Fabricant de longue date de claviers de commande, Studiologic a instauré avec sa gamme Numa une nouvelle génération d’instruments de scène. Voici le Numa Concert, dédié aux pianos.
Que peuvent donc avoir en commun (hors le fait que ce sont tous des instruments à clavier, merci…), les séries Kurzweil PC et K, les Hammond SK1, Korg CX3, les synthés et pianos Nord, les contrôleurs Peavey, Doepfer, Novation, Akai MPK88, les synthés Virus, Moog Voyager, l’Arturia KeyLab 88 et bien d’autres encore ? Eh bien tous leurs claviers (keybed en briton) sont signés par le même fabricant italien, Fatar, qui a aussi créé sa propre marque de claviers, Studiologic. Ce dernier nom a d’abord été celui de différentes gammes (VMK, SL), et maintenant le seul sous lequel le fabricant, établi depuis 1956, commercialise des claviers complets (et non seulement des keybeds) proposant claviers de commande MIDI (Acuna, Numa) et claviers embarquant des sons (Numa), voire un synthé, comme le Sledge testé ici par l’ami Synthwalker.
C’est aujourd’hui le Numa Concert qui nous est parvenu, fort de ses 88 notes, de ses 12 sons embarqués et de ses 20 kg. Ce n’est certes pas le plus récent des instruments Studiologic (puisque présenté à la MusikMesse 2013), mais en attendant l’arrivée au studio du Numa Organ 2, il nous semblait opportun, pour enrichir notre série de tests sur les claviers maître, de tester le haut de gamme du fabricant.
Introducing Studiologic Numa Concert
Le Numa Concert est une belle bête aux proportions quasiment reprises par son successeur plus récent, le Numa Stage. Les principales différences tiennent dans le type de clavier utilisé, un TP/40Wood pour le Concert, un TP/100LR pour le Stage. D’où une partie des sept kilos de différence entre les deux.
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Au menu du clavier, donc, le keybed haut de gamme du fabricant, avec toucher sensation ivoire (c’est assez étonnant), et une résistance très étudiée qui en fait une des meilleures imitations actuelles (voir aussi encadré Un Comparo de Poids). À l’arrière du clavier, une paire d’entrées/sorties, deux sorties casques (pas en face avant, dommage), deux entrées pédale (Expression, Hold), un trio MIDI et une connexion USB to Host. Sur la face supérieure, deux molettes, le module MIDI et ses contrôles, l’écran trois caractères, les boutons de gestion des sons internes, la section d’effets, celle de sortie et le Fatar Touch (calibration personnalisée de la courbe de réponse à la vélocité). En tout, plus de vingt boutons et sept rotatifs sur lesquels on reviendra.
Au cœur du Concert
Le Numa Concert peut être vu comme double, d’un côté un clavier de commande (aux possibilités plutôt restreintes), de l’autre comme un générateur de sons, notamment ceux les plus recherchés sur scène en dehors des sons de synthèse (pour ceux-là, on prend un synthé, hard ou logiciel…). Concernant le clavier maître, on dispose d’un module MIDI débrayable (dans ce cas, aucune information MIDI n’est envoyée par la prise MIDI Out) offrant deux zones indépendantes qui fonctionnent en mode Single (on choisit l’une des deux), Split ou Layer, avec sélection du point de split, envoi de Program Change avec réglage de message de sélection de banques (LSB et MSB), numéro de canal, transposition par octave et volume, ces derniers réglages devenant indépendants en cas d’utilisation en Layer ou Split. En termes de contrôles, hormis les pédales, les molettes, on ne dispose de rien d’autre : aucun des boutons ni rotatifs n’envoie d’informations. Ouch.
Côté son, le fabricant utilise un mélange d’échantillonnage et de modélisation, cette dernière technique gérant tous les comportements difficilement reproductibles via la première : sous le nom de Strings Resonance Modelling sont réunies résonance sympathique, résonance des cordes, étouffoirs levés et résonance de la table d’harmonie. Le réglage de la proportion des trois est commun, allant d’une plage de 0 à 10. En voici un exemple, avec réglage successivement sur Off, 2, 5 et 10.
Puisqu’on en est à la résonance, voici le petit exemple habituel : on plaque un accord (mi, la, ré) sans le faire sonner (touches enfoncées très doucement, les « marteaux » ne rentrent pas en action, mais les étouffoirs sont levés), puis on monte quelques notes chromatiquement et staccato, ce qui fera entendre les résonances.
Le fabricant propose 12 sonorités, et plusieurs présets combinant les possibilités de Layers et Splits. On compte donc deux pianos acoustiques, trois pianos électriques (plus exactement deux électromécaniques et une émulation FM de l’un d’eux), un clavinet, deux pads synthés, deux orgues, une basse électrique, une basse acoustique.
Faisons le tri tout de suite : les orgues sont anecdotiques, tout comme les pads. Voici un exemple de ces derniers, qui pourront quand même avoir leur utilité dans des combinaisons avec des pianos.
On entendra aussi rapidement deux exemples avec les basses qui, sans être extraordinaires (la contrebasse rappelle celles des années 80 telles qu’on les trouvait chez Kurzweil, ou Ensoniq et est difficilement utilisable dans les aigus, et l’électrique est un curieux mélange entre frettée et fretless) seront pratiques dans une utilisation scénique, pour des formations piano/chant et assimilées.
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Des claviers
Il est bien évident que c’est du côté des pianos que l’éditeur a mis tous ses atouts, et notamment des acoustiques : un Concert et un Stage. Voyons donc comment l’étagement des couches d’échantillons répondant aux diverses vélocités se fait entendre sur le Stage.
Puis sur le Concert.
On l’entend, sur ce dernier, les passages de couche à couche (neuf pour chaque, réduites en stéréo d’après les enregistrements originaux en 5.1) sont moins audibles que sur le Stage. L’interpolation mise en place par le constructeur entre les Layers pourra donc être améliorée pour le Stage, via une éventuelle mise à jour.
Autre test, les éventuels bouclages et durées de note. L’éditeur étant parti pour les deux pianos d’une bibliothèque ne pesant que 1 Go en multicanal, on comprend qu’il a dû effectuer des compromis sur les durées. Mais là où cela passerait difficilement pour un piano virtuel qui se voudrait une référence studio, c’est moins problématique pour un piano de scène.
Voici deux notes du Concert, pendant lesquelles on entendra bien les bouclages ainsi que les effets de palier sur le volume. Quant aux durées, on est loin des équivalents chez Synthogy, VILabs ou autres éditeurs (à titre d’info, certaines notes peuvent durer chez ces concepteurs de pianos virtuels plus d’une minute).
Passons aux tests plus musicaux. Pour commencer, le morceau Emotional, sur le Stage.
Le Numa Concert disposant de moins de Layers que les précédents pianos testés sur Audiofanzine, certains accords et notes ne sonnent pas comme interprétés à l’origine. Mais la sonorité globale est plutôt satisfaisante, compte tenu de la taille de la banque.
Passons ensuite au Triplets habituel, d’abord par le Concert ensuite par le Stage.
Le préset Concert se montre plus cohérent que le préset Stage (on peut aussi jouer à « devinez quels sont les pianos samplés ? »). En revanche le Concert montre une stéréo et une phase beaucoup trop larges (c’est moins flagrant sur le Stage), résultant en une absence d’image centrale assez désagréable. Le problème est que sur scène, la gestion de la stéréo n’est pas toujours garantie, et la plupart du temps le son sera mono, et là, problème, comme le montre l’exemple suivant reprenant le Triplets, mais en mono…
Dernier exemple avec le Concert, pour le Rimsky-Korsakov.
Le piano se comporte bien (phase à part), même si les sons et l’action de la pédale ne sont pas aussi « pointus » ni présents que sur des modèles plus riches en échantillons, ce qui est après tout normal.
On terminera avec des exemples en provenance des claviers « électriques ». Pour commencer le test de Layers pour le Rhodes.
La saturation aux fortes vélocités n’est pas la plus plaisante de celles déjà rencontrées. Ensuite, quelques exemples en y ajoutant aussi le Wurlitzer (on me pardonnera les effets de pitch bend sur le Wurli) et le EP façon FM.
On l’entend, les sonorités seront très satisfaisantes pour une utilisation scénique, et les effets se montrent sinon subtils, du moins très efficaces (sur le Wurlitzer, un des exemples montre l’accélération/ralentissement du trémolo avec la molette de modulation).
Dernier exemple, le Clavinet, avec et sans effets.
Bilan
Le premier plaisir de l’instrument est son toucher, mais cela n’a rien de surprenant puisque c’est le haut de gamme du fabricant. Le compromis poids/qualité du clavier est aussi très bien réalisé. Cependant quelques gros défauts d’ergonomie peuvent gêner sur scène : les boutons et la sérigraphie risquent d’être difficilement lisibles sous certains éclairages. Ensuite, aucun des rotatifs n’a de position crantée centrale, ce qui rendra les paramétrages compliqués. Et enfin, le passage d’un réglage à un autre est à sens unique (il faut passer par exemple par tous les effets si l’on veut revenir au premier), ce qui est plutôt pénible.
Ensuite, il faut faire très attention à la perception des sonorités. Comparées aux instruments virtuels actuels, elles montrent des failles, des manques. Mais si l’on se replace du côté scénique, ce pour quoi le Numa Concert est fait, la donne change du tout au tout : en dehors des quelques sons anecdotiques, l’instrument tient parfaitement sa place, et trouvable à moins de 1300€ en magasin, il peut se révéler un très bon choix de clavier « claviers », même s’il se montre plutôt chiche en tant que clavier de commande MIDI.
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