Aussi étonnant que cela puisse paraître, TC n'avait encore pas proposé de phaser dans sa série de pédales Toneprint. L'oubli est réparé avec cette Helix qui entend bien faire valoir sa polyvalence.
Annoncée lors du NAMM Show 2015 il y a un peu moins d’un an, la pédale Helix était, avec sa consoeur la Viscous Vibe, l’une des pédales TC Electronic les plus attendues de l’année. Tout premier phaser compatible TonePrint de la marque, l’Helix innove en proposant de nombreux paramètres. Les grands classiques de l’effet phaser comme la Phase 90 de MXR, la Boss PH-3, ou encore la Small Stone, sont en effet rarement pourvus de plus d’un ou deux boutons de contrôle. Ces pédales sont connues pour leur qualité et leur forte identité sonore, mais pas forcément pour leur polyvalence. C’est sur ce dernier axe que TC Electronics compte donc faire la différence. Le pari est-il réussi ? Il était temps que l’Helix passe entre nos mains !
Sobre, mais efficace
Avant de nous lancer dans l’analyse sonore de notre pédale, faisons un rapide tour du propriétaire. L’Helix prend la forme d’un joli boîtier jaune pâle en métal, d’environ 12 cm de longueur, 6 cm de largeur, et 3 cm d’épaisseur. D’apparence solide, la pédale ne se démarque pas particulièrement par son look. La sobriété globale de la machine lui assure un côté passe-partout, l’éloignant de potentielles fautes de goût. Seule la robe couleur jaune délavée aura quelque peu divisé au sein de la rédaction d’AF. Mais peut-on réellement se fier aux jugements esthétiques et au bon goût du vénéré Los Teignos ? Son affection pour le « pod-ceinture » permet d’en douter !
Revenons à nos moutons électriques. Les androïdes ne rêvent surement pas de l’Helix, et c’est bien dommage, car la belle a pour particularité de proposer de la stéréo. Vous trouverez donc sur son côté droit deux entrées pour vos instruments (mono et stéréo), et sur son côté gauche deux sorties permettant de la relier à votre ampli ou à vos autres pédales (également mono et stéréo). Un connecteur pour l’alimentation 9 volts, et un port USB pour la connexion TonePrint complètent l’ensemble. Un câble USB est d’ailleurs fourni.
Niveau contrôle, l’Helix se pare de quatre boutons, d’un sélecteur trois positions, et bien évidemment d’un footswitch d’activation. Profitons-en pour mettre en valeur le fait que cette pédale est originellement configurée en True Bypass, mais qu’il est possible d’enclencher un mode Buffered Bypass. Pour cela, les utilisateurs de câbles particulièrement longs ou les fanatiques de pedalboards démesurés devront ouvrir l’arrière de la machine, et utiliser le dip-switch consacré à cette option. Les utilisateurs du mode Buffered Bypass pourront également également activer une option Kill-Dry pour intégrer l’Helix à une boucle d’effets. Avec le Kill-Dry désactivé, la pédale est paramétrée en Analog Dry-Through dans ses réglages d’usines, votre signal n’est donc aucunement traité lorsque l’effet est éteint.
Enfin, la pédale doit être alimentée par une puissance de 9 volts en courant continu. Elle est prévue pour fonctionner en centre négatif, et consomme 100mA. L’alimentation n’est pas fournie, et l’appareil ne fonctionne pas avec des piles.
Le fond et la forme
Il est enfin temps d’allumer l’Helix ! Le footswitch s’enclenche aisément, aucun bruit inopportun ne pointe le bout de son nez. Une LED rouge s’illumine alors pour confirmer l’activation de l’effet. Mais après ce fugace sentiment de devoir accompli, il faut se rendre à l’évidence : que vais-je faire avec cette pédale ? D’après TC Electronic, son phaser permet de balayer un spectre allant de sons planants Gilmouriens au rock agressif de Van Halen, en passant par Radiohead et les Smashing Pumkins. Soit, mais comment atteindre ce nirvana ? Aussi vite que Senna, je tente donc de bouger quelques contrôles. Le commutateur à trois positions indique des modes Vintage, TonePrint, et Smooth. Si la position intermédiaire fait clairement référence aux innombrables possibilités offertes par le logiciel d’édition de TC, les autres qualificatifs semblent plus obscurs. Ce sera donc le mode Vintage pour commencer ! L’effet est là, mais il se fait discret. Les quatre contrôles Speed, Depth, Feedback, et Mix, me font furieusement de l’œil, et c’est sans aucune hésitation que je trifouille l’ensemble. Les potards font tout de suite ressentir leur influence sur le son produit. Le mode Vintage semble conçu pour offrir un effet de phaser présent mais pas envahissant. Il agit comme un vêtement qui embellit vos notes sans les modifier fondamentalement. Le son reste très naturel, et ce, même avec les potards poussés à fond. Je passe finalement en mode Smooth, et constate un énorme changement. Malgré son appellation, le mode n’a rien de doux. En se limitant au premier tiers des différents réglages, votre son se nappera d’un phaser omniprésent mais subtil. En poussant les différents boutons, l’aspect synthétique et jusqu’au-boutiste de l’effet prendra le dessus. Entendons-nous bien, dans toutes situations, l’Helix respectera le son de votre guitare ! Mais le mode Smooth poussé à son paroxysme produira des sons complètement fous et des mélodies informes. Avant d’écouter quelques exemples des possibilités offertes par notre pédale, faisons un point sur les différents boutons de réglage :
- Speed – Ce contrôle permet de gérer la vitesse de modulation de fréquence, ou en d’autres termes, le temps qui s’écoule entre chaque « pic » de l’effet phaser. Placez ce bouton à 0, et votre son ne variera que très lentement dans les deux modes. Votre guitare sera comme filtrée : les aigus, les médiums, et les basses se pointeront chacun à leur tour afin de prendre part à cette étrange ritournelle. A l’inverse, poussez le bouton à son maximum, et appréciez ce trémolo tourbillonnant. En mode Vintage, ce réglage est domptable, mais il n’en est pas de même en mode Smooth. Pour autant, cet aspect « noisy » peut avoir son intérêt pour quiconque souhaitera créer des ambiances aux portes de la crise d’épilepsie.
- Depth – Il s’agit ici de modifier l’intensité du phaser. Le bouton accentue donc la présence de l’effet. Avec un réglage à 0 en mode Vintage, vous obtiendrez un son quasi dry mais épaissi. En Smooth, il filtrera votre son à l’image d’une Wah Wah bloquée dans des positions intermédiaires. Dans ce dernier mode, le réglage augmentera également la présence des basses fréquences.
- Feedback – « La rétroaction est l’action en retour d’un effet sur sa propre cause : la séquence de causes et d’effets forme donc une boucle dite boucle de rétroaction. » dixit Wikipédia ! Le bouton Feedback augmente donc l’intensité de la boucle de rétroaction. Pour simplifier, plus vous poussez ce réglage, plus l’effet de phaser se fera présent et résonnera longuement. Placez à 0, vous aurez droit à des trémolos aquatiques tout droit sortis des abysses. Réglé à fond, le Feedback s’emballera complètement, particulièrement en mode Smooth ! Préparez-vous à découvrir le doux chant d’une portée d’oisillons cyborgs adeptes de trance Goa.
- Mix – Ce bouton permet tout simplement de gérer le niveau du phaser. Avec le potard réglé au minimum, votre son dry sera préservé. Plus vous pousserez le bouton, plus le son wet prendra le dessus. C’est un excellent outil pour contrôler les réglages « extrêmes » et retrouver un peu de musicalité lorsque l’effet prend trop le dessus.
Après plusieurs heures d’exploration de l’Helix, je me suis rendu compte que j’utilisais principalement le mode Smooth. A mon avis, c’est le mode offrant le plus de possibilités. Cependant, le mode Vintage n’est certainement pas à négliger, et la présence de ces deux sons très différents sur une seule et même pédale est un atout considérable. J’ai donc décidé de vous enregistrer quatre exemples sonores pour chaque mode. J’utilise pour ces exemples une guitare Ibanez RG Prestige branchée dans un Kemper, lui-même relié à une carte son Steinberg UR22. L’Helix se trouve entre la guitare et le Kemper.
Ce premier exemple est enregistré en mode Vintage, avec le bouton Speed au premier tiers, les boutons Depth et Mix à fond, et le feedback à 0. Avec un son clean, l’on obtient de quoi rehausser de simples accords. Malgré le fait que les boutons Depth et Mix soient au maximum, le son reste très naturel.
Le deuxième exemple est toujours en mode Vintage, avec les réglages suivants : Speed Max, Depth max, Feedback 0, Mix max. Ce son hypnotique ne noie pas la guitare sous l’effet, alors que la plupart des potards sont au maximum. En augmentant le feedback, il sera plus difficile de contrôler l’Helix, mais cela apportera un brin de folie supplémentaire.
Avec notre troisième exemple, nous passons à la saturation ! J’ai utilisé le mode Vintage avec ces réglages: Speed 1/4, Depth 1/3, Feedback 2/3, Mix 2/3. Le son rappelle inévitablement les grandes heures du Hard Rock (Hard FM ?) et les envolées d’Eddie Van Halen.
On reste dans la saturation avec ce dernier exemple en mode Vintage, réglé ainsi : Speed 0, Depth max, Feedback max, Mix max. En plaçant la vitesse au minimum, on peut constater cette forme de filtre évoluant lentement mais sûrement.
Ce cinquième exemple est l’occasion de passer au mode Smooth. En plaçant le potard Speep à 1/3, le Depth à 2/3, le Feedback à 2/3, et le Mix à 1/3, une irrémédiable envie de sortir nos plus belles rythmiques Funk ou Reggae nous prend ! Bon, en l’occurrence ce n’est certainement pas ma plus belle rythmique Funk… Pardonnez-moi mon père, car j’ai péché !
Voici un autre enregistrement en son clean. Cette fois-ci je modifie en temps réel les boutons Speed et Feedback. Les réglages Depth et Mix sont à fond, puis je bouge le Feedback de la moitié au maximum. Je fais ensuite exactement pareil avec le Speed. Enfin, je reviens du max à la moitié pour le Speed, et de même pour le Feedback. Cet exemple devrait vous permettre de visualiser (enfin, on se comprend quoi !) l’influence des potards Speed et Feedback, et les possibilités psychédéliques qu’offrent ceux-ci en mode Smooth.
Dans ce nouvel exemple, j’utilise un son saturé pour enfin soloter ! Les boutons sont placés de cette façon : Speed 1/3, Depth 2/3, Feedback 1/2, Mix 2/3. En jouant, on ressent l’étrange sentiment d’avoir affaire à une pédale d’Auto-Wah. Bien entendu, l’effet est moins prononcé, mais vos notes semblent comme prises d’une soudaine envie de taper la discussion.
Toute bonne chose a une fin. Les mauvaises aussi d’ailleurs ! Quelle que soit la catégorie dans laquelle vous rangerez notre petite balade sonore, voici notre dernier exemple. Excité par les possibilités « vocales » de l’Helix, j’ai décidé de pousser le vice un peu plus loin dans cet enregistrement. J’ai utilisé ces réglages : Speed 2/3, Depth max, Feedback 2/3, Mix 1/3. Comme je le souhaitais, on entend clairement la guitare s’exprimer. Notons également que le sustain de l’instrument est particulièrement boosté.
Une TC vaut mieux que deux tu l’auras ?
La première chose qui frappe lorsque l’on utilise l’Helix, c’est son incroyable polyvalence. Nous avons pris le temps de découvrir les modes Vintage et Smooth, mais n’oublions pas la présence du mode TonePrint. En l’utilisant, vous pourrez sculpter votre son de manière extrêmement fine et assigner chaque bouton à une action particulière. Chaque mode possède son identité propre, et respecte le son de votre guitare et de votre ampli. Les étonnantes vocalises que produit la pédale sont également un régal. Avec un tarif avoisinant les 130 €, l’Helix est clairement un phaser intéressant pour les musiciens souhaitant une pédale polyvalente et peu coûteuse. C’est également un choix à considérer lorsque vous hésitez entre des modèles dit « vintage » et d’autres au son plus moderne. Le produit de TC Electronic rassemble clairement le meilleur des deux mondes.
Néanmoins, on peut regretter qu’en mode Smooth les réglages poussés à fond aient tendance à vite devenir inexploitables. Mais l’habile bouton Mix permet de retrouver un peu de musicalité dans ce capharnaüm. Et puis cela ravira les adeptes des sons étranges et bruyants. D’ailleurs, j’ai globalement préféré l’usage de micros simples ou de positions intermédiaires avec l’Helix, les micros à double bobinage ayant parfois tendance à devenir brouillon en mode Smooth.
J’aurais également souhaité que TC Electronic innove plus. Par exemple, un Tap Tempo aurait été un atout énorme pour cette pédale. Le produit serait alors probablement devenu un incontournable dans le monde du phaser. La marque danoise pourrait aussi envisager de proposer plusieurs presets TonePrint sauvegardables sur la pédale. Il est en effet nécessaire de passer par un ordinateur ou un smartphone pour modifier cela, ce qui semble ne pas être une chose aisée en concert ! Mais ces menus reproches n’entament en rien cette belle réussite qu’on devrait, n’en doutons pas, retrouver sur plus d’un pedalboard prochainement…