonorités inouïes (au sens propre comme au figuré) à partir de zéro, ou bien de modifier la structure même d’un événement sonore pour en créer un autre. Intéressantes perspectives, non ?
Tout au long des articles de cette série, nous chercherons donc à définir le plus simplement possible ce qu’est la synthèse sonore, tout d’abord en rappelant de quoi le son est constitué et quels sont les paramètres sur lesquels on peut agir pour le modifier, quels sont les éléments de base de tout synthétiseur qui se respecte et quelle est leur fonction, et quels sont les principaux types de synthèse qui existent. Nous proposerons également quelques petits ateliers pratiques, ainsi qu’un récapitulatif historique de l’évolution de la synthèse depuis son apparition, et une brève présentation des instruments les plus emblématiques ou les plus surprenants dans le domaine.
Mais tout d’abord…
La synthèse sonore, qu’est-ce que c’est ?
Pour y répondre, penchons-nous un instant sur sa cousine, la synthèse visuelle, à laquelle nous avons tous, dans notre monde où le cinéma et les jeux vidéo occupent une place de premier ordre, été confrontés au moins une fois. Dans le cadre de cette dernière, des images sont créées ou reproduites artificiellement en jouant sur les bases de notre perception oculaire que sont, entre autres, la forme, la matière, la couleur et la luminosité. Le but peut en être de donner l’illusion de la réalité la plus absolue, ou de tordre totalement le cou de cette dernière afin de produire les résultats les plus fantasques.
La synthèse dans le domaine audio repose grosso modo sur le même postulat : agir sur les éléments de base de la réalité sonore afin de reproduire ou bien dépasser cette même réalité.
Dans la conception traditionnelle de la musique, l’élément de base est la note. En synthèse audio, ce sont moins les notes — qui deviennent des évènements sonores comme tous les autres – qui sont importantes que ce qui les constitue. Dans la vie courante, une note jouée sur un instrument, une parole prononcée et un moteur qui tourne sont des événements très différents, qui pourtant excitent tous notre sens de l’ouïe. Ils possèdent donc un élément constitutif qui les réunit tous, et surtout qui définit leur nature. C’est sur cet élément que nous cherchons à influer en synthèse audio.
Mais cet élément, quel est-il ?
Good Vibes
Et d’abord, c’est « kôa », le son ?
Le son peut être défini de deux manières. Il y a tout d’abord le son comme signal de notre environnement perçu par notre sens de l’ouïe, qui associe la « captation » mécanique du message sonore par notre oreille et son interprétation par le cerveau. Cet aspect-là du son, aussi important soit-il, ne sera pourtant pas celui que nous étudierons principalement tout au long de ce dossier. Non, ce qui nous intéressera surtout, c’est la nature physique du son.
D’un point de vue physique, donc, le son est avant tout la création et la propagation d’une vibration. Pour se propager, celle-ci a besoin d’un milieu élastique. Qu’est-ce qu’un milieu élastique ? Tout simplement un élément qui peut subir une déformation et retrouver sa forme initiale après la perturbation. L’air et l’eau sont des milieux élastiques, mais le bois, le verre, le béton (eh oui !) également. En fait n’importe quel élément matériel solide, liquide ou gazeux peut servir, plus ou moins bien, de transmetteur de la vibration sonore. Il n’y a que dans le vide que celle-ci ne peut absolument pas se propager : l’Étoile de la Mort de Star Wars pourrait faire exploser autant de planètes entières qu’elle le veut, cela se produirait à chaque fois dans le silence le plus absolu.
Bien, nous savons maintenant que le son est avant tout – roulements de tambours — vibration ! C’est la vibration, l’élément de base que nous cherchons à manipuler en synthèse sonore. Mais pour ce faire, encore faut-il pouvoir la représenter et la quantifier.
Ondine et Ondon…
C’est là que l’onde entre en jeu.
L’onde est la manifestation physique de la propagation d’une vibration dans un milieu élastique. Et si le terme « onde » évoque l’eau, ce n’est pas pour rien. En effet, c’est par l’eau que les hommes ont commencé à prendre conscience de manière précise de l’existence des phénomènes vibratoires. D’ailleurs, l’exemple le plus souvent cité pour illustrer la propagation du son est celui du caillou que l’on jette dans la mare. L’impact du caillou dans l’eau représente alors l’instant d’émission du son, et les vaguelettes qui se propagent de manière égale tout autour de lui sont la traduction de l’onde qu’il a générée.
À noter que si l’onde se déplace, elle n’entraîne pas en revanche de déplacement d’objet. Il s’agit uniquement de la vibration interne des molécules du milieu dans lequel elle se propage. Chaque molécule va transmettre sa vibration à la suivante, sans se déplacer elle-même ni exercer directement de force motrice sur sa voisine. Par exemple, lorsque nous nous baignons dans la mer, nous suivons verticalement le mouvement ascendant et descendant des vagues – de l’onde – mais nous ne sommes pas déplacés horizontalement par elles.
Une forme d’onde est représentée la plupart du temps par un graphique en deux dimensions, où le temps est représenté sur l’axe des abscisses, et où l’axe des ordonnées symbolise l’amplitude de l’onde.
Nous étudierons la forme d’onde plus en détail par la suite, pour mieux comprendre comment la manipuler afin de modeler les sons.