Véritable cauchemar pour pédales, The Parasite n’a qu’une ambition : lentement se sustenter de vos précieuses machines, quitte à profondément changer leur nature.
Quels que soient les desseins du fou derrière cette invention machiavélique, la mission de l’odieux symbiote est claire. C’est donc avec une fébrilité certaine que je me suis porté volontaire pour accueillir cette machine en mon sein. Tel Eddie Brock en proie à ses démons intérieurs, j’allais petit à petit apprendre à dompter le Parasite. Le médecin fou du Frissons de Cronenberg n’a qu’à bien se tenir, car c’est à présent à mon tour de propager la maladie. Et j’ai quelques victimes en tête…
Ectoparasite
Nous vous proposions il y a quelques mois un test de l’Overbass, la toute première pédale de la marque française Locustom. Le constructeur en avait profité pour teaser la sortie imminente du Parasite, une pédale d’effet annoncée comme unique en son genre. Celle-ci a pour principe de vous offrir la maîtrise des signaux dry et wet, ou plutôt de leur alternance. Ne fuyez pas, on va tout vous expliquer !
Outre les traditionnelles entrées instruments et sortie, le Parasite est en fait pourvu d’une entrée « From FX » et d’une sortie « To FX ». Elles forment ainsi une boucle, dans laquelle vous pourrez brancher toutes les pédales qui vous passeront sous le pied. Nous évoquions la possibilité de maîtriser les signaux dry et wet, le signal dry correspondra donc au son pur sortant de votre instrument, et le son wet sera engendré par l’effet placé en parallèle du Parasite. À l’aide d’un VCO (oscillateur contrôlé en tension que l’on retrouve souvent dans les synthétiseurs) recréé grâce à des transistors, la pédale alternera les deux signaux. Le concept est puissant, puisqu’il ouvre des possibilités de combinaisons innombrables. Mais reprenons notre découverte de la nouvelle Locustom depuis le début.
The Parasite, puisque c’est son appellation officielle, est livré dans une jolie boîte en bois, comme tous les autres produits Locustom. Le packaging est très réussi, tout comme l’astucieux pliage du manuel qui dévoilera petit à petit un mot de remerciement. Cette version MK0 (une présérie) se présente sous la forme d’un boîtier quasi carré en métal brillant. Ses dimensions sont de 11,7 cm de hauteur, 9,3 cm de largeur, et 3,4 cm d’épaisseur. L’esthétique globale rappelle l’Overbass (format, métal, sérigraphies, etc.), les LED colorées en moins. La pédale peut être alimentée par un transformateur allant de 9V à 18V sous 100 mA. Il est également possible de brancher une pile, mais il faut pour cela ouvrir le boîtier. En faisant cela, on constate que la marque n’a pas menti : l’ensemble est purement analogique, assemblé et soudé à la main. On regrettera néanmoins que les concepteurs n’aient pas prévu d’emplacement avec des fixations pour la pile 9V, il y a un peu de jeu, et celle-ci a tendance à cogner légèrement contre les parois. Malgré tout, la pédale respire la solidité et possède un charme indéniable.
Revenons brièvement sur la connectique. Sur la tranche droite, vous trouverez donc la sortie « To FX », et l’entrée instrument. Cette dernière est dotée d’un buffer, vous offrant ainsi la possibilité de brancher différents instruments. Le Parasite peut en effet être utilisé avec une guitare, mais également avec une basse, un synthé, et plus globalement n’importe quel instrument électrique. L’entrée « From FX » et la sortie à raccorder à l’ampli sont, elles, situées sur la tranche gauche.
Côté contrôles, la pédale joue la carte du minimalisme. Outre le footswitch permettant d’enclencher l’effet, l’on trouve un sélecteur à deux positions pour choisir la forme d’onde (triangulaire ou dents de scie). Un bouton Speed permet de régler la fréquence d’alternance entre le signal dry et le signal wet. Poussé à son maximum, sa vitesse atteint les 40Hz, soit 25 ms. Il est d’ailleurs possible de brancher une pédale d’expression pour contrôler ce paramètre. Enfin, un bouton central permet de contrôler la balance entre le Dry et le Wet. Plus concrètement, il permet de régler le temps passé sur le dry et sur le wet. En poussant le bouton au maximum sur le Dry, vous aurez uniquement votre son clean, alors que vous obtiendrez votre son bourré d’effet en position full Wet. Dans la première moitié de la course du potard, c’est le Dry qui proportionnellement est plus présent. En allant de plus en plus vers le FX, c’est le Wet qui le sera. Pour terminer, une LED rouge (coucou chef !) complète le tableau. Elle s’illumine à chaque fois que le signal dry refait son apparition.
Le symbiote seul
L’intérêt principal du Parasite réside dans son interaction avec vos multiples pédales. Pour autant, il est possible de l’utiliser sans brancher les entrée et sortie FX. Le Parasite agira alors comme un simple trémolo contrôlable ou non par l’intermédiaire de la pédale d’expression. Dans ce premier extrait, j’ai placé le bouton central à 12h afin d’avoir une alternance symétrique entre les signaux dry et wet. La forme d’onde est placée sur le mode triangulaire. Petit à petit, je pousse la pédale d’expression pour augmenter la vitesse. Il m’arrive également d’alterner les vitesses de façon rythmique.
Sur la première moitié de la course de la pédale d’expression, le rendu est très musical. L’alternance est intéressante, douce, en adéquation avec la forme d’onde triangulaire. Mais à peine le premier tiers du potard atteint, la vitesse s’emballe déjà. On ressent un manque de subtilité dans les réglages, les paliers se franchissent bien trop rapidement. En allant au-delà de la moitié de la course, cela devient difficilement maîtrisable. Vous pouvez même entendre vers la fin le moteur du Parasite s’emballer tel une voiture de course. De légers bruits de saturation peuvent également faire irruption lorsque la pédale d’expression est enfoncée au maximum. Si certaines sonorités « noisy » peuvent avoir leur utilité, les réglages vraiment extrêmes me paraissent inutilisables, car trop… parasités ! J’utilise pour ce test une pédale d’expression Boss FV 500-H, et sa longue course de synchronise mal avec les possibilités du Parasite. Locustom a souhaité offrir une compatibilité la plus large possible avec les pédales d’expression du marché, et il est naturel que certaines associations fonctionnent mieux que d’autres. Mais j’ai également constaté ces problèmes en utilisant uniquement le bouton Speed. Le deuxième extrait est plus court. J’ai gardé les mêmes réglages que pour le précédent, mais cette fois la forme d’onde est en dents de scie.
La différence est notable, et le rendu respecte parfaitement ce que l’on est en droit d’attendre d’une onde en dents de scie. Enfin, voici deux extraits présentant l’influence du bouton central. Dans le troisième fichier audio, le contrôle est placé à un quart. Dans le quatrième, il est poussé aux trois quarts. Dans les deux cas, le bouton speed est réglé de façon assez lente, et la forme d’onde est en mode triangulaire.
- Parasite 3 Trémolo 1:4 00:15
- Parasite 4 Trémolo 3:4 00:14
Lorsqu’aucun effet n’est branché en parallèle du Parasite, le signal Wet est quasi inexistant. On entend bien la différence entre les deux types de trémolos utilisés dans les extraits audio. Dans le son 3, le rendu est fort et dynamique, car le signal Dry est omniprésent. À l’inverse, dans le son 4, le Parasite passe plus de temps sur le signal Wet que Dry. En résulte un effet plus éthéré.
Le symbiote et ses hôtes
Le plaisir solitaire ayant ses limites, il est temps d’offrir quelques camarades de jeu à notre Parasite. Nos premiers hôtes seront des pédales d’overdrive et de distorsion ! J’ai utilisé pour le premier extrait la pédale The Crusher d’Eagletone. Cet ersatz de Tube Screamer est réglé avec le gain au maximum, le volume au trois quarts, et la tonalité à 12h. Le bouton central du parasite est également à 12h, et la forme d’onde en mode triangulaire. Pour le son avec la distorsion, j’avais sous la main une autre pédale Eagletone, la Hell Dude. Le réglage de distorsion est à fond.
- Parasite 5 Overdrive 12h Triangulaire 00:43
- Parasite 6 Disto 3:4 Dents de scie 00:53
Les défauts que j’ai pu rencontrer lors de l’utilisation du parasite en trémolo sont toujours présents, mais s’accordent plutôt bien avec des saturations. Le bruit de moteur est couvert par le vacarme des pédales Eagletone, et l’on obtient des sons exploitables même avec les vitesses les plus extrêmes. Vous pouvez par contre entendre dans le deuxième extrait un surplus de basses qui dans certaines conditions posera problème. Mais comme toujours avec The Parasite, votre son dépendra de vos réglages. Il faut par exemple prendre le temps de travailler le volume de la pédale d’effet pour l’harmoniser avec l’alternance dry/wet et que ce soit en phase avec ce que l’on souhaite. Il en va de même avec un effet temporel comme le delay. Ainsi, si vous souhaitez garder une certaine cohérence rythmique avec des répétitions trainantes, il peut être utile de synchroniser les vitesses. Dans ce sixième exemple audio, j’utilise la pédale de delay Flashback x4 de TC Electronic en mode Analog, avec la plupart des contrôles placés à 12h. Quant au Parasite, le bouton central est placé au premier tiers, et la forme d’onde est en mode dents de scie.
Le résultat s’inscrit dans la lignée de mes précédentes expérimentations. On peut noter que certaines vitesses fonctionnent mieux que d’autres. En accélérant, on obtient une forme de modulation plutôt réussie dans un premier temps, mais qui se transforme en grésillement si l’on appuie un peu trop fort. D’ailleurs, pour terminer, tentons de brancher un effet de modulation ! J’utilise pour cet extrait la pédale de phaser Helix de TC Electronic. Elle est réglée en mode Smooth avec l’ensemble des potards à 12h. Le bouton central du Parasite est poussé jusqu’à la moitié, et la forme d’onde est en dents de scie.
Je t’aime, moi non plus
Alors, au final que penser de ce Parasite ? La pédale a de nombreux défauts en l’état, c’est certain. Deux points en particulier m’ont marqué. Tout d’abord, les graves sont parfois difficiles à maîtriser. Un réglage aux petits oignons devrait résoudre ce problème, mais ce n’est pas toujours évident. N’oublions pas que la pédale a été conçue pour fonctionner avec des instruments très différents. Le spectre de fréquences est donc large, mais ne semble pas aisément maîtrisable. Le manque de subtilité du réglage de vitesse est par contre moins excusable. J’aurais également aimé avoir plus de formes d’onde, notamment une carré. Pouvoir contrôler le bouton central à l’aide de la pédale d’expression aurait également été un atout considérable. Enfin, nous nous devons d’évoquer le prix de la machine. Tout le monde ne souhaitera pas dépenser 269 € pour une pédale. Nous ne rentrerons pas dans un débat autour du Made in France et des produits haut de gamme, mais ce tarif est évidemment un élément à prendre en compte.
Mais, pour autant, The Parasite est fascinante. Son concept est brillant, et ouvre la voie à d’innombrables possibilités. Le vivier de pédales d’effets à brancher dans la machine est inépuisable, et vous pourrez laisser libre cours à votre imagination, car tout reste à faire. Par exemple, vous pouvez directement brancher votre guitare dans une pédale d’effet stéréo, et récupérer les deux signaux de sortie pour les utiliser dans le Parasite (dans les entrées In et From FX). Il est aussi possible de brancher deux instruments en même temps. Le Dry correspondra à un instrument et le Wet à un autre. Ce branchement aurait d’ailleurs pris une ampleur considérable avec des sorties stéréo sur le Parasite, afin de pouvoir « paner » les deux signaux. Mais ne boudons pas notre plaisir, il s’agit d’une version MK0 pouvant être améliorée, et nous avons malgré tout affaire à une pédale innovante, unique en son genre. Il faut féliciter Locustom pour cela. Si vous avez l’âme d’un bidouilleur, et que vous recherchez des sons originaux, tentez l’aventure !