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Test du CS40M de Yamaha - Les classiques : Yamaha CS40M

8/10

À la fin des années 70, Yamaha décide de donner une suite à la géniale série CS50/60/80. Avec son petit frère CS20M, le CS40M est l’un des premiers synthés analogiques à mémoires numériques. Voyons comment la filiation s’est opérée…

Le CS40M fait partie de la série de synthés analo­giques program­mables CS20M/CS40M/CS70M, respec­ti­ve­ment mono­dique, duopho­nique et poly­pho­nique 6 voix. Disons-le d’em­blée, elle n’est pas la plus marquante dans l’his­toire du construc­teur nippon, et pour­tant… Sortie à partir de 1979, elle succède aux célèbres CS50CS60 et CS80 dont elle reprend une majeure partie des compo­sants. C’est en parti­cu­lier le cas pour les circuits inté­grés analo­giques maison très diffi­ciles à trou­ver aujour­d’hui, équi­pant les VCO, les Wave­sha­pers, les VCF, les VCA et les enve­loppes (à l’ex­cep­tion de l’en­ve­loppe de VCF ici iden­tique à celle du VCA). Bref, tout ce qui produit le son ! Elle y ajoute les mémoires numé­riques, mais reste anté­rieure à l’ère du MIDI, puisque le CS70M qui clôt la série sort en 1981. Ce seront d’ailleurs les derniers synthés analo­giques Yamaha de l’his­toire (en tout cas au moins jusqu’en 2016), qui va virer au tout numé­rique dès 1983 avec le DX7. Raison de plus pour propo­ser ce retour en arrière, qui nous permet de nous attar­der sur le grain si atypique de ces CS…

Au pays des merveilles

Yamaha CS40M : CS40M 1

Le CS40M fait partie de ces synthés géné­reux qui invitent à la mani­pu­la­tion. À tel point qu’il dépasse le gaba­rit de la plupart de ses congé­nères, y compris les gros poly­pho­niques, avec cette grande façade oblique. Il a l’en­com­bre­ment d’un clavier de 5 octaves, alors qu’il ne comporte que 44 touches, suffi­sant pour un synthé duopho­nique. La qualité de construc­tion est excep­tion­nelle, voire luxueuse : commandes parfai­te­ment ancrées offrant une résis­tance parfaite (même 37 ans après la mise sur le marché), coque métal, connec­tique vissée, façade bascu­lante pour accé­der à la partie élec­tro­nique, chemins de câbles méti­cu­leu­se­ment assem­blés, compo­sants déli­ca­te­ment soudés sur des cartes à simple face… sans oublier ce merveilleux formica telle­ment connoté 70’s qui encadre la machine, toute une époque !

Les carac­té­ris­tiques physiques sont impres­sion­nantes : 99 × 47 × 18 cm pour 21 kg, une pensée émue pour les Roadies qui se colti­naient de tels monstres ! Le CS40M est le plus abouti des « trois M » au plan des para­mètres de voix et le plus acces­sible pour la program­ma­tion, puisque toutes les commandes sont situées en façade, contrai­re­ment au CS70M qui en duplique certaines. Un vrai bonheur pour les doigts et les oreilles…Le panneau avant comprend ainsi 28 poten­tio­mètres, 12 curseurs linéaires, 8 sélec­teurs rota­tifs, 16 sélec­teurs simples et 16 boutons pous­soirs. Petite préci­sion, les poten­tio­mètres et inter­rup­teurs de couleur jaune sont program­mables par son, alors que les rares de couleur blanche sont géné­raux et non mémo­ri­sés.

Yamaha CS40M : CS40M 6

La partie infé­rieure de la façade est dédiée au program­meur numé­rique : 2 banques de 10 mémoires (conser­vées par 2 piles AA situées dans un compar­ti­ment direc­te­ment acces­sible sous la machine via une petite trappe), mode manuel, sauve­garde et fonc­tions Load/Save de l’in­ter­face cassette. Comme sur les premières machines à mémoires de l’époque (OB-1/FVS, Jupi­ter-4Kobol et plus tard Exagone), un programme n’est plus modi­fiable lorsqu’il est mémo­risé !

Le clavier de 44 touches est statique. Là encore, on ressent la qualité de construc­tion, avec de longues touches parfai­te­ment équi­li­brées, un toucher précis, une résis­tance et un rebond impec­cables. À sa gauche, une large zone comprend les molettes (pitch bend sans ressort et modu­la­tion) et les commandes de perfor­mance, non program­mables : inter­valle du pitch bend (octave, quinte, tierce), desti­na­tion de la modu­la­tion (VCO, VCO+VCF, VCF), durée du sustain (un release d’en­ve­loppe, en fait, avec choix de prio­rité de note), brillance (fréquence de coupure du VCF), temps de porta­mento et bascule porta­mento/glis­sando (chro­ma­tique).

Un petit tour du proprié­taire laisse décou­vrir une prise casque à l’avant-gauche (sous les molettes) et toute une connec­tique audio/CV à l’ar­rière : cordon secteur IEC (alimen­ta­tion interne), 3 sorties audio mono (XLR, jack basse impé­dance, jack haute impé­dance), 2 prises pour pédales inter­rup­teur (sustain, porta­mento), 2 prises pour pédales conti­nues (volume, filtre), 2 prises CV vers le VCF et le VCA (+ ou – 10V), 8 prises d’en­trées/sorties CV/Trig­ger (4 par voix, au format Hz/Volt), 2 prises pour l’in­ter­face cassette et un inter­rup­teur de protec­tion mémoire. Géné­reux…

Couleur CS

Yamaha CS40M : CS40M 15

Le CS40M contient 20 programmes effaçables. Nous n’avons pas retrouvé les sons d’ori­gine sur cassette, dommage pour le côté histo­rique, mais la machine est telle­ment inspi­rante que cela n’est au fond pas bien gênant… Avec sa struc­ture à 2 VCO, VCF, VCA, 3 enve­loppes, 1 LFO avec S&H, 1 modu­la­teur en anneau, il va de soi que la pano­plie sonore est large : basses grasses ou arron­dies au filtre passe-bas, leads flûtés ou agres­sifs, brui­tages, effets spéciaux et drones… on appré­cie assez vite d’avoir deux voix de poly­pho­nie sous la main, ce qui permet de jouer des solos sans couper la note précé­dente ou de petits passages duopho­niques. Les niveaux de sortie sont très élevés. La plupart du temps, on ne dépasse pas 50 % au réglage de volume final, pour finir à 0 dB à la console, préam­pli et fader à zéro.

Les basses sont énormes et explo­sives, conser­vant un côté brillant typique du filtre 2 pôles en mode passe-bas quand elles sont légè­re­ment filtrées. On se rend compte assez vite que la réso­nance n’écrase pas les autres fréquences. Grâce aux modes passe-bande et passe-haut, on peut créer des attaques inha­bi­tuelles, arri­vant par le haut du spectre. Cela se fait en conjonc­tion avec des enve­loppes capables d’al­ler très vite ou très lente­ment, notam­ment grâce à un mode qui multi­plie les temps par cinq. On appré­cie les possi­bi­li­tés de modu­la­tion qui permettent de créer des sons évolu­tifs, avec des subti­li­tés, notam­ment dans les modu­la­tions des VCO (pitch et largeur d’im­pul­sion modu­lés par un LFO ou une enve­loppe). Le Detune présent sur les 2 VCO permet d’ac­cor­der préci­sé­ment les oscil­la­teurs, pour des solos purs, ou d’élar­gir au contraire pour des leads un peu barrés. Le Ring Mod piloté par un LFO dédié permet de passer d’un son tout à fait sage à des textures métal­liques et des réso­nances aux couleurs parti­cu­lières : comman­dée par l’en­ve­loppe de VCO, la vitesse du LFO du Ring Mod peut aussi varier dans le temps, pour corser le tout. Bref, des tests sonores concluants…

01 Fade Bass
00:0000:26
  • 01 Fade Bass 00:26
  • 02 LPF Bass 00:17
  • 03 Bass Duo 00:39
  • 04 Low Bass 00:24
  • 05 Taurus Bass 00:33
  • 06 Rez Bass1 00:24
  • 07 Rez Bass2 00:17
  • 08 Rez Bass3 00:20
  • 09 Low Rez 00:39
  • 10 BPF Bass 00:22
  • 11 HPF Bass 00:22
  • 12 Strings Duo 00:29
  • 13 Strings Lead 00:22
  • 14 Brass Duo 00:19
  • 15 Lead Tuned 00:22
  • 16 Porta Gliss 00:18
  • 17 Ring Mod 00:43
  • 18 LPF Noise 00:22
  • 19 BPF Noise 00:31
  • 20 HPF Noise 00:27

Circuits maison

Yamaha CS40M : CS40M 2tof 018

Le CS40M est un synthé analo­gique duopho­nique. Les deux voix sont tota­le­ment iden­tiques et contrô­lées en même temps. La concep­tion élec­tro­nique interne est plutôt atypique, puisqu’au lieu d’avoir une carte complète iden­tique pour chaque voix, on a des cartes pour les sections des voix (VCO, VCF, VCA, modu­la­tions…). Du coup, les compo­sants sont placés en paral­lèle, un peu comme sur un synthé tota­le­ment analo­gique où le signal suit le parcours des commandes en façade (alors qu’ici, les commandes sont scan­nées et trans­for­mées en signaux numé­riques pour être stockées, avant d’être recon­ver­ties en signaux analo­giques pour pilo­ter les compo­sants qui produisent le son).

Les VCO sont des circuits inté­grés maison IG00153. Chaque voix en possède deux, tota­le­ment iden­tiques. On peut en défi­nir le registre sur 6 octaves (64, 32, 16, 8, 4, 2 pieds), la forme d’onde (triangle, dent de scie, impul­sion variable de 50 à 90 %) et l’ac­cor­dage fin (non program­mable). Nous verrons plus tard que les VCO peuvent être modu­lés indé­pen­dam­ment par diffé­rentes sources très bien pensées, agis­sant sur le pitch ou la largeur de l’onde impul­sion… Par contre, on note l’ab­sence flagrante de synchro des VCO, quel dommage ! Les 2 VCO passent dans un mélan­geur où ils rejoignent un géné­ra­teur de bruit rose, chacun possé­dant son propre poten­tio­mètre de dosage.

Yamaha CS40M : CS40M 10

Le signal attaque alors le filtre, lui encore maison, composé d’un circuit inté­gré IG00156. Il s’agit d’un filtre multi­mode réso­nant 2 pôles, capable de fonc­tion­ner en modes passe-bas, passe-haut et passe-bande. On lui doit le son CS carac­té­ris­tique, avec une belle colo­ra­tion et un grain profond, sans effon­dre­ment du signal à réso­nance élevée, conser­vant des basses impres­sion­nantes. Ce sont aussi des aigus capables de couper dans un mix. La réso­nance ne va pas jusqu’à l’auto-oscil­la­tion, elle s’ar­rête juste avant. La fréquence de coupure du filtre peut être pilo­tée par un LFO, une enve­loppe dédiée et le suivi de clavier (simple affaire de marche/arrêt). En sortie du filtre, le signal peut rejoindre direc­te­ment la sortie audio (inter­rup­teur en façade) ou passer par la section VCA (compo­sants maison IG00151), qui mérite que l’on s’y attarde un instant : plutôt qu’un simple ampli final modu­lable, elle peut mélan­ger les ondes sinus non filtrées des deux VCO, ce qui permet de renfor­cer la fonda­men­tale, bien utile pour peser davan­tage, notam­ment dans les basses. Les niveaux des ondes sinus ne sont pas mémo­ri­sés, curieux… Outre la modu­la­tion par le LFO, on peut aussi doser le niveau initial du VCA (c’est le volume mini­mal quand aucune note n’est jouée), une autre parti­cu­la­rité des CS de cette époque. Le volume final est ajus­table pour la sortie audio et sépa­ré­ment pour la sortie casque. Déci­dé­ment, le CS40M est bourré de VCA…

Modu­la­tions pous­sées

Yamaha CS40M : CS40M 11

S’il y a bien une section où le CS40M est bien doté, c’est au rayon modu­la­tions. Commençons par le LFO (compo­sant maison IG00150) : chaque VCO dispose de ses propres modu­la­tions (asso­ciées à un Wave­sha­per, compo­sant maison IG00158). Les routages sont multiples : pitch (ondes sinus, dent de scie ascen­dante, dent de scie descen­dante, carré, S&H), avec quan­tité de modu­la­tion program­mable. On peut aussi modu­ler la largeur d’im­pul­sion par l’onde sinus du LFO. Le LFO peut égale­ment modu­ler la fréquence de coupure du filtre et le volume final ; dans les deux cas, on peut indé­pen­dam­ment choi­sir la forme d’onde (sinus, dent de scie ascen­dante, dent de scie descen­dante, carré et S&H, unique­ment sur le VCF pour cette dernière) et la quan­tité de modu­la­tion. Le cycle est redé­clen­ché à chaque note ou par l’en­ve­loppe de VCO (AD bipo­laire). La vitesse du LFO varie de 0,1 à 100 Hz et peut être modu­lée par l’en­ve­loppe de VCO.

Yamaha CS40M : CS40M 7

Les enve­loppes sont au nombre de trois (géné­rées par des compo­sants maison IG00159). Elles se révèlent poly­va­lentes, claquantes ou longues, grâce à une posi­tion x5 sur les temps. L’at­taque varie de 0,001 à 1 seconde, le Decay et le Release de 0,1 à 10 secondes (le tout x1 ou x5). La première enve­loppe, de type AD, peut être utili­sée dans plusieurs sections simul­ta­nées : sur le pitch de chaque VCO, sur la largeur d’im­pul­sion de chaque VCO, sur la vitesse du LFO et sur la vitesse du Ring Mod, très sympa ! À chaque fois, on peut choi­sir la pola­rité de modu­la­tion et doser la quan­tité. La deuxième enve­loppe, de type ADSR, est assi­gnée au VCF ; on peut inver­ser sa pola­rité. Enfin, la troi­sième enve­loppe, égale­ment de type ADSR, est assi­gnée au VCA.

Termi­nons ce chapitre modu­la­tions par le modu­la­teur en anneau. Il ne s’agit pas ici d’une modu­la­tion issue de la multi­pli­ca­tion des signaux des VCO, mais un circuit global qui prélève le signal en sortie des VCA mélan­gés des deux voix. Il dispose d’un LFO indé­pen­dant, dont la vitesse peut être pilo­tée par l’en­ve­loppe de pitch. Il peut oscil­ler dans les niveaux audio, pour créer des timbres évolu­tifs bien distor­dus. Par contre, pas le moindre séquen­ceur ou d’ar­pé­gia­teur en vue, c’est bien dommage !

Conclu­sion

Le CS40M est une machine assez atypique. On le choi­sit pour son grain spéci­fique, son ergo­no­mie exem­plaire où tout tombe sous la main et ses possi­bi­li­tés de synthèse pous­sées pour l’époque. Tout cela lui confère variété et subti­lité sonores, quali­tés appré­ciées à leur juste valeur par tous les program­ma­teurs aguer­ris. Sans oublier les mémoires ! On regrette toute­fois l’ab­sence de synchro sur les VCO, d’ar­pé­gia­teur ou de séquen­ceur. Sa taille impo­sante et son poids exces­sif cantonnent aujour­d’hui le CS40M aux studios qui ont de l’es­pace pour les gros synthés, même duopho­niques ! Voilà donc une machine singu­lière qui occupe une place d’hon­neur – faute d’être au premier rang – parmi les synthés analo­giques vintage, qui plus est à un tarif d’oc­ca­sion encore acces­sible.

Télé­char­gez les extraits sonores (format FLAC)

  • Yamaha CS40M : CS40M 1
  • Yamaha CS40M : CS40M 2
  • Yamaha CS40M : CS40M 3
  • Yamaha CS40M : CS40M 4
  • Yamaha CS40M : CS40M 5
  • Yamaha CS40M : CS40M 6
  • Yamaha CS40M : CS40M 7
  • Yamaha CS40M : CS40M 8
  • Yamaha CS40M : CS40M 9
  • Yamaha CS40M : CS40M 10
  • Yamaha CS40M : CS40M 11
  • Yamaha CS40M : CS40M 12
  • Yamaha CS40M : CS40M 13
  • Yamaha CS40M : CS40M 14
  • Yamaha CS40M : CS40M 15
  • Yamaha CS40M : CS40M 16
  • Yamaha CS40M : CS40M 17
  • Yamaha CS40M : CS40M 2tof 018

 

Notre avis : 8/10

  • Le grain singulier des CS
  • Le niveau de sortie élevé
  • Les paramètres des VCO
  • La coloration du filtre
  • Les possibilités de modulation
  • Les enveloppes très souples
  • Le portamento avec glissando
  • Le modulateur en anneau
  • Les mémoires de programmes
  • Les commandes généreuses
  • La connectique bien fournie
  • La très belle qualité de construction
  • Pas de synchronisation des VCO
  • L’absence de Detune sur l’unisson
  • Pas d’arpégiateur ou séquenceur
  • Les mémoires figées une fois enregistrées
  • Le gabarit, pour ceux qui doivent le trimbaler

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