Landr est arrivé jusqu'à nos oreilles précédé par une rumeur plutôt flatteuse, on avait donc hâte de prendre connaissance de ses masters. La diversité des paramètres ajustables le distingue clairement des sites concurrents, et nous a donné de la matière à écouter. Voici ce qu'on a entendu...
Au pays du mastering
Ultime étape de notre périple parmi les services de mastering algorithmiques en ligne : Landr. On aborde ce site avec un a priori plutôt positif, car des amis producteurs de musiques électroniques nous ont dit l’utiliser régulièrement, et ressortent satisfaits de leurs expériences par ici. C’est même un technicien qui pratique le mastering, et plutôt bien, qui nous a avoué avoir été convaincu par le travail de Landr, sur des morceaux plutôt techno, orientés clubs & dancefloor.
Première satisfaction, l’interface est bien faite, on trouve notre chemin rapidement vers ce qui nous intéresse, et le site est plutôt agréable et efficace. Au-delà du mastering, on trouve ici des banques de samples, des plugins, mais aussi un service de distribution numérique. C’est un grand classique, la combinaison du mastering en ligne et de la distribution, qu’on a trouvé chez plusieurs autres marques. Du côté des plugins, celui qui est le plus mis en avant est justement un outil de mastering, donc il y a une vraie cohérence avec ce qu’on est venus chercher ici.
Landr fonctionne essentiellement par abonnement, mais offre aussi la possibilité de payer un master à l’unité. Deux formules d’abonnement sont disponibles, Studio Standard et Studio Pro. Dans les deux cas, on n’a pas seulement accès au mastering en ligne, mais aussi à la plupart des autres produits de la marque, plugins, etc. Le moins cher des abonnements coûte 15,99 € pour un mois, tarif dégressif à 9,99 € en cas d’engagement pour un an, mais si les masters en MP3 sont illimités, le maximum sera de trois par mois en WAV. La version Pro, que nous avons prise pour un mois, est facturée 31,99 € ou 19,99 € (il y a une promotion à 12,99 € au moment où on écrit ces lignes) en cas d’engagement, et donne un accès illimité au mastering, dans tous les formats de fichiers. Une troisième possibilité consiste donc dans l’achat d’un master à 9,99 €, et on précise que tous ces prix sont hors taxes.
Les fichiers disponibles au téléchargement, une fois que les masters seront générés, sont : le MP3 320 kbps, le WAV 16 bit 44.1 kHz (format CD), et le WAV HD 24 bit qui conserve la fréquence d’échantillonnage du fichier d’origine. Ces informations ne sont pas clairement affichées dans le service de mastering, et il a fallu creuser un peu, aller du côté du « support » Landr pour les lire. On pourra donc obtenir les fichiers espérés en WAV 24/48, et les comparer à nos masters produits par des intelligences non artificielles.
De la vision à la révision
Lorsqu’on téléverse un fichier audio à traiter par le service de mastering, il atterrit dans la bibliothèque qui contiendra par la suite l’ensemble de nos fichiers. À partir de là, on pourra venir et revenir travailler sur les différents morceaux que l’on confie à Landr. Une première version du master par défaut nous est proposée, avec une pré-écoute qui permet comme souvent de passer de l’original à la copie. Cette pré-écoute s’effectue sur un extrait assez court du morceau, mais plutôt bien choisi puisqu’il s’agit de la fin, donc un des passages les plus denses, où les traitements dynamiques seront bien perceptibles. On a la possibilité d’utiliser un « volume match » pour écouter à niveaux relativement cohérents les deux versions et sentir les modifications sur les dynamiques et les fréquences sans être trompés par la différence de niveaux. Ici, deux réglages sont accessibles : le Style et le Loudness. Le premier s’apparente à une orientation tonale, mais le descriptif des différents niveaux induit aussi des notions de compression et d’énergie ; de manière assez évidente, il joue sur l’ouverture du spectre aux fréquences aigües, de Warm à Open en passant par le réglage par défaut Balanced. Le second est évidemment un choix sur le niveau qui impacte le traitement dynamique, du moins compressé Low au plus compressé High.
On peut tester pendant la pré-écoute de modifier ces deux paramètres, et cela nous donne une idée assez évidente de ce qui fonctionnera le mieux pour ce morceau. Autre possibilité à ce stade, on peut insérer une référence ! On a déjà trouvé cette option à plusieurs reprises chez d’autres marques, et c’est toujours intéressant. Pour certains styles de musique, où les fonctions des différents éléments sont très codifiées, voire stéréotypées, la référence est un moyen très crédible et rapide de travailler un mastering. Une fois les choix effectués, il n’y a plus qu’à créer le master, qu’on retrouve au bout de quelques minutes dans la bibliothèque. Mais ça n’est pas fini ! Le master a beau être créé, et disponible au téléchargement, il peut encore être révisé. En cliquant sur un petit bouton à droite, on a la possibilité de venir modifier un certain nombre de paramètres, et de générer ainsi un nouveau master sur ce même titre. Attention, pas de pré-écoute des modifications ici, le petit lecteur disponible nous permet d’écouter le master avant cette révision, pour répondre aux questions qui nous sont posées. On pourra ici agir sur le niveau, ajouter un filtre si on constate une distorsion, réduire ou augmenter l’égalisation appliquée. On trouve également trois bandes d’égalisations, ainsi qu’un traitement spécifiquement appliqué sur la voix, mais aussi un contrôle sur la sibilance, avec un choix sur les bandes de fréquences concernées. Enfin, la largeur stéréo peut être augmentée, ou au contraire focalisée sur le centre. Autant d’options qui nous semblent très intéressantes et prometteuses pour affiner un travail de mastering qui en a souvent besoin.
Les pieds sur terre
Pour écouter le travail de Landr, on utilise deux morceaux bien différents. Shirt Off, dans un registre pop-rock, est essentiellement constitué de guitares électriques et d’une voix plutôt douce, sur un basse-batterie joué live. Le second B.I.C. est bien plus centré sur le texte, hip-hop 90’s basé sur des samples de batteries, de trompettes, déjà très compressés et saturés par le mix.
À la création de la session d’écoute sur notre DAW, on se rend compte assez rapidement que le mastering par défaut est plutôt gonflé en termes de niveau, et que nos fichiers sont limités en instantané à –0,3 dB LUFS. En passant un peu de temps sur le premier morceau, on observe assez aisément que les graves sont très généreux et que notre grosse caisse s’en trouve quelque peu alourdie. L’ensemble manque de légèreté, de présence dans les médiums, et d’ouverture dans la stéréo, mais cela nous semble tout de même pertinent pour une version de base, parce qu’on aurait pu attendre un résultat similaire, en faisant appel à un studio de mastering sans qu’il ait d’indication ni de référence. On tente donc de pallier les caractéristiques par défaut en rentrant dans les quelques paramètres qui nous sont proposés. On voudra ici tout d’abord alléger le taux de compression et baisser le niveau général pour regagner un peu de dynamique et de légèreté : on passe donc en mode « Low Loudness ». Aussi, afin d’alléger le tout et de donner plus de présence, on active le mode Open, qui est censé ramener de la présence et du « punch », qu’on pourra décrire comme de la dynamique dans le bas médium et le médium. On est tout de suite beaucoup plus conquis, on regagne l’air qui nous manquait et cela redonne de l’équilibre dans la balance entre les instruments et la voix, tant en termes de présence que de profondeur de mix. La voix recule d’un pas, se réintègre à ses traitements, et on regagne certains détails de production et d’arrangement. Les changements sont drastiques, mais vont clairement dans le sens qui nous paraissait pertinent. On est donc maintenant tentés de tester le mode Référence. Il est très difficile de trouver des masters de référence dans des styles indépendants qui ne répondent pas parfaitement à des critères stylistiques précis et évidents, donc on prend le parti d’utiliser un morceau dont l’instrumentation est sensiblement identique, et dont on aime le rendu final, en l’occurrence « Loading Zone » de Kurt Vile. Le master est assez sombre et très fort en termes de niveau global, mais préserve malgré tout les petits détails d’arrangement. Le résultat est assez probant, contrairement aux récentes expériences que nous avions faites sur le même principe et avec les mêmes morceaux. On respecte les caractéristiques du morceau de référence, mais la proposition est finalement bien adaptée à celles de notre morceau, et bien que le résultat soit beaucoup plus costaud et fermé que ce qu’on aurait voulu, ça reste pertinent et musical.
Passons à notre morceau de Rap, dont le résultat du mastering par défaut marche tout de suite moins bien que sur la chanson précédente. Dans ce cas-là, on a l’impression que la voix se décroche vraiment trop et qu’on perd absolument toute la profondeur de notre mix. Le niveau de compression est beaucoup trop élevé et le niveau global s’en ressent. La voix devient agressive et les fréquences médiums de la basse sont clairement envahissantes. Dans ce contexte particulier, il n’y a pas d’autre Style qui nous paraît indiqué, on prend donc la décision d’abaisser le niveau de Loudness à « Low », et de générer une nouvelle version qui nous paraît déjà plus équilibrée. La voix et la basse reculent un peu, et on préserve donc un peu de notre palette de dynamiques. On décide de retravailler cette version qui nous semble être une bonne base de travail, en rentrant dans les paramètres avancés de la section « Master Revision ». Là, il nous est demandé de décrire nos ressentis plutôt que de prendre des options par nous-mêmes, et on décrit tour à tour notre perception du niveau général, puis de l’intensité de l’égalisation, qui nous conviennent. On rentre dans les détails de l’égalisation, et on décrit ainsi les voix comme nasales, les médiums plutôt faibles, les hautes fréquences qu’on trouve rudes. Un petit travail sur les sifflantes qu’on demande d’atténuer légèrement et uniformément, un dernier réglage en élargissant la stéréo, et on génère notre master. Les changements sont précis et fins, pour certains paramètres on aurait aimé pouvoir faire des pré-écoutes afin de comprendre comment ils réagissent, mais on est plutôt satisfaits du résultat. On gagne de l’assise, les sifflantes sont adoucies et la stéréo est légèrement plus spatialisée. On regrette de ne pas pouvoir dissocier les hauts médiums des médiums et des aigus, car ce sont souvent dans ces fréquences que résident certains conflits.
Tous les fichiers en 48 kHz et 24 Bits sont dans le fichier archive suivant.
Conclusion
Landr est un service efficace, ses différentes options de tarif et le reste de l’offre (plugins, etc.) sont plutôt séduisantes. Les différentes possibilités pour orienter ou réviser son master sont clairement intéressantes. Notamment à l’étape de la révision, la finesse des réglages proposés est rare chez les services de mastering en ligne. Le résultat obtenu est plutôt convaincant, même si on a entendu mieux par ailleurs.