Et nous voilà parvenus à la dernière partie de notre analyse du circuit "volume et tonalité". Cette semaine nous allons nous intéresser à l'importance de la valeur des composants choisis, ainsi qu'à l'influence du réglage du potentiomètre de volume... sur la tonalité.
Pour conclure cette « série dans la série » consacrée au circuit volume et tonalité de nos chers instruments électrifiés, nous allons procéder en quatre temps. Maintenant que nous avons étudié l’effet produit par le potentiomètre de tonalité (et son condensateur) en interaction avec les propriétés inductive et capacitive du micro, nous allons nous poser une première question, toute simple : quel impact la valeur du condensateur a-t-elle sur réglage de tonalité ?
Dans un second temps, nous nous intéresserons à un autre élément souvent discuté sur les forums : l’influence de la valeur du potentiomètre sur le son de l’instrument. Un potentiomètre de plus grande valeur permet d’obtenir plus d’aigus, oui, mais pourquoi ?
Dans un troisième temps, nous nous pencherons sur un élément un peu moins connu : l’influence du réglage du potentiomètre de volume sur la tonalité d’un instrument. Puis, pour conclure, et rester dans cette optique de l’interaction volume-tonalité, nous nous pencherons sur un autre câblage de la guitare électrique, souvent désigné comme le 50's wiring (câblage années 1950), et nous verrons comment un changement apparemment mineur peut t’avoir une incidence sur le son de l’instrument.
Requiem pour un condo
Est-ce que la valeur du condensateur de tonalité a une influence sur le son de votre instrument ? Oui… et non. en fait, tout dépend de ce que l’on signifie par influence, ou plutôt avec quel réglage est-il censé influencer le timbre. Car lorsque le potard de tonalité est à 10, la valeur du condensateur n’a presque aucun effet. Pourquoi ? Comme nous l’avions expliqué la dernière fois, la résistance du potentiomètre a pour fonction de contrôler à quel point le condensateur se retrouve directement en parallèle avec la capacité du micro et du câble. Il permet donc de faire varier la « présence » du condo dans le couple LC, formé par la bobine du micro et les différents éléments capacitifs additionés.
Donc, quand le potard est au maximum, la résistance limite en grande partie l’influence du condensateur. Voici les résultats obtenus dans LTSpice avec trois valeurs différentes (22 nF, 33 nF et 47 nF) pour le même réglage (potard à 10).
Comme on le voit bien, les trois courbes sont très similaires.
En revanche, le condensateur a une influence importante lorsque la résistance du potentiomètre diminue. Pourquoi ? Parce qu’alors le condensateur se retrouve plus directement en parallèle avec la capacité micro+câble, et donc sa valeur influe plus fortement dans le couple LC. Voici cinq exemples, avec un potentiomètres qu’on aurait tourné jusqu’à n’obtenir plus que 1kΩ :
Les valeurs sont : 22 nF, 33 nF, 47 nF et 68 nF.
On voit tout de suite que les valeurs les plus petites donnent cet effet de « cloche », d’accentuation d’une fréquence de résonnance (ici aux alentours de 500 Hz) que nous décrivions la semaine dernière, tandis qu’une plus grande valeur, toutes choses étant par ailleurs égales, n’aura pas autant d’incidence, et fera reculer la fréquence de coupure (fréquence où le signal est à –3 dB) : de 700 Hz pour 22 nF à 400 Hz pour 68 nF.
Alors comment choisir son condensateur ? Je vois deux solutions : connaître (en mesurant) la valeur de tous les composants et effectuer une simulation comme celle-ci (ou la réaliser par des calculs, pour les plus motivés) ou, tout simplement, tâtonner en utilisant ses oreilles, en sachant que la valeur que j’ai prise au départ (33 nF) est une bonne valeur médiane autour de laquelle chercher.
NB : est-ce que la technologie du condensateur (son isolant) a un impact sur le timbre de l’instrument ? Certains le perçoivent, même si les mesures et les tests A/B en double aveugle tendent à montrer le contraire. Subjectivité vs; objectivité, un débat sans fin, sans fond… Reste que la tension nominale du condensateur, elle, peut jouer. Sur les guitares réalisées dans les années 1950 et 60, il n’est pas rare de trouver des condensateurs faits pour supporter des tensions élevées (400V, 600V), complètement surdimensionnés certes, mais dont l’inductance est plus élevée, ce qui peut changer subtilement le comportement du circuit de tonalité.
Cependant, le condensateur ne fait pas tout…
Touche pas à mon pot’
La valeur des potentiomètres à une influence directe sur la tonalité d’ensemble du circuit. En premier lieu, le potentiomètre de tonalité, qui va produire des résultats très différents si l’on augmente sa valeur, en diminuant d’autant plus l’importance du condensateur de tonalité, et en augmentant la résistance parallèle. Lorsque, dans un circuit RLC, la valeur de la résistance parallèle augmente, le Q (amplitude d’accentuation de la fréquence de résonnance) augmente également. C’est donc sans surprise que l’on trouvera les résultats suivants :
Ici, les valeurs choisies sont : 250kΩ, 500 kΩ et 1 MΩ. on voit clairement l’augmentation du Q de environ 4 dB à environ 6 dB. La fréquence de coupure ne change pas. Le circuit ne laisse donc pas passer plus d’aigus dans la bande passante, mais le timbre de la guitare va être malgré tout affecté par cette accentuation;
L’influence de la valeur du potard de volume est donc basée sur le même principe : la résistance parallèle augmentant, le Q du filtre RLC augmente également. Pour un même potentiomètre de tonalité (250 kΩ) on va donc obtenir un Q de plus en plus élevé, en augmentant la valeur du potard de volume. Voici, ci contre, un exemple avec un potard de volume à 1MΩ (la valeur de R3 devient 500k, puisque R3 = résistance volume//impédance d’entrée de l’ampli = 1 MΩ//1 MΩ = 500 kΩ). Le résultat ressemble à s’y méprendre à ce que l’on obtenait avec un potentiomètre de 1 MΩ pour la tonalité.
On comprend alors que, puisque la valeur de la résistance parallèle à un impact sur Q, l’atténuation du volume de la guitare (autrement dit, l’atténuation de sa tension de sortie par le potentiomètre de volume) aura un impact sur Q, et donc sur le timbre de l’instrument.
Juste une histoire de Q
Quelle que soit la valeur totale du potard de volume, son réglage va donc avoir une influence sur la tonalité de l’instrument. Si, en lui-même, constitue bien un diviseur de tension, son insertion en parallèle dans un filtre passif du second ordre va permettre au potentiomètre de volume d’influer sur la bande passante de la guitare. Pourquoi ?
Revenons au premier article de cette série : un potentiomètre est constituée de deux résistances ajustables, lorsqu’une diminue, l’autre augmente (voir ci-contre). Le signal est prélevé aux bornes de la deuxième résistances. Lorsque l’on atténue le volume de sortie de la guitare, R2 diminue et R& augmente. R2 est la résistance parallèle dans notre filtre RLC, tandis que R1 est la résistance série (elle est traversée par le signal avant d’arriver à la sortie). Dans un filtre RLC, quand la résistance parallèle augmente Q augmente aussi, si elle diminue, l’inverse se produit.
Voici le résultat que l’on obtient, pour notre potard de volume de 250 kΩ, si on le tourne d’un quart de sa course, puis de la moitié. Bien sûr on observe une diminution générale du signal, mais aussi un disparition totale de la fréquence de résonnance. La guitare perd très rapidement de sa clarté.
C’est pour cela que le treble bleed a été conçu : pour rattraper les pertes dans l’aigu générées par le potentiomètre de volume.
NB : il est également vrai que la perte d’aigu lors de l’accetuation d’un signal sonore provient de la sensibilité non linéaire de l’oreille humaine. Les courbes isosoniques le montrent bien, comme l’expliquait en détail cet article, publié sur AF en 2015. toutefois, dans le cas d’une guitare, son pic de résonnace étant situé vers 3 kHz, zone particulièrement sensible de l’oreille, la perte des aigus ne serait pas aussi drastique si l’atténuation du signal ne jouait pas sur le Q de l’accentuation.
Back to the 50's
Au point où nous en sommes, on comprend bien que toute alteration de ce circuit aura des conséquences sur le filtre passif qu’il constitue, et donc sur sa résonnance. Ainsi, le 50's wiring, cablâge années 1950, que l’on trouve dans les premières Les Paul, apporte une modification fondamentale : le potard de tonalité y est placé après celui de volume. Pour quel résultat?
Voilà, ci-contre, le schéma simplifié de ce montage, ainsi qu’une photo montrant sa réalisation, toujours dans notre fidèle Mustang. On voit bien comment le signal arrive au potentiomètre de volume (V) sur la borne 3, puis repart par la borne 2. Sur cette borne 2, on trouve aussi connecté le condensateur de tonalité, qui relie le potard de volume au potard de tone (T) par sa borne 1, la borne 2 étant reliée à la masse, directement sur le capot du potentiomètre.
Le système de tonalité se trouve donc après le réglage de volume. Qu’est-ce que cela donne concrètement ? Avec ce montage, lorsque l’on atténue le signal, la « bosse » à 3 kHz ne diminue pas aussi vite, ce qui permet de conserver une impression de clarté, et un timbre plus homogène lorsque l’on joue sur le volume. Voici quelques simulations (potentiomètre de volume au max, à 1/8, à 1/4 et à 1/2) :
Parfait ? Non, car le potentiomètre de tonalité agit sur le niveau de sortie : lorsque le volume est au max, il agit comme un tone habituel, mais lorsque le signal est déjà atténué, jouer sur le tone va avoir tendance à diminuer encore plus le signal, dans son ensemble. Comme nous l’avons déjà dit : toute réalisation est un compromis par rapport à un but idéal.
Sur ce, nous concluons cette série sur le circuit Vol + Tone. La semaine prochaine, nous commencerons une analyse du circuit d’une pédale conçue il y a plus de 40 ans et qui vrombie toujours aussi bien : la MXR Distorion +.