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Test du Synthex d'Elka - Il Maestro

9/10

Alors que Sequential et Oberheim dominent le marché des synthés polyphoniques sans partage, un facteur d’orgues et accordéons italien va accepter de financer le projet d’un de ses compatriotes talentueux : l’Elka Synthex est né…

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C’est la grande époque où le débat tourne autour du choix Prophet versus OB-Xa, quelque part au début des années 80. Un brillant concep­teur indé­pen­dant italien, Mario Maggi, déjà auteur de plusieurs proto­types de synthés program­mables dans les années 70, va alors frap­per à la porte des diffé­rents facteurs de claviers de Castel­fi­dardo (ville italienne qui est à l’in­dus­trie des orgues & accor­déons ce que Toulouse est à l’aé­ro­nau­tique), pour leur propo­ser le synthé poly­pho­nique sur lequel il travaille depuis plus d’un an. La société Elka est la seule à répondre à la solli­ci­ta­tion, contrac­tant avec Mario pour la super­vi­sion des cents premiers exem­plaires ; bien que le concept bous­cule le construc­teur, habi­tué aux orgues, aux machines à string et aux accor­déons, l’ins­tru­ment finit par sortir, dans la plus grande indif­fé­rence ou presque. Le Synthex n’est pas un grand succès commer­cial ; Keith Emer­son, Asia, Jean-Michel Jarre et Stevie Wonder vont certes contri­buer à le faire connaître, en l’em­me­nant parfois sur scène dans des condi­tions dantesques. Mais nous sommes en 1985, le Synthex pousse déjà son chant du cygne après 4 années de bons et loyaux services, aussi confi­den­tiels soient-ils… jusqu’au revi­val analo­gique, où l’on découvre la brillance de ses sono­ri­tés, la géné­ro­sité de son inter­face utili­sa­teur et certaines origi­na­li­tés que nous allons décrire en détail. Dès lors, le Synthex devient une machine très recher­chée et sa cote s’en­vo­le…


Largo e maes­toso

 

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Le Synthex est impres­sion­nant. Gros, large, épais, lourd (25 kg), il fait partie de ces grands synthés qui prennent beau­coup de place, comme tout poly Oberheim ou un Rhodes Chroma. Il est aussi une invi­ta­tion à la mani­pu­la­tion – peut-être le plus attrac­tif que nous ayons croisé, avec sa façade gris anthra­cite recou­verte de commandes large­ment dimen­sion­nées et parfai­te­ment espa­cées. Elles tota­lisent ainsi 31 énormes poten­tio­mètres rota­tifs, 6 curseurs linéaires, 81 boutons pous­soirs et 2 sélec­teurs. Sans comp­ter les nombreuses diodes placées sur chaque bouton pous­soir, d’ailleurs seuls indi­ca­teurs lumi­neux de cette machine sans affi­cheur qui n’a déci­dé­ment rien à cacher. On entre dans le Synthex du premier coup, car on comprend tout immé­dia­te­ment, telle­ment la machine est logique. Un joys­tick à ressort posi­tionné sur le panneau avant (et pas à gauche du clavier) permet de modu­ler le Pitch (à la verti­cale !) et l’ac­tion d’un LFO sur le Pitch et le filtre (à l’ho­ri­zon­tale, du coup).

 

Midi trio


Produit entre 1981 et 1985 (1000 à 1850 exem­plaires suivant des sources diver­gentes), le Synthex a connu trois révi­sions. Après le Rev1 très peu produit, le Rev2 ajoute une inter­face numé­rique multi­broche en partie arrière, que l’on peut trans­for­mer en inter­face Midi avec un petit boitier ou des câbles épanouis venant s’y fixer, en plus d’une carte élec­tro­nique interne. Le Rev3 incor­pore direc­te­ment un trio Midi, très basique, puisqu’il ne gère que les notes (on/off) et le choix du numéro de canal (pour les derniers modèles) ; donc pas de chan­ge­ments de programme, de contrô­leurs ou de dump de la mémoire. Envoyer trop de données sur le bus Midi fige le Synthex, il est néces­saire de bien filtrer les signaux au préa­lable. Pour ceux qui veulent Midi­fier leur Synthex, l’ami jbfair­light fabrique des kits.

 

La façade arrière porte l’en­semble de la connec­tique, essen­tiel­le­ment en jack 6,35 : sorties audio Lower/Upper (mais pas de prise casque), entrée pour pédale CV vers le filtre (sur un et/ou deux programmes en mode Split/Double), 4 entrées pour pédales à inter­rup­teur (avance des programmes, Glide, Hold, Release), inter­face K7 (en mini-jack cette fois, avec inter­rup­teur de protec­tion mémoire) et Trig­ger du séquen­ceur (entrée + sortie). Suivant la version, on peut trou­ver une inter­face numé­rique multi­broche ou un trio Midi (cf. enca­dré spéci­fique). Une prise IEC 3 broches stan­dard permet de connec­ter le cordon secteur. La construc­tion est de très haut niveau, à l’ex­té­rieur comme à l’in­té­rieur : grosses épais­seurs de bois et de métal, poten­tio­mètres à axe métal­lique vissés en façade (qui ont hélas tendance à se bloquer avec le temps, mais peuvent être ouverts et nettoyés), clavier 5 octaves super agréable à jouer (hélas statique), panneau avant bascu­lant à char­nière, cartes internes empi­lées hyper denses (pas toujours facile pour la main­te­nance), connec­tique vissée… Les plus obser­va­teurs n’ont pas manqué de remarquer les fixa­tions laté­rales métal­liques pour monter le Synthex sur un pied idoine, comme pour les orgues portables. 


Brillante e calda­mente

 

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Dès qu’on allume le Synthex, on peut tout de suite jouer. D’une part parce qu’il est immé­dia­te­ment accordé (ou alors il est en panne), d’autre part parce qu’il renferme 40 Presets non réins­crip­tibles de très bonne facture (qu’on retrouve tels quels sur bon nombre de tubes Jarresques et Italo Disco), en plus des 40 programmes utili­sa­teur. Faisons le tour de quelques sons emblé­ma­tiques. Le Synthex s’af­firme d’em­blée sur les ensembles poly­pho­niques luxu­riants : cordes, cuivres, nappes évolu­tives, orgues, il met la pâtée à pas mal de ses confrères, grâce à ses modes PWM origi­naux, son filtre multi­mode et son chorus analo­gique magni­fique.


Il est aussi très à l’aise dans les sons métal­liques, grâce aux nombreuses et inédites inter­mo­du­la­tions possibles entre ses oscil­la­teurs, sur lesquels nous revien­drons. Que ce soient des sons de cloche par le double Ring Mod ou des synchro de type Harpe Laser, le Synthex sort du lot dans ce domaine. Il est en revanche beau­coup moins à l’aise dans les basses claquantes et les effets extrêmes, où il appa­rait trop sage. Est-ce le fait des oscil­la­teurs bien stables ou du filtre dont la réso­nance a un peu tendance à écra­ser les fréquences basses en mode passe-bas ? Il n’a donc pas la poly­va­lence d’un JP-8, mais là où il excelle, il est vrai­ment unique…


A due

 

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Le Synthex est un synthé poly­pho­nique 8 voix bitim­bral. Il peut opérer en mode Simple (8 voix), Split (2 programmes de 4 voix sépa­rés en un point à sélec­tion­ner) ou Double (2 programmes de 4 voix super­po­sés). On ne peut pas mémo­ri­ser les combi­nai­sons de deux programmes, contrai­re­ment à ce que peut faire un JP-8 par exemple. Contrai­re­ment à ses concur­rents de l’époque, le Synthex utilise des DCO, ce qui le rend tout de suite accordé et stable dans toutes les condi­tions. Pas éton­nant qu’il fut trim­ballé sur scène dans les pires condi­tions. On se souvient du concert des Docks de Londres de JMJ en 1989 sous les trombes d’eau, où « les Synthex pétaient sur scène », m’a un jour avoué Jean-Loup Dier­stein qui eut la lourde tâche de les répa­rer en live pendant le spec­tacle. Ils n’en génèrent pas moins un son large et géné­reux, surtout quand on les passe dans le chorus stéréo inté­gré. Il semble que leur qualité sonore tienne à leurs imper­fec­tions, approxi­ma­tions des ondes parfaites qu’ils cherchent à repro­duire. Chacune des 8 voix est consti­tuée de 2 DCO très complets et iden­tiques. Ils se règlent sur 1–2–4–8–16 pieds et s’ac­cordent sur 12 demi-tons via un poten­tio­mètre dédié. Ils peuvent ainsi couvrir 10 octaves !


On trouve les ondes triangle, dent-de-scie, carré, impul­sion variable et impul­sion pilo­tée par l’autre DCO. L’im­pul­sion variable est assi­gnée à un poten­tio­mètre qui règle sa largeur (0 à 100 %) ; l’im­pul­sion pilo­tée par l’autre DCO permet de créer une PWM dont la vitesse suit le clavier, évitant les vibra­tos exagé­rés en bas de tessi­ture lorsque cette tâche est confiée à un LFO. Chaque DCO peut modu­ler l’autre via une modu­la­tion en anneau numé­rique, ce qui permet un double Ring Mod, unique sur un synthé poly­pho­nique. On peut aussi synchro­ni­ser le DCO2 par le DCO1, d’où une palette sonore très riche avant même d’avoir attaqué le filtre. Chaque DCO possède son propre poten­tio­mètre de niveau. Aux deux DCO s’ajoute un géné­ra­teur de bruit, blanc ou rose, avec poten­tio­mètre de niveau dédié.


Espresso filtro

 

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Tout ce beau monde une fois mélangé attaque un filtre analo­gique multi­mode réso­nant. Bien plus puis­sant que ses concur­rents de l’époque, il offre 4 modes de réponse très complé­men­taires : passe-bas 4 pôles, passe-bande 1 pôle, passe-bande 2 pôles et passe-haut 2 pôles. La fréquence de coupure peut être modu­lée par une enve­loppe dédiée (avec inver­seur de pola­rité) et le suivi de clavier (réglage de 0 à 100 %). La réso­nance a un peu tendance à écra­ser le niveau des fréquences non filtrées. Un réglage de compen­sa­tion aurait été bien venu. Au-delà de 7 sur 10, elle pousse le filtre en auto-oscil­la­tion, sympa ! Les couleurs sonores que l’on obtient avec ce filtre multi­mode sont l’un des points forts du Synthex, notam­ment les ferme­tures lentes en modes BP et HP, impos­sible à créer sur les Prophet-5, OB-Xa, JP-8 et Memo­ry­moog de l’époque.


En sortie, le son passe par un VCA, modu­lable par une seconde enve­loppe dédiée, puis un chorus analo­gique stéréo basé sur des BBD, à 3 posi­tions : la première élar­git un peu le son, sans trop le déna­tu­rer (Leslie lent) ; la deuxième est un chorus prononcé, large et géné­reux (délais plus nombreux), qui conserve le grain sonore ; la troi­sième posi­tion, très pronon­cée, crée des inter­mo­du­la­tions dans le signal (délai nombreux et varia­tions de fréquence), pour un son tota­le­ment planant. Le VCA final est stéréo, permet­tant de pano­ra­miquer les voix paires et impaires de part et d’autre du spectre audio ; en mode Split/Double, on peut ainsi placer chaque son sur les canaux audio gauche et droit (Lower/Upper). Dernière remarque, il n’y a qu’un mode d’as­si­gna­tion des voix sur le Synthex : poly­pho­nique. On aurait aimé les modes mono et unis­son, bon tant pis…


Con espres­sione

 

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Pour faire bouger le son, le Synthex propose 2 LFO et 2 enve­loppes. Le premier LFO est le plus complet. Program­mable, il offre 4 ondes (triangle, dent-de-scie, rampe, carré – donc rien d’aléa­toire), un délai, une vitesse et une petite matrice permet­tant de l’as­si­gner à 2 groupes de desti­na­tions (A et B), avec 2 quan­ti­tés de modu­la­tion indé­pen­dantes ; le groupe A permet d’as­si­gner le Pitch et la PWM de chaque DCO, alors le groupe B permet d’as­si­gner le VCF et le VCA. Le second LFO, non mémo­risé avec les programmes, est dédié aux modu­la­tions en temps réel et piloté par le joys­tick. L’onde triangle qu’il génère, à fréquence réglable, peut être assi­gnée au Pitch ou au filtre (axe hori­zon­tal du joys­tick poussé vers la gauche ou vers la droite) avec quan­ti­tés sépa­rées. Un sélec­teur permet de défi­nir quels canaux sont affec­tés par le joys­tick, en mode Split ou Double.


On passe ensuite aux deux enve­loppes, routées respec­ti­ve­ment vers le filtre et le volume. Elles sont toutes deux de type ADSR, avec inver­sion de pola­rité sur l’en­ve­loppe de filtre. Les plages des segments de temps varient de 1 ms à 10 s, sur le papier du moins, car elles ne sont pas aussi rapides que la concur­rence. Elles béné­fi­cient de fonc­tions Hold (main­tien du Sustain) et Release (marche/arrêt du segment éponyme), communes aux deux. Dommage qu’on ne puisse les router vers d’autres desti­na­tions… Enfin, on trouve un module Porta­mento et Glide poly­pho­niques, ce dernier permet­tant un auto­bend vers le haut ou vers le bas à quan­tité et vitesse réglables, sur l’os­cil­la­teur de son choix. Idéal pour les balayages de synchro, faute d’en­ve­loppe assi­gnable au pitch. Un bon point !


A quatro


Le Synthex intègre un séquen­ceur à 4 pistes, chacune capable de mémo­ri­ser 256 notes. Toutes les commandes sont situées à gauche du clavier : fréquence (tempo), Gate, s élec­tion de la piste, trans­port et program­ma­tion. Chaque piste est mono­pho­nique et de durée indé­pen­dante (ce qui permet des séquences peu répé­ti­tives en consom­mant peu de pas). On peut enre­gis­trer en pas-à-pas ou temps réel. En pas-à-pas, on entre à la suite des notes seules, liées, piquées ou des silences. On peut annu­ler le dernier évène­ment entré (note, silence ou liai­son).

Quale futuro ?


Un projet de réédi­tion du Synthex a couru début 2015 du côté de la Finlande, mais la levée de fonds a échoué. Il faut dire que le teaser n’était pas très rassu­rant, genre un plan large d’un Synthex dans un entre­pôt rempli de cartons de pièces déta­chées… Sans aucun lien, Mario Maggi travaille sur une nouvelle version du Synthex à base de tech­no­lo­gies actuelles : plus d’in­fos ici.

 

En temps réel, les notes sont enre­gis­trées telles que jouées (y compris les silences, main­tiens et liai­sons) et quan­ti­sées à l’unique grille dispo­nible (suivant la posi­tion du poten­tio­mètre de fréquence, repé­rée par une LED qui bat en mesure) ; on peut entendre les pistes déjà enre­gis­trées au fur et à mesure (style Over­dub). En relec­ture, on peut trans­po­ser les séquences à la volée, par rapport au dos infé­rieur ou une note de réfé­rence (Key Set) ; on peut aussi défi­nir une note au-dessus de laquelle le séquen­ceur n’est plus déclen­ché/trans­posé. Enfin en mode Split, on peut assi­gner chaque piste au canal sonore de son choix. Un séquen­ceur sympa, dommage qu’on ne puisse le stocker dans chaque programme (une seule séquence).

 

10Cho­rus 0 I II III
00:0000:26
  • 10Cho­rus 0 I II III 00:26
  • 11 00:22
  • 13 00:21
  • 16Cho­rus 0 I II III 00:26
  • 17and19 00:23
  • 21 00:26
  • 22 00:26
  • 23 00:25
  • 25 00:14
  • 27 00:16
  • 28 00:28
  • 35 00:22
  • 42 00:51
  • 46 00:23
  • Basses 00:37
  • ChorusBPF 00:46
  • Double 00:19
  • Split 00:30

Fichiers Flac

 
Ad libi­tum

Retour vers le passé pour conclure notre test. Le Synthex fait partie des monstres sacrés ; malgré un physique impres­sion­nant, il est si facile à domp­ter. Excellent dans les sons poly­pho­niques en tout genre et les sons métal­liques, il est un peu à la traîne dans les basses claquantes et les effets extrêmes. On peut le trou­ver un peu trop sage dans ces domaines, voire lisse ; nous le trou­vons étin­ce­lant. Une section DCO avec un tas d’in­ter­ac­tions, un filtre multi­mode réso­nant des plus musi­caux, un petit séquen­ceur, un double chorus analo­gique et la possi­bi­lité de combi­ner deux programmes, voilà les atouts de cette machine magni­fique et rare. On peut regret­ter le manque de mémoires pour les programmes combi­nés, le clavier statique et l’ab­sence d’en­trée audio vers le filtre. Mais on comprend parfai­te­ment l’en­goue­ment pour ce bel italien, bien plus maes­tro que macho.

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  • ELKA Synthex : 024Midikit Mustudio
  • ELKA Synthex : 025Rev2 credit RL Music
  • ELKA Synthex : 027Stand credit synthfind
  • ELKA Synthex : 026Rev3 credit RL Music

 

Notre avis : 9/10

  • La couleur sonore étincelante
  • L’ergonomie exemplaire
  • Les interactions entre les oscillateurs
  • Le filtre multimode résonant
  • Glide et Portamento polyphoniques
  • Le chorus analogique stéréo
  • Le séquenceur 4 pistes intégré
  • Les modes Split/Double
  • La qualité de construction
  • Un peu trop sage au plan sonore
  • Pas de mémoires de performances
  • Pas de mode mono/unisson pour les voix
  • Le clavier statique
  • Pas d’entrée audio vers le filtre
  • Midi absent ou très limité

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