Un studio de mastering en ligne fondé par des développeurs de plugin récompensé par des awards, tout ça pour des prix abordables, et même dans certains cas... gratuit ! Ça vous intéresse ? On vous y emmène, on vous fait visiter, et surtout écouter.
M comme Mastering
Le service de mastering en ligne que l’on teste aujourd’hui s’appelle tout simplement Mastering Studio, et il est l’œuvre de la société Plugin Alliance. Plugin Alliance, c’est un développeur de plugins comme son nom l’indique, mais aussi (comme son nom l’indique toujours) un regroupement de plusieurs autres marques et constructeurs, comme Brainworx, SPL, et bien d’autres.
En ouvrant l’onglet Mastering du site, on nous demande de charger la piste sonore qu’on souhaite masteriser. La première chanson téléversée, l’algorithme fait son travail et le site affiche « adjusting dynamics step 1 », puis « 2 » et ainsi de suite jusqu’à « 8 ». Une fois que le master est prêt, on accède à une page très synthétique et lisible où nous sont présentées les différentes options musicales entre lesquelles on pourra choisir et les différentes options de qualité audio avec leurs tarifs respectifs. Au-dessus de tout cela, on retrouve notre chanson dans un lecteur, avec la possibilité de passer du fichier original au master. Première remarque importante, la pré-écoute sur ce service ne se limite pas à un extrait, comme c’est souvent le cas chez les concurrents, mais se fait sur l’intégralité du titre. C’est évidemment un bon point pour Plugin Alliance.
Sound City
Pour les options esthétiques qui nous sont proposées, le classement se fait par ville : London, L.A. ou Miami. Pour chacune de ces villes, il y aura deux niveaux, ce qui nous donne six possibilités, classées de la moins à la plus compressée : London Smooth, London Edgy, LA Standard (la proposition par défaut), LA Punch, Miami Loud et Miami Extreme. En cliquant sur chacune, on peut lire quelques indications : la première, plutôt linéaire, s’adresserait au Jazz, balades ou musique orchestrale, tandis que les deux masters « Miami » concernent plutôt les musiques dancefloor électroniques. Entre les deux se situent les nuances qu’on peut imaginer, et notamment ce qui concerne le rock et le hip-hop. Pour le type de fichier, on peut choisir entre un CD master (comprendre 16 bits / 44.1 kHz / true peak à 0 dB) gratuit, et deux options payantes : Streaming (16 bits / 48 kHz / true peak à –1 dB) pour 2.99 $ HT ou Label Quality (24 bits / 96 kHz / true peak à 0 dB) à 6.99 $ HT. On note donc qu’il est possible d’obtenir un master gratuit – ce qui est inhabituel et plutôt sympa – mais aussi qu’il nous est proposé un fichier en haute définition – ce qui n’est pas si fréquent, et évidemment appréciable. Nous, pour la cohérence de ce test et au regard des autres services de mastering auxquels on compare celui-ci, choisirons la version streaming qui est proposée par l’ensemble de ces services. On remarque qu’il n’est à aucun moment question d’un niveau LUFS visé, donc on découvrira avec les fichiers obtenus ce qu’il en est.
On écoute sur un premier titre les différentes options, comparées au fichier original, et là, on a une mauvaise surprise : si la pré-écoute est disponible pour l’intégralité de la chanson, elle est régulièrement coupée par une mémoire tampon un peu capricieuse sur le lecteur. Globalement, on rencontre quelques difficultés avec le site qui souvent ne fonctionne pas de manière optimale : l’écran se floute pendant deux ou trois minutes, « oops, votre master est manquant, laissez-nous réparer cela », pendant qu’une petite animation nous signifie que le serveur travaille ou cherche. Ceci ne nous est pas arrivé une fois, mais plutôt cinq ou six, sur la journée de notre test.
On arrive tout de même à se faire une idée des différentes options et on décide de comparer, sur deux morceaux différents, la plus naturelle London Smooth avec LA Punch, puis la médiante LA Standard avec la radicale Miami Extreme. La première comparaison se fera sur la chanson Shirt Off, pop-rock à guitares pleine d’instruments joués et de dynamiques, et la seconde sur B.I.C., chanson hip-hop à la couleur 90's plutôt portée sur les samples et une voix frontale. On compare donc des traitements dynamiques très différents, mais pas diamétralement opposés. Autre petit désagrément, après avoir généré un premier master sur une chanson, on ne peut pas répéter l’opération depuis le même fichier avec un autre réglage ; il nous faut charger une deuxième fois le même fichier original pour obtenir le deuxième master… Difficile de comprendre pourquoi.
On écoute le maître
On crée donc une session Pro Tools avec les différents fichiers pour chacun de nos deux morceaux. La première chose qui nous frappe, nous saute aux yeux avant même de nous sauter aux oreilles : les formes parlent d’elles-mêmes et nos fichiers ont clairement des niveaux très différents. Sachant qu’on a choisi des masters à destination des plateformes de streaming, on va devoir uniformiser notre niveau d’écoute comme le ferait la normalisation Spotify par exemple, et ramener nos différentes pistes master à un niveau intégré de –14 LUFS. On a dû aller jusqu’à enlever plus de 10 dB à notre master de Rap, qu’on avait demandé dans le mode le plus Extreme.
On s’attarde sur le morceau rock, Shirt Off, dans un premier temps. Le mode de mastering proposé le plus doux, appelé ici London Smooth, nous a donné envie parce qu’il est censé être particulièrement adapté à des styles plutôt acoustiques. Ce mode est supposé être plutôt neutre avec des graves resserrés et précis, et conférer une belle homogénéité à notre mix. Le résultat est assez convaincant sur l’aspect neutre du spectre, notre balance tonale est plutôt respectée, le grave contenu et resserré, mais la profondeur et la largeur du spectre ne sont pas particulièrement travaillées. C’est un peu froid, et ça manque clairement d’une petite compression pour rendre le tout bien homogène comme cela nous est vendu. Le mode LA Standard, qui est censé être le mode par défaut, peut convenir selon son descriptif à des morceaux orientés Rock ou Hip Hop. Il est présenté comme comprenant une compression marquée, des basses profondes et une présence agréable. Le mode LA Punch est quant à lui encore plus compressé, on nous vante là une adaptabilité à des morceaux plus costauds, un peu de muscle donc. Les graves sont effectivement très profonds, mais un peu excessifs, et les hauts médiums qui sont mis en valeur pour ramener cette fameuse présence nous dérangent, car ils ramènent une partie des sifflantes et des percussives qui ne sont pas très gracieuses. On trouve ça un peu trop massif sur le plan fréquentiel, mais surtout, on manque clairement de largeur en termes de spatialisation et de profondeur. La voix est très en avant et métallique, alors que tous les effets et les petits détails de production stéréo qui ressortent dans notre master de référence sont ici nettement en retrait, et la profondeur du mix s’en fait clairement ressentir. On n’est pas très convaincus.
Passons au morceau de Rap, notre petit stylo B.I.C. Cette fois-ci encore, on suit les explications des différents modes et on prend le parti de tester les deux extrêmes qui correspondraient plus ou moins au style du morceau. Le LA Standard nous donne la même sensation que sur la chanson précédente. Le master nous paraît très étriqué en termes de spatialisation, notamment dans le bas du spectre, comme si une grande partie des fréquences avait été complètement soustraite des côtés. On perd quasiment certains synthés de prod. La voix nous paraît très en avant et aigre, on manque de substance dans le bas médium et les légères distorsions harmoniques que nous étions allés chercher au mixage s’en trouvent excessivement mises en avant. Le résultat est donc costaud et frontal, avec toutes les composantes centrales de notre mix très présentes et définies, le tout sur des graves profonds et centraux. Mais il nous manque à contrario certains détails du mix, et on manque cruellement de largeur. C’est le tour du mode Miami Extreme, dont on se doute qu’il va exacerber les directions que les modes LA nous ont déjà présentées. Pas de réelle surprise, sauf que la bosse fréquentielle dans le haut medium qui ramène de la présence, nous semble plus haute que le mode LA, on regagne un peu de détail dans les transitoires et les percussives, mais cela ramène encore plus au premier plan les sifflantes de la voix ainsi que l’aspect légèrement saturé de notre mix. La compression est vraiment violente, mais on ne ressent pas pour autant un effet de pompe exagéré, et on se dit que ce mode, même s’il n’est pas forcément adapté au morceau, peut être assez utile pour certaines orientations stylistiques.
Tous les fichiers en 48 kHz et 24 Bits sont dans le fichier archive suivant.
Mastering gratuit ?
Comme le service offre également un master CD gratuit, on a voulu le tester, et notamment vérifier la gratuité. En effet, il suffit d’avoir un compte et de donner une adresse de facturation pour obtenir ce fichier, et on peut en générer plusieurs le même jour, donc il ne semble pas y avoir de limite. Globalement, à part un limiteur plus élevé et une fréquence d’échantillonnage différente (mais on ne passe pas pour autant du simple au double), ce master est presque identique à la version streaming. Alors pourquoi l’un serait gratuit et l’autre payant ? Peut-être parce que l’usage du CD et de son format 44.1 kHz sont en voie de disparition, et que l’usage le plus répandu aujourd’hui est le streaming, les formats attendus par les plateformes seront donc ce qui convient à la plupart des artistes et producteurs. Ce mode n’a donc de CD que la fréquence d’échantillonnage, et non le travail de dynamiques plus poussé que comprend souvent le mastering pour pressage physique. Néanmoins, on peut générer gratuitement des fichiers tout à fait utilisables dans la plupart des lecteurs audio, tester les différentes options et prendre le temps de les comparer avant d’acheter celle qui nous convient, voilà donc une offre assez généreuse. Après avoir créé un ou plusieurs fichiers, on peut retrouver l’ensemble en cliquant à nouveau sur l’onglet Master. On trouve ici deux « sous-onglets » : Mes Masters pour ceux que l’on a créés, mais aussi Masters Partagés, où peuvent figurer des fichiers qu’un autre utilisateur aura créés avant de nous les partager.
Conclusion
La pré-écoute sur l’ensemble de la chanson, le fichier CD gratuit et la possibilité d’acheter des masters haute résolution nous plaisent. Mais les difficultés de fonctionnement du site ont rendu un peu laborieux notre parcours dans le studio. Pour ce qui est des masters obtenus, l’accent est clairement mis sur les différents niveaux de compression et sur quelques aspects fréquentiels concentrés sur les graves et les hauts médiums. Les descriptifs de chacun des modes sont plutôt fidèles, mais il manque clairement un travail sur la spatialisation, l’ouverture et la profondeur. On constate (et on le déplore) que plus le mode est compressé, plus on voit disparaître les médiums de notre mix.