Dernier-né de la série Komplete Kontrol S, le S88 se veut le haut de gamme de l’ensemble de contrôleurs dédiés aux produits Native, tout en étant ouvert aux produits des autres éditeurs et fabricants grâce au logiciel Komplete Kontrol 1.5. Points forts et points faibles, on dit tout.
De nos jours, l’outil « clavier » est devenu une préoccupation majeure, et une perspective d’achat pour de nombreux pratiquants du studio, qu’il soit home ou pro. Et cela concerne non seulement les pianistes, joueurs de synthés et autres claviers, puisque c’est pour ainsi dire une évidence, mais aussi d’autres musiciens dont l’instrument principal est différent, sans oublier les non-musiciens et les techniciens, etc. En effet, l’outil est l’interface la plus évidente pour communiquer avec l’ordinateur ou d’autres matériels, plus répandue en tout cas qu’un capteur MIDI (guitare, basse, percus, batterie, etc.), un contrôleur à vent (EVI, EWI et toutes les déclinaisons) ou autres solutions de commande émettant du MIDI. Son approche reste avant tout plus intuitive que celle d’un EWI (sauf pour les joueurs de sax…) ou d’un capteur hexaphonique (qui n’a pas nettoyé une piste MIDI pour enlever notes parasites, contrôles CC inutiles, après enregistrement avec un GK-x ou équivalent ?). Aussi l’offre reste pléthorique : du 25 notes mini ou grandes touches qui ont souvent les faveurs des nomades ou non-claviers jusqu’aux 88 notes toucher lourd plutôt dédiés aux pianistes, sans oublier tous les formats intermédiaires (généralement 49 ou 61 notes), quasiment tous les grands constructeurs ont un ou plusieurs modèles à leur catalogue.
Machine de test MacBook Pro i7 |
Native Instruments, après avoir proposé différents éléments matériels pour étoffer leur offre logicielle (le pédalier avec véritable VCA pour Guitar Rig, Kore2, les interfaces audio Komplete, tous les ajouts à la gamme Traktor, sans oublier Maschine, évidemment), s’est lancé dans le clavier de commande, proposé avec un logiciel, Komplete Kontrol, et offrant un niveau de connectivité et d’aller-retour matériel/logiciel assez élevé. L’éditeur/fabricant a d’abord mis sur le marché des claviers 25, 49 et 61 notes lors du lancement de la Komplete 10 en 2014, et l’on trouvera le test réalisé par l’ami Los Teignos ici, avec la première version du logiciel dédié, ainsi que la mise à jour 1.1.
Je regrettais personnellement qu’il n’y ait pas de version 88 notes, d’abord pour la qualité du toucher, mais aussi et surtout pour la commande de certaines banques de son, dont la tessiture plus les KeySwitches peuvent largement dépasser les 61 notes (voir par exemple l’Orchestral Tools Nocturne Violin, ou toutes les bibliothèques de batterie de l’éditeur) et toutes les questions posées à l’éditeur à ce sujet étaient restées sans réponse. Jusqu’à aujourd’hui, et la sortie du S88, ainsi que la version 1.5 du logiciel Komplete Kontrol.
Introducing Native Instruments Komplete Kontrol S88
Sorti du carton, le clavier impressionne avec son look racé, assemblage de surfaces de couleur noir et gris foncé, avec un jeu entre brillant et mat, et sa taille plutôt fine. Évidemment, il faut caser les 88 notes, mais épaisseur et profondeur sont tout à fait raisonnables (dimensions de 1,38 m sur 126 mm x 349 mm), tout comme son poids (14 kg et quelques). Une remarque tout de suite, Native a pensé à un truc tout simple, tellement simple que l’on ne comprend pas pourquoi tous les fabricants ne font pas de même : des poignées dans le carton emballant le clavier… Ça paraît bénin, mais la solution est tellement pratique qu’elle peut repousser l’achat d’un flight case dédié (tant qu’on ne voyage pas en avion…), au moins jusqu’à ce que le carton lâche. Bref. En plus du clavier, on trouve quelques docs, la carte avec son numéro de série, un câble USB et une alimentation sur transfo de type wall socket.
On ne détaillera pas ici toutes les fonctions, ni les qualités déjà évoquées dans le test mis en lien plus haut, ni du côté hard ni du côté logiciel. On téléchargera bien entendu après enregistrement via le Service Center de son produit tous les éléments liés, mises à jour éventuelles du Komplete Kontrol, des instruments Native possédés, ainsi que le bundle Komplete Select, qui est plus qu’intéressant puisqu’on y trouve pêle-mêle Retro Machines Mk2, The Gentleman, Massive, Prism, Monark, DrumLab, Scarbee Mark I, West Africa, Vintage Organs et Solid Bus Comp (ce dernier n’étant pas utilisable dans Komplete Kontrol, mais fort utile dans vos STAN).
Un comparo de poids…
Mais commençons par le retour du fils du protocole de mesure de l’envoi de la vélocité : courbe de réponse à la vélocité linéaire (quand c’est possible), neuf lâchers d’un poids de 100 grammes sur la même touche blanche (le bord du poids est à la verticale de celui de la touche, le poids est posé sur la touche sans le laisser peser, suivi d’un lâcher brusque), puis moyenne des neuf, avec indication des valeurs les plus faible et plus forte.
Voici les résultats.
Native Instruments Komplete Kontrol S88 : fourchette 7–10 (moyenne 8).
Et ceux précédemment mesurés.
- Arturia KeyLab 49 : 36–66 (56)
- Arturia The Laboratory 61 : 56–73 (64,4)
- Korg taktile 49 : 67–73 (69,5)
- Kurzweil Forte : 25–38 (32,2)
- Kurzweil K2500X : 37–39 (37,8)
- Nektar Panorama P4 : 39–51 (43)
- Novation Launchkey 61 : 43–52 (48,6)
- Studiologic Numa Concert : 35–43 (36,8)
- Yamaha SY99 : 19–24 (21,7)
- Yamaha reface : 38–51 (45,5)
Le toucher est ferme, avec une belle résistance et un rebond assez naturel, frôlant ce que l’on peut rencontrer sur les claviers dédiés ou pianos virtuels les plus onéreux (Roland, Korg, Yamaha, Kurzweil, Kawai, etc.), mais par exemple plus ferme que mon piano droit ou mon K2500, et s’il se révèle idéal pour les parties de piano acoustique, électrique, il se montre après un léger temps de prise en main, très correct pour les synthés (l’éditeur ne veut donner aucune info sur le modèle Fatar utilisé, dont on ne sait s’il s’agit d’un modèle de leur gamme, ou d’une adaptation spécifique pour Native). Évidemment, les traits très véloces façon Minimoog, pardon, Monark, sont plus simples à exécuter sur un clavier au toucher léger. Mais après tout, ça fait travailler son phrasé…
En route
Le moment où l’on allume un clavier KKS est toujours impressionnant avec son festival de couleurs, et encore plus sur le 88 notes. On ne peut que féliciter le travail de design, d’autant que les diodes multicolores restant bleues (sauf à sélection d’un son utilisant des KeySwitches), le Light Guide peut très bien servir de lumière douce dans le studio si l’on souhaite un peu d’intimité musicale.
Light Guide qui prend toute son utilité dans la gestion de l’affichage des KeySwitches, et le 88 notes, comme déjà mentionné est vraiment l’outil idéal si l’on souhaite profiter des implémentations conçues par Native et les éditeurs travaillant pour Kontakt, qui peuvent être très nombreuses et sophistiquées.
On ouvre ensuite son logiciel Komplete Kontrol, qui dans un premier temps va scanner entièrement les dossiers VST de votre ordinateur. Oui, VST seulement. On comprend pour la compatibilité immédiate avec le monde Windows, on peut regretter pour le monde Mac. À titre personnel, je choisis depuis un long moment de ne plus installer les versions VST des plug-ins (à condition qu’ils ne soient pas nécessaires pour utiliser d’autres formats, ce qui arrive encore, et veut dire que la version AU, par exemple, est en fait une « coquille » autour du VST), utilisant des logiciels compatibles Audio Unit. Il a donc fallu réinstaller les VST manquants pour être sûrs de les retrouver dans Komplete Kontrol.
Une fois le scan effectué, on vérifie que tout est bien présent dans le navigateur. Si tous les instruments Native installés sur l’ordinateur sont bien reconnus et intégrés dans le Browser (bizarrement, Rise & Hit, Scarbee A-200 et Scarbee Clavinet/Pianet sont rangés dans la catégorie… No Category), ce n’est pas le cas de toutes les banques conçues pour Kontakt, loin s’en faut. Deux solutions s’offrent alors : une rapide, qui consiste à charger les sons en ouvrant d’abord un Kontakt, en passant en mode Edit et en procédant comme on le ferait d’habitude (un glissé-déposé). Une beaucoup plus lente, mais qui à terme fera gagner beaucoup de temps : ouvrir comme décrit précédemment, créer les réglages appropriés grâce à la possibilité de paramétrer/ajouter de façon quasi illimitée le nombre de pages et donc de rotatifs assignés. Si les contrôles de l’instrument Kontakt restent sous la forme #000, #001, etc., il suffit de passer en mode Edit dans l’échantillonneur (via le symbole de la clé) sélectionner un de ces paramètres via l’onglet Auto (plutôt Host que MIDI) et de le glisser sur la commande visée (généralement trouvable dans l’onglet Script ou sur les modules mêmes de Kontakt), ils apparaîtront ainsi en toutes lettres dans les menus accessibles à gauche des rotatifs, une fois la page d’édition Plug-In Panel déverrouillée (via le cadenas à droite de la fenêtre).
On effectue ensuite une sauvegarde dans le menu File>Save As, ce qui fera apparaître l’instrument, d’abord (merci la création automatique), puis le préset dans l’onglet Utilisateur de Komplete Kontrol. Et bien sûr les réglages dans les écrans du S88. Ça peut être long (très long…), mais en attendant d’éventuelles mises à jour des éditeurs, c’est la meilleure solution pour disposer de tous ses instruments avec tout l’intérêt du clavier et du logiciel. Seul petit regret, on ne peut choisir une image pour l’interface dans le navigateur, peu pratique lorsque l’on a ainsi sauvegardé plusieurs bibliothèques qui seront dotées de la même icône en forme de prise (plug…).
Ce qui est intéressant, c’est que cette manipulation fonctionne aussi avec les synthés tierce partie (bonjour le temps passé à assigner un Serum, un Diva ou un Alchemy…). On pourra ainsi adapter toute sa panoplie d’instruments logiciels pour être intégrée dans le Navigateur de Komplete Kontrol, et ainsi afficher les réglages des instruments soigneusement choisis (très simple à faire, puisque la liste de tous les paramètres apparaît dans le menu du rotatif) directement sur les écrans du S88.
Cela vaut le coup d’y consacrer du temps, mais après tout, grâce à Komplete Kontrol, on dispose d’un environnement d’assignation de commandes qui vaut le coup d’y consacrer du temps, en attendant d’hypothétiques versions NKS des éditeurs (Native fournit une liste en bas de cette page).
Bilan
Après avoir fait languir son public, Native Instruments présente un fort beau clavier maître dont la communication avec, et l’intégration à, ses propres produits est quasi parfaite. Le logiciel Komplete Kontrol est lui aussi grandement amélioré, et l’implémentation du format NKS ainsi que les premières sorties compatibles d’éditeurs tiers promet une certaine pérennité, du moins chez l’éditeur (pitié, pas de phénomène Kore…), car il faudra que les sorties compatibles soient nombreuses chez les développeurs amis, sous peine de se voir dépasser par des concurrents comme l’Advance Akai, ou risquer de voir les possesseurs d’Automap garder leurs outils.
On peut ainsi féliciter Arturia d’avoir porté la totalité de son offre logicielle au format NKS (est-ce à dire que l’éditeur français compte arrêter ses propres claviers de commande ?) et la liste des sorties prévues, sans nécessairement s’allonger aussi rapidement qu’on le souhaiterait, est déjà prometteuse. Et nul doute que les développeurs pour Kontakt auront à cœur de profiter de l’opportunité pour mettre en valeur leurs produits (je précise que je ne sais pas si le portage implique le paiement d’une licence, auquel cas le terme « opportunité » peut être revu…).
Certes, le clavier n’est pas le plus fourni du marché en termes de contrôles, mais ceux-ci ont l’air d’excellente qualité, et ne semblent pas vouloir rester dans les mains après quelques mois de pratique, ni se mettre à ne plus envoyer que des bribes d’informations. Après tout, l’éditeur a déjà fait ses preuves avec les produits Maschine et Traktor. Ensuite, le nombre de pages et la vitesse de navigation permettent de rapidement passer de l’un à l’autre des paramètres, d’autant qu’on peut les reprogrammer si nécessaire. N’oublions pas que l’on a connu des synthés numériques offrant moins de contrôles en façade…
Un regret, l’absence de boutons poussoirs dédiés aux paramètres à deux-trois positions (On/Off, par exemple), qui auraient été plus naturels, et surtout auraient permis de libérer des rotatifs pour d’autres usages. En dehors de cela, je ne vois pas grand-chose à reprocher à cette solution hard/soft, même pas son tarif de 999 euros TTC : il en coûterait presque 1000 euros d’acheter de façon séparée les instruments fournis gratuitement ! Et quand bien même ne seraient-ils pas offerts avec le clavier, ce dernier représente un achat qui semble pouvoir durer dans le temps, à la fois en studio et sur scène (après le carton, penser à acheter à un moment ou un autre un flight case…). L’ensemble hard/soft, clavier S88 plus Komplete Kontrol, est très bien conçu et réalisé, et mérite donc, selon nous, un Award Valeur Sûre.