Présenté fin 2013, l’Analog Keys fait évoluer le concept de l’A4, en y ajoutant un hardware amélioré et de nouvelles fonctions. Serait-ce le concept clavier-séquenceur analogique parfait ?
Un an après l’Analog Four sorti fin 2012, Elektron a tenu les promesses annoncées au départ : combler les péchés de jeunesse en faisant évoluer l’OS. Ce que n’avait pas dit le constructeur suédois, c’est qu’il lancerait en même temps un modèle clavier, retardant du coup la sortie dudit OS évolué. Mais non seulement les heureux propriétaires d’A4 ont pu booster leur machine avec de nouvelles fonctionnalités, mais elles ont en même temps découvert qu’elle était déjà équipée du +Drive, en hibernation, et que ledit OS réveillait tout cela gratuitement : résultat, une nouvelle architecture par projets, une mémoire étendue de 4096 sons et un véritable mode polyphonique. Autrement dit, 90 % des faiblesses initiales envolées, pour pas la moindre Krona ! Lors du test de mars 2013, nous avions également reproché à l’A4 quelques griefs d’ordre physique et ergonomique. Nous en profiterons donc pour voir s’il y a eu des améliorations de ce côté-ci pour le modèle clavier. Pour l’AK, nous repartirons donc du test de l’A4 en faisant une solide mise à niveau, tant sur le plan matériel que logiciel. Le point sera alors de conclure si le modèle clavier s’impose en ayant atteint la perfection.
Monolithe à clavier
L’AK est construit tout en alu bien épais. Il est compact, massif et très robuste. Il reprend l’ensemble des commandes de l’A4, mais la disposition a un peu changé. Sélection des pistes à gauche, choix des Patterns organisés en banques juste à côté et commandes de transport non loin. Au centre, il y a le bien trop petit écran (122 × 32 pixels) avec ses touches d’édition/navigation. À droite, on trouve les 2 × 5 encodeurs lisses à fonctions variables selon le contexte et les touches de contexte juste en dessous (performance, arpèges, modules de synthèse…) ; lorsqu’on pousse sur ces encodeurs, on accélère leur action, bien vu ! Au-dessus du clavier vers la gauche, on accède aux 64 pas de chaque Pattern via 16 touches de pas et 1 touche Page de sélection de section (1 à 4). À droite, ce sont les touches de sélection des modes de jeu/enregistrement (Kit, Sound, Track, Pattern, Song) qui remplacent le mini-clavier de l’A4.
Un gros encodeur-poussoir a été ajouté : très utile, il facilite la sélection des sons et l’édition au sein des menus. Le mini-clavier à boutons a fait place à un véritable clavier 3 octaves semi-lesté de taille standard, sensible à la vélocité et à la pression. Il est très certainement de marque Fatar, car il ressemble de très près à nos claviers de Voyager et Andromeda, sans les lests sous les touches. Le jeu est agréable et souple, certains pourront le trouver un peu mou. Au-dessus de chaque touche du clavier se trouve une LED rouge qui s’allume dès qu’une note est jouée, bon. Ce qui nous a surpris, c’est que le clavier déborde sans être protégé par le dessous, la tôle formant un décrochement sur plusieurs centimètres. Sur sa gauche, on trouve un joystick en plastique à 2 axes, capable de contrôler 15 paramètres en même temps (5 sur un axe horizontal bipolaire, 5 vers le haut et 5 vers le bas, à choisir parmi une liste complète de paramètres de synthèse) ; il fait un peu plus fragile qu’il ne l’est à l’usage. À proximité, il y a des touches de transposition d’octaves bien pratiques.
Sur le panneau arrière, la connectique semble généreuse : en plus des sorties casque (1 jack 6,35 stéréo asymétrique) et lignes stéréo principales (2 jacks 6,35 symétriques TRS), l’AK dispose de 4 sorties séparées stéréo (1 pour chaque piste au format jack 6,35 stéréo asymétrique type prise casque), ce que n’a pas l’A4. On trouve aussi deux entrées ligne stéréo (2 jacks 6,35 asymétriques) permettant d’envoyer un signal externe mono ou stéréo vers les filtres et les effets. La connectique dorée est parfaitement ajustée au châssis pour ne pas bouger. S’ensuivent 2 sorties CV/Gate/Trigger pour piloter des synthés analogiques (en V/octave ou Hz/Volt, nous en reparlerons), un trio MIDI (transformable en 2 sorties synchro) et une prise USB2 (MIDI/dumps/OS, mais pas d’audio pour le moment, en attendant la mise à jour Overbridge prévue fin 2014). L’alimentation est interne de type universel, avec borne à deux broches pour cordon et interrupteur secteur. L’AK comble donc l’intégralité des défauts de l’A4 niveau connectique… mais, mais, mais où sont les prises pour pédales ? Pas de pédales chez les Vikings, juste une touche Hold en façade, la colère d’Odin va être terrible !
Dur à cuire !
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La conception des machines Elektron a toujours nécessité un temps de prise en main. L’AK n’évolue pas sur ce point par rapport à l’A4, parce qu’il permet un tas de choses sur une surface proportionnellement très réduite. On aurait franchement préféré qu’Elektron profite de la place disponible à droite du panneau avant pour étendre les commandes directes, élargir l’écran, voire repenser l’approche. Ce n’est pas le cas et c’est d’autant plus dommage que la disposition des commandes est différente de l’A4 (donc la carte électronique du panneau est nouvelle). Autre remarque, un design avec panneau incliné aurait amélioré l’ergonomie plutôt qu’un pavé parfaitement horizontal, passons…
Pour appeler un Pattern, il faut choisir le groupe de banques (supérieur/inférieur), appuyer sur l’une des 4 touches de banque et appuyer sur l’un des 16 boutons alignés au-dessus du clavier ; cela paraît simple de prime abord, mais on peut se planter assez vite si on oublie les premières étapes… du coup on peut muter/activer une piste sans faire exprès !
Autre point d’ergonomie, chaque bouton dispose de 2 fonctions (parfois 3 pour celles assignées aux paramètres de synthèse). Ceci permet, en conjonction avec la touche « Function », d’accéder à la très grande majorité des paramètres disponibles, l’écran se contentant souvent d’afficher la page d’édition, les paramètres et les valeurs modifiables. Inconvénient, on se prend parfois les pieds dans le tapis, notamment lors de la sélection, l’activation ou la coupure des pistes. En résumé, on ne peut pas dire que l’ergonomie soit mauvaise, c’est juste que la machine est bourrée de paramètres, donc il faut être vigilant à l’usage.
Polyphonique et multitimbral
L’AK est un synthé-séquenceur polyphonique et multitimbral 4 voix, organisé autour de Patterns rythmiques à 6 pistes. Les pistes 1 à 4 contiennent chacune un son (monodique à polyphonique), la piste 5 contient les réglages dynamiques des 3 effets disponibles et la piste 6 contient les réglages dynamiques de 4 CV/Gate/Trigger permettant de piloter des synthés analogiques purs externes. Chaque voix de synthé est produite par un moteur analogique (oscillateurs + filtres + ampli stéréo) sous contrôle numérique (accordage, modulations). Depuis l’OS 1.1 (cf. encadré), les voix de synthèse sont indépendantes des pistes. L’allocation est dynamique, c’est-à-dire que les pistes (et le jeu au clavier) piochent dans les voix disponibles et coupent les plus anciennes en cas de besoin. L’AK permet toutefois de spécifier une réserve de polyphonie par piste et un mode d’appel des voix réservées (rotation, ré-assignement). Cela n’est pas sans rappeler les derniers poly analo vintage les plus évolués, comme le vénérable Matrix 12 du studio.
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L’écoute des quelques Patterns de démonstration permet déjà de se faire une bonne idée de ce qu’est capable la machine : des basses biens dodues (grasses ou rondes, avec Sub destructeur, à l’octave ou à la quinte), des pads mono filtrés très agréables, des leads aigrelets ou violents, des effets spéciaux variés et d’excellentes percussions analogiques que l’on pourra monter en kits. Les enveloppes sont suffisamment rapides pour casser la baraque, comme en témoignent les différentes percussions synthétisées ; en abusant de la distorsion, le son bouillonne, le filtre sature, la résonance siffle (encore plus qu’avant avec le mode F1 Resonance Boost !).
Elektron nous offre là un son analo moderne, parfois brillant, parfois bien crade quand on en a envie. Le tout est rehaussé par une très belle réverbe dont nous reparlerons… Mais c’est en commençant à jouer au clavier ou tripatouiller les encodeurs en live qu’on s’éclate vraiment : on lance un motif, on active une partie, on modifie les paramètres de synthèse, on transpose, on modifie un effet, on enchaîne les motifs, on ajoute un accent ou un Slide… le pied ! On crée assez rapidement des séquences évoluées, d’autant que les sons et les modulations peuvent être considérablement différents d’un pas à l’autre. On a d’ailleurs souvent l’impression d’entendre plus de 4 lignes sonores en même temps ! Mais autant la banque sons de l’A4 était adaptée aux pistes monodiques, autant la nouvelle banque d’usine (512 sons préchargés parmi les 4096 disponibles) ne fait pas honneur aux possibilités polyphoniques : pas de grands classiques types strings, cuivres et autre polysynths, hormis des nappes minimalistes mollassonnes. C’est l’âge, mon vieux !
- Analog Keys A01 00:59
- Analog Keys A04 01:06
- Analog Keys A06 01:01
- Analog Keys A07 01:12
- Analog Keys A09 00:59
- Analog Keys A11 01:07
- Analog Keys A13 00:52
- Analog Keys B01 01:05
- Analog Keys B12 01:04
- Analog Keys C03 00:55
Pistes de synthé…
Les 4 premières pistes du séquenceur, comme nous l’avons vu, sont dédiées à la synthèse. Elles permettent de piloter le module sonore interne, mais sont incapables de basculer en pistes MIDI pour commander un module externe (via MIDI), un choix marketing qui laisse évidemment le champ libre à l’Octatrack. Chaque piste peut donc commander tout ou partie des 4 voix analogiques disponibles, en monodique, polyphonique ou à l’unisson (avec Detune et élargissement stéréo). Chacune des voix est dotée de 2 DCO, 2 Sub DCO, un générateur de bruit numérique, 2 filtres, 1 distorsion et 1 VCA stéréo pour produire le son. Les DCO ont un paramètre Drift, pour ceux qui aiment l’instabilité de la fréquence propre aux VCO. Chaque DCO propose un accordage grossier sur plus ou moins 64 demi-tons et un accordage fin, qui peut être constant ou suivre le clavier, bien vu ! La fréquence peut être fixe, très utile pour les percussions. On règle ensuite le niveau d’entrée dans le filtre, dont les valeurs les plus élevées saturent ce dernier et agissent sur la résonance. C’est alors le moment idéal pour choisir sa forme d’onde ; si on ne peut en activer qu’une à la fois par DCO, toutes ont la particularité d’avoir un contenu harmonique continûment variable, que ce soit la dent de scie, l’impulsion transistor (type TB Roland), l’impulsion classique ou le triangle. La « largeur d’impulsion » varie de 0 à 100 % et peut être modulée par un LFO indépendant à intensité et vitesse programmables. On peut aussi substituer à l’onde l’une des entrées audio ou créer une boucle de filtre, sympa !
S’ajoute un Sub oscillateur pour chaque DCO (carré à –1 ou –2 octaves, impulsion à –2 octaves ou –7 demi-tons donc à la quinte) et un unique générateur de bruit numérique avec couleur variable et fondu (en entrée et en sortie, idéal pour créer des percussions sans consommer d’enveloppe). Elektron a eu l’excellente idée de rendre les DCO interactifs et de bien belle manière : au programme, modulation d’amplitude de 1 par 2 et de 2 par 1 (double Ring Mod comme sur le Synthex) puis synchro de 1 par 2, de 2 par 1 ou croisée (mode Metal comme sur le JX-3P) ; mieux, un paramètre continu permet de passer progressivement d’une Soft Sync à une Hard Sync. Un autobend programmable en intensité (bipolaire) et en temps permet de générer des glissements plus ou moins rapides vers la note en cours. Dommage qu’on ne puisse le désactiver de l’un des DCO. On peut ensuite forcer la phase des DCO à redémarrer à chaque appui de note, idéal pour ajouter du punch aux sons percussifs. Enfin, un vibrato peut agir sur le pitch global, avec vitesse et intensité programmables. Tout cela commence très bien !
… et de modulations
Le signal ainsi issu des sources audio (y compris via les entrée audio externes) attaque ensuite un premier filtre analogique passe-bas résonant 4 pôles en échelle de transistors (façon Moog). La résonance est plus importante sur les fréquences élevées, voire très sifflante à partir de l’auto-oscillation. Une fonction permet de booster davantage la résonance. On peut aussi y ajouter du feedback : les valeurs négatives créent un écrêtage doux, alors que les valeurs positives apportent une distorsion plus marquée. La fréquence de coupure peut suivre le clavier et être modulée par une enveloppe ADSR dédiée, avec des valeurs bipolaires pour chaque modulation. Le second filtre, placé uniquement en série, est un filtre multimode analogique 2 pôles à VCA, avec une résonance relativement constante quelle que soit la fréquence. Ce filtre possède 7 modes : passe-bas 2 pôles, passe-bas 1 pôle, passe-bande, passe-haut 1 pôle, passe-haut 2 pôles, réjection de bande et peak. Là encore, la fréquence de coupure peut être modulée par le suivi de clavier et l’enveloppe de filtre, tout cela en bipolaire. La section ampli stéréo analogique permet de régler le volume final, le panoramique, les départs vers les 3 effets et l’enveloppe ADSR de volume.
Pour moduler les paramètres, on dispose de 3 enveloppes ADSR : une figée sur l’ampli, une assignée aux filtres et une libre ; les 2 dernières ADSR peuvent moduler 2 destinations de façon bipolaire, à choisir parmi 50 paramètres : quasiment tous les paramètres des DCO, leurs interactions, leur vibrato, les filtres (coupure et résonance), l’ADSR sur l’ampli, le volume, le panoramique, les départs d’effets et l’accent. Chaque enveloppe possède des segments à forme variable (logarithmique, linéaire, exponentiel), ce qui la rend assez passe-partout, dans les registres rapides comme lents. S’y ajoutent 2 LFO synchronisables assez complets : vitesse (synchro à l’horloge globale/MIDI et facteur multiplicateur), fondu en entrée ou sortie, phase, mode de déclenchement (libre, redéclenché, demi-cycle unique, cycle unique) et forme d’onde (triangle, sinus, carré, dent de scie, courbe exponentielle, rampe, aléatoire). Les LFO sont capables d’osciller jusqu’aux niveaux audio (ils se règlent par multiplication de la fréquence de base, ce jusqu’à 2000 fois !) ; nous avions trouvé de l’aliasing et autres bruits métalliques peu musicaux lors du test de l’A4, ce n’est plus le cas désormais ; ils peuvent moduler chacun 2 destinations, là encore à choisir dans une liste de plusieurs dizaines de paramètres (les mêmes que précédemment plus les enveloppes et les LFO). Pour sauvegarder ses sons, l’AK offre 128 emplacements mémoire dans le projet en cours, que l’on pourra rappeler au sein de chaque piste de Pattern.
Piste d’effets
L’AK offre 3 effets numériques placés en parallèle du signal analogique. Le premier effet est un chorus plutôt quelconque, avec pré-délai, vitesse, profondeur, feedback (assez difficile à maîtriser), filtrage passe-bas et passe-haut, niveau final et départs vers le délai et la réverbe. Deuxième effet, le délai se synchronise au tempo ; cette synchro ne décroche pas lors des variations lentes de tempo, mais se met à couiner joyeusement lorsqu’on change la donne de manière exagérée. Il peut fonctionner en placement stéréo ou ping-pong, avec étendue ajustable. Comme tout bon délai, on trouve un feedback, des filtrages passe-bas et passe-haut ; mieux, un overdrive permet de percer les tympans de ceux qui souffrent d’otite aigüe. Le niveau final est aussi réglable, tout comme le départ vers la réverbe. Ce troisième et dernier effet embarqué est une simulation de pièce très réussie, avec une belle queue sans aspérités métalliques ou bouclages courts désagréables. Les paramètres disponibles sont le pré-délai, le temps de réverbe, la fréquence de Shelving, le gain, le filtrage passe-bas, le filtrage passe-haut et le niveau global. Vraiment une magnifique réverbe !
Chaque piste de synthé possède un départ séparé vers chacun des effets, comme sur une table de mixage. On peut aussi traiter chacune des entrées audio, avec départs gauche et droit séparés vers chaque effet. La piste FX a ses 2 LFO dédiés, qui possèdent les mêmes paramètres que les LFO des pistes synthé, chacun capable de moduler 2 destinations. On y trouve une trentaine de paramètres assignables : les départs d’effets, le volume et le panoramique de chaque entrée audio, ainsi que tous les paramètres d’effets, rien que cela ! Les réglages d’effets et toutes les modifications en temps réel les concernant sont mémorisés au sein de la piste FX, dans chaque Pattern, ce qui permet des évolutions temps réel complémentaires aux variations des pistes synthés, en parfaite synchronisation.
Piste CV
Grâce à sa piste CV, l’AK est capable d’envoyer des messages CV / Gate / Trigger séquencés vers le monde extérieur, en synchro avec tout le reste. Ceci se fait à l’aide des 2 connecteurs CV Gate Out (AB et CD) au format jack TRS (câbles d’insert par exemple) situés sur le panneau arrière. Pour chaque port (ABCD), on choisit au niveau global le type de signal qui doit être envoyé : CV sur Pitch en V/Octave (valeur en Volt de la note C centrale, suivi de clavier en Volt), CV sur Pitch en Hz/V (accordage, profondeur d’octave), CV linéaire (tension mini, tension maxi, réglables entre –10 et +10 V par décivolt), Trigger (longueur et polarité), Gate (polarité, niveau réglable de 0 à 10 V par décivolt) ou mise à la masse.
Le reste des réglages est mémorisé dans chaque piste : accordage par demi-ton et fin (modes CV sur Pitch), le niveau de voltage du CV (mode linéaire) et la piste de base pour envoyer les valeurs de CV (l’une des 6 pistes peut être utilisée). Pour moduler le tout en direct (en plus des modulations de pistes), on dispose de 2 enveloppes ADSR et 2 LFO, identiques à ceux des autres pistes. Ce qui change, ce sont les 2 destinations de chacune des modulations, cette fois dédiées aux CV : accord grossier, accord fin, niveau, valeur, piste source, ce pour les 4 ports ABCD. Pour les LFO, on ajoute à cette liste les paramètres d’enveloppes (ADSR, temps de Gate, profondeurs de modulation). Une conception vraiment originale qui transforme l’AK en puissant séquenceur de type analogique, parfaitement intégré à des synthés purs analo, vintage ou contemporains, là où le CV/Gate règne en maître absolu et où la main du MIDI n’a jamais mis le pied.
Nouvel ordre…
Depuis l’OS 1.1 et l’activation du +Drive, une grosse mémoire permanente présente dans tous les AK et A4, l’organisation des fichiers a été revue. On dispose désormais de 128 projets, chacun constitué de 128 Sounds, 128 Kits, 128 Patterns, 16 Songs et 4 configurations globales de la machine. C’est donc 128 fois plus de mémoire qu’avant, puisque l’A4 des débuts n’avait qu’un projet, celui en cours. À ceci s’ajoute une grande bibliothèque de 4096 sons en réserve, que l’on peut charger selon besoins. Tout ce beau monde peut par ailleurs être envoyé et reçu via MIDI/USB. Les réglages statiques des 6 pistes (4 pistes synthés, 1 gérant 3 effets et 1 gérant 4 CV) sont assemblés dans des kits, liés à des Patterns rythmiques ; il y a 128 kits et 128 Patterns par projet. C’est au niveau du Pattern qu’on peut régler l’action de quelques contrôleurs externes : la courbe de réponse de la vélocité assignée au volume (3 types), 5 choix de destinations pour la vélocité (avec quantités bipolaires de modulation), 5 pour le pitchbend, 5 pour la molette, 5 pour le contrôleur de souffle et 5 pour la pression (où leurs CC correspondants). De quoi faire… Chaque Pattern peut contenir de 1 à 64 pas (4 sections de 16 pas accessibles avec la touche Page). Dans un Pattern, chaque piste peut avoir une longueur différente de pas, ce qui permet des évolutions très complexes. Par contre, il n’y a pas d’inversion du sens de lecture ou de mode aléatoire, l’exotisme s’arrête là…
En lecture, on peut lancer un Pattern, couper une piste, modifier des paramètres (synthèse, effets, CV), revenir aux valeurs initiales instantanément (sons/effets, pistes, Patterns). Mieux, le mode Performance permet d’assigner 10 paramètres aux encodeurs, ou plutôt des macro-commandes, afin de piloter plusieurs paramètres différents sur plusieurs pistes simultanées ; ainsi, pendant que le Pitch plonge sur la piste 1, la résonance du filtre explose sur la 3 ! On peut ajouter un peu de Swing (50 à 80 %), accentuer certains pas, lier certaines notes ou des paramètres enregistrés (pour les lisser). Chaque piste dispose également d’un arpégiateur avec sens de lecture variable (ordre initial, haut, bas, alterné, aléatoire x2), vitesse multiple de l’horloge globale/MIDI, plage de 1 à 8 octaves, mode legato et durée de note. L’arpégiateur travaille sur 16 pas, chacun étant débrayable et peut être utilisé en lecture comme en enregistrement.
… & chaînages variés
En enregistrement, les Patterns se programment indifféremment en pas à pas ou en temps réel. On peut naturellement quantiser les pas ou bénéficier d’un micro timing précis au 384e de double-croche. Outre l’entrée de notes avec le clavier intégré ou un clavier externe, la toute-puissance de l’AK réside dans ses génialissimes modes Locks. Le premier, Sound Locks, permet de placer un son différent à chaque pas des 4 pistes synthé : on pense tout de suite à une alternance grosse caisse/caisse claire/percussions. Le second, Parameter Locks, permet de modifier, à chaque pas de chaque piste, tous les paramètres programmables, à concurrence de 128 maximum par Pattern ; ceci se programme et s’édite en temps réel ou en pas-à-pas, avec les 10 encodeurs et les 6 boutons de pages de paramètres situés en dessous ; par exemple, alors que filtre et panoramique se baladent sur la piste 1, la piste 2 alterne les percussions, alors que sur la piste 3, les DCO synchronisés gémissent en rythme, tandis que sur la piste 5, le temps de réverbe s’allonge sur les temps pairs… tout cela se fait de manière discrète ou avec lissage pas par pas (Parameter Slide), ce qui permet de rendre les modulations continues… plus continues. En 3 mots, ma-gni-fique !
Les Patterns peuvent ensuite être assemblés en Chains (64 Chains de 2 à 256 pas maximum, à partager entre toutes les Chains). Au stade ultime, Chains et Patterns peuvent être regroupés en Song ; à chaque pas d’une Song, on peut spécifier jusqu’à 99 répétitions du Pattern ou de la Chain en cours, puis muter / activer chacune des 6 pistes. Très vite, on crée des Songs complexes, évolutives, subtiles, à partir de quelques Patterns / Chains bien choisis. Et si on se trompe dans tout cela, on peut recharger chaque Kit / Sound / Track / Pattern / Song / Project tel qu’il était enregistré avant modification.
Nouveaux modes clavier
Outre la fonction Hold, l’AK bénéficie de modes de clavier spécifiques. Le mode Multi Map permet de définir différentes zones clavier (jusqu’à 128 si on crée des zones d’une touche) et d’y assigner un son, un Pattern ou un canal MIDI externe. Cela permet de se constituer des splits à zones multiples (kits de percussions, basse, nappes, lead…) ou des zones de commande externes sur un même clavier (en conjonction avec les touches de transposition d’octave). Pour chaque zone, on définit le statut, la tessiture (note basse et note haute), la note (ou le Pattern) de référence, la transposition initiale, le suivi de clavier et la vélocité ; lorsqu’on est en pilotage externe, on peut spécifier le canal MIDI à émettre pour chaque zone. Les LED situées au-dessus du clavier prennent alors tout leur sens pour s’y retrouver.
Le mode External Keyboard permet à l’AK de piloter un instrument MIDI externe. Les commandes sont dissociées du module sonore interne, le séquenceur pouvant continuer à tourner comme avant. Sont envoyés via MIDI Out les notes jouées (mais pas celles séquencées), les mouvements du joystick, le volume via l’encodeur Level et les mouvements des 10 encodeurs auxquels on peut assigner un CC MIDI de son choix ; tout cela se fait sur un seul canal MIDI. Les réglages Multi Map et External Keyboard sont mémorisés en mode Global (donc 4 réglages de chaque par projet).
Conclusion
Au final, l’Analog Keys (1896€) comble 99 % des lacunes de l’A4, par son évolution tant matérielle que logicielle. Il sonne, il est puissant, il est polyphonique, il a des effets, il incorpore un séquenceur à pas modulables, il a des sorties séparées, il est très robuste et il est très compact. Que rêver de plus ? Sans le clavier, ce serait l’A4 idéal, car dès que l’on commence à manipuler, l’ergonomie Elektron prend le dessus ; et ce n’est pas celle que l’on trouve habituellement sur un clavier ! Du coup, l’AK est plus un module-séquenceur à pas auquel on aurait greffé un clavier, qu’un synthé de scène doté d’un séquenceur à pas. On aurait aimé plus de commandes directes, un écran plus grand, car il y avait de la place pour cela ; également une inclinaison quand on le pose et une architecture plus classique programmes/combi/effets/séquences. L’AK est incontestablement une excellente machine, qui vérifie simplement l’adage que la perfection n’est pas de ce monde.
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