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Des Tewbs pour les Newbs

Le petit guide des tubes

L'ampli à tube, le must du guitariste ? Débat interminable... Reste que cette technologie, pourtant largement obsolète aujourd'hui, a réussi à demeurer incontournable dans le domaine de la musique. Mais si le tube est encore partout (ou presque), il reste assez ésotérique pour beaucoup...

Le petit guide des tubes : Des Tewbs pour les Newbs

Cette semaine, nous lançons une petite série d’ar­ticles péda­go­giques qui, en trois épisodes, tentera d’ap­por­ter des fonda­men­taux pour mieux comprendre l’am­pli­fi­ca­tion à tubes. Ici, nous ne régle­rons pas les vieux débats tubes vs tran­sis­tors, et nous ne verse­rons pas dans la mytho­lo­gie du « son supé­rieur des lampes ». En revanche, nous abor­de­rons un peu les prin­cipes élec­tro­niques qui régissent l’am­pli­fi­ca­tion à tubes (mais de façon succincte) ; nous nous penche­rons sur le voca­bu­laire de l’am­pli ; nous abor­de­rons l’his­toire du tube élec­tro­nique ; nous vous donne­rons des infor­ma­tions pour mieux orien­ter vos choix, pour savoir ce que vous pouvez rempla­cer, ou pas…  Le propos sera donc de répondre à des ques­tions communes sur les amplis à tubes, et d’of­frir en quelques articles une petite base de données objec­tives, pour les musi­ciens de tous niveaux.

Commençons avec un peu de voca­bu­laire.

Tubes ou lampes (ou valves) ?

Réponse 1 : Vous dites comme vous voulez !

À peu près tout le monde compren­dra ce que vous voulez dire… Cepen­dant, il y a un terme plus correct que les autres. En effet, ceci :

ecc83 Telefunken

Ça s’ap­pelle un « tube élec­tro­nique », ou « tube à vide », ou « tube ther­moïo­nique ». Donc, réponse 2 : c’est un tube.

Comme cela ressemble à une ampoule, qu’il y a un fila­ment qui chauffe et produit de la lumière à l’in­té­rieur, on le compare souvent (par méto­ny­mie) à une « lampe ».

« Valve », c’est le terme made in UK, qui fait réfé­rence à sa capa­cité à faire passer du courant dans un sens, et d’en limi­ter plus ou moins le passage, comme un robi­net, ou plutôt… comme une valve.

Donc, dans ces articles, on dira « tube », mais à la maison vous faites comme vous voulez, personne ne vous jugera.

Y a-t-il un « son du tube » ?

Avant de répondre à cette ques­tion, il faut établir un contexte : dans le cas d’un ampli hi-fi, il ne devrait pas y avoir de diffé­rence signi­fi­ca­tive entre l’usage de tubes et de tout autre dispo­si­tif d’am­pli­fi­ca­tion. S’il y en a, la diffé­rence devrait être insi­gni­fiante ou indé­tec­table par l’au­di­teur. Dans le cadre de la haute fidé­lité, on recherche (en prin­ci­pe…) le son droit, non coloré : c’est cela l’idée de fidé­lité. En revanche, dans le cas d’un ampli­fi­ca­teur de guitare (ou même, selon l’ef­fet voulu, d’un préam­pli micro), une resti­tu­tion sonore non linéaire sera recher­chée. Dans ce cas, l’usage de tube produit-il un son unique ?

Réponse : Non et oui.

Tubes Lampes Valves BleuesPourquoi non ? Parce qu’il est faux de dire qu’il y a UN son du tube. En effet, un tube est un élément, un compo­sant qui sonne diffé­rem­ment selon son usage, selon le circuit qui l’en­toure et qui défi­nit son fonc­tion­ne­ment. Un ampli­fi­ca­teur à tube peut sonner « froid », « chaud », « distordu » ou « clean », « brillant » ou « mat ». Bref, les tubes de votre ampli sonne­ront comme l’in­gé­nieur qui conçoit l’am­pli souhaite qu’ils sonnent.

Mais en même temps, oui. Car, de nombreuses études le démontrent, un ampli­fi­ca­teur à tubes n’of­frira pas les mêmes résul­tats objec­tifs qu’un ampli à tran­sis­tor, et cela sur plusieurs points :

  • Distor­sion non linéaire (distor­sion harmo­nique et distor­sion d’in­ter­mo­du­la­tion) – c’est-à-dire deux types de distor­sion qui « ajoutent » des éléments harmo­niques au signal d’ori­gine, ou qui souligne telle harmo­nique plutôt que telle autre. Sur ce sujet, diffi­cile de géné­ra­li­ser. On dit souvent que les amplis à tubes font ressor­tir les harmo­niques paires, et les amplis à tran­sis­tor les impaires. Il est vrai qu’un tube, en satu­ra­tion, écrête de façon plus progres­sive qu’un tran­sis­tor, ce qui souligne moins les harmo­niques impaires. Et en sortie single-ended (qui utilise un seul tube de puis­sance), un tube aura tendance, en effet, à souli­gner les harmo­niques paires et impaires de façon plus ou moins égale. En revanche, un circuit utili­sant des ampli­fi­ca­teurs opéra­tion­nels aura tendance, lorsqu’il arrive à satu­ra­tion, à faire ressor­tir les harmo­niques paires. Mais atten­tion, depuis long­temps main­te­nant, des amplis à tran­sis­tors sont conçus pour parve­nir à un écrê­tage doux donc, sur ce point, rien n’est absolu.
  • L’im­pé­dance de sortie est égale­ment plus élevée (quelques dixièmes d’ohm pour un ampli à tran­sis­tor, souvent autour de 5 kohms pour un ampli à tubes) ce qui occa­sion­nera une inter­ac­tion plus signi­fi­ca­tive avec l’im­pé­dance du haut-parleur. Et cela d’au­tant plus qu’un haut-parleur n’a pas, par ailleurs, une impé­dance linéaire : elle varie souvent de 4 ou 5 ohms à certaines fréquences, et jusqu’à 30 ou 50 ohms à d’autres.
  • Bande passante – ce n’est pas le point le plus signi­fi­ca­tif mais, sur les amplis à tubes, le transfo de sortie peut parfois avoir tendance à limi­ter la bande passante, même si cet effet n’est pas très impor­tant en compa­rai­son de la bande passante déjà limi­tée d’une guitare.

Comment iden­ti­fier les tubes de mon ampli ?

Réponse : ce n’est pas évident, surtout s’il y en a beau­coup.

Je ne connais pas votre ampli, mais je peux suppo­ser que, s’il n’est pas basé sur une topo­lo­gie hybride (tran­sis­tor-tube), alors il aura au mini­mum deux tubes, ce qui nous donne un indice : il y aura au moins deux étages d’am­pli­fi­ca­tion.

Le premier sera un étage de préam­pli­fi­ca­tion, qui amènera le faible signal de l’ins­tru­ment à un niveau ligne. Le second sera l’étage de puis­sance, qui utili­sera l’éner­gie four­nie par l’ali­men­ta­tion pour géné­rer un signal ampli­fié à même de mettre en mouve­ment un haut-parleur. Voici le schéma d’un ampli à deux tubes : l’étage de préam­pli est enca­dré en vert, l’am­pli de puis­sance en rouge. Le tube de préam­pli est indiqué par son nom – 12AX7 (il est séparé en deux moitiés sur l’am­pli, mais il ne s’agit bien que d’un seul tube) et celui de puis­sance – 6V6GT.

Schéma ampli Fender Champ Diodes

Et donc, en plus, il y aura une alimen­ta­tion, souvent non régu­lée, qui peut ou non utili­ser un tube (on y revien­dra dans un futur article).

Alors pourquoi, parfois, y a-t-il autant de tubes ? Pour un ensemble de raisons variables : par exemple, un ampli peut avoir plusieurs entrées, avec chacune son préam­pli dédié. De plus, il se peut qu’il ait une réverbe et/ou un trémolo à tube. En plus, il peut avoir plus d’un tube de puis­sance (2, 4 ou 6 par exemple, ceux-ci fonc­tion­nant par paires) : chaque tube d’une paire ampli­fiera la moitié du signal. On nomme cette confi­gu­ra­tion Push Pull. Et si l’am­pli de puis­sance fonc­tionne en Push Pull, il lui faudra une lampe, juste avant lui, qui sépa­rera le signal en deux, en le dépha­sant : on appelle ce tube la dépha­seuse.

Comment savoir du coup quel tube fait quoi ? Il n’y a pas d’ap­proche miracle qui marchera à tous les coups, mais on peut établir quelques règles géné­rales :

  • Les tubes de préam­plis sont plus petits que les tubes de puis­sance
  • Il y aura au moins un tube de préam­pli­fi­ca­tion, plus géné­ra­le­ment deux ou trois dans un ampli­fi­ca­teur. Ce sont les plus petits tubes et ils se trou­ve­ront géné­ra­le­ment plus près du jack d’en­trée.
  • Si l’am­pli a plus d’un tube de puis­sance, le « petit » tube qui leur est le plus proche sera la dépha­seuse.

Arrière Twin avec tubesEn appli­ca­tion voilà comment ça marche : en rouge, à gauche, je sais que ce sont les tubes de puis­sances, orga­ni­sés par paires. Le petit tube qui se trouve juste avant eux (en bleu) sera très proba­ble­ment la dépha­seuse. Pour ce qui est des tubes qui se trouvent avant (à droite, en vert), c’est plus compliqué : certains seront des tubes de préam­pli­fi­ca­tion, d’autres feront partie du circuit de réverbe ou de trémolo. Le premier tube à droite (réen­ca­dré en vert foncé) sera toujours le premier tube de préam­pli­fi­ca­tion, du premier canal de l’am­pli.

Alors, comment diffé­ren­cier les tubes de la réverbe ou du trémolo ? Il n’y a pas de solu­tion magique qui serait toujours appli­cable. Le plus simple est de deman­der à quelqu’un qui s’y connaît (sur un forum, par exemple).

Quels sont les tubes les plus courants ?

Durant l’âge d’or du tube (des années 1930 à l’après-guerre), la produc­tion de tube fut plétho­rique. La mondia­li­sa­tion n’avait pas encore amené la créa­tion de normes inter­na­tio­nales, et les construc­teurs améri­cains et euro­péens (et sovié­tiques) riva­li­saient dans la créa­tion de modèles divers, pour toutes appli­ca­tions (télé­pho­nie, radio, TV, calcu­la­teurs, Hi-fi, appli­ca­tions mili­taires, médi­ca­les…).

Malgré cette offre diver­si­fiée, les créa­teurs d’am­pli­fi­ca­teurs à tubes se concen­trèrent sur quelques modèles faciles à utili­ser en audio.

Réponse : mises à part quelques excep­tions, on peut donc faire une liste des tubes les plus courants dans les amplis.

Préam­pli­fi­ca­tion : 

La double-triode 12AX7 et ses variantes tiennent le haut du pavé. Elles se diffé­ren­cient prin­ci­pa­le­ment par leur gain. En voici une liste, où j’ai mentionné, à côté du nom de chaque tube, des noms de modèles équi­va­lents.

Gain par tube :

  • 12AX7 (ECC83 OU 7025) – 100
  • 5751 – 70
  • 12AT7 (ECC82) – 60,5
  • 12AZ7A – 59
  • 12AY7 –44
  • 12AV7 – 40
  • 12BH7A – 17
  • 12AU7 (ECC81) – 16

En vérité, on tombera surtout sur des 12AX7, 12AT7, 12AY7 et 12AU7. Ces modèles de lampes sont égale­ment utili­sés en dépha­seuse, ou pour gérer les effets de l’am­pli.

12AX7 et autres

12 AU, AT et AX 7

Ampli­fi­ca­tion de puis­sance : 

Là, on est plus partagé entre l’op­tion améri­caine et l’op­tion euro­péenne. Il suffit de jeter un oeil aux amplis les plus « légen­daires » des deux côtés de l’At­lan­tique pour s’en rendre compte. Aux USA, on aura prin­ci­pa­le­ment des 6V6 (une paire donnera entre 15 et 18 watts) et 6L6 (envi­ron 50 watts pour une paire), telles qu’on les trouve dans les ampli­fi­ca­teurs Fender, Gibson, Ampeg ou Dane­lec­tro.

Tubes de puissance

De gauche à droite : 6L6GC, 6V6GT, EL34 et EL84

En Europe, on utili­sera plutôt les tubes de puis­sance de produc­tion euro­péenne : EL84 (une paire déli­vrera envi­ron 18 watts) et EL34 (en paire, 50 watts), comme dans les amplis Vox, Marshall, Orange, Wem…

S’agit-il des seules options ? Non, loin de là, et ces tubes peuvent souvent être rempla­cés par d’autres, dont les spéci­fi­ca­tions sont plus ou moins proches : KT88 à la place d’EL34, KT66 ou 5881 à la place de 6L6, la liste est longue. Mais, juste­ment, puisqu’on parle de rempla­ce­ment…

Est-ce que je peux chan­ger mes tubes pour d’autres modèles ?

C’est la ques­tion qu’on se pose géné­ra­le­ment lorsque l’on veut soit un préam­pli avec moins ou plus de gain, soit une sortie d’am­pli avec plus ou moins de puis­sance. Alors, est-ce possible ?

Réponse : Oui et non

En préam­bule, je signale que, pour chan­ger des tubes, il faut respec­ter leur brochage, c’est-à-dire la répar­ti­tion de leurs broches, la forme de leur culot : leur type de connexion. Sur les amplis de guitare, vous trou­ve­rez surtout du brochage octal (à huit broches) et noval (à neuf).

Octal noval

Noval à gauche, octal à droite

Alors pourquoi oui et non ?

Oui, dans le sens que ce n’est pas impos­sible, et que ça peut fonc­tion­ner. On peut en parti­cu­lier se réfé­rer à la liste de tubes de préam­pli­fi­ca­tion ci-dessus pour se faire une idée de tubes faci­le­ment échan­geables. Votre ampli ne risque rien. Vous pouvez par exemple chan­ger un premier tube de préam­pli­fi­ca­tion 12AX7 par un autre modèle (12AT7 par exemple), et vous obtien­drez en effet moins de gain (donc une satu­ra­tion qui arri­vera plus tard). Le choix inverse (12AX7 à la place de 12AT7) aura l’ef­fet inverse : plus de gain, satu­ra­tion plus rapi­de­ment atteinte.

Pour ce qui est de l’am­pli­fi­ca­tion de puis­sance, c’est plus compliqué, et plus dange­reux, donc je recom­mande géné­ra­le­ment de s’en tenir aux tubes recom­man­dés ou à des équi­va­lents très proches (KT66 à la place de 6L6, par exemple). Rempla­cer des 6V6 par des 6L6, en revanche, c’est non ! Les risques sont nombreux, et vous risquez de voir partir en fumée des résis­tances (au mieux) ou un transfo (au pire).

Et c’est d’ailleurs pour cela que, de façon géné­rale, l’échange de tube pour un autre modèle est plutôt une mauvaise idée : au pire, destruc­trice, au mieux, déna­tu­rante. Car même lorsque cela fonc­tionne sans risques directs, vous ferez quand même fonc­tion­ner un tube avec un circuit qui n’a pas été conçu pour lui. Donc, ça pourra marcher, mais ça ne sera pas opti­mum.

Allez, on arrête ici pour cette première partie. La semaine prochaine, on se penchera sur l’his­toire des tubes, on verra succinc­te­ment comment un tube ampli­fie, et on essaiera de répondre à la ques­tion brûlante : tubes neufs ou vintages, que choi­sir ?

Auteur de l'article Pr. Soudure de La Feuille

Venu à la musique par le bruit, j'y retournerai un jour. J'aime les beaux circuits bien propres, les musiques sales et moches. Technicien de jour, la nuit je dors.


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