On a testé pour vous neuf services de mastering algorithmique en ligne, sur les deux mêmes morceaux (ou presque). Voici ce qu'on a entendu et vécu pendant ce petit périple, et - en toute subjectivité - ceux qu'on a préférés.
Le mastering, vaste sujet… Pour beaucoup de musiciens, voire de producteurs de musique ou de mixeurs, c’est un domaine mystérieux. On n’y comprend pas grand-chose, on a un peu peur de se faire avoir et de surpayer des différences qu’on entend à peine, un peu comme quand on va déposer notre voiture chez le mécanicien. Et pourtant, ça peut être pour certaines œuvres un tournant, l’étape qui porte la chanson jusqu’aux oreilles de son public, le facteur x d’un succès. Le mastering est souvent une somme de détails, et pour paraphraser des gens qui le pratiquent, il n’est pas toujours nécessaire de modifier de manière tangible le morceau, de changer manifestement les équilibres ou la dynamique. Surtout, c’est une science qui se pratique avec les oreilles avant tout. Aucune recette ne s’applique à toutes les œuvres, et chaque piste ou album a ses besoins propres, identifiés par l’audition experte du technicien en charge de ce travail. Et néanmoins, ici, on va vous parler de masters effectués sans intervention humaine, en quelques minutes, par des algorithmes.
Voici donc les neuf services testés : Virtu de Slate Digital, Mastering Studio de Plugin Alliance, Waves Online Mastering, BandLab, Maximal Sound, Mastering Box, eMastered, iMusician et enfin Landr.
Voici les liens vers les 9 tests :
Slate Digital VIRTU
Plugin Alliance Mastering.Studio
Waves Online Mastering
BandLab Mastering
Maximal Sound
Mastering Box
eMastered
iMusician Mastering en ligne
Landr Online Mastering
Combien ça coûte ?
Les services de mastering en ligne vous proposent des prix qui vont, pour un titre, de gratuit (moyennant quelques stratégies pour vous soutirer de l’argent au passage) à une dizaine d’euros. Pour faire masteriser dans un studio à Paris, il vous en coûtera un peu plus de cent euros. Les tarifs des différents services que nous avons testés sont pour certains à l’unité, donc faciles à comparer, pour d’autres uniquement sur abonnement, dont les formules sont assez variables, voire incluses dans des paquets de services en ligne qui vont largement au-delà du mastering, donc il est plus difficile de les déterminer comme plus ou moins chers.
Commençons par envisager de prendre un seul master. L’option la moins onéreuse sera évidemment l’offre gratuite de BandLab, mais sans divulgâcher notre test, on peut glisser dès ici que ce n’est pas le service que nous avons préféré. Plugin Alliance propose également un fichier gratuit en résolution 16 bit/44.1 kHz, et à peine plus cher (3 $ HT) pour une résolution 16/48, mais là aussi, ce n’est pas le plus performant des sites testés. Slate Audio vous offre depuis peu les deux premiers masters ! Intéressant… Au final, la différence est minime entre les services, puisque le Virtu de Slate, Waves ou encore Maximal Sound se situent autour de 6 € par titre, et les plus chers Mastering Box, iMusician et Landr autour de 10 €. Franchement, ce n’est pas le prix qui fera la différence à ce stade, mais plutôt les possibilités et les performances de chaque site.
Pour celles et ceux qui veulent faire appel régulièrement à l’un de ces mastering en ligne, les abonnements permettent de faire encore baisser le prix unitaire. Mastering Box, eMastered et Landr proposent une offre illimitée autour de 19 € par mois. Comme souvent avec les abonnements, plus vous vous engagez pour longtemps et acceptez de payer l’intégralité de la facture dès le début, moins c’est cher. Attention à vous assurer que l’offre vous convient : un an d’abonnement, ça commence à chiffrer ! Mais globalement, vous l’aurez compris, ces services ne sont pas très chers et c’est plus sur les autres critères qu’on vous conseille de faire votre choix.
Les résolutions proposées sont assez variées, du MP3 à la HD 24 bit/96 kHz. Les MP3 gratuits ici et là, c’est toujours ça de pris ! Pour certains usages, cela peut suffire, mais si vous envisagez une sortie digitale il faudra un fichier « lossless », et évidemment, pour presser ou dupliquer un CD, le WAV 16 bit/44.1 kHz est incontournable. On n’imagine pas partir sur un master de ce type pour faire presser un Vinyle, le travail est trop spécifique. Et puis, un pressage vinyle coûte tellement cher que pour ce type d’objectif, un master adapté doit être intégré au budget.
Options, genres, et autres références
Côté « expérience utilisateur », il y a d’importants contrastes entre les différents services. Landr, Mastering Box, Waves ou encore Slate proposent des interfaces bien conçues et agréables. Au contraire, on a rencontré d’importantes difficultés de navigation chez iMusician, également à un moindre degré chez Mastering Studio, et on n’a pas trop apprécié le côté « réseau social » de BandLab. Plus important encore, le nombre d’options, de réglages pour orienter votre master est très variable, et cela peut faire une grande différence dans votre choix. La palme du nombre d’options reviendra à eMastered, tandis qu’à l’opposé Maximal Sound n’en propose aucune ! Mais plus que le nombre, ce qui nous intéresse, c’est la pertinence des réglages proposés. De ce côté, on ira chercher du côté de Mastering Box : fait rare, on peut y choisir avec précision le niveau (Loudness) et donc le traitement dynamique qui en découle, puis agir sur l’équilibre fréquentiel avec un égaliseur trois bandes. Le plus souvent, les options ne sont pas mesurées ou décrites de manière technique, mais se réfèrent à des genres musicaux, des images ou des qualificatifs, voire des villes ! Le Virtu de Slate a la bonne idée de cumuler les deux : un premier réglage par style, puis dans le détail, on peut adapter un peu les graves et les aigus, la compression et la largeur stéréo. Landr propose également un panel intéressant de réglages, étonnamment organisés en deux étapes. Après quelques options à choisir lors du master initial, on a la possibilité de faire une révision de celui-ci et c’est là qu’on accède à des paramètres plus fins et plus détaillés : égalisation, contrôle sur la sibilance ou encore largeur stéréo.
Certains de ces services, en l’occurrence Virtu, Waves, eMastered et Landr, proposent d’utiliser une référence. Pour des styles de musique dont les codes sont précis et un peu stéréotypés, cela peut être intéressant, mais quand on a une voix avec ses caractéristiques tonales propres, un arrangement un peu singulier, c’est plus dur de trouver une référence qui fonctionne. Sur notre exemple choisi, on n’a pas toujours obtenu des résultats très probants, mais c’est Landr qui s’en est le mieux sorti.
Une petite fonctionnalité qu’on apprécie beaucoup, c’est d’avoir un « level (ou volume) match » au moment de la pré-écoute. Cela nous permet d’évaluer les changements proposés par le master, sans être trompés par la différence de niveau. Virtu, Waves ou Landr proposent cette option.
Masters of War
Il est temps de se lancer dans une vaste écoute comparative. Pour l’occasion, nous allons nous concentrer uniquement sur les versions des masters par défaut quand cette option existe, ou alors la version la moins travaillée que les différents services ont pu nous proposer. En effet, il paraît plutôt judicieux de ne pas comparer une version dans laquelle nous sommes intervenus tant en termes de style, de balance tonale, de niveau de compression, ou de largeur stéréo (comme la version la plus poussée de Slate), avec celle de Maximal Sound, qui ne propose aucun réglage ni aucune direction stylistique. De la même manière, nous allons nous baser sur les fichiers avec une fréquence d’échantillonnage de 48 kHz et une résolution de 24 bits, afin d’homogénéiser nos écoutes. Nous rappellerons tout de même que suite à nos mésaventures avec iMusician (voir le test spécifique de ce service), nous n’avons pas réussi à obtenir de version masterisée du morceau de référence, et que nous nous sommes basés sur un autre morceau. L’écoute sera donc un peu biaisée concernant iMusician.
La première chose qui nous frappe, c’est la différence flagrante de niveau intégré des différents fichiers qui nous sont proposés. Si certains semblent viser les niveaux auxquels les plateformes de streaming vont normaliser nos morceaux lors de la mise en ligne, comme Virtu ou BandLab par exemple, d’autres paraissent plus se soucier d’obtenir un niveau intégré plutôt élevé, et ne pas particulièrement tendre vers la normalisation des plateformes, comme Waves ou Maximal Sound, qui atteignent des niveaux respectifs de –8,9 et –9,1 dB LUFS.
De la même manière, les niveaux de limiteur instantané sont très différents et passent de –1,5 dB pour Maximal Sound à 0 dB pour BandLab ou Mastering Box. En soi, c’est moins problématique parce que nous pourrons, d’un simple ajout ou retrait de niveau, exporter de nouveau notre fichier afin qu’il corresponde à l’utilisation que nous en aurons. On rappelle que Spotify, pour ne citer qu’eux, recommande une limitation d’au moins –1 dB afin d’éviter un ajout de distorsion harmonique sur les transitoires les plus puissantes lors de la normalisation des fichiers par leur algorithme. Si on prend l’exemple de Maximal Sound dont le fichier est limité à –1,5 dB et qu’on le ramène au 0 dB de BandLab par exemple, on obtient un niveau intégré de –8,1 dB LUFS pour Maximal Sound comparé aux –13,5 de BandLab. Soit une différence de niveau de 5,4 dB LUFS, ce qui est vraiment énorme en terme de la sensation d’écoute.
Sur le plan des dynamiques, on constate aussi de grandes différences, et certains masters ont subi une compression bien gérée qui préserve le naturel des dynamiques comme celui de BandLab ou de Waves. D’autres, comme ceux de eMastered ou de Maximal Sound sont très compressés et certains éléments et équilibres en sont dénaturés. Par ailleurs, certains masters ayant un faible niveau intégré sont finalement assez peu compressés, et en fonction du morceau pourraient même manquer d’homogénéité. Le deuxième aspect primordial du mastering est la balance tonale, et là aussi, on a eu droit à des résultats très différents. Certains ont tendance à aller chercher beaucoup de bas, quitte à écraser le reste des fréquences, comme Maximal Sound ou Mastering Studio, bien que la bosse dans les graves ne soit pas au même endroit. D’autres vont avoir une tendance franche à donner de la présence comme Waves ou Mastering Box, ou encore à ouvrir largement le haut spectre pour aller chercher de l’air, comme c’est le cas pour Landr ou Bandlab. Parmi les autres paramètres qui peuvent être assez déterminants lors du mastering, on va trouver la largeur stéréo. De ce point de vue, avec les paramètres par défaut, on ne trouve pas de différences très significatives entre les services, même si ce que Waves propose nous a plutôt convaincus sur ce point précis. On se rappelle pourtant que certains services offrent un réglage sur cet aspect en particulier, ce qui est le cas de Virtu, entre autres. En définitive, il est très difficile de comparer avec objectivité les masters les uns par rapport aux autres, tant la destination de ceux-ci, les goûts et le style de musique du morceau en question, voire ses arrangements et son instrumentation sont déterminants. On pourra tout de même donner un avis très subjectif correspondant au morceau que nous avons pris en référence. Les propositions par défaut de Mastering Box et de Waves nous paraissent les plus proches de ce que nous attendions pour ce morceau, alors que celles de Maximal Sound et de eMastered nous ont paru plutôt loin du compte, tant en terme purement technique que sur nos attentes artistiques. Les algorithmes, bien que très puissants et plutôt bien développés, ne remplaceront pas encore l’oreille avisée et l’expérience d’un professionnel chevronné.
Conclusion
En prenant en compte les différents paramètres observés, nous avons une préférence pour Mastering Box, dont le master initial, mais aussi les possibilités de réglages nous ont plu. Viennent ensuite le Virtu de Slate, Waves Online Mastering et Landr. Chacun de ces services a ses atouts, et en fonction du style musical, ils s’exprimeront plus ou moins bien. Pour un projet sans budget, ils sont intéressants, mais le résultat reste incomparable avec celui obtenu par un technicien spécialiste du mastering.
Voici les liens vers les 9 tests :
Slate Digital VIRTU
Plugin Alliance Mastering.Studio
Waves Online Mastering
BandLab Mastering
Maximal Sound
Mastering Box
eMastered
iMusician Mastering en ligne
Landr Online Mastering