Après une formation à l’ESRA couronnée de succès, le breton en marinière a posé ses valises à Nantes pour poursuivre son projet de studio Avant-Garde initié à Rennes quelques années plus tôt. Il a été derrière la console pour les tournées d’Etienne de Crécy, Kiddy Smile, Gaël Faye, mais également en studio. Ses collaborations sont éclectiques, de Flo the Kid à Samba de la Muerte, en passant par Elecampane et Juveniles. Voici ce qui se cache derrière le son d’Olivier Bastoche.
Salut, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ? Qui es-tu, d’où viens-tu, bref, dis-nous tout !
J’ai grandi et fait tout mon parcours scolaire à Rennes. Après mon bac, j’ai intégré l’ESRA, toujours dans la capitale bretonne en section ISTS (Institut Supérieur des Techniques du Son) d’où je suis sorti en 2008. Je suis désormais basé à Nantes.
Comment es-tu arrivé dans la musique ? Quel est ton parcours ?
Depuis tout petit j’ai toujours écouté beaucoup de musique. Je n’avais pas le droit d’avoir de console de jeux ou bien une télé dans ma chambre. Mes parents étaient très stricts sur ce point. Par contre ils m’ont très vite offert une petite chaîne hifi et une platine vinyle.
Mon grand frère, plus âgé que moi, écoutait beaucoup de rock (Nirvana, Sonic Youth) et du hip-hop US (Wu Tang Clan, Busta Rhymes, etc.). Ce sont toujours mes deux styles préférés d’ailleurs. J’ai fait du piano et du violon, mais je n’étais pas particulièrement doué. Je me suis essayé à la batterie, car j’avais un bon sens du rythme et là ça a été le coup de cœur. J’avais un bon petit niveau, je donnais même des cours, mais j’ai dû choisir entre le son et la batterie. Et j’ai finalement choisi les faders plutôt que les baguettes. J’ai ouvert mon 1er studio à 18 ans chez mes parents. J’enregistrais des démos, des EP et des albums pour les petits groupes du coin. J’ai ensuite eu différents « gros home-studios » dans lesquels j’enregistrais des groupes indés. J’ai toujours refusé de bosser dans des studios existants, bien que j’ai eu quelques propositions alléchantes, mais je voulais rester 100% indépendant et choisir les groupes avec lesquels je bosse plutôt que d’être dans une logique de rentabilité. J’ai toujours pu me le permettre, car j’ai fait depuis assez jeune beaucoup de son en live ce qui me permettait d’avoir des intermittences confortables tout en ayant du temps à dégager pour faire de l’enregistrement et du mixage en studio.
Actuellement, quelle est ta principale casquette ?
Depuis janvier 2022, je m’essaie à un tout autre exercice : régisseur général. Je ne fais plus de son en live. Je travaille pour le tourneur rock angevin Radical Production (agents français pour des groupes comme Tame Impala, Arctic Monkeys, Beck, Foo Fighters, Royal Blood, Beach House, Beck, The Hives et j’en passe).
Tu bosses où ? Quelle est ta configuration en studio ?
Mon studio Avant-Garde est basé chez moi à Nantes. J’ai fabriqué ma régie juste après le 1er confinement. Je travaille avec Universal Audio pour les convertisseurs : UAD 2 Satellite et Apollo Twin Quad MKII (qui me sert aussi de contrôleur de monitoring). Pour ce qui est des logiciels je travaille avec Pro Tools. Pour les écoutes, j’ai une paire d’active (Neumann KH310) et une paire de passives (Yamaha NS10)
J’aime beaucoup travailler « in the box », mes plugins favoris sont les UAD, les FabFilter et les Soundtoys évidemment. Je ne suis pas du genre à installer 15 000 plugins. J’essaie de me contenter du minimum pour avoir un peu de contraintes et ainsi me forcer à trouver des solutions. J’ai revendu beaucoup de matériel ces dernières années, mais j’ai gardé mes bécanes favorites pour aller chercher des couleurs que je n’arrive pas à obtenir avec des plugins
Et en live ?
En live ma configuration changeait avec chaque groupe. Mais peu importe si j’avais ma console ou pas j’avais toujours avec moi un petit pedalboard avec deux pédales pour faire mes effets sur mes voix : le délai Strymon Brigadier et la réverbe Strymon Bluesky. Vraiment, avec ces 2 pédales je pouvais modeler mes voix assez facilement et surtout je pouvais faire des effets en temps réels très facilement comme des reverb infinite par exemple.
La plus belle configuration avec laquelle j’ai eu l’occasion de travailler c’est quand j’étais aux retours sur Gaël Faye (une des plus belles tournées de ma vie). J’ai achevé ma collaboration avec lui en décembre 2021 lorsque j’ai pris mon poste chez Radical. J’avais alors une SSL L550+ au bout des doigts. On avait réussi à obtenir une jolie couleur de son avec beaucoup d’impact. J’ai eu aussi des configurations où je faisais une chaîne de mastering avec plugins UAD (Neve 33609, bx_digital V3 EQ, Fatso et Chandler Curve Bender). Ça marchait notamment très bien quand je faisais le son face pour Etienne de Crécy.
Quelles sont les 3 pièces hardware que tu utilises le plus en studio, et pourquoi est-ce que tu les recommandes ?
Mon compresseur favori est le DBX 165A. J’aime son côté un peu muddy et imprécis qui calme les hauts médiums. Et j’adore le peakstop level qui apporte une super distorsion. C’est LE son des batteries de Tame Impala par exemple.
Malheureusement c’est devenu très cher d’occasion. C’est beaucoup surcoté. Les gens qui vendent ça 2 000€ sur internet devraient avoir honte. Personnellement j’ai payé le mien 700€ il y a 6 ans et pour moi ça ne vaut pas plus. Mais en effet le son est top.
Niveau préampli, j’ai une affection toute particulière pour le Chandler Little Devil. La palette de son possible est très large, ce qui en fait selon moi un très bon outil en prise de son. Même pour repasser des bus dedans au mix c’est top pour trouver une couleur originale.
Et pour finir, je suis très attaché à ma paire de GML 2032, notamment pour leur partie égaliseur qui est vraiment redoutable. Qu’on les utilise en positif ou en négatif, la couleur qui en ressort est vraiment précise. Je m’en sers très souvent en mastering ou bien sur des bus de voix ou de batterie.
Et en live ?
En live moins j’ai de hardware mieux je me porte, car j’essaie de minimiser au maximum le nombre de conversions A/D D/A. J’adore le compresseur DBX 160A, c’est facile à utiliser et vraiment une super couleur. Je m’en servais beaucoup sur les voix notamment. Mais on en voit de moins en moins. Je reste un grand fan du Distressor, même si je trouve qu’il est souvent assez mal ou sous-utilisé en live. Quand m’en sert en live c’est pour quelque chose de radical, de tranché. Si c’est pour enlever 2dB sur une caisse claire, ce n’est pas la peine. Autant le faire avec le compresseur intégré de la console. Et puis, promis je ne suis pas commercial pour Strymon, mais j’adore leurs pédales et je m’en servais tout le temps en live pour mes voix. Hyper facile à utiliser et super couleur. Attention à bien utiliser des adaptateurs d’impédance pour éviter de rentrer trop fort dedans. Vous verrez que le son est beaucoup plus gros quand le son qui rentre dedans est moins fort. Il ne faut pas oublier qu’à la base ce sont des pédales de guitare !
Quels sont les 3 plug-ins que tu utilises le plus, et pourquoi est-ce que tu les recommandes ?
Mon compresseur préféré c’est le UAD LA2-A Gray. J’en mets partout et ça marche tout le temps. J’aime la petite bosse dans le bas médium. Ça rajoute une vraie chaleur dans le son. Mon EQ préféré c’est le FabFilter Pro-Q 2. Je le trouve redoutable. Que ça soit en positif ou en négatif. C’est un vrai couteau-suisse. On peut à la fois travailler en précision tout en agissant sur la modification générale du timbre de la source. C’est assez rare pour être signalé. Enfin, j’adore le TC Electronic TC1210-DT. Ses chorus et les spreaders sont assez différents des autres plugins dans le même style (Waves doubler etc…) Il a un côté un peu imprécis que j’adore. C’est vraiment un super outil.
Quel est, selon toi, le hardware ou software le plus sous-estimé et pourquoi ?
Je vais retourner la question : beaucoup de matériel est surcoté et c’est selon moi un vrai problème. Notamment depuis la crise Covid, les prix du matériel studio d’occasion s’enflamment sur le net et je trouve ça absolument détestable. Des gens qui vendent des SM57 « vintage » totalement rincés avec son tout pourri à 362€ méritent le bûcher.
Ce n’est pas parce que c’est vintage que c’est bien. Beaucoup de gens font de la spéculation, ils se disent amoureux du son, mais ils sont devenus des brocanteurs du web, rien de plus. Ils pourraient vendre des commodes Louis XV, ça serait pareil.
Quel est l’instrument ou toute autre pièce hardware que tu rêves de t’offrir ?
J’ai toujours rêvé d’avoir une vraie bonne console de studio. Une API 2448 ça serait vraiment top. Mais bon ce n’est pas donné. J’aimerais bien choper une Infernal Machine 90 de Publison aussi, mais bon c’est très rare et trop surcoté niveau prix.
Est-ce qu’il y a un conseil ou autre que tu as reçu un jour et qui a changé ta façon de voir ou de faire les choses ?
Les gens qui m’ont mis le pied à l’étrier dans le métier m’ont toujours dit qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus et qu’il fallait donc travailler dur et beaucoup pour pouvoir vivre de sa passion. Je sais ça fait hyper cliché, mais c’est on ne peut plus vrai.
Est-ce que toi tu aurais un conseil à donner ?
Mon conseil, ça serait d’essayer de se différencier des autres, faire des mixs clivants et tranchés (que ce soit en studio ou en live). C’est comme ça qu’on vous remarquera. Et dans les rapports humains au travail, essayer d’améliorer les choses, de faire bouger les lignes et pas reproduire les poncifs des générations passées afin de faire en sorte que le monde de la musique soit un milieu professionnel moins dur, plus humain, avec des interactions professionnelles plus saines.
Quelle est ta plus grande fierté ?
Ma plus grande fierté et d’avoir su dire non à de gros projets alors que j’estimais être trop jeune et manquer d’expérience (ce qui était le cas d’ailleurs). J’aurais pu être plus dans la « fame », mais j’ai toujours choisi de progresser tranquillement, sans brûler les étapes. Cela m’a permis de me construire un vrai réseau et une vraie expérience professionnelle. Tout en restant habiter dans le grand ouest, je précise.
Quels sont tes projets, dans un futur proche ou éloigné ?
Je vais enregistrer un album cet automne avec le groupe angevin Big Wool. Ça sera l’occasion de tester de nouvelles techniques et refaire toute ma config Pro Tools avec un nouveau Mac Pro M1 .
Je vais également essayer de mettre en place un service de location de matériel studio à bas prix sur Nantes. J’ai aussi pour projet de me mettre à la guitare. Le groupe The Hives m’en a offert une l’été dernier lors d’une tournée, ça m’a donné un bon coup de motivation. Pour finir, j’aimerais enregistrer un joli disque de folk dans ma maison à la montagne (en Auvergne !). C’est un rêve depuis assez longtemps. Qui sait un jour ça se réalisera peut-être !
As-tu quelque chose à ajouter ou dont tu aimerais faire part à nos lecteurs et lectrices ?
Si vous passez à Nantes, contactez-moi on ira boire un verre !
Un grand merci à Olivier ! Pour en découvrir plus sur son travail, ou travailler avec lui, rendez-vous sur le site Studio Avant-Garde.