Après l’OB-Xa, l’OB-8 est le dernier synthé de la lignée des OB. Plus intégré, il embarque un peu plus d’électronique numérique tout en conservant en grande partie le caractère sonore de son prédécesseur…
La lignée OB est la réponse d’Oberheim aux différentes moutures du Prophet-5. Si l’OB-X de 1979 est une déclinaison directe des modules SEM du milieu des années 70, l’OB-Xa qui lui succède en 1981 est basé sur des circuits intégrés CEM (3340 pour les VCO, 3320 pour les VCF et 3310 pour les enveloppes). Le son est assez différent de son prédécesseur, cette fois caractérisé par une certaine rugosité brutale que les groupes de hard rock apprécient tant. Les fonctionnalités sont à peine plus performantes, mais l’OB-Xa est bitimbral, ce que l’adversaire de toujours n’est toujours pas capable de faire. Les choses vont très vite et en 1983, Oberheim sort le dernier modèle de la lignée, l’OB-8 : il conserve les principaux composants qui ont fait le son de l’OB-Xa, mais il est plus intégré, avec un processeur plus puissant, pour une bien meilleure stabilité. Ce contrôle du processeur et une conception différente de l’étage de filtrage vont lui conférer un son plus poli, certains diront moins intéressant, alors que d’autres le trouveront plus jouable. Outre la stabilité et la meilleure fiabilité, l’intégration du numérique lui donne d’autres avantages, comme des modulations beaucoup plus poussées et un arpégiateur, ce que nous allons découvrir sans plus tarder…
Big OB
L’OB-8 est embarqué dans la même carcasse métallique que l’OB-Xa, qui utilisait déjà la même que l’OB-X. Les flancs sont cependant en bois massif comme sur l’OB-Xa, plus fins et un poil plus petits que ceux en medium de l’OB-X. La sérigraphie initiale est quasi identique à celle de l’OB-Xa, avec les lignes horizontales bleues sur fond noir reprises sur le récent OB-6 de DSI. La machine mesure 102 × 51 × 15 cm et pèse 17 kg ; c’est donc la plus légère des trois, ce qui s’explique par une électronique interne rationalisée (deux grandes cartes voix analogiques et moins d’ajustables, ce travail étant confié au processeur).
L’OB-8 est d’emblée polyphonique 8 voix et bitimbral (Split/Double). Comme ses deux illustres prédécesseurs, toutes les commandes sont accessibles en façade, largement dimensionnées et réparties en sections sur toute la surface disponible (master, contrôle, modulation, oscillateurs, filtre, enveloppes, mode de clavier/partie éditée, programmeur…). L’OB-8 est un plaisir à programmer, avec une ergonomie de type une ou deux fonctions par bouton (mode « Page 2 » permettant un accès à des paramètres supplémentaires, sérigraphiés en bleu clair sur les modèles de la seconde génération – cf. encadré). On a sous la main 24 potentiomètres, 53 boutons poussoirs (la plupart à LED) et deux leviers. Les potentiomètres ne bougent pas sur leur axe (mais ont tendance à devenir durs avec le temps) et les poussoirs ont un clic bien franc. Amélioration par rapport à l’OB-X, l’édition bascule automatiquement dès que l’on modifie une commande (pas besoin de touche EDIT) et fonctionne par addition/soustraction de la valeur stockée ; il existe un mode MANUAL où la position des commandes reflète le son.
À gauche du clavier, les commandes se sont bien développées par rapport à l’OB-X : on retrouve les deux leviers de modulation (modulation/ Pitchbend), dont le mode d’action est inversé mais réversible ; le Pitchbend est à droite et peut agir entre 1/4 et 12 demi-tons, soit sur les 2 VCO, soit sur le VCO2 (utile lorsque les VCO sont synchronisés). Le levier de modulation est à gauche ; il pilote la quantité de LFO (LFO indépendant des LFO principaux) sur les VCO (VCO1, VCO2 ou les deux). L’action des leviers peut être activée/désactivée sur chaque timbre quand on utilise l’OB-8 en mode bitimbral (voir plus tard).
On peut transposer l’ensemble du synthé sur plus ou moins une octave. Les tout premiers modèles ont un clavier Pratt-Read de 5 octaves (comme l’OB-X et l’OB-Xa), vite remplacé par un Panasonic (comme le Memorymoog et le Matrix-12). Le clavier Panasonic est moins agréable au jeu que le Pratt-Read, mais bien plus facile à entretenir, puisqu’il n’y a rien à faire. Toute la connectique est située à l’arrière : 3 sorties audio jack (gauche, mono, droite), une interface cassette pour transférer les programmes (2 entrées ligne/micro et 1 sortie), 3 prises pour pédales interrupteurs (Sustain, avance programmes, Hold), 3 prises pour pédales continues (volume, quantité de modulation du levier, fréquence du filtre), une entrée horloge pour l’arpégiateur, un interrupteur secteur et une prise IEC 3 broches. L’alimentation interne fonctionne en 115 ou 230 V (sélecteur de tension situé à l’arrière). La position stéréo de chaque voix peut être réglée avec huit petits potentiomètres situés sur le panneau droit de l’OB-8, pratique…
Grain à moudre
L’OB-8 fait partie des rares synthés de l’époque dont les VCO sont accordés à l’allumage ou presque. On peut lancer un Autotune après quelques minutes, pour aligner tous les VCO et les leviers en une huitaine de secondes. Le reste du calibrage (en particulier les filtres et enveloppes), propre à chaque OB-8, est fait en usine, puis conservé en mémoire interne. Ces réglages sont aussi sauvegardés via l’interface K7 au moment où on sauve les programmes. Cela permet de remettre la machine à plat en cas de problème/changement de composants. Il ne faut surtout pas tenter de recalibrer un OB-8 avec la sauvegarde d’un autre OB-8, car les paramètres envoyés ne seront pas les bons !
L’OB-8 offre 120 programmes simples, 12 programmes Split et 12 programmes Doubles en mémoire réinscriptible. Il est donc bitimbral : mode Split (2 programmes séparés de 4 voix, avec point de séparation programmable) et mode Double (2 programmes empilés de 4 voix) : on peut transposer chaque partie, en désaccorder l’une par rapport à l’autre et régler la balance entre les deux.
Les programmes d’usine permettent déjà d’apprécier la variété sonore de la machine. A l’époque, les constructeurs se faisaient un devoir de fournir leurs synthés accompagnés de sons de qualité. Les exemples audio de ce test sont en partie tirés de la banque de sons originelle, nostalgie vintage oblige. L’OB-8 produit ce son léché pop/rock typique du début des années 80. Les cuivres sont gras et amples, avec une saturation naturelle dans le filtre. Les strings peuvent être soyeux ou glacials, selon les ondes des VCO et le mode de filtrage utilisés. Les Polysynths sont abondants, avec plus ou moins de filtrage et de subtiles évolutions qui démontrent déjà une section de modulations plus musclée que celle de l’OB-Xa (et l’OB-X). On note un bon équilibre entre les basses, les médiums et les aigus (là où l’OB-Xa accentue les basses et les aigus, comparativement). L’OB-8 est en fait plus neutre. Il est aussi capable de produire des sons d’orgue naturellement saturés type B3, avec une bonne patate sur l’attaque de percussion. Les basses sont bien présentes et ne se laissent pas couvrir par la richesse des sons d’ensemble. La synchro des VCO peut se montrer sauvage ou subtile, au choix. Enfin, les effets spéciaux font honneur à la section de modulations numériques, une première à l’époque sur un synthé analogique polyphonique. Sans oublier le petit arpégiateur fort bienvenu !
- 01 Brass1 00:26
- 02 Brass2 00:24
- 03 Strings1 00:35
- 04 Strings2 00:57
- 05 Res Pad 00:36
- 06 Poly1 00:17
- 07 VibrArp 00:43
- 08 Be Free 00:17
- 09 Mod1 00:20
- 10 Clav Sync 00:23
- 11 Soft Sync 00:28
- 12 Porta Res 00:17
- 13 Split Vocal 00:44
- 14 Split Brass 00:31
- 15 Split Poly 00:22
- 16 Split Organ 00:11
- 17 Split Reg 00:25
- 18 Dual1 00:17
- 19 Dual2 00:40
- 20 Dual3 00:30
Huit de base
Contrairement à ses prédécesseurs que l’on pouvait acquérir en 4, 6 ou 8 voix, l’OB-8 est de base polyphonique 8 voix et bitimbral. Ceci est possible par une rationalisation complète de l’électronique interne, avec beaucoup moins de connecteurs peu fiables, moins d’ajustables manuels et plus de contrôle par le processeur. Les 8 voix sont ainsi intégrées sur deux grandes cartes électroniques de 4 voix chacune, superposées et bien optimisées, débarrassées des affreux connecteurs Mollex utilisés sur des séries précédentes. La technologie employée est identique à l’OB-Xa et en rupture avec l’OB-X. Les VCO sont des circuits intégrés CEM3340, les VCF des CEM3320 et les enveloppes des CEM3310 (seul point commun avec l’OB-X). Pour chaque voix, on a 2 VCO, 1 VCF, 1 VCA et 2 enveloppes. Les VCO peuvent générer des ondes en dent de scie, impulsion variable ou triangle, les deux premières étant cumulables. La largeur d’impulsion est indépendante pour chaque VCO, il suffit pour cela d’appuyer sur l’onde d’impulsion du VCO souhaité et de régler sa largeur initiale avec le potentiomètre commun (50 à 5 %).
La X-Mod a disparu depuis l’OB-Xa. On ne garde comme interaction de VCO que la synchro du VCO2 par le VCO1. On gagne en revanche la possibilité de moduler la fréquence du VCO2 par l’enveloppe de filtre (routée avec la quantité de modulation programmée pour le VCF), utile pour les sons de synchro balayées. Les VCO peuvent être accordés par demi-tons sur 4 octaves et finement désaccordés. Le mélange des sources sonores est des plus basiques : marche/arrêt pour le VCO 1, marche/réduit pour le VCO2 (à fond ou –5 dB) et marche/arrêt pour le générateur de bruit rose. Les voix peuvent être jouées en cycle polyphonique ou à l’unisson mono (avec Detune programmable via la Page 2, cf. paragraphe modulations).
Le filtre passe-bas résonant fonctionne suivant les modes 2 et 4 pôles. Leur comportement est très différent : en mode 2 pôles, pousser la résonance augmente le niveau audio du signal ; en mode 4 pôles, cela réduit le niveau global. On obtient ainsi une belle diversité de sonorités, entre filtrage brutal et subtil ; rien à voir avec le filtre 2 pôles SEM discret de l’OB-X, brillant et généreux. Ici, on est beaucoup plus proche du filtre de l’OB-Xa, avec une résonance plus oscillante que colorante. Mais il y a des différences dans le niveau d’entrée et les composants attenants entre l’OB-Xa et l’OB-8 ; par ailleurs, l’OB-Xa commute entre deux CEM3320 pour les modes 2 et 4 pôles, alors que l’OB-8 utilise le même CEM3320 pour les deux. Cela explique en partie les différences de grain, avec plus de brutalité et de basses sur l’OB-Xa, surtout à résonance élevée. Cela explique aussi pourquoi un OB-Xa est si difficile à garder bien calibré !
Un potentiomètre contrôle la modulation de la fréquence de coupure (et le pitch du VCO2) par une enveloppe dédiée (quantité positive uniquement) et un interrupteur permet de définir si elle suit ou non le clavier. Vient ensuite le VCA, avec panoramique réglable pour chaque voix (avec les potentiomètres du flanc droit déjà décrits). Les fonctions Hold et Chord permettent de maintenir des notes, de définir un accord ensuite transposé au clavier ou de faire les deux en même temps, seul on en conjonction avec l’arpégiateur, dont nous parlerons plus tard. Le mode Chord peut agir jusqu’à une certaine note, programmable.
Modulations étendues
L’OB-8 dispose de 3 LFO : un LFO par programme (donc un en mode simple et un pour chaque son en mode bitimbral) et un LFO global dont les commandes sont situées à gauche du clavier. Pour ce dernier, les ondes sont sélectionnables avec le levier de pitch et le potentiomètre-interrupteur Rate (triangle, carrée, dent de scie, rampe, bruit, S&H). La quantité de modulation est pilotable par le levier de modulation ou un potentiomètre-interrupteur DEPTH branché à l’arrière. Il est assignable à chaque VCO et à chaque canal sonore en mode bitimbral. Le LFO principal (ou les deux en mode bitimbral) est programmé dans chaque Patch. Il peut osciller entre 0,67 et 50 Hz. Il offre les ondes sinus, carrée, S&H, dent de scie ascendante, dent de scie descendante et différents modes de redéclenchement de cycle. Il existe deux bus de modulation par LFO, chacun avec sa propre quantité : fréquence du VCO1, fréquence du VCO2, coupure du filtre pour le premier bus ; PWM1, PWM2 et volume pour le second (enfin le volume devient modulable par le LFO !). On trouve aussi deux enveloppes par programme, l’une assignée au filtre et routable vers le pitch du VCO2, l’autre routée vers le VCA. Elles sont de type ADSR, avec une plage de réglage très confortable, permettant à la fois une bonne pêche et des temps longs. On peut couper le segment de Release à la volée en appuyant sur la touche WRITE, pas mal.
Plus puissant que l’OB-Xa, l’OB-8 intègre une série complémentaire de 24 paramètres liés à sa nature numérique, ce qu’on appelle plus communément « la Page 2 ». Ces paramètres ont été développés en plusieurs étapes. On trouve d’ailleurs deux manuels de la Page 2, avec la première série de paramètres puis le tout (OS supérieur à A8). Ils finiront tous sérigraphiés en façade des derniers OB-8. L’ensemble de ces paramètres font préférer l’OB-8 à l’OB-Xa aux amateurs de modulations et préfigurent la génération suivante de gros polyphoniques Oberheim : les Xpander/Matrix-12.
Que trouve-t-on dans cette fameuse Page 2 ? D’abord, la possibilité de désactiver chacune des 8 voix de la machine à l’aide des 8 boutons de programmes (utile en cas de panne de composant analogique) et de désaccorder les voix, bien utile en mode unisson. Ensuite, des paramètres supplémentaires pour le LFO : quantification des formes d’onde pour chaque bus de modulation, redéclenchement à chaque nouvelle note en un point du cycle à définir, déphasage entre les voix 1–4 et 5–8 (0–90–180°), suivi de clavier sur la fréquence (200 % toutes les 4 octaves), modulation de la vitesse par l’enveloppe de filtre. On peut aussi inverser la modulation du LFO sur la fréquence et sur la largeur d’impulsion du VCO1. On trouve également 2 enveloppes simplifiées agissant sur les 2 quantités de modulation des bus du LFO : délai, attaque, inversion de rampe (permettant de faire apparaitre ou disparaitre les modulations de LFO). Enfin, le portamento polyphonique bénéficie lui aussi de nombreuses améliorations : autobend programmable, alignement de la vitesse pour toutes les voix, mode glissando par demi-tons, déclenchement sélectif sur les notes liées, Equal Time (temps constant quel que soit l’intervalle entre les notes) et mode exponentiel (ralenti à l’arrivée de la note de destination). Voilà pourquoi l’OB-8 est capable de produire des sons évolutifs qui laissent ses prédécesseurs sur la touche…
Arpégiateur
Contrairement à ses prédécesseurs (et certains successeurs), l’OB-8 propose un arpégiateur, accessible à partir du panneau à gauche du clavier. Il partage certaines commandes avec la section de modulation située au même endroit. On en active la programmation en appuyant sur la touche MODE, qui alterne les commandes entre arpégiateur et modulations.
On peut régler la vitesse d’arpège, le motif de lecture (haut, bas, alterné, aléatoire), le maintien (des notes ou des accords automatiques) et le timbre de destination en mode bitimbral (l’un, l’autre ou les deux sons peuvent ainsi être arpégés). Autant subtile qu’utile, la fonction de transposition permet de transposer les arpèges suivant 5 intervalles programmables à chaque répétition de motif, au-dessus ou en dessous des notes jouées, bien plus malin que l’habituelle transposition d’octaves. Dommage qu’Oberheim ait plus tard abandonné l’arpégiateur sur l’Xpander et le Matrix-12 !
Conclusion
L’OB8 est une version améliorée de l’OB-Xa avec lequel il partage la quasi-totalité de l’électronique analogique, mais celle-ci est plus optimisée et bénéficie d’un contrôle renforcé du processeur sur le calibrage et les modulations. Il n’a pas l’aura de l’OB-Xa (qui lui, a fait Jump !), mais il en reprend pourtant en grande partie le grain (certes un peu moins gras et bourrin, mais plus stable et subtil). Il possède toutefois bien plus de possibilités de modulations, qui ouvrent le champ de la modularité et préfigurent les grosses matrices de modulations programmables. Il est aussi plus fiable, débarrassé des affreux connecteurs internes Mollex, ce qui n’est pas négligeable. Parmi ses qualités indéniables, le son Oberheim, la simplicité d’utilisation, la bitimbralité, les modulations et l’arpégiateur qui le démarquent de ses prédécesseurs. Plus polyvalent, il produit non seulement des cordes, des cuivres et des ensembles polyphoniques légendaires, de très belles synchro fines ou rageuses, mais aussi des effets spéciaux variés et de belles textures évolutives. À mi-chemin entre l’OB-X et les Matrix, il est la transition entre deux univers technologiques, en conservant cet ADN Oberheim si recherché…
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