Un an à peine après le Minilogue, Korg présente le Monologue, un nouveau synthé analogique monodique à mémoires au prix très abordable. Allez, on y retourne !
Au NAMM 2016, Korg avait jeté un pavé dans la mare avec le Minilogue, un synthé analogique polyphonique programmable à tarif très serré. En fait, c’est de loin le synthé le moins cher de sa catégorie, dont les spécifications techniques et les qualités sonores font le bonheur de ceux qui ont pu s’en procurer un. Alors que les clients commencent enfin à être servis en quantité suffisante, le constructeur nippon présente le petit frère, quelques semaines avant le NAMM 2017. Voici donc le Monologue, un synthé analogique monodique ultra compact. On pourrait trop vite penser qu’il s’agit ni plus ni moins d’une simple voix de Minilogue dans un emballage encore plus restreint. Ce n’est qu’en partie vrai, puisque le Monologue propose des nouveautés au rayon synthèse qui lui confèrent un son différent du grand frère. Autant de bonnes raisons d’en faire un tour complet…
Alu et bois
Le Monologue est du même type de conception que le Minilogue. La finition est soignée mais un peu épurée par rapport à celle du grand frère : on perd le galbe et les débords de la façade en alu, ce qui laisse apparaître les chants de la coque en plastique et la plaque arrière en bois. Les commandes directes ont aussi fait une cure d’amaigrissement : 15 potentiomètres, 1 encodeur cranté, 11 sélecteurs (à cran ou à ressort), 7 boutons rectangulaires et 16 boutons carrés. Leur rigidité inspire confiance : axes métalliques bien fermes pour tout ce qui tourne, réponse franche pour les boutons et sélecteurs. On retrouve le mini-écran OLED 10 × 20 mm visible sous tous les angles, fonctionnant comme oscilloscope en temps réel ou afficheur de valeurs. Le pitch bend conserve la forme d’un petit bâton métallique à ressort. En plus du pitch, il peut piloter des paramètres de synthèse. Le clavier dynamique de type slim est réduit à 2 octaves (mi à mi), ce qui permet de réduire la voilure (35 × 28 cm). Il est secondé par un sélecteur de transposition sur plus ou moins deux octaves. C’est le prix à payer pour contenir le prix de vente à quelques centaines d’euros, pour un synthé analogique avec mémoires et séquenceur.
La partie arrière comprend une plaque de bois vissée, avec un découpage pour la connectique : prise casque, sortie audio monophonique (pas de stéréo dans la machine) et entrée mono pour injecter des sources externes dans le filtre (toutes au format jack 6,35).
Viennent ensuite deux prises mini-jack pour la synchro (entrée/sortie par impulsion), un duo d’entrée/sortie MIDI, une prise USB type B (signaux MIDI uniquement) et la partie alimentation (poussoir marche/arrêt temporisé, borne pour alimentation externe de 9 V avec bloc à l’extrémité hélas non fournie !). Il n’y a pas de prises pour pédales, c’est bien dommage… Sous le capot, on trouve une trappe pour recevoir 6 piles (fournies) de type AA, permettant une autonomie annoncée de 6 à 8 heures, suivant le type de piles.
Cent sons
La prise en main du Monologue est absolument immédiate : ergonomie basée sur une fonction/un bouton avec trois types de réponses des potentiomètres (saut, seuil, relatif), fonction Load Panel (mode manuel), mémoires programmes réinscriptibles avec dump MIDI, afficheur complet (programmes, paramètres, oscilloscope) et séquenceur avec 16 boutons de pas dédiés. Il manque toutefois une fonction Compare.
Le mode Edit permet d’accéder à des paramètres additionnels via les touches du séquenceur et l’encodeur. Cela concerne les réglages globaux (accordage, transposition, mode de réponse des commandes, courbe de vélocité, division temporelle et polarité de synchro en entrée/sortie, canal/filtre MIDI, routage MIDI/USB, brillance de l’écran, tempérament du clavier, dumps MIDI), les programmes (portamento, Slide, destination du pitch bend, synchro du LFO, suivi de clavier sur le VCF, réponse en vélocité du VCF et du VCA, ajustement du volume du programme, initialisation du programme, dump du programme) et le séquenceur (BPM, longueur, résolution, swing, Gate, effacement/activation/lissage des mouvements).
Le Monologue contient 100 programmes réinscriptibles, dont 80 pré-programmés. On les sélectionne avec l’encodeur, la touche [Shift] permettant d’accélérer le mouvement par saut de 10. Tout est mémorisé dans chaque programme, depuis les paramètres de synthèse à ceux du séquenceur, y compris le tempo. Bravo ! Avec les commandes en accès direct, il est facile d’obtenir rapidement une petite collection de sons de basses, leads, percussions et effets spéciaux.
On se rend vite compte que l’on verse le plus souvent dans des sons tranchants, voire agressifs. C’est le parti pris du constructeur, qui a choisi cette voie pour ne pas faire doublon avec le Minilogue. Résultat, il est délicat de créer des sons ronds et chauds avec le Monologue. Nous nous sommes pourtant efforcés de le faire dans nos exemples audio, pour changer des démonstrations que l’on trouve sur la toile. Nous avons apprécié les ondes variables, les interactions de VCO et le LFO ultra rapide, qui permettent de sortir des sentiers battus. La distorsion apporte aussi son grain de folie. Sur des temps de relâchement d’enveloppe élevés, le VCA a tendance à se rouvrir en cliquant, ce qui n’est pas très agréable sur les lentes ouvertures de filtre (cf. exemple audio « Carrie Tribute »). Comme sur le Minilogue, nous avons apprécié la fluidité impeccable des commandes continues, qui fait souvent défaut sur les machines sous contrôle numérique, même les plus chères. Nous retrouvons la même résolution de 1 024 valeurs (10 bits), ce qui suffit à éliminer tout effet d’escalier, en particulier sur l’accord des VCO et les réglages du filtre.
- 01 Bass 1 00:54
- 02 Bass 2 00:14
- 03 Bass 3 00:56
- 04 Bass 4 00:15
- 05 Selfo 00:18
- 06 Sync Disto 00:26
- 07 Ring Mod 00:34
- 08 Wave Mod 00:19
- 09 Interval 00:25
- 10 Drums 00:33
- 11 Voice and trash 00:42
- 12 Carrie Tribute 00:53
Solo Korg
Le Monologue prend quelques secondes à l’allumage pour s’accorder, bien qu’il soit monodique. L’unique voix est constituée de deux VCO, un mélangeur, un VCF, une enveloppe et un LFO. Le VCO1 s’accorde directement sur 5 octaves avec le sélecteur d’octave global (mémorisé), alors que le VCO2 dispose d’un réglage relatif de pieds (2–4–8–16) et d’un réglage fin (plus ou moins une octave par centième de demi-ton) ; il possède donc une plage de 10 octaves ! Le VCO1 est capable de produire trois ondes à contenu harmonique continuellement variable sur 1 024 valeurs à partir d’une dent de scie, d’un triangle et d’une impulsion. Sur le VCO2, l’impulsion est remplacée par un générateur de bruit blanc fixe ; cela aurait été bien de pouvoir changer sa couleur. Les VCO peuvent interagir de deux manières exclusives : soit en synchronisation, soit en modulation en anneau ; on perd donc la Cross-modulation du Minilogue…
Un mixeur permet ensuite de mélanger le signal du VCO1 et du VCO2 (ou du VCO1 et de la modulation en anneau entre les VCO) et y ajoute l’éventuel signal présent à l’entrée audio. La résultante entre alors dans le filtre passe-bas résonant 2 pôles. Avec une coloration différente du filtre du Minilogue en mode 2 pôles, on tire vers des sons plus agressifs et coupants. On parvient à l’auto-oscillation en poussant la résonance, avec une onde en sinus caractéristique (cf. l’un des exemples audio). La fréquence de coupure et la résonance se règlent sur 1 024 valeurs, ce qui permet une réponse parfaitement lisse. La fréquence de coupure est modulable par l’enveloppe (quantité bipolaire de –511 à +511), le suivi de clavier (0–50–100%, via le menu), la vélocité (idem) ou le LFO. Le signal passe ensuite dans le VCA, modulable par l’enveloppe ou la vélocité (sur 128 valeurs). Un paramètre permet d’ajuster le volume relatif de chaque programme de –25 à +25, afin d’homogénéiser les niveaux.
Quelques modulations
Faute de molette de modulation, le pitchbend est assignable à une quinzaine de paramètres, hélas mutuellement exclusifs : le pitch (plus ou moins 12 demi-tons), le temps de Gate, les pitch/variations/niveaux de chaque VCO, la coupure du filtre, la résonance, la quantité d’enveloppe, les segments A/D, la vitesse et l’intensité du LFO, le temps de portamento. On peut aussi choisir un tempérament de clavier pour chaque programme, parmi 20 modèles pré-sélectionnés ou 12 modèles programmables (6 sur les 128 notes MIDI et 6 sur une octave).
On dispose d’un LFO à trois formes d’onde (dent de scie, triangle, carré, mais pas de générateur aléatoire), capable de moduler de manière bipolaire l’une des trois cibles suivantes : pitch global, formes d’onde des VCO et coupure du filtre. Il peut fonctionner selon trois modes : cycle lent (0,05 à 28 Hz), cycle rapide (0,5 à 2,8 kHz) et coup unique. En cycle rapide, la fréquence monte donc très largement dans le domaine audio, merci ! La fréquence peut aussi se synchroniser à l’horloge globale/MIDI par division temporelle (plusieurs dizaines de valeurs, de 4 à 1/2048 de temps). Le LFO ne fonctionne qu’en cycle libre, contrairement au LFO du Minilogue qui dispose des deux modes.
Le Monologue ne dispose que d’une seule enveloppe pouvant agir en même temps sur un paramètre cible (VCO1+2, VCO2 ou VCF) et le VCA. Notons au passage que la possibilité de moduler les 2 VCO est une amélioration par rapport au Minilogue. Très simplifiée, l’enveloppe offre trois modes astucieux pour contourner le fait qu’elle n’existe qu’en unique exemplaire : le premier, AD, permet d’enchainer les segments d’attaque et de déclin ; le deuxième, AGD, permet de maintenir le son après le segment d’attaque aussi longtemps qu’une touche est enfoncée (Gate), puis de passer au relâchement ; dans ces deux cas, le segment de déclin fait aussi office de relâchement, l’enveloppe affectant le paramètre cible et le VCA de manière identique ; dans le troisième mode, AD+G, le paramètre cible est affecté par une enveloppe AD (comme dans le premier mode), alors que le VCA fonctionne en Gate. Cela permet de déconnecter l’enveloppe du VCA, mais ce n’est tout de même pas aussi souple que deux enveloppes séparées, comme sur le Minilogue. Le Monologue perd aussi la possibilité de piloter la fréquence ou l’intensité du LFO par l’enveloppe, dommage.
Séquences en mouvement
Le Monologue est fait pour le mouvement. Il émet et reçoit des CC pour tous ses paramètres via MIDI / USB, c’est donc un excellent candidat à l’automation. Mieux, il est doté d’un séquenceur de 16 pas entièrement programmable, semblable à celui du Minilogue. On peut régler le tempo, la longueur (1 à 16 pas), la résolution, le swing et le Gate. L’enregistrement se fait indifféremment en temps réel ou en pas-à-pas.
En temps réel, le séquenceur fonctionne en auto-quantisation à l’entrée et Overdub (la séquence tourne en boucle et on peut ajouter des notes ou écraser l’existant) ; la touche [Rest] permet d’effacer des notes à la volée sur chaque pas. En pas-à-pas, on choisit le pas à enregistrer avec la rangée de 16 touches, puis on entre la note au clavier ; on peut aussi entrer des silences ou des liaisons avec la touche [Rest], voire changer le temps de Gate de la note en cours avec l’encodeur. Le mode pas à pas permet évidemment de modifier les notes après enregistrement.
Comme sur le Minilogue, on peut aussi enregistrer le mouvement de quatre commandes continues en temps réel, en manipulant les potentiomètres ou les sélecteurs souhaités ; l’enregistrement démarre au premier mouvement et s’arrête lorsque la boucle est bouclée (la lecture se poursuit toutefois). On peut réenregistrer des mouvements par-dessus une piste, les effacer (globalement ou piste par piste) ou les neutraliser sans les effacer (piste par piste également).
Chaque piste de mouvement bénéficie d’une fonction de lissage, pour des transitions tout en douceur entre les pas. Par contre, il est impossible d’éditer les mouvements après coup. En lecture, on peut transposer la séquence en temps réel en activant la touche [Key Trig/Hold], un bon point par rapport au Minilogue ; dommage que le motif soit redéclenché immédiatement depuis le début dès qu’on appuie sur une touche !
Les notes séquencées sont transmises en MIDI/USB, c’est aussi une bonne nouvelle. En revanche, les CC des commandes en mouvement dans les séquences ne le sont pas. Chaque séquence est sauvegardée avec son programme. Avec sa rangée de touches et son sélecteur de mode, le séquenceur du Monologue est bien plus intuitif que celui du Minilogue.
Bonne compagnie
Au final, le Monologue est une excellente surprise. Les possibilités de synthèse sont plus simples que sur le Minilogue, mais l’essentiel est conservé, avec deux véritables VCO, un filtre résonant, une enveloppe, un LFO et un super séquenceur à pas. Sa prise en main immédiate le destine aux musiciens/DJ de tout niveau en synthèse. La nature des oscillateurs, le choix d’un filtre deux pôles et la distorsion analogique intégrée l’orientent principalement vers les sons agressifs, ce qui est un choix tout à fait louable mais pas universel. Il est donc complémentaire au Minilogue, avec qui il ne fera pas double emploi. Avec sa qualité de construction, ses fonctionnalités intégrées, son format clavier compact pour un tarif très étudié, le Monologue reçoit notre premier Award Qualité/Prix de 2017 !
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