Il y a bientôt 5 ans, nous testions la Babyface, première interface audio compacte du fameux constructeur allemand RME. Héritant d’une bonne partie des qualités de ses grandes sœurs, l’interface eut un succès commercial largement mérité et devint une référence dans ce secteur du marché. La concurrence n’étant pas du genre à se laisser faire, RME s’est senti obligé de remettre au goût du jour son bébé, et de rajouter par la même occasion le suffixe « Pro ». Simple mise à jour ou véritable évolution ?
La Babyface Pro était l’une des principales attractions du Musikmesse 2015 et le message de RME était très clair avec cette tagline accompagnant la présentation du produit : « Reengineered, not remastered ». Il n’était donc pas question de se contenter d’améliorer les quelques défauts de la Babyface, mais de proposer un produit entièrement repensé et de repartir de zéro, « from scratch » comme disent les anglophones. Les défauts de la première Babyface étaient d’ailleurs assez peu nombreux, et nous avions relevé les pas de 3 dB pour le réglage de gain, une molette principale un peu faiblarde ou encore le fait que les deux sorties casques partagent le même circuit. Sans vouloir casser complètement le suspens, sachez tout de même que deux de ces trois défauts ont été corrigés sur cette Babyface Pro.
Mais penchons-nous d’abord sur ce suffixe « Pro » qui en dit long sur la volonté de RME de ne pas proposer une simple mise à jour. En effet, cette Babyface ne s’appelle pas « Babyface mkII », « Babyface 2 » ou encore « Babyface 2015 ». Le prix a d’ailleurs augmenté de 200 €, passant de 550 à 750 €, ce qui est loin d’être négligeable (+36 %). La Babyface Pro monte donc a priori de gamme, mais remplace quand même la première Babyface au catalogue. Le ticket d’entrée dans le monde de RME devient donc moins accessible, et l’utilisateur va devoir casser encore un peu plus sa tirelire. Mais tout cela est-il vraiment justifié ? C’est ce que nous allons voir…
Une peau de bébé
C’est une certitude lors du premier déballage, la Babyface Pro est bien mieux construite que la première du nom. Le châssis est solide, le poids de 680 g fait qu’elle tient bien en place sur le bureau, et la finition ainsi que l’assemblage de la coque de type « unibody » n’a rien à envier à certains ordinateurs pommés… La molette parait bien plus robuste, même si elle n’est plus cliquable. Pas bien grave, car la Babyface Pro propose désormais 4 boutons supplémentaires situés au-dessus de la molette (nous y reviendrons). De même, elle possède deux fois plus de vumètres : un à gauche pour les entrées (analogiques ou numériques) et un à droite pour les sorties (enceintes, casque ou numérique).
Mais la plus grosse nouveauté concerne la disparition de l’épanoui (autrement appelé « choucroute de câble ») autrefois nécessaire pour brancher une paire d’enceintes ou un micro. Désormais, les deux entrées micro et les sorties principales pour relier l’interface aux enceintes sont donc situées à l’arrière de la Babyface Pro, ce qui est forcément plus pratique, même si cela a le désavantage d’exiler le port USB sur le côté gauche. Problème que RME a relativement bien contourné en fournissant un câble USB coudé permettant d’envoyer le câble vers l’arrière sans trop de soucis. En revanche, les prises DIN 5 broches pour le MIDI n’éviteront pas l’épanoui, mais on voit mal comment RME aurait pu faire autrement. Et puis c’est toujours mieux que pas de MIDI du tout, comme sur bon nombre d’interfaces audio actuelles.
Sur le côté gauche se situe aussi l’entrée pour l’adaptateur secteur non fourni, qui ne servira que pour une utilisation standalone ou avec un smartphone/tablette. On retrouve enfin les entrées/sorties numériques au format TOSlink qui gèreront le S/PDIF et l’ADAT.
À droite sont disposées les deux sorties casques, une au format Jack 6,35 mm pour les casques à haute impédance et une en mini-jack pour les modèles plus nomades. Une bonne idée, même si les deux sorties utilisent le même circuit et donc hériteront de la même source. On retrouve aussi les deux entrées ligne/instruments, au format Jack TS. Pour finir en beauté, sachez qu’un pas de vis est disponible en dessous de l’interface, afin de la monter facilement sur un pied de micro. Chouette idée.
À l’usage
Après la courte étape d’installation des drivers et du TotalMix FX que nous connaissons déjà bien (il est commun à toutes les interfaces RME, voir le test de l’UFX), nous pouvons lancer notre STAN et commencer à utiliser l’interface.
Sur le dessus de l’interface se présentent les principaux contrôles, et la grosse molette permettra de régler à la fois les gains d’entrée lorsque l’on appuie sur le bouton « in » et les volumes de sortie lorsque l’on appuie sur le bouton « out ». Lorsque l’on contrôle une entrée (après avoir appuyé une fois sur « in », donc) il est aussi possible de contrôler son volume en appuyant sur « Mix ». Notons qu’il est à chaque fois envisageable d’agir sur le canal gauche, droit ou les deux à la fois en appuyant sur le bouton « select ». Si l’on maintien ce bouton est actionnant la molette, on agit sur le panoramique de la paire de sorties sélectionnée. Enfin, on pourra enregistrer le volume de sortie par défaut en appuyant deux secondes sur le bouton « set » et rappeler cette valeur en appuyant deux secondes sur le bouton « dim ».
Cerise sur le pompon, les 4 boutons Out, A, B et DIM peuvent voir leurs actions modifiées via une fenêtre dénommée « Key Command Settings ». Au choix, nous pourrons donc, d’un coup de bouton, accéder au solo/mute/fader d’un des 4 groupes disponibles, enclencher le talkback ou la réverbe, rappeler un snapshot ou un préset, passer sur une deuxième paire d’enceintes… La liste n’est pas exhaustive.
Vous l’aurez compris, malgré sa petite taille, la Babyface Pro permet d’accéder à pas mal de paramètres via ses petits boutons mignons. Un temps d’apprentissage sera néanmoins nécessaire afin de contrôler rapidement tout ce petit monde, mais rien d’insurmontable.
Le TotalMix FX garde toutes les qualités qu’on lui connait, et la seule chose que l’on peut reprocher à cette petite Babyface Pro est l’absence de compresseur sur chaque tranche. Le DSP intégré n’est certainement pas le même que sur les UFX et 802 et cela s’explique notamment par la consommation électrique très faible de cette interface, qui ne réclame que 600 mA (2,9 W avec les 5 V de l’USB) pour fonctionner. On retrouve tout de même la réverbe globale et l’égaliseur sur chaque tranche, ouf.
Autre chose à signaler pour les utilisateurs de Logic : les contrôles de gain et de volume seront directement disponibles dans leur STAN préférée, à l’instar des interfaces Apogee. Pour le 48 V et l’inverseur de phase, il faudra en revanche passer par le TotalMix, mais c’est déjà un très bon début.
Avec un iPad, il faudra brancher la Babyface Pro sur le secteur, car elle ne pourra être alimentée par la tablette. De plus, elle ne rechargera pas l’iPad. C’est un peu dommage, et on espère que ce sera le cas avec les prochaines interfaces audio signée RME.
Benchmark
Après avoir branché la Babyface Pro sur notre MacBook Pro, nous avons réglé la mémoire tampon au minimum (32 échantillons), et nous avons obtenu une latence d’entrée de 1,43 ms et une latence de sortie de 1,07 ms (en 96 kHz). Ces temps sont tout bonnement excellents et sont presque identiques à ceux qu’on trouve sur les dernières interfaces Thunderbolt testées (1,63 ms en entrée et 0,54 ms en sortie pour l’Apollo 8, 0,79 ms en entrée et 0,46 ms en sortie pour la MOTU 1248 et 0,83 ms en entrée et 0,81 ms en sortie pour l’Ensemble de Apogee). Apparemment, l’USB 2 a encore de beaux jours devant lui, quand on sait l’utiliser… Un grand bravo à RME qui démontre une fois de plus son savoir-faire dans ce domaine. C’est stable, robuste, compatible avec quasiment tous les ordinateurs même anciens et ça consomme très peu d’énergie.
Afin de tester l’interface, nous avons fait des benchmarks avec notre APx515 d’Audio Precision, et nous allons pouvoir comparer les résultats à ceux obtenus avec les interfaces précédemment testées.
Voici les résultats avec les niveaux lignes, en 96 kHz :
Avec une déviation de ±0,021 dB, la Babyface Pro égalise presque le record de l’Apollo 8 d’Universal Audio (±0,019 dB) et reste meilleure que toutes les autres interfaces audio testées sur Audiofanzine. Autant dire que ce résultat est impressionnant pour une interface de ce prix. Les convertisseurs, a priori issus de l’ADI-8 DS Mk III, montrent une très bonne transparence.
Concernant la distorsion, c’est aussi très bon avec moins de 0,002 % jusqu’à 5 kHz, et toujours moins de 0,01 % sur l’ensemble du spectre. C’est un peu moins bon que l’Apollo 8 (toujours sous la barre des 0,002 %), mais rien d’anormal vu le prix de l’interface. Encore un bon point pour RME.
Après avoir réglé le gain des préamplis sur 34 dB, la déviation augmente très peu (±0,023 dB) et démontre que les préamplis micros, a priori issus de l’Octamic XTC, sont aussi très transparents. La distorsion reste elle aussi très discrète, ne dépassant que très peu ponctuellement la barre des 0,005 %.
Les préamplis, qui offrent un gain de 65 dB, sont aussi assez silencieux, avec un rapport signal/bruit de 101 dB. Ce n’est pas aussi bon que certaines interfaces testées précédemment qui peuvent aller jusqu’à 110 dB, mais cela reste un très bon résultat.
Pour résumer, la Babyface Pro réalise un sans-faute en ce qui concerne les performances audio. Elle rivalise avec les meilleures interfaces que nous avons testées, alors que son prix n’est « que » de 750 €. Si vous cherchez l’interface compacte avec deux préamplis intégrés ultime, n’allez pas plus loin, elle est devant vous.
Conclusion
La Babyface revient dans une version plus onéreuse, mais aussi survitaminée. La construction est beaucoup plus robuste qu’auparavant, avec un boîtier solide de type « unibody » et une molette enfin fiable. D’un point de vue performances audio, il n’y a rien à redire, c’est très transparent, et les préamplis offrent une bonne réserve de gain tout en restant silencieux. Les temps de latence et la stabilité effacent tous les doutes que l’on pouvait avoir concernant le choix de l’USB 2 qui a encore définitivement de très beaux restes. D’autant plus que la faible consommation électrique et les drivers de l’interface lui permettent d’être utilisée sur de vieux ordinateurs (jusqu’à Windows XP SP2 et Mac OSX 10.5.8 !). Nous avons évidemment aussi aimé le fait qu’il n’y ait plus besoin d’épanoui pour les entrées micro et sorties enceintes et qu’une petite mallette soit fournie. Seule l’absence de compresseur dans le TotalMix FX et la dépendance entre les deux sorties casque viennent très légèrement ternir le tableau, mais la liste des points forts de cette Babyface Pro est tellement longue qu’il nous était impossible de ne pas lui décerner l’Award « Valeur Sûre ». Une nouvelle référence est née.