Avant de devenir accro aux salles de concert, Elio Agostini est passé par les salles de cinéma en tant que projectionniste. Mais sa passion pour la musique l’a vite rattrapé et il intègre la SAE Institute, avant de poser ses valises aux studios One Two Pass It. Depuis, il a collaboré avec de nombreux artistes, dont Barbara Pravi, Fakear et Aloïse Sauvage. Cette dernière a sorti hier son nouvel album Sauvage, enregistré et co-réalisé avec notre invité.
Salut, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ? Qui es-tu, d’où viens-tu, bref, dis-nous tout !
Salut, c’est un plaisir de répondre à votre invitation. Je suis un lecteur d’Audiofanzine depuis très longtemps.
Elio Agostini, j’ai 31 ans. Je suis ingénieur du son depuis 2015. Je bosse autant derrière une console de tournée que derrière un Pro Tools en studio. Je viens de Bordeaux, mais j’habite à Paris depuis quelques années maintenant.
Comment es-tu arrivé dans la musique ? Quel est ton parcours ?
J’ai commencé la musique avec la guitare à l’âge de 9 ans. J’ai eu plusieurs petits groupes avec lesquels j’ai écumé les bars, concerts et salles bordelaises.
Ensuite, après un CAP d’Opérateur Projectionniste de cinéma et 1 an chez Gaumont et Mégarama à Bordeaux, j’ai déménagé à Paris.
De là, j’ai commencé la SAE Institute en parallèle d’un poste à mi-temps chez MK2. Après plusieurs stages, notamment au Studio de la Seine et à la salle de concert La Flèche D’or, j’ai rencontré Mathieu Gibert du studio One Two Pass It à Montreuil. J’ai décidé de me lancer à 100% dans ce stage, j’ai donc quitté mon boulot chez MK2 et j’ai passé beaucoup de nuits sur le canapé du studio. Mathieu Gibert est aussi membre d’un groupe, La Fine Équipe, et en 2015, il me propose de m’occuper de leur son en tournée.
Actuellement, quelle est ta principale casquette ?
J’ai plusieurs casquettes, mais mon activité principale reste le live avec Aloïse Sauvage et Barbara Pravi, entre autres. Je fais le son façade pour ces deux artistes, mais je m’occupe aussi de leurs sessions et setups Ableton.
Pendant le confinement, je me suis associé pour développer une idée que j’avais bricolée en 2018, la LiOBOX, un contrôleur midi sous la marque Gooroo Controllers.
C’est une télécommande avec écran qui permet de contrôler une session Ableton et prochainement Pro Tools par exemple. La LiOBOX commence à être présente sur de nombreuses tournées, en France comme à l’international.
Je bosse aussi en studio. Dernièrement, j’ai enregistré et co-réalisé le deuxième album d’Aloïse Sauvage.
Tu bosses où ? Quelle est ta configuration ?
Depuis 2014, je bosse au studio One Two Pass It à Montreuil, on est une équipe fan de hardware. Le studio est construit autour d’une Neve VRP 36 Musgrave, avec une paire de ATC SCM25A. Après, de mon côté, j’ai une station de travail autour d’un Mac mini, une Apollo 8 avec un satellite quad. Pour l’album d’Aloïse Sauvage, on a acheté un préampli AMS-Neve 1073 avec comme micro le Warm Audio WA-67. Ça nous permet de bosser un peu partout, avec un super son !
Quelles sont les 3 pièces hardware que tu utilises le plus en studio, et pourquoi est-ce que tu les recommandes ?
Ces derniers temps, clairement, le préampli 1073 de Neve. Ce préampli n’est plus à présenter. C’est vraiment une référence dans les studios. Le combo avec le Warm Audio WA-67 est vraiment parfait. Pour moi, un bon mix commence toujours par avoir une bonne source. La qualité de la prise de son est primordiale, après il y a la réalisation d’un titre qui va énormément aider un mix, mais c’est un autre sujet.
Ensuite, une paire d’enceintes que tu connais bien. L’important c’est vraiment d’écouter énormément de mix sur tes enceintes pour prendre tes marques. Dernièrement j’utilise une paire d’ATC SCM40 ainsi que les ATC SCM25A. Ce sont vraiment des écoutes très précises. Après j’ai l’habitude d’écouter énormément de musique sur des NS10 chez moi. La 3e, une bonne chaise ! Je passe des heures devant mon ordi.
Quels sont les 3 plug-ins que tu utilises le plus, et pourquoi est-ce que tu les recommandes ?
Un bon Pro-Q 3 de FabFilter par exemple, parce que j’ai pris l’habitude de bosser avec. Mais l’égaliseur de base de Pro Tools est très bien aussi. Toujours pareil, cela dépend de la source. Après, si on cherche de la couleur, je vais partir sur un égaliseur de type SSL ou Neve de chez Slate Digital ou Plugin Alliance.
Ensuite, évidemment un compresseur, mais je n’ai pas vraiment de favoris. Je passe mon temps à changer et essayer différents plug-ins. Le Pro-C 2 de chez FabFilter est vraiment très polyvalent, on arrive très vite à un bon résultat. J’utilise beaucoup le compresseur de l’émulation bx_console SSL 4000 E de chez Plugin Alliance. Pour donner de la couleur, la suite Virtual Console et Virtual Mix Rack de chez Slate Digital est vraiment cool.
Et j’ai aussi envie de dire un plug-in de saturation, parce que c’est toujours mieux avec !
Quel est, selon toi, le hardware ou software le plus sous-estimé et pourquoi ?
Ouh là, sous-estimé, je ne sais pas. Je ne participe jamais au débat sur le matos. Je t’avoue que j’ai entendu des mix avec les plug-ins de base de Pro Tools qui sont super ! Et des mix avec du hardware qui à mon goût ne sonne pas du tout ahah.
Pour moi, l’important c’est de savoir utiliser sa configuration à fond ! Tu peux tout faire maintenant, il faut juste avoir de l’imagination et essayer des choses.
Pour citer une machine, j’ai envie de parler de la BOUM de chez OTO, c’est vraiment de la folie : j’adore son côté « jouet », le filtre est super beau sur un bus de batteries, et avec de la distorsion c’est vraiment cool.
Quel est l’instrument ou toute autre pièce hardware que tu rêves de t’offrir ?
En ce moment, juste une bonne paire de monitorings, car je cherche à me faire un setup autonome, full in the box, dans la cabine de prise du studio OTPI, quand la Neve n’est pas dispo.
Là, depuis plusieurs mois, vu que je bouge beaucoup, je bosse essentiellement au casque avec un simple HD25 de Sennheiser.
Est-ce qu’il y a un conseil ou autre que tu as reçu un jour et qui a changé ta façon de voir ou de faire les choses ?
Comme je le disais juste avant, savoir écouter et se concentrer uniquement sur le son et ne pas partir dans des recettes de plug-ins. À mon arrivée chez One Two Pass It, j’ai directement assisté Mathieu Gibert sur des mix d’albums. Là-bas, le mixage se fait entièrement en analogique. Pour moi, c’était un peu étrange, étant à une époque où la tendance est plutôt au tout-digital. Il m’a appris à écouter, et à analyser.
Aujourd’hui encore, j’ai beaucoup de pression à chaque fois que Mathieu écoute un mix que j’ai fait, ou bien quand il vient voir un concert où je suis derrière la console.
Est-ce que toi tu aurais un conseil à donner ?
Un conseil : se faire confiance et énormément travailler. Je suis très vite arrivé derrière une console, que ce soit en studio ou en tournée, mais à côté de ça j’ai travaillé tous les jours pour en être là. Je passe régulièrement des nuits au studio ; j’arrive souvent avant tout le monde et je repars en dernier. J’écoute et je regarde énormément tout ce qui se fait en France, mais aussi beaucoup à l’étranger (YouTube et les magazines spécialisés sont de très bons supports). Il n’y a pas de recette type, je n’ai pas de template ou autre. Savoir poser les questions au bon moment pendant une session studio et savoir s’adapter à toutes les situations, c’est pour moi la clé pour s’en sortir dans ce métier. De mon point de vue, je n’en suis encore qu’au début de mon apprentissage.
Quelle est ta plus grande fierté ?
Elle est simple, vivre de mon métier. J’ai participé au mixage d’un album qui est disque d’or par exemple, mais ce n’est pas un but pour moi. Après, je suis quand même très fier de la commercialisation de la LiOBOX. À la base, c’était simplement un prototype pour qu’Aloïse Sauvage puisse être autonome sur Ableton, pendant sa tournée 2018. Aujourd’hui, la LiOBOX est présente dans le setup de Billie Eilish, je ne réalise pas du tout.
Quels sont tes projets, dans un futur proche ou éloigné ?
Bosser à fond le développement de la LiOBOX et de la marque Gooroo Controllers. À court terme, la nouvelle tournée d’Aloïse Sauvage, et on va bien s’amuser ! Je suis en permanence dans la recherche de solutions MIDI et de mix. D’autant que je suis seul au son sur cette tournée, pour gérer le son façade, les retours et Ableton.
As-tu quelque chose à ajouter ou dont tu aimerais faire part à nos lecteurs et lectrices ?
Déjà, merci Audiofanzine pour cette interview. J’espère que cela pourra aider des personnes qui se posent des questions sur ce métier.
N’hésitez pas à venir me poser des questions sur les réseaux ou pendant les concerts. Ce n’est pas un milieu facile et encore moins depuis la crise Covid, mais c’est un métier de passion.
Pour suivre Elio, rendez-vous sur son compte Instagram. Et pour plus d’informations sur les studios, rendez-vous sur le site de One Two Pass It.