Après nous avoir fait groover tout l'été avec la MC-505, Roland greffe un clavier et une Rom étendue à sa Groovebox. Très polyvalente, voilà une belle usine à groove pour les cigales des musiques qui bougent et les autres. De quoi ne pas être dépourvu quand l'hiver sera venu. Let's groove again !
Cette année, l’excellente MC-505 en a fait raver plus d’un dans les boîtes branchées. Avec ses mini-séquences techno / dance / hip-hop de fort bonne facture et des outils pour se fabriquer rapidement des rythmiques professionnelles presque par magie, Roland a mis entre nos doigts une machine très réussie. Mais pour ceux qui souhaitaient envoyer le solo « live » ou plaquer des accords staccato à 25 doigts, les 16 (tout petits) pads ne représentaient pas le contrôleur adéquat. Avec son confortable clavier 5 octaves, le JX-305 se veut l’outil idéal de ceux qui savent taper à la Groovemachine avec plus de deux doigts. De plus, Roland en a profité pour élargir la palette sonore de l’engin, avec des nouvelles ondes en Rom et pleins de nouveaux programmes. Concentrons-nous sur ces nouveautés, le banc d’essai de la MC-505 ayant déjà couvert en détail les fonctionnalités communes aux deux Groovers Roland.
Salle de contrôle
Depuis quelques temps, le bleu indigo est à la mode (AN1x, Microwave II, K2000VP, Supernova…), finies les machines aux couleurs sombres un peu austères. Le Groovesynth n’y échappe pas. Avec ses 61 touches (sensibles à la vélocité et à la pression), son panneau de commandes très compact (pas plus profond que le clavier) et un poids raisonnable (7 kg à peine), le JX-305 est facilement transportable. La face arrière abrite l’entrée pour alimentation externe (snif), l’unique sortie stéréo jack 6.35 (SNIF), la prise casque, 3 entrées pour pédales (tenue, contrôle continu et interrupteur), le trio Midi au complet et l’interface pour carte Smartmedia 2 ou 4 Mo (compatibilité ascendante et descendante avec la MC-505 avec quelques restrictions, en descendance, sur les sons utilisant les nouvelles formes d’ondes). On salue la prise Midi Thru et on pleure la disparition des quatre sorties supplémentaires de la MC-505.
Par contre, la face avant est bien pourvue et invite davantage à l’expérimentation et aux performances temps réel. Pas moins de 9 gros potentiomètres rotatifs multifonctions (mixage, édition des paramètres de synthèse) partagent la vedette avec 55 boutons (dont 32 sont lumineux) entourant un petit LCD éclairé 2×16 caractères. Par rapport à la MC-505, on perd le double affichage numérique des patterns, la mixette (dommage) et le DBeam (DOMMAGE). Par contre, outre le clavier, on gagne les touches de sélection directe des banques sons, la sound palette (permettant de régler à la volée un même paramètre sur les quatre partiels) et un mode split / dual (yeah !). Enfin, le bâton de joie (bender / modulation) figure en bonne place et prouve s’il en était besoin que le JX-305 est bien un Roland. Mieux, le pitchbender, la modulation et l’aftertouch peuvent être assignés à 4 contrôleurs chargés de piloter 4 destinations dans une liste de 15 (pitch, cutoff, résonance, panoramique, LFOs…) avec intensité séparée. Bref, on va pouvoir y mettre les doigts !
Marque de fabrique
Rappelant la philosophie des machines à groove Roland et des workstations XP, le JX est un véritable synthétiseur polyphonique 64 voix (130 paramètres par programme et 50 par note en mode drums !) et multitimbral sur 8 canaux de base auxquels s’ajoutent 16 canaux RPS (nous y reviendrons). La partie synthèse, basée sur la lecture d’échantillons, puise ses formes d’onde parmi 636 multisamples et percussions (505 sur la MC). Dans un programme simple, jusqu’à 4 oscillateurs regroupés 2 à 2 en structures (avec modulation en anneau, booster et crossfade commandé par la vélocité) sont envoyés par paire dans 2 filtres multimode résonants en série ou parallèle (un limiteur de résonance, que nous avions trouvé sifflante sur la MC, a été ajouté et peut être débrayé) puis dans un amplificateur. Pour moduler le tout, on dispose de 3 enveloppes (hauteur, filtre et volume) à 8 paramètres et 2 LFOs synchronisables au séquenceur (hauteur, filtre, volume, panoramique).
En mode drums, les ondes sont réparties sur le clavier et sont indépendamment traitées par les paramètres de synthèse. Pour habiller le tout, 3 processeurs d’effets (réverbération, délai et multi-effet) viennent en bout de chaîne. Sur ce point, Roland a doté la machine de 32 combinaisons d’effets presets (16 sur les programmes et 16 sur les rythmes) permettant de tester à l’aide des touches de sélection de banque des ambiances sonores variées à l’aide des 3 processeurs, afin de ne pas partir de zéro.
Les 640 programmes d’usine (512 sur la MC) couvrent d’une part les canons de la techno / dance (basses synthé, leads, nappes, panoplie de toutes les TR Roland) alors que 256 emplacements permettent les sauvegardes utilisateur. D’autre part, le panel sonore de la MC a été étendu aux sonorités acoustiques (cordes, piano acoustique et électriques, orgues, accordéons, guitares, instruments à vent et percussions) tirées du SC-880. Cet ajout pseudo GM sur une machine au départ orientée techno est très appréciable pour sortir des sentiers battus (je me demande ce que donnerait un Midifile de Dorothée au beau milieu d’une rave !). Plus sérieusement, avec sa Rom (équivalente à 40 Mo) étendue très musicale, le JX-305 affiche une remarquable polyvalence et marche sur les plates bandes des gros lecteurs d’échantillons. Bravo !
Sons à la chaîne
Pour enchaîner toutes ces sonorités dans des rythmiques effrénées, le JX dispose de trois séquenceurs distincts : les patterns (avec édition microscopique), les RPS et l’arpégiateur. Là encore, la philosophie reste la même que sur la MC-505, bien que le nombre de patterns et RPS ait été revu à la hausse. En plus des 248 patterns techno, drum’n’bass, hip-hop, house, jazz, reggae et latin, 26 rythmes grunge, blues et funk et groove ont été ajoutés. Les patterns sont toujours aussi excellents, avec évolutions tonales synthétiques et autres staccato qui s’étagent de 2 à 16 mesures. De plus, le choix et la variété des sonorités utilisées est un sans faute et confère à l’ensemble un rendu professionnel indéniable. Bien sûr, il est toujours possible de muter au vol une ou plusieurs pistes, sachant que la huitième, dédiée aux percussions, est elle même subdivisée en 8 parties mutables à volonté. De même, les paramètres de synthèse et les départs vers les trois bus d’effets sont altérables et enregistrables en temps réel. D’ailleurs, 200 mémoires sont prêtes à accueillir les patterns utilisateur (75000 notes) et 50 songs permettent l’enchaînement de plusieurs patterns avec transposition, statut des pistes et répétition.
Si l’on perd la fonction Megamix de la MC-505 (dissociation et remixage des pistes de patterns adjacents en temps réel), on gagne la transposition des patterns au vol ainsi que 30 sets de patterns à définir permettant d’en appeler directement 16 à l’aide des 16 touches de sélection de banques. Simple et efficace ! Toujours plus groovy, 496 motifs RPS peuvent être lancés (8 simultanés) depuis les 16 touches inférieures du clavier, en parfaite synchronisation avec le séquenceur, histoire de personnaliser nos performances temps réel. Ce sont donc 16 pistes multitimbrales parmi 24 qui peuvent tourner en même temps et même accélérer ou ralentir (vitesse + tonalité) avec le pitchbender grâce à la fonction Turntable. Et si cela ne suffit pas, l’arpégiateur, en tout point identique à celui de la MC-505 met à notre disposition 53 motifs qu’il sera possible de lancer à la volée ou d’utiliser comme source d’événement Midi pour programmer une piste de pattern. Touchy groovy !
Sortie d’usine
Le JX-305 est une heureuse addition à la Groove Family Roland mais son puissant moteur de synthèse fait penser à une hybridation avec la série des XP. De plus, son clavier très correct de 5 octaves sensible à la vélocité et à la pression ainsi que son panel sonore étendu en font une machine très conviviale et polyvalente. De même, l’organisation et la surface allouée aux commandes plaident en faveur d’une utilisation en direct sécurisante. Nous regrettons en fait l’unique sortie stéréo, la disparition de la mixette si pratique sur la MC-505 et peut-être l’absence d’une fonction arrangeur qui aurait été plus souple qu’une simple transposition au vol.
Puisqu’il est plus polyvalent que sa sœur aînée, le JX-305 s’adresse à une cible beaucoup plus vaste que le Sirius de Quasimidi déjà apprécié dans nos colonnes. En faveur de ce dernier, le vocodeur, la synchronisation audio et le panneau constellé de commandes. Pour le JX, la polyphonie, le territoire sonore universel, la polyvalence et l’interface Smartmedia. Bref, Roland nous propose un bel instrument qui va bien au-delà de la simple machine pure dance et qui donnera des frissons tout l’hiver aux musiciens qui ne tiennent pas en place. A groover noir sur blanc sur la liste des cadeaux de Noël !
Glossaire
RPS : mini-séquences rythmiques monotimbrales pré-enregistrées (équivalentes à une piste d’un pattern) qui peuvent être déclenchées en temps réel et en parfaite synchronisation à partir des touches basses du clavier.
Edition microscopique : sur un séquenceur, faculté d’éditer chaque événement Midi constituant une piste (notes, contrôleurs, changement de programmes, altération du tempo, messages de Sysex…) en les faisant défiler un par un.
Slicer : effet techno spectaculaire présent sur le JX-305, dont le rôle est de découper en tranche un son tenu suivant une rythmique et une division temporelle à définir. Idéal pour les effets staccato sur des nappes à balayage de filtre.