En septembre dernier, la jeune marque française Glou-Glou dévoilait sa toute première pédale : la RendezVous. Complexe et radical dans sa conception, cet effet revisite la mythique Mu-Tron Bi-Phase en mêlant une section de phaser/vibrato et un filtre multimode, tous deux modulables par l’intermédiaire d’un LFO et d’une enveloppe. Audiofanzine vous propose un test de cette pédale conçue pour les instrumentistes exigeants.
Fort d’une expérience de plus de 20 ans en tant que musicien, Olivier Armbruster s’est lancé il y a 3 ans dans l’aventure Glou-glou. Collectionneur de pédales, il se met petit à petit à la réparation, avant de s’atteler à la fabrication de clones. Désireux de proposer un effet original, il débute finalement un projet qui l’occupera 2 ans, et aboutira à la création de la RendezVous.
Cette machine reprend les principaux éléments de la Mu-Tron Bi-Phase, effet phaser mythique que le fabricant en herbe a fortement modifié en remplaçant l’un des deux phasers originellement présents sur la pédale par un filtre multimode, et l’un des deux LFO par une enveloppe. Il a ensuite remplacé l’autre LFO de la Mu-Tron par celui du synthétiseur MS-20 de Korg.
Vous l’aurez compris, la RendezVous n’est pas une pédale à mettre entre toutes les mains ! Ouvertement complexe et élitiste, elle concrétise le rêve des amateurs de modulations et de filtres bidouilleurs, qu’ils soient guitaristes, bassistes, claviéristes, ou même trompettistes.
Gare à la noyade !
La RendezVous est une imposante pédale aux dimensions d’environ 21 × 19 × 4 cm. Livrée dans une élégante boîte avec un couvercle à rabat, la pédale fait tout de suite son effet. L’esthétique est travaillée de bout en bout, du packaging au manuel. Ce dernier prend en effet la forme d’un cahier à spirales dont les pages cartonnées respirent la qualité. La fonction de chaque bouton est détaillée, et le tout est accompagné de petits dessins facilitant l’apprentissage. 11 schémas permettant de noter ses réglages favoris sont même disponibles. Attention toutefois, le manuel est intégralement en anglais ! La marque lyonnaise semble déjà prête à conquérir le monde…
Sobre, mais particulièrement jolie grâce à son parti pris graphique résolument rétro sans être kitsch, la machine séduit malgré la présence effrayante d’innombrables boutons et sélecteurs. En observant la pédale, l’on comprend rapidement que les réglages du phaser/vibrato et du LFO se trouvent à gauche, alors que ceux du filtre multimode et de l’enveloppe sont à droite, ce que corrobore la présence de deux footswitchs dont l’un est dédié à l’activation de la section de modulation, et l’autre à l’activation du filtre. Quant à l’arrière du châssis, il dispose d’une entrée pour instrument, d’une sortie, d’une entrée dédiée au Control Voltage (CV), et d’un port d’alimentation nécessitant 18 volts.
Bien que certains éléments sont rapidement identifiables grâce aux différentes inscriptions, il est préférable de consulter le manuel pour vraiment comprendre la logique de la RendezVous et la disposition des boutons. L’on apprend ainsi que la pédale est divisée en 6 sections distinctes :
- En haut à gauche : section de phaser/vibrato
- En haut à droite : filtre multimode
- En bas à gauche : LFO
- En bas à droite : enveloppe
- En bas au milieu : matrice de modulation
- En haut au milieu : section de gate
Comme nous l’avons précédemment indiqué, le phaser/vibrato et le filtre multimode peuvent être modulés par le LFO ou par l’enveloppe. C’est là que la matrice de modulation entre en jeu, puisqu’il s’agit en réalité d’un bouton rotatif offrant 6 positions différentes à travers lesquelles on assigne le LFO et l’enveloppe au phaser ou au filtre. Les petits symboles présents sur le châssis sont peu parlants et il est encore une fois nécessaire de compter sur le manuel. Voici la liste des possibilités :
- Position 1 : LFO sur le phaser, enveloppe sur le filtre
- Position 2 : Enveloppe sur le phaser, LFO sur le filtre
- Position 3 : LFO sur le phaser, LFO inversé sur le filtre
- Position 4 : Enveloppe sur le phaser, enveloppe sur le filtre
- Position 5 : LFO sur le phaser, CV sur le filtre
- Position 6 : CV sur le phaser, enveloppe sur le filtre
À propos de la section Gate, celle-ci permet de couper le signal de modulation lorsque le jeu du guitariste s’arrête. Un sélecteur active le gate sur le phaser, et un autre sur le filtre. De plus, un réglage Threshold détermine le seuil à partir duquel le signal est audible.
Plus qu’une pédale
Comme vous pouvez le constater, la RendezVous est en réalité très proche du fonctionnement d’un synthétiseur. La prise en main n’est pas évidente, et il faudra vous armer de courage – et du manuel – pour arriver à vos fins.
La pédale ne propose pas l’enregistrement de favoris et l’on ne trouve pas de réglages types dans le manuel. C’est dommage, car c’est souvent une bonne façon de débuter la découverte d’une machine complexe. En branchant une guitare, on constate rapidement que tous les réglages interagissent énormément, et il n’est pas toujours évident de se rendre compte de l’influence de chaque bouton. Nous allons donc découvrir petit à petit les sonorités de notre machine en procédant par étape.
Phaser :
Débutons avec la section de phaser. Elle dispose de 8 boutons. Un bouton Gain permet de choisir le niveau de sortie, et un sélecteur les modes Vibrato ou Phaser (il s’agit en fait du vibrato couplé au signal dry). L’on peut aussi choisir le nombre d’étages : 1, 3, 5, 2, 4, ou 6. Plus le nombre d’étages est important, plus l’effet est prononcé. Les réglages Peak, Fixed, et Depth modifient respectivement la résonance du phaser, son caractère, et la profondeur de la modulation. Enfin, un sélecteur permet de modifier la phase, et un autre d’inverser le feedback.
Suivant les réglages, et notamment le nombre d’étages, les boutons n’auront pas exactement le même effet. Ainsi, le changement de phase permettra de récupérer des fréquences graves dans certains cas, ou inversement d’obtenir quelque chose de plus cristallin. La combinaison des sélecteurs de modes, de phase, et d’inversion du feeback modifie complètement la nature du phaser, et les possibilités sont immenses.
Modulé par le LFO, le phaser est d’une redoutable efficacité. Quels que soient les réglages, le son est toujours là. C’est ample, chaud, doux ou agressif tout en étant maîtrisé, et surtout d’une polyvalence extrême. Il n’y a jamais de bruit de moteur exagéré, et les oscillations peuvent être douces ou plus marquées grâce à un sélecteur modifiant le type d’onde (triangle ou carrée) et un potard qui façonne encore plus la forme (dent de scie, triangle, dent de scie inversée, ou encore carrée avec profondeur variable). La vitesse de modulation peut aussi être changée grâce au bouton Speed. Un dernier sélecteur dédié au LFO modifie la plage de vitesse : en mode Low la vitesse de modulation est classique, alors qu’elle est grandement accélérée en mode Hi, ce qui permet d’obtenir des sons barrés façon bit-crushing. C’est là que la section Gate démontre tout son intérêt, puisque la pédale produit un petit son permanent et qu’il est opportun de couper le signal lorsqu’aucune note n’est jouée.
- 1 LFO sur le phaser en mode vibrato 03:28
- 2 LFO sur le phaser en mode phaser 03:42
- 3 LFO avec vitesse Hi sur le phaser 03:04
Modulé par l’enveloppe, le phaser est complètement différent. La vitesse et la sensibilité à l’attaque de l’enveloppe peuvent être modifiées par l’intermédiaire d’un potard cranté (11 vitesses différentes) et d’un bouton appelé Sens. De plus, un sélecteur permet d’inverser l’enveloppe. Dans tous les cas de figure, le rendu est original, et en fonction de la vitesse l’on obtient des nappes évoluant lentement, des modulations bizarres claudicantes, ou une étrange saturation quasi fuzz. Les paramètres du phaser et ceux de l’enveloppe interagissent énormément, et il est moins aisé de trouver son son qu’avec le LFO dont les sonorités sont plus classiques. Cependant, le jeu en vaut la chandelle, et on se laisse vite gagner par les plaisirs de l’expérimentation.
Filtre multimode :
Comme le phaser, le filtre multimode possède les réglages Gain, Peak, Depth, et Fixed, et un sélecteur permet aussi de modifier la phase. Le fonctionnement est donc assez similaire ! Un potard cranté offre la possibilité de choisir entre quatre modes distincts : Low-Pass, Band-Pass, High-Pass, et Notch-Pass. Dans chaque cas, le filtre agit sur des fréquences différentes. Enfin, un dernier sélecteur modifie légèrement la tonalité pour obtenir un son plus rond notamment adapté au jeu avec une basse.
Modulés par le LFO, les trois premiers modes se transforment en une sorte de trémolo/vibrato aux rythmes et aux résonances particuliers. En augmentant la vitesse par l’intermédiaire du sélecteur High de la section LFO, on obtient un effet de bit-crush très prononcé évoquant des musiques de vieux jeux vidéo. Le mode Notch-Pass est, lui, différent, puisqu’il cumule un filtre passe-haut et un filtre passe-bas. C’est en jouant avec la résonance (Peak) que l’on découvre réellement ses capacités puisque l’on obtient alors un phaser plus simple et neutre que celui de l’autre section.
Avec l’enveloppe, le filtre prend encore une autre tournure. De nombreuses sonorités assez synthétiques sont possibles, que ce soit un effet d’auto-wah ou des nappes étranges évoluant lentement lorsqu’on inverse l’enveloppe. Les réglages de la résonance et de la sensibilité de l’enveloppe sont essentiels pour changer la nature du son, et l’interaction entre tous les boutons est encore une fois énorme. Le mode de filtre Notch-Pass est certainement le plus difficile à maîtriser. En effet, peu de fréquences passent avec ce type de filtres, et il faut donc vraiment tendre l’oreille pour régler les différents boutons et obtenir de subtiles modulations.
Quelles que soient les conditions, l’enveloppe se comporte en tout cas admirablement. La pédale réagit vraiment subtilement à l’attaque, et le son s’éteint de manière très harmonieuse. En accords, on entend une résonance particulière parfois proche de la saturation ou du ring modulator, ce que l’on peut encore accentuer en augmentant la vitesse.
- 6 Enveloppe sur le filtre 01:26
- 7 Enveloppe plus rapide sur le filtre 02:00
Phaser et filtre multimode en parallèle :
Enfin, il est possible de cumuler les deux sections en parallèle. S’il est très facile d’obtenir rapidement des résultats satisfaisants avec le filtre ou le vibrato/phaser seuls, il est moins évident de mêler les deux. Pour autant, cela vaut le coup et l’on obtient des sonorités peu habituelles. Les réglages de gain de chaque section permettent même de mixer subtilement les deux effets. Les possibilités sont innombrables, et nous nous contenterons donc d’écouter quelques exemples sonores :
- 8 LFO sur le phaser + LFO inversé sur le filtre 02:06
- 9 Enveloppe sur le phaser + enveloppe sur le filtre 02:56
Avant de conclure notre test, indiquons tout de même qu’il est possible de contrôler la machine de Glou-glou avec une pédale d’expression CV (Control Voltage). En utilisant les positions 5 et 6 de la matrice de modulation, la pédale d’expression remplacera le LFO ou l’enveloppe et modulera l’ouverture du filtre ou du phaser, ce qui peut être très intéressant sur scène.
Conclusion
La RendezVous a peu de défauts. L’ergonomie pourrait être meilleure, et l’on regrette que les différentes inscriptions n’aident pas toujours à mieux comprendre le fonctionnement de la machine (surtout pour la matrice de modulation). Bien sûr, il y a aussi ce prix hallucinant pour une pédale de 590 euros… Mais le travail est tel et la cible si restreinte, que ni l’ergonomie ni le tarif ne constituent un réel frein tant la RendezVous se destine à une élite de bidouilleurs fortunés ou de professionnels.
S’il fallait vraiment retenir un défaut majeur, ce serait plutôt l’impossibilité d’enregistrer ses réglages favoris. Vous appréciez différents sons et souhaitez naviguer entre ceux-ci en live ? Impossible ! Il vous faudra connaître la machine sur le bout des doigts et la triturer en live (éventuellement avec du Control Voltage) ou vous cantonner au studio. L’intégration du MIDI aurait pu être une solution, et la RendezVous aurait encore pris une autre dimension !
Pour autant, l’originalité de l’effet, ses sonorités divines et le sérieux de la fabrication nous poussent à lui attribuer la note exceptionnelle de 4,5/5. Oui, la RendezVous se mérite et frustre à cause de l’absence de presets. Mais elle a tant à offrir qu’on en oublie rapidement le reste.