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Pédago
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Analyse d'un circuit simple : Vol + Tone (partie 3)

L'électronique pour le musicien partie 14

Nouvelle année : on passe à la vitesse supérieure ! Cette semaine, on va étudier plus profondément notre circuit, et essayer de démêler ses complexités. Au passage, on va voir qu'il n'est pas si "simple" que notre titre le laisse penser, et découvrir une partie de ce qui le rend si bon à nos oreilles

L'électronique pour le musicien partie 14 : Analyse d'un circuit simple : Vol + Tone (partie 3)
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schema micro 1Le dernier article de cette série nous avait lais­sés sur une conclu­sion qui allait rebattre les cartes, et chan­ger les quelques notions que nous avions établies sur le circuit volume et tona­lité. Nous étions arrivé au point suivant : un micro de guitare, dans sa réalité physique, réunit des proprié­tés induc­tive (L), résis­tive ®, et capa­ci­tive ©. Pour mémoire, nous avions terminé l’ar­ticle sur ce schéma où l’on voit le micro, modé­lisé à la fois comme une source de tension alter­na­tive (V1) avec en série une induc­tance (L1) et une résis­tance (R1), et en paral­lèle un conden­sa­teur (C1).

Le micro de notre guitare ainsi modé­lisé, on lui avait raccordé le circuit volume et tona­lité, et j’avais noté qu’il faudrait aussi penser à l’im­pé­dance d’en­trée de l’am­pli­fi­ca­teur, et la capa­cité (faible mais non négli­geable) du câble qui relie l’ins­tru­ment à l’am­pli­fi­ca­teur.


Fender MustangAujour­d’hui, nous allons voir comment ces diffé­rents éléments inter­agissent entre eux et l’im­pact qu’ils auront sur la bande passante de l’ins­tru­ment. Pour ce faire, nous allons nous baser sur un exemple précis, tiré du réel. Celui-ci nous permet­tra d’abor­der des notions tech­niques à travers un exemple concret. Cet exemple sera ma guitare (une Fender Mustang), dont nous consi­dè­re­rons un seul micro, le micro cheva­let et son inter­ac­tion avec le système volume et tona­lité.

Nous procé­de­rons en deux temps, et avec deux outils. Dans un premier temps, en prenant des mesures de chaque compo­sant dans cette guitare, de façon à asso­cier des valeurs à notre schéma. Nous utili­se­rons pour cela un LCRmètre, qui nous permet­tra d’ef­fec­tuer des mesures d’in­duc­tance, capa­cité et résis­tance, en régime alter­na­tif. Dans un second temps, avec le free­ware LTSpice, nous modé­li­se­rons le circuit obtenu, afin de simu­ler son effet sur la bande passante.

Mais dans un premier temps, complé­tons notre schéma !

Tu seras bien­venu schéma

Schéma vol et tone complet 2.PNG

Je commence en préci­sant qu’après avoir jeté toute mon éner­gie dans ce titre à jeu de mot pourri, et par manque d’ins­pi­ra­tion, tous les autres titres provien­dront de chan­sons qu’a inter­pré­tées M. Florent Pagny. Merci qui ?

Repre­nons. Voici le schéma complet, avec tous les compo­sants. Analy­sons le ! Sur la partie gauche, on retrouve tous les éléments que nous avons vu jusqu’ici. Le micro est modé­lisé comme une souce de tension V1. Vous remarquez que l’in­duc­tance, la résis­tance et la capa­cité du micro sont nommées de façon à faire réfé­rence à la source V (LV1, RV1, CV1). On retrouve ensuite le potard de tona­lité (symbo­lisé par la résis­tance R2) et son conden­sa­teur C2. Puis le poten­tio­mètre de volume (résis­tance R3) et, en paral­lèle, un nouveau conden­sa­teur : c’est la capa­cité du câble (C3). Pour termi­ner, une résis­tance supplé­men­taire symbo­lise l’im­pé­dance d’en­trée de l’am­pli­fi­ca­teur (Zin, symbo­lisé ici par R4).

Le schéma est alors à peu près complet (il lui manque une repré­sen­ta­tion de l’in­duc­tance géné­rée par les courants de Foucault, de la résis­tance série des câbles, mais nous pouvons nous passer de ces facteurs à notre niveau…). Notre schéma est assez touffu : plus loin dans l’ar­ticle, nous procé­de­rons à une simpli­fi­ca­tion en réunis­sant ensemble certains compo­sants de même natu­re… Mais pour l’ins­tant, nous allons passer à l’as­si­gna­tion de valeurs.

Les p’tites cuillères, tout c’qu’à vos yeux a d’la valeur

photo 3 et 4Comme expliqué dans l’in­tro, nous allons tirer ces valeurs du réel. Il va donc falloir mesu­rer les valeurs des diffé­rents compo­sants présents dans cette guitare.

Commençons par le plus simple : les poten­tio­mètres et le conden­sa­teur. Il suffit de faire un relevé : les potards de volume et tone font 250 kΩ, le conden­sa­teur 33 nF (nano Farad). Sur le schéma on va consi­dé­rer, pour commen­cer, que les deux potards sont sur 10, et donc on assigne aux résis­tances R2 et R3 la valeur 250 kΩ.

Schema vol et tone complété 3.PNG

Pour le reste, il va nous falloir procé­der à des mesures avec un LCRmètre. Commençons par le micro. La mesure révèle une induc­tance de 4,3 H (Henries), une résis­tance de 6 kΩ et une capa­cité de 185 pF (pico Farad) :

  • Inductance micro
  • Résistance micro
  • Capacitance micro

 

Mesu­rons ensuite le câble : il s’agit d’un câble fait maison, avec du Canare GS-6. Il mesure 5 mètres de long. On obtient une capa­cité de 852 pF. Pour compa­rer, je mesure aussi un câble Yellow Cable d’une longueur simi­laire que j’ai sous la main. Il mesure 357 pF. On se servira de cette donnée pour voir si le câble crée une diffé­rence vrai­ment marquante. Comme nous l’avons déjà noté, la résis­tance du câble est si faible (moins de 1 Ω) que nous l’igno­rons dans cette expé­rience.

Pour finir, je vais suppo­ser que l’en­trée de l’am­pli à un impé­dance d’en­vi­ron 1 MΩ, ce qui est une approxi­ma­tion assez clas­sique. On ajoute tout cela, et notre schéma est complet.

schema vol et tone total 5.PNG

Main­te­nant, il y a moyen de le simpli­fier…

Dites-le simple­ment au lieu d’être méchants

Schema simplifié 6.PNGQuand on regarde ce schéma on remarque qu’il y a beau­coup de compo­sants simi­laires qui sont effec­ti­ve­ment montés en paral­lèle, par exemple C1 et C3, même si sur le schéma R2 et R3 sont repré­sen­tées entre eux. Ici, il est donc possible d’ef­fec­tuer quelques calculs pour combi­ner ces compo­sants paral­lèles en un seul, et de déter­mi­ner sa valeur.

Donc C1 et C3 forme une seule capa­cité (nommée ici C13), de 185 + 852 = 1037 pF (ou 1,037 nF). De la même façon R3 (le poten­tio­mètre de volume) a été regroupé avec R4 (impé­dance d’en­trée) – ce qui nous donne une résis­tance totale de 200 kΩ.

Et main­te­nant que nous avons modé­lisé notre circuit par un schéma compact, nous pouvons passer à la simu­la­tion.

Comme d’ha­bi­tude, on fera semblant

Simu 1.PNGLT Spice est un programme de simu­la­tion élec­tro­nique. C’est celui que j’ai choisi d’uti­li­ser pour cet article car il est simple à prendre en main, et surtout qu’il est gratuit : l’idée ici est de vous donner envie de vous lancer, et d’ex­pé­ri­men­ter par vous même. Nous commençons donc par entrer le schéma que nous avons obtenu dans ce logi­ciel. Ensuite, nous pouvons effec­tuer une simu­la­tion d’un sweep, sur une bande passante que nous avons réglé de 50 à 5 kHz (bande passante suffi­sante pour tester un circuit comme celui-ci).

Ce qui frappe immé­dia­te­ment, ce n’est pas tant que notre circuit agit comme un filtre passe-bas, qui atté­nue forte­ment les fréquences au-dessus de 3 kHz, mais c’est la présence d’une « cloche » avec un pic de presque +6 dB à 2,2 kHz.

J’avais évoqué dans l’ar­ticle précé­dent le fait que le micro de guitare, en lui-même, avec son induc­tance sa résis­tance et sa capa­cité, forme un filtre réson­nant passe bas du second ordre. Le mot impor­tant dans cette descrip­tion tech­nique est, bien entendu, « réson­nant ». Cette réson­nance provient de l’in­ter­ac­tion de l’in­duc­tance et des capa­ci­tés présentes dans le circuit. Nous n’irons pas, à ce stade de la série, dans les détails du carac­tère réson­nant du couple LC, mais notez au moins qu’un couple LC monté en paral­lèle forme la base la plus simple d’un oscil­la­teur. Un couple LC va donc natu­rel­le­ment déve­lop­per, par son inter­ac­tion, une fréquence de réso­nance. Dans notre circuit Vol + Tone, il va donc permettre l’am­pli­fi­ca­tion en tension du signal à une fréquence donnée, fréquence qui dépend de la valeur des deux compo­sants. Cette ampli­fi­ca­tion en tension sera d’une ampli­tude plus ou moins grande (là aussi dépen­dante de la valeur des compo­sants), ampli­tude que l’on symbo­lise par la lettre Q.

NB : nous avions toujours affirmé que les compo­sants passifs ne permet­tait pas d’am­pli­fier un signal. En vérité, certains montages, ou certains compo­sants – les tran­for­ma­teurs – permettent d’am­pli­fier la tension d’un signal, mais cause alors une dimi­nu­tion de l’in­ten­sité du courant. La puis­sance du signal (produit de la tension et de l’in­ten­sité) reste donc inchan­gée.

Que se passe-t-il si l’on tourne le poten­tio­mètre de tona­lité ? Voyez ci-dessous pour des valeurs de 200 kΩ, 150 kΩ, 100 kΩ, 65 kΩ et 33 kΩ (pour un meilleur affi­chage, cliquez sur les images) : 

  • simu 2.PNG
  • simu 3.PNG
  • simu 4.PNG
  • simu 5.PNG
  • simu 6.PNG

 Plutôt qu’un chan­ge­ment de la fréquence de coupure du filtre passe bas, on assiste à une dimi­nu­tion de Q. L’am­pli­tude de la réson­nance dimi­nue : plus la résis­tance est faible, plus le conden­sa­teur de 33 nF se retrouve effec­ti­ve­ment en paral­lèle avec les capa­ci­tés du câble et du micro et s’ajoute à elles, et plus la valeur de Q dimi­nue.

En vérité, notre circuit Vol + Tone fonc­tionne comme une « loupe » audi­tive, en accen­tuant certaines fréquences de la guitare élec­trique. Cette accen­tua­tion parti­cipe au timbre si spéci­fique, si recon­nais­sable à nos oreilles, de cet instru­ment. La dimi­nu­tion de cette accen­tua­tion change notre percep­tion, et nous parvient comme une atté­nua­tion de ses aigus. Que se passe-t-il si l’on dimi­nue la résis­tance du poten­tio­mètre encore plus bas ?

  • simu 8.PNG
  • simu 9.PNG
  • simu 10.PNG
  • simu 11.PNG

 Valeurs : 1 kΩ, 65 Ω, 33 Ω, 10 Ω

On voit appa­raître une nouvelle accen­tua­tion ! Cette fois-ci aux alen­tours de 400 Hz, entre les basses et les bas-médiums. En vérité, un poten­tio­mètre de tona­lité fonc­tionne presque, toutes propor­tions gardées, comme une petite wah inté­grée, qui permet le dépla­ce­ment d’une fréquence de réson­nance du haut-médium vers le bas-médium.

Reve­nons main­te­nant au câble : sa capa­cité, sa longueur, cela joue-t-il vrai­ment un rôle ?

Restent les murs porteurs, pour se couper du vent, pour tenir la longueur

Eh bien oui, on l’aura compris, vu qu’il contri­bue à plus de la moitié de la valeur de la charge capa­ci­tive dans le couple réson­nant LC, le câble est très impor­tant, et sa longueur, comme sa fabri­ca­tion, est un facteur impor­tant. Voici les résul­tats compa­rés de mon câble DIY et du câble Yellow Cable, avec les potards à 10 :

  • Simu 1.PNG
  • simu 1 YC.PNG

On voit bien comment la fréquence de réson­nance se déplace plus dans l’aigu avec le Yellow Cable. Mais les guita­ristes et les bassistes le savent déjà : les câbles, leur longueur, leur qualité, joue sur la colo­ra­tion du son.

La prochaine fois, nous conclu­rons cette étude du système Vol + Tone en étudiant les inter­ac­tions du poten­tio­mètre de volume, et celles d’autres possi­bi­li­tés de cablâges, dont le fameux « 50's wiring ».

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Auteur de l'article Pr. Soudure de La Feuille

Venu à la musique par le bruit, j'y retournerai un jour. J'aime les beaux circuits bien propres, les musiques sales et moches. Technicien de jour, la nuit je dors.


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