Les ordinateurs portables étant, ces dernières années, devenus de plus en plus accessibles, les petites interfaces audionumériques fleurissent sur le marché. Avec ses modèles Duo et Tri-Capture, Roland propose deux produits bien pensés pour les amateurs et offrant une qualité sonore inattendue pour leur prix.
Roland et ses marques
Jusqu’à ces dernières années, Roland, marque japonaise fameuse notamment pour ses synthés de légende était un peu effacée dans le domaine de la MAO. Ce n’est pas faute de présence, mais de nom puisque ses produits dans ce domaine étaient commercialisés sous le nom d’Edirol (pour Éditions Roland. Quelle idée !), marque sous laquelle sont également commercialisés des produits vidéo/VJing.
Après le mariage (par fusion/acquisition) avec l’éditeur Cakewalk (Sonar), Roland a décidé de clarifier ses marques. Désormais, ses produits dédiés à la MAO sont soit estampillés Roland, soit Cakewalk by Roland (garder une seule marque serait trop simple). Ajoutons que la maison Roland compte également Boss qui estampille beaucoup de produits guitare (notamment des pédales)… mais pas seulement (certains sampleurs orientés DJ notamment) et RSS (Roland System Solutions), division qui fabrique des produits audio pro (plutôt live) comme des consoles numériques (le V-Mixer) et vidéo.
Procédure de test
Les deux interfaces ont été testées sur mon portable à tout faire (bureautique et net, photo et audio nomade, surtout Djing). C’est un Dell M4400 (Core2Duo T9400 à 2,53 GHz et 4 Go de RAM) sous Windows Seven 64 bits. Pour chacune d’elle, des enregistrements de voix, basse et guitare ont été réalisés. Pour avoir une référence, j’ai réalisé les mêmes enregistrements sur mon ordinateur de studio équipé d’une RME Multiface avec un préampli RME QuadMic (pour ceux qui ne connaissent pas, réputé d’excellente qualité avec un son un peu froid). Pour les prises de guitare et basse, une boîte de direct Behringer DI-100 a été utilisée puisque le QuadMic ne propose pas d’entrée instrument.
La guitare est une Peavey Generation type Telecaster, un modèle d’entrée de gamme à 110 €. La basse est une Warwick Fortress One à frettes laiton montée en cordes à filets plats. Les micros utilisés sont un Shure SM58 pour le dynamique et un AKG C414 ULS TL II pour le statique.
L’enregistrement niveau ligne a été testé en faisant lire par le même lecteur de CD l’intro du morceau « tnn » de Oxio. Tous les enregistrements ont été réalisés en 24 bits / 44.1 kHz. Le rendu final (sans aucun effet ni autre traitement qu’un ajustement de niveaux) est passé en 16 bits / 44.1 kHz avec un dithering triangulaire.
Duo-Capture, la petite nomade
Rappelons que dans la toponymie des interfaces audio, le nombre d’entrées indique le nombre de canaux de la carte. Ainsi, une carte deux entrées peut enregistrer deux sources mono ou une source stéréo. Ici, si on peut bien enregistrer deux canaux stéréo (gauche et droit), on ne peut pas enregistrer deux canaux mono simultanément. Malgré les deux entrées, vous ne pourrez pas enregistrer deux sources simultanément. Je cite la doc : « Nous vous recommandons d’utiliser une seule prise d’entrée (par exemple, soit la prise LINE, soit la prise MIC/GUITAR) à la fois. Si des périphériques sont connectés aux deux prises à la fois, le son entrant via les deux prises est mélangé, mais le DUO-CAPTURE ne peut pas ajuster l’équilibre du mélange. »
Cependant, à condition que les deux sources soient de niveau ligne, on peut toujours, avec le câble adéquat, enregistrer deux sources mono par l’entrée ligne stéréo. Mais si vous souhaitez enregistrer simultanément une guitare et un micro sur deux pistes séparées, c’est mort.
La Duo qui forme un parallélépipède en plastique faisant approximativement la taille de deux iPhones posés l’un sur l’autre est à la fois peu encombrante et légère (130g sans le câble USB). Si la finition est propre, la qualité ressentie reste celle de l’entrée de gamme, sans faire miséreux ou fragile. Les boutons ne renvoient pas d’impression désagréable à la manipulation et les deux faders (niveau d’entrée et niveau de sortie) sont fermes et précis. Ceux-ci sont situés sur le dessus. À l’avant, on retrouve les prises c’est à dire
- une en mini-jack femelle pour le niveau ligne
- une en jack 6,35 pour instrument ou micro
- une autre 6,35 pour le casque
- une autre mini-jack pouvant servir à un casque ou en line out (par exemple pour des enceintes amplifiées)
À l’arrière, près de la prise USB, on trouve trois boutons : un pad d’atténuation pour l’entrée (bien utile vu que celle-ci délivre un gain très confortable), un Hi-Z pour le branchement d’une guitare ou basse et un bouton très pratique permettant de couper le monitoring direct des entrées.
À propos des sorties, il faut savoir qu’on ne dispose pas non plus de deux sorties stéréo indépendantes, mais d’une unique sortie dupliquée sur deux prises. Vous ne pourrez donc pas utiliser cette carte pour du Djing avec pré-écoute.
Comment ça sonne ?
J’ai été agréablement surpris par cette petite carte qui sonne très convenablement. Sur des écoutes correctes (dans mon bureau) et en test aveugle (que je vous invite à faire grâce aux fichiers anonymisés), j’ai été bien en peine de dire quels enregistrements avaient été faits sur la Duo et lesquels sur la RME pour l’entrée ligne et les instruments. Il est vrai que la DI Behringer n’est pas une merveille, mais le résultat de la Duo reste remarquable. La différence est nette sur la prise micro (SM58) notamment à cause d’un souffle net et d’une perte d’ampleur, mais le résultat est largement compatible avec une maquette ou une démo.
En studio avec les écoutes qui vont bien, la différence est plus audible. Mais si la prise micro montre sa faiblesse, difficile de dire que les prises instrument sonnent franchement moins bien. Si le bas du spectre est un peu plus brouillon, il présente une certaine chaleur qui plaira à beaucoup.
- Basse UA11 Duo00:15
- Guitare UA11 Duo00:43
- sm58-UA11 Duo00:35
- ligne-UA11 Duo00:31
Bilan :
À 80 € (-1 €), c’est un choix très recommandable comme carte nomade pour qui n’a pas d’exigences audio superlatives. Pour ça, il faudrait voir (beaucoup) plus cher. À titre de comparaison, une RME Babyface ou une Apogee Duet coûtent dans les 500 €.
Par ailleurs, côté drivers, la stabilité a été sans faille tout au long du test (avec une latence nominative de 5 ms) alors que le portable utilisé n’est absolument pas optimisé pour l’audio.
- prix agressif
- très transportable (encombrement et poids)
- son plus que correct, voire bon sur les prises instrument.
- utilisation limitée par le nombre d’entrées / sorties (mais à ce prix…)
- un peu de souffle en prise micro (mais à ce prix…)
- tout plastique (mais à ce prix…)
- pas de MIDI
Tri-Capture : l’entrée de gamme intermédiaire pour podcasteurs
Avec la Tri Capture, on reste dans la même conception d’entrée de gamme, mais avec des fonctions supplémentaires. Avec ses dimensions un peu plus imposantes que la Duo (171 (L) x 134 (P) x 40 (H) mm) et ses 320g, elle est un peu moins portable, mais tout à fait transportable. La forme est moins celle d’une interface nomade que d’une « desktop », destinée à être posée sur le bureau. Forme bien fichue d’ailleurs. Cette fois, toutes les prises sont regroupées à l’arrière et les boutons et potentiomètres rotatifs (plus de fader ici) sur le dessus.
Les boutons poussoirs, similaires à ceux de la Duo, font ici une impression un peu plus cheap. En effet, sur la Duo, le fait de les reléguer à l’arrière a permis des découpes un peu plus larges dans la carcasse, ce qui évite tout frottement dans leur manœuvre. Ici, l’exigence d’aspect et de finition fait probablement que les puits de boutons plus serrés engendrent quelques frottements, rendant le contact assez cheap. Mais l’enclenchement est franc. Les rotatifs sont plutôt plaisants à manipuler malgré leur petite taille. Ils ont la juste fermeté permettant une bonne précision.
Sur la Tri-capture, on dispose de 3 entrées. Ce qui ne veut pas dire trois entrées indépendantes, comme nous allons le voir. En fait, la Tri-Capture n’est capable d’enregistrer simultanément et séparément que deux sources (1 stéréo ou deux mono).
La première entrée est une prise micro en XLR (pas de combo pour y entrer un jack). Elle comporte un bouton dédié pour enclencher l’alimentation fantôme pour l’utilisation des micros statiques et d’un rotatif pour le gain d’entrée.
La seconde, en jack 6,35 mm, est destinée aux instruments. Son bouton dédié permet d’enclencher le Hi-Z (haute impédance) et on retrouve un réglage de gain.
Gros regret : aucune témoin lumineux n’annonce l’enclenchement de ces boutons. Si c’est dispensable pour l’entrée instrument, c’est vraiment dommage pour l’entrée micro, compte tenu des risques qu’il y a à manipuler les branchements avec une alimentation fantôme enclenchée, sans parler des dégâts éventuels sur des micros à rubans. Or, avec ces boutons noirs sur surface noire, l’enclenchement n’est pas si évident à voir en environnement sombre.
Sur la troisième entrée, de niveau ligne, les connexions se font avec deux RCA et on dispose d’un potard de volume.
Un bouton permet de choisir le mode d’utilisation des entrées. On a le choix entre :
- MIC/GUITAR qui permet l’enregistrement de chacune de ces entrées sur une piste séparée
- ALL INPUTS qui permet de mélanger le son d’un micro et/ou d’une guitare avec le son de l’entrée ligne. L’enregistrement se fait sur une piste stéréo dans le séquenceur.
- LOOP BACK. Cette option est très intéressante pour certains : elle permet de mélanger le son produit par l’ordinateur avec celui des entrées. Le son de l’ordinateur peut être aussi bien produit par le séquenceur ou autre logiciel de musique, mais aussi des radios en streaming, des vidéos, des jeux…
Côté sorties, on dispose d’une sortie générale sur paire de jacks mono symétriques (intéressant pour la scène) et d’une prise casque qui dispose d’un bouton de volume dédié. Par ailleurs, deux boutons poussoir permettent de muter le monitoring des entrées et de muter la sortie générale (la sortie casque restant active). Tout ceci serait très bien fichu et mériterait l’award de la meilleure gestion du monitoring (en tout cas sur une petite interface) si on avait bien deux sorties différentes. Or, ce n’est pas le cas. Au niveau logiciel, on ne dispose que d’une sortie. De plus, le driver très basique (juste un réglage de latence) ne comporte aucun réglage de volume. Il faudra gérer celui-ci par le système ou avec le volume général du logiciel audio. Ce n’est pas un problème si votre système d’enceintes dispose de son réglage de volume, mais c’est rarement le cas pour les enceintes de monitoring actives dont le réglage, situé à l’arrière, se fait une fois pour toutes.
Or, si on travaille avec des enceintes assez puissantes, il faut baisser le volume master dans le logiciel. Mais le niveau devient alors insuffisant pour la sortie casque, ce qui oblige à le remonter dans l’ordinateur dès qu’on veut contrôler quelque chose au casque. Dommage de n’être pas allé jusqu’au bout avec deux gestions de volume autonomes, mais le coût n’aurait peut-être pas été le même. Ce problème interdit – comme avec la Duo – l’utilisation en DJing avec pré-écoute.
Par contre, pour ceux qui travaillent avec des enceintes passives alimentées par un ampli disposant d’un bouton de volume, c’est royal. Ils disposent ainsi d’un volume indépendant pour le casque et les enceintes et de la possibilité de couper celles-ci d’un simple bouton, d’avoir ou pas les entrées en écoute. Vraiment très pratique.
Comment ça sonne ?
Sans surprise, j’ai retrouvé les impressions sonores de la Duo, c’est à dire plutôt bonnes, voire très bonnes si on rapporte ça au tarif de 120 € (-1 €) !
L’entrée micro en XLR permet de gagner un peu de qualité sur la Duo avec un micro dynamique. Avec un micro statique que permet la Tri à l’opposé de la Duo, l’écart avec RME est plus flagrant. Mais ça reste très bon pour un usage amateur.
- Guitare UA33 Tri00:43
- Basse UA33 Tri00:39
- ligne-UA33 Tri00:31
- C414 UA33 Tri00:32
- sm58-UA33 Tri00:35
Bilan
Grâce à sa fonction LoopBack, cette carte semble surtout un excellent choix pour ceux qui veulent vite jeter « dans leur ordi » des idées ou produire un résultat rapide sans entrer dans les arcanes du mixage multipistes. Si vous utilisez des enceintes passives et un ampli avec volume (cas typique en hi-fi), la gestion du monitoring est parfaite. Dans ce cas, l’intelligence de la conception, la qualité sonore et la possibilité d’enregistrer directement tous types de sources (sauf phono faute de préampli RIAA) en font un excellent choix pour beaucoup d’amateurs.
- bon rapport qualité / prix
- bonne qualité audio
- ergonomie sympa
- aisément transportable
- bonne gestion du monitoring avec des enceintes passives
- pas de gestion différenciée sortie main out et casque (embêtant avec enceintes actives)
- tout plastique
- pas d’indicateur clair d’alimentation Phantom.
- Pas de MIDI
Conclusion
Avec ces deux interfaces, Roland propose des produits plutôt cohérents dans leur conception et d’une qualité audio largement suffisante pour bon nombre d’utilisateurs et ceci à un prix plancher. Malgré celui-ci, la qualité de fabrication n’est pas sacrifiée. De quoi satisfaire bon nombre de personnes qui n’ont pas besoin de MIDI.
Pour ceux qui ont besoin de MIDI, mais aussi qui cherchent une qualité supérieure, plutôt dans le pro, mais à prix agressif, nous parlerons dans un prochain test de la Quad Capture qui nous a plutôt bluffés.