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Interview / Podcast
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Derrière le son de Fanny Pisonero (SCH, Dadju, Hatik, Alonzo, La Zarra)

Elle sait ce qu’elle veut et ça lui réussit. Depuis près de 10 ans maintenant, elle officie comme ingénieure du son dans différents studios français, et collabore avec de grands noms de la musique urbaine. À mesure que le temps passe, son palmarès grandit et les idées de projets fusent. Partons ensemble derrière le son de Fanny Pisonero.

Derrière le son de Fanny Pisonero (SCH, Dadju, Hatik, Alonzo, La Zarra) :

Salut, est-ce que tu peux te présen­ter rapi­de­ment ? 

Bonjour, je m’ap­pelle Fanny, je suis ingé­nieure du son en studio d’en­re­gis­tre­ment et de mixage depuis presque 10 ans main­te­nant. J’ai commencé ma carrière au studio Météore à Châte­let Les Halles. J’ai passé plus de 5 ans dans les studios pari­siens avant de reve­nir vivre dans le sud, aujour­d’hui je suis actuel­le­ment au studio G8 Records à côté de Marseille. 

Tu aurais des exemples de projets sur lesquels tu as travaillé ?

J’ai eu la chance de travailler avec beau­coup d’ar­tistes issu·es de la musique urbaine comme SCH sur son dernier projet JVLIVS 2, pour lequel j’ai fait les titres Crack et Mann­schaft en feat avec Freeze Corleone. Gradur, j’ai bossé sur la plupart des titres de son premier album, L’homme au bob. Rohff aussi, sur son dernier album sorti hier, et beau­coup beau­coup d’autres : Sadek, Alonzo, Hatik, Dadju, Kayna Samet, Naps, La Zarra, Vege­dream… la liste est longue et dispo­nible sur le site Genius !

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[L’en­re­gis­tre­ment] est le moment où on échange le plus avec l’ar­tiste et pour­tant on ne se parle pas forcé­ment

Comment es-tu arri­vée dans la musique ? Quel est ton parcours ?

J’ai toujours baigné dans le monde de la musique, plus parti­cu­liè­re­ment dans le monde du hip-hop avec mon grand frère âgé de 7 ans de plus que moi. La musique c’est quoti­dien, c’est une passion chez nous. Très jeune je m’amu­sais déjà avec la sono de mon père, à faire des réglages parfaits. J’ai toujours été atti­rée par ce côté tech­nique dans la musique. Plus tard à l’école, j’ai rencon­tré une cama­rade de classe qui m’a invi­tée à visi­ter le studio de son père, et ça a été le déclic. J’ai vite quitté le cursus scolaire pour rentrer Instruments et matériels audio : Rouben.Photography 2021_3dans la vie active afin de pouvoir finan­cer une école de son (les ateliers de l’image et du son à Marseille). Cette année d’école m’a permis de faire des stages, dont un au studio Météore à Paris, où l’in­gé­nieur du son Jéré­mie Tuil m’a prise sous son aile et appris le métier de A à Z.

Voilà à peu près mon parcours en version courte. J’ai quitté l’école à 16 ans et je suis deve­nue offi­ciel­le­ment ingé­nieure du son a 22 ans, le parcours a été long et semé d’em­bûches. 

Actuel­le­ment, quelle est ta prin­ci­pale casquette ?

Je me présente clai­re­ment comme une ingé­nieure du son d’en­re­gis­tre­ment. Le mix c’est passion­nant, mais ce que j’aime c’est être dans le vif de l’ac­tion. Je trouve égale­ment que c’est là que le titre se construit réel­le­ment sur le côté artis­tique, c’est à ce moment qu’on peut inter­ve­nir dans la réal (ou les arran­ge­ments). C’est vrai­ment ce que je préfère dans mon travail. Peu d’ingé sons comprennent mon choix de vouloir faire plus de rec que de mix, mais j’ai une rela­tion parti­cu­lière avec les artistes avec qui je bosse. Pendant le mix cette rela­tion ne s’ins­talle pas de la même façon, le moment où l’ar­tiste enre­gistre c’est le moment où on échange le plus avec l’ar­tiste et pour­tant on ne se parle pas forcé­ment … L’échange n’est pas verbal, la musique, le son sont des pouvoirs de commu­ni­ca­tion incroyables. 

Tu bosses où ? Quelle est ta confi­gu­ra­tion ?

Je suis indé­pen­dante et je peux travailler dans n’im­porte quel studio, j’ai fait ce choix afin de me former “tout terrain”, car ça force à l’adap­ta­tion. Il y a quand même un studio où je suis rési­dente la plupart du temps, c’est le studio G8 Records à côté de Marseille. Courant 2022, j’ai pour projet de me poser enfin et d’ou­vrir mon propre studio à la fron­tière luxem­bour­geoise, un complexe audio­vi­suel où je serai en charge de la partie audio. C’est beau­coup de travail, mais  je veux le meilleur studio de la région ! Rouben.Photography 2021_23Géogra­phique­ment je serai à 15 minutes du Luxem­bourg et de l’Al­le­magne, à 1h30 de Paris en train, à 2h de Bruxel­les… le marché de la musique est super inté­res­sant là bas. Affaire à suivre !

Actuel­le­ment donc, à G8 Records, notre confi­gu­ra­tion est très simple: Pro Tools sur Mac, et une carte son Univer­sal Audio, avec quelques-uns de leurs super plug-ins. Pour la prise de son, nous avons une tranche Neve 1073 et le Tube Tech CL1B pour compres­ser un peu la prise, le tout avec un micro Neumann U87. À ça s’ajoute un nombre incal­cu­lable de plug-ins. En système d’écoute, nous possé­dons des enceintes Focal Twin6 Be et les Yamaha NS10M dont je ne me passe­rai jamais. 

Quel serait ton TOP 3 concer­nant le matos, et pourquoi ces 3 choix ?

Alors, je dirais : 

  1. Le Manley Vari MU, qui est pour moi un des plus beaux compres­seurs que j’ai utili­sés dans ma vie. On peut l’uti­li­ser dans n’im­porte quel style musi­cal, il est chaleu­reux et telle­ment facile d’uti­li­sa­tion. Moi je l’uti­li­sais beau­coup en compres­sions paral­lèles sur mes drums dans mes mixs.
  2. La tranche Neve 1073, avec laquelle je fais mes prises de voix, elle colore telle­ment peu et c’est telle­ment rare qu’un hard­ware soit aussi neutre que j’avoue beau­coup l’ap­pré­cier.
  3. Le H3000 d’Even­tide. Je l’ai utilisé dans le premier studio où je travaillais et  je me réga­lais avec leurs presets. Ses combi­nai­sons d’ef­fets sont juste incroyables, ça fait long­temps que je ne l’ai plus utilisé, mais il y avait un preset que j’ado­rais c’était Magic Air. J’ai beau­coup utilisé ce preset sur des voix fémi­nines par exemple. 
Manley Labs Stereo Variable Mu : Manley Labs Stereo Variable Mu (25425) AMS-Neve 1073 : AMS-Neve 1073 (33868) H3000-Header-scaled

Quel est ton plug-in favori et pourquoi ? Quel est celui que tu utilises le plus et pourquoi ? Ton TOP 3, et pourquoi ces 3 choix ?

Là je vais nette­ment moins réflé­chir ! Sans hési­ta­tion mon préféré et égale­ment celui que j’uti­lise le plus c’est le CLA Vocals de chez Waves V-EQ 3 : cla-vocalsWaves. Les presets de ce plug-in sont juste incroyables, j’ai modi­fié à ma manière le preset Space­man et l’uti­lise vrai­ment tous les jours !

Mon top 3 serait : en premier donc le CLA Vocals, en deuxième posi­tion le Micro­Shift de chez Sound­toys, le meilleur outil de modu­la­tion du pitch selon moi, que ce soit pour sa couleur ou sa faci­lité d’uti­li­sa­tion et pour finir en dernière posi­tion je dirais le Waves Tune Real-Time de chez Waves (oui, je suis une grande fan de Waves) qui est mon hard­tu­ner fétiche. À eux 3 combi­nés, j’ar­rive à faire chan­ter n’im­porte qui. J’ai sauvé pas mal de titres avec ces effets…

Quel est, selon toi, le hard­ware ou soft­ware le plus sous-estimé et pourquoi ?

Le Waves Tune Real-Time, juste­ment. Antares a clai­re­ment pris le dessus du marché en termes de hard­tu­ner mais quand même, je pense réel­le­ment que celui de Waves possède une meilleure couleur. Il est plus actuel, les artistes urbains recherchent ce grain. C’est moins le réglage que le choix de l’ou­til qui est impor­tant.

le meilleur conseil qu’on m’ait donné ça a été de faire confiance à tes oreilles, mais de les travailler sans cesse.  C’est pour ça que j’écoute de tout.

Quel est l’ins­tru­ment ou toute autre pièce hard­ware que tu rêves de t’of­frir ?

Honnê­te­ment, je suis une enfant du numé­rique. Ce sont tous les plug-ins du monde que je rêve de m’of­frir. Mais j’ai rêvé pendant des années d’avoir un micro VM1 de chez Brau­ner. Il a un médium telle­ment natu­rel et des aigus si doux, c’est un bonheur surtout sur une voix de femme. J’es­père d’ailleurs qu’il fera partie de mon projet de studio dans le Grand Est. 

Est-ce qu’il y a un conseil ou autre que tu as reçu un jour et qui a changé ta façon de voir ou de faire les choses ? 

Qu’il n’existe aucun code, aucune règle dans la musique. Mon oreille n’était fran­che­ment pas déve­lop­pée quand j’ai commencé, je n’avais aucune notion musi­cale, et le meilleur conseil qu’on m’ait donné ça a été de faire confiance à tes oreilles, mais de les travailler sans cesse.  C’est pour ça que j’écoute de tout. Être ouverte musi­ca­le­ment c’est très impor­tant pour pouvoir propo­ser des effets ou donner des conseils aux artistes avec qui je travaille. Le fait de ne pas travailler toujours dans le même studio est très forma­teur pour les oreilles aussi. Je n’ai jamais pris de cours de musique, mais avoir certaines notions musi­cales c’est impor­tant, j’ai appris seule, car j’y arri­vais mieux comme ça, mais j’ai appris quand même. C’est bête, mais par exemple, on ne règle pas un hard­tu­ner au hasard ! Je vois beau­coup de jeunes ingés se fier aveu­glé­ment à des plug-ins tels qu’Auto­key et c’est une catas­trophe ! On ne peut pas tout remettre sur le dos de nos plug-ins. On se doit d’avoir le mini­mum de connais­sances musi­cales. 

Le fait qu’on me conseille de travailler mon oreille m’a permis de comprendre tout ça.

Aujour­d’hui l’in­for­ma­tion et l’ap­pren­tis­sage sont à la portée de tous mais l’amour du métier lui il ne s’ap­prend pas. Soyez passion­né·es.

Instruments et matériels audio : Rouben.Photography 2021_33Est-ce que toi tu aurais un conseil à donner ?

Oui, je dirais à toute personne qui a envie de deve­nir ingé son de s’ac­cro­cher, de se passion­ner pour son travail car sans la passion il ne peut pas y avoir de magie dans nos mixs. Aujour­d’hui l’in­for­ma­tion et l’ap­pren­tis­sage sont à la portée de tous mais l’amour du métier lui il ne s’ap­prend pas. Soyez passion­né·es. Vous aurez accès à toute la théo­rie du monde, sur inter­net, dans les écoles, mais personne ne vous trans­met­tra cette passion qui vous fera tenir 12 heures d’af­fi­lée en studio. Un autre aspect aussi, c’est la place de l’ingé son. Il y a 20 ans être ingé son c’était être tech­ni­cien. Aujour­d’hui nous sommes plus que ça, nous appor­tons notre touche créa­tive et artis­tique à chacun des titres que nous touchons. La place de l’ingé son studio est extrê­me­ment impor­tante. Alors, prenez des initia­tives, faites des réals, des arran­ge­ments… Pour se démarquer des autres, ce genre de prises d’ini­tia­tives seront déter­mi­nantes. C’est exac­te­ment pour ça que Gradur a aimé mon travail et c’est ce projet qui m’a permis de décro­cher mon premier disque d’or. Aujour­d’hui quand un artiste vient travailler avec moi ce n’est pas pour ma manière de compres­ser une voix, il vient car il sait que je vais rentrer direc­te­ment dans son univers et lui propo­ser une réal qui va dans son sens. Alors voilà mon conseil, soyez passion­nés et passion­nants dans votre travail.

Quelle est ta plus grande fierté ? 

Être recon­nue dans mon métier, possé­der des certi­fi­ca­tions et avoir un article sur moi dans Audio­fan­zine. Je suis fière d’être là où j’en suis dans ma carrière. J’ai fait énor­mé­ment de sacri­fices, je n’étais pas pari­sienne, je suis partie de Marseille avec mon sac à dos et pas un euro en poche, juste mes rêves et ma déter­mi­na­tion. J’ai commencé ma carrière à Paris, loin de ma famille pendant plus de 5 ans.  Aujour­d’hui, mes certi­fi­ca­tions et mes projets (celui d’avoir mon propre studio), sont des abou­tis­se­ments incroyables. Faire des inter­views c’est la cerise sur le gâteau. J’ins­pire réel­le­ment des gens ? C’est complè­te­ment fou : la recon­nais­sance dans mon métier c’est ma clef du bonheur. 

J’es­père aussi inspi­rer d’autres femmes, nous ne sommes pas assez !

J’es­père aussi inspi­rer d’autres femmes, nous ne sommes pas assez ! Je n’en parle pas souvent, parce que je ne veux pas forcé­ment atti­rer l’at­ten­tion sur ça, mais j’es­père vrai­ment encou­ra­ger d’autres femmes à aller au bout de leurs rêves. Et là je ne parle pas que de musique. Dans cette société où beau­coup réalisent de grandes choses, je suis extrê­me­ment fière de faire partie de ce mouve­ment de femmes qui ne se démontent pas à l’idée de faire un travail dit “pour les hommes”.

Quels sont tes projets, dans un futur proche ou éloi­gné ? 

Le disque de diamant, je le veux et je l’au­rai ahah ! Sinon, comme je l’ai dit, le projet de studio dans le Grand Est occupe énor­mé­ment mes pensées. C’est d’ailleurs à travers cet inter­view que j’an­nonce offi­ciel­le­ment mon départ de Marseille. À côté de ça, j’ai commencé à mettre en place des confé­rences sur le métier d’in­gé­nieurs du son. J’aime telle­ment échan­ger avec des passion­nés comme moi ! J’ai­me­rais mettre en place des master­classes  pour parta­ger mon expé­rience et trans­mettre mon savoir. J’ai égale­ment un projet d’émis­sion tour­née autour du métier d’in­gé­nieur son… tout est à suivre sur mes réseaux sociaux et notam­ment Insta­gram.

Sur du plus long terme j’ai­me­rais beau­coup créer mon propre plug-in…. J’ai telle­ment de projets en tête, je suis une éter­nelle rêveuse, toujours en quête de nouveaux chal­lenges !

As-tu quelque chose à ajou­ter ?

J’ai­me­rais remer­cier Audio­fan­zine, qui est un maga­zine que je lis depuis que j’ai débuté. L’in­vi­ta­tion est un abou­tis­se­ment en soi de ma carrière et me donne envie de conti­nuer encore plus. Alors, merci à vous !


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