Présenté cette année à la Musikmesse, le JD-XA marque le grand retour de Roland à la synthèse analogique polyphonique… accommodée de numérique, séquences et effets. Une machine très attendue avec qui nous venons de passer quelques semaines estivales…
Depuis la présentation de la nouvelle gamme JD au NAMM puis à la Musikmesse 2015, la société Roland a fait couler beaucoup d’encre. Des tartines de commentaires, on en retiendra qu’il est surtout question de traces de doigts et de rayures sur la façade, au moins dans 90 % des cas. Mais cela ne doit pas occulter que les JD-Xi et JD-XA marquent le grand retour de Roland dans la synthèse analogique. Ce début d’introduction emprunté à notre test du JD-Xi est toujours d’actualité, si l’on en croit la majorité des forums consacrés à la synthèse, où plutôt à la critique plus ou moins constructive de chaque nouvel instrument électronique à peine dévoilé, toutes marques confondues. Après le JD-Xi qui représentait l’entrée d’une nouvelle cuisine où synthèse numérique rime toujours avec analogique assaisonnée aux motifs rythmiques, c’est au tour du plat de résistance de nous être servi. Lumineux, brillant, généreux, tels sont les qualificatifs qui ressortent des premiers moments passés avec le JD-XA, à peine allumé. Alors, puisque le clavier et tout ce qui l’entoure nous y invitent, jouons et évaluons…
Génération miroir
Le JD-XA partage le design du JD-Xi. On le reconnait donc de très loin, surtout lorsqu’il est allumé : même façade noir miroir, sérigraphie rouge, flancs rouges et rétro-éclairage rouge (écran, LED, boutons).
Le JD-XA est construit majoritairement en plastique, ce qui le rend léger compte tenu de ses dimensions généreuses (6,5 kg). Le gloss en façade est tout aussi salissant que sur son petit frère et enclin aux rayures, il nécessite un chiffon ultra doux et beaucoup de soin. La qualité de construction peut paraître un peu juste compte tenu de la gamme de prix, surtout la sous-face allégée. On aimerait plus de métal comme chez DSI, même si on comprend que la recherche de la plume dans le poids est un argument de vente. Les commandes sont très nombreuses et rendent la prise en main immédiate : pas moins de 28 potentiomètres rotatifs, 18 curseurs linéaires, 3 gros sélecteurs rotatifs (formes d’ondes), 69 boutons en forme de pastille (certains lumineux) et 16 boutons carrés lumineux bien alignés, vitaux pour la sélection des programmes et le séquenceur à grille. Tout cela est bien ancré et parfaitement positionné en façade, avec les différentes sections de gauche à droite : sélection des parties sonores, LFO(s), oscillateurs, enveloppes de pitch, mélangeur, filtres, ampli et effets. En dessous, on a les outils pour l’édition détaillée (écran, navigation, données, Enter/Exit), les touches de sélection des programmes et les commandes du séquenceur (choix des pas, transport simplifié, mode d’enregistrement, tempo). À gauche du clavier, on trouve les touches de transposition (par octave ou par demi-ton, merci bien !), l’activation de l’arpégiateur, la bascule en mode mono et les réglages de portamento (activation, temps).
Pour moduler les sons, il y a à la fois un joystick pitchbend/modulation (à ressort) et deux molettes assignables (l’une avec, l’autre sans ressort) ; c’est rare autant de générosité ! Tiens, il manque un potentiomètre de panoramique, dommage, il restait beaucoup de place dans la section ampli… tant pis, on passera par le menu, ça ira aussi.
Le clavier de 4 octaves est sensible à la vélocité et à la pression ; il offre une bonne résistance à la frappe et un bon contrôle de la pression, sans excès. Les touches sont un peu plus courtes que les 13,5 cm habituels, puisqu’elles se limitent à 13 cm, mais cela n’est pas gênant. Leur largeur est quant à elle tout à fait « normale » (61 cm pour 4 octaves). À ce sujet, comme le sujet des touches/mini-touches/demi-touches/synth-ni-touches est d’actualité, nous nous sommes amusés à mesurer la largeur des touches de différents synthés du studio ; 61 cm est souvent la norme pour 4 octaves, mais on a eu une surprise : les synthés Yamaha se limitent à 59 cm pour 4 octaves ; ainsi, le DX7 de 1983 utilise le même pas de touche que le CS40m de 1979 ou le Tyros 3 de 2008. Pas de quoi crier au scandale, affaire classée !
Connectique généreuse
L’examen de la partie arrière du JD-XA laisse apparaître une connectique généreuse. À commencer par la partie audio : 5 prises jacks 6,35 pour la sortie casque stéréo, les sorties ligne gauche/droite, la sortie analogique directe monodique (permettant d’obtenir un signal 100 % analo du début à la fin, provenant des 4 canaux analogiques mélangés) et la sortie métronome, ainsi qu’une entrée micro combo symétrique XLR /jack avec potentiomètre permettant de s’accommoder à toutes les sources audio ; ici, le micro col de cygne n’est pas fourni, contrairement au JD-Xi.
La connexion XLR est capable de délivrer une alimentation Phantom 48 V/10 mA max. On poursuit avec 3 prises jack 6,35 pour pédales (1 commutateur de maintien et 2 pédales assignables continues/commutateur), puis 4 sorties jack 6,35 CV/Gate (connexion au monde analogique, nous y reviendrons).
Passons maintenant à la partie connectique numérique, composée de 2 prises MIDI (entrée/sortie commutable en Thru) et 2 prises USB2 (l’une vers l’ordinateur pour échanger des données MIDI/audio et l’autre vers des mémoires de masse, nous y reviendrons aussi). On finit ce tour d’horizon avec la borne pour alimentation externe, de type bloc au milieu (donc à moitié pardonnable), l’interrupteur secteur, la borne de masse et une petite excroissance pour coincer le câble d’alimentation et éviter les arrachements intempestifs (notamment en live) ; signalons que la machine tire tout de même 3 ampères via son alimentation externe, la partie analogique doit largement y contribuer !
Ergonomie exemplaire
Le JD-XA est très facile à programmer : on sélectionne la (ou les) parties à jouer (ou éditer) avec les touches lumineuses associées. Ainsi, on peut couper/activer/sélectionner très rapidement telle ou telle partie. On peut même éditer simultanément plusieurs parties de même technologie (analogiques ou numériques, mais pas les deux en même temps puisque les paramètres et la structure diffèrent).
Lorsqu’on est sur une (des) partie(s) analogique(s), on édite directement les paramètres en façade ; pour une (des) partie(s) numérique(s), on sélectionne au préalable un, deux ou trois partiels à éditer. C’est si simple ! Enfin, on peut sauvegarder ses programmes préférés dans 256 favoris, pour un rappel direct ou un défilement via une pédale. Certains ont dénoncé le côté guirlande du JD-XA avec le rétro-éclairage des commandes, il n’en demeure pas moins un atout essentiel à son ergonomie. Ainsi, ce rétro-éclairage est contextuel, selon qu’on est en édition de parties analogiques ou numériques, pour lesquelles certaines commandes sont exclusives. C’est très pratique, même si, pour être complet, cela ne suffit pas à bien visualiser la sérigraphie dans les ambiances obscures.
Le JD-XA est fait pour être programmé : outre la pléthore de commandes directes, on trouve des fonctions bien utiles à l’édition, comme l’initialisation de programme ([Shift] + [Program Select]), le mode manuel basculant le son suivant la position physique des commandes ([Shift] + [Enter]), la copie, ou la lecture des valeurs sans les modifier ([Exit] + modification directe de la commande que l’on souhaite visualiser). Il manque juste une touche [Compare]. On trouve aussi un LCD graphique affichant 2 lignes de caractères, bien pratique pour suivre tout ce qui se passe (nom et valeur d’un paramètre en édition directe, ou défilement dans les pages menu, avec possibilité de sélectionner/sauter des pages pour gagner du temps), un écran 3 LED 7 segments pour visualiser le numéro de programme en cours et un écran 3 LED 7 segments pour afficher le tempo (qui possède par ailleurs un potentiomètre et un bouton [Tap] dédiés). Cette prise en main directe et cette ergonomie exemplaire font du JD-XA un synthé idéal pour commencer dans la synthèse soustractive, mais aussi un puissant instrument de performance live, puisque comme nous allons le voir, il permet de lancer/couper/activer des séquences de la même manière.
Organisation et sonorités
Tout comme le JD-Xi, le JD-XA est organisé en programmes multitimbraux à 8 parties internes et 8 parties externes : en interne, ce sont 4 canaux analogiques monodiques et 4 canaux numériques polyphoniques 64 voix. Pour ceux qui comptent vite, par rapport au JD-Xi, on gagne 3 voix en analogique et on en perd 64 en numérique, sans compter la partie Drum kit passée à la trappe. Vu la richesse des textures dont on a parlé ci-dessous, la perte de polyphonie n’est pas un vrai problème ; c’est plus gênant pour les kits, mais c’est un choix à la fois technique et ergonomique, puisque le JD-XA est un véritable synthé hybride, qui permet de router ses parties numériques vers les parties analogiques de même numéro. Chaque partie analogique est certes monodique, mais on peut configurer les quatre parties en un ensemble polyphonique à 4 voix.
Au niveau global du programme, on édite le volume, le tempo, l’assignation des 2 pédales et des 2 molettes, les canaux MIDI transmis par les sorties CV/Gate et l’assignation de 4 CC sources. Pour chacun des 8 canaux, on peut régler son activation, sa tessiture, l’activation de l’arpégiateur, le niveau, le panoramique, l’envoi vers la réverbe, l’envoi vers le vocodeur, le canal MIDI, le filtrage MIDI de certains contrôleurs physiques, le tempérament (8 Presets et 1 User) et le filtrage des contrôleurs physiques internes. En plus des 8 canaux internes, chaque programme mémorise les réglages pour 8 canaux externes (fonctions clavier de commande dont nous reparlerons), les effets, l’arpégiateur et les séquences de motifs. En tout, le JD-XA peut gérer 256 programmes internes (16 banques de 16) et 256 sur carte USB. On peut aussi faire des backups de la mémoire interne vers la clé USB, pour les restaurer plus tard en bloc.
Voyons maintenant ce dont est capable la machine. Après quelques minutes de jeu, on découvre un très grand potentiel sonore pour tout ce qui est synthèse soustractive, que ce soit en analogique ou numérique. Les deux mondes se mélangent, s’imbriquent et peuvent même s’intermoduler, comme nous le verrons plus tard. On tire des nappes incroyables, avec de belles textures mixtes. La partie analogique se démarque côté grain, en particulier avec les deux filtres 4 pôles très colorants, ou le filtre 2 pôles à résonance complètement déjantée. On apprécie les possibilités d’interaction des oscillateurs, que ce soit en synchro, en Cross Mod ou en Ring Mod, toutes étant possibles simultanément. Les basses sont bien grasses, la clarté des aigus permet de sortir des leads qui se détachent du reste, le punch suffit à créer des petits kits de 4 percussions analogiques.
La partie numérique, propulsée au SuperNatural Synth, n’est pas en reste et s’en sort très bien côté synthèse : des ondes modélisées apportent un timbre alternatif aux oscillateurs analogiques, tandis que des (multi) samples de synthés célèbres font le reste. Il y a bien quelques sons acoustiques multisamplés dont nous avons passé certains en revue, mais le JD-XA n’est pas fait pour cela, il n’a pas de moteur SuperNatural Acoustic. Roland annonce déjà une mise en ligne prochaine de banques sur le site axial.roland.com… Tiens, nous allions encore oublier les traitements de la voix : le JD-XA intègre un vocodeur dont nous avons apprécié l’intelligibilité correcte et le grain ; les sifflantes passent bien, mais les plosives font souvent des dégâts, ce qui nécessite de bien régler les sources et compresser avant envoi…
- 03 Hybrid Drone 01:02
- 04 Sync o Seq 00:22
- 05 Anaverylow 00:39
- 06 Ana Drums1 00:51
- 07 Ana Drums2 00:58
- 08 Brass Mix 00:27
- 09 PWM 00:27
- 10 Balais 00:33
- 11 Big Butt 00:35
- 12 LP123 00:48
- 13 PCMs 01:09
- 14 Vocoder 00:23
Analogique & hybride
Commençons notre analyse en profondeur par les 4 parties analogiques. Elles fonctionnent soit en 4 canaux monodiques, soit un canal polyphonique 4 voix (touche [Poly Stack]). Dans ce dernier cas, c’est avec le premier canal que l’on édite le son. Les 4 voix peuvent aussi être jouées en unisson monodique. Chaque voix dispose des mêmes paramètres éditables, dont la plupart sont situées en façade. Les sources consistent en 2 oscillateurs et 1 source auxiliaire, ce qui est déjà plus puissant que le JD-Xi. Chaque oscillateur offre 5 formes d’onde : dent de scie, carré, impulsion à largeur variable, triangle et sinus. On peut les accorder sur 5 octaves, + ou – 48 demi-tons et + ou – 50 %. La largeur d’impulsion peut être fixée ou modulée par un LFO suivant une quantité paramétrable pour chaque oscillateur. La phase du second oscillateur peut être calée sur le premier, ou laissée libre.
Les deux oscillateurs peuvent interagir : synchro, modulation en anneau et Cross Mod. Dans ces deux derniers cas, le premier oscillateur est modulé par le second (multiplié au second ou modulé en fréquence par celui-ci), ou par une source externe : bruit blanc, bruit rose, canal numérique (de même numéro) ou entrée micro. Lorsqu’une source auxiliaire est activée, elle sert uniquement de modulation et n’est plus audible par ailleurs. C’est donc un premier cas d’hybridation sonore, puisqu’un oscillateur numérique peut moduler en fréquence un oscillateur analogique.
Le pitch de chaque oscillateur peut être indépendamment modulé par une enveloppe AD bipolaire dont l’action est elle-même modulable par la vélocité (bipolaire aussi). Les deux sources passent ensuite dans un mixeur où on règle le niveau de chacune, ainsi que celui de la source externe. C’est à ce stade que l’on peut ajouter au signal audio du bruit (blanc ou rose), le son du micro ou le signal de la partie numérique de même numéro (canal numérique n° 1 vers canal analogique n° 1, etc.). C’est ici que le JD-XA prend sa vraie nature de synthé hybride. Toutefois, une partie numérique polyphonique devient logiquement paraphonique quand elle est routée vers une partie analogique, puisqu’elle partage alors l’unique filtre + ampli de la voix analogique. Précisons aussi que le signal numérique est capté en sortie d’ampli, avant les effets, donc après son propre filtrage et ses propres modulations qui restent effectives ; du coup, si on veut pleinement profiter du filtre analogique, il faut laisser le filtre numérique ouvert ; de même, si on veut créer un son avec Release d’enveloppe analogique, il faut ouvrir les Release des enveloppes numériques.
Le signal ainsi mélangé attaque ensuite un HPF statique, un Drive puis un filtre multimode dynamique résonant. Roland nous gâte, avec le choix entre un filtre passe-bas 4 pôles à OTA (type Juno/JP), un filtre passe-bas 4 pôles en échelle de transistors (type Moog) et un filtre multimode 2 pôles passe-bas/passe-bande/passe-haut (type SEM). Première chose, ces filtres sont très bons et très distinctifs (cf. exemples audio) : le premier respecte le signal quand on pousse la résonance, alors que le deuxième l’écrase un peu, mais passe plus vite à l’auto-oscillation, avec une couleur très différente. Le troisième filtre part en auto-oscillation de manière complètement barrée, se mettant à osciller dans tous les sens dès qu’on l’atteint. Ces filtres sont franchement l’un des points forts du JD-XA, en plus d’une section oscillateur très souple. On peut en moduler la coupure par le suivi de clavier et une enveloppe ADSR dédiée pilotable par la vélocité, le tout de manière bipolaire. L’étage final d’amplification dispose d’une enveloppe ADSR distincte et d’une modulation par la vélocité. Les enveloppes du JD-XA ne sont pas les plus claquantes, mais la machine s’en sort très bien sur les percussions analogiques, comme on peut l’entendre dans certains exemples audio.
Pour les autres modulations, on a le droit à 3 LFO pour commencer, dont l’un dépend de la molette de modulation. Ils offrent 6 formes d’onde dont les modes aléatoires et S & H, la synchro MIDI, un cycle libre ou redéclenché au clavier, un fondu d’entrée et des assignations à modulation bipolaire vers les Pitch/PWM/filtre/ampli ; on trouve aussi une matrice de modulation à 4 cordons. Cette dernière permet, pour chaque cordon, d’assigner 1 source à 4 destinations suivant une quantité bipolaire. Parmi les sources, les contrôleurs physiques et la plupart des CC MIDI ; parmi les destinations, le pitch de chaque oscillateur, la coupure du filtre, la résonance, le volume, la Cross Mod, les largeurs d’impulsion, les modulations des LFO, les vitesses des LFO… de quoi bien s’amuser ! N’oublions pas de parler du portamento, uniquement lisse (ici), du legato, de l’unisson et de quelques réglages de pitchbend et transposition d’octave. Voilà en tout cas un retour réussi à l’analogique polyphonique par Roland, qui peut laisser présager de très belles choses dans l’avenir…
Numérique synthétique
Les 4 parties numériques se partagent 64 voix de polyphonie à allocation dynamique. Nous avons dit que c’était deux fois moins que le JD-Xi et, qui plus est, que nous avions perdu la partie Drum Kit et les samples qui vont avec… Chaque voix numérique est basée sur un moteur SuperNatural Synth, qui combine 3 partiels indépendants, tout comme le JD-Xi, mais en plus costaud.
Détaillons chaque partiel : un oscillateur fait appel à une modélisation d’onde ou un (multi) échantillon PCM. On trouve ainsi 19 formes d’onde modélisées : dent de scie (3 variations spectrales), carrée (idem), impulsion à largeur variable et modulable (idem), triangle (idem), sinus (idem), bruit (idem) et Supersaw (7 dents de scie empilées, désaccordées et modulables). Côté ondes PCM, on trouve 450 échantillons/multi-échantillons. Ce sont essentiellement des ondes synthétiques (cordes, nappes, voix, ensembles, orgues, cloches, spectres, basses, leads, bruits, effets, certaines issues de célèbres synthés de la marque) et quelques sons acoustiques (de qualité moyenne comme nous l’avons dit, le JD-XA n’est pas un « vrai » lecteur de samples). Le pitch possède son enveloppe AD bipolaire dédiée.
Le signal attaque ensuite un filtre passe-haut statique à 1 pôle, puis un filtre multimode résonant doté de 14 modes, déclinés en 2 ou 4 pôles : passe-bas (4 déclinaisons), passe-haut, passe-bande et peaking. La fréquence de coupure est modulable par le suivi de clavier et une enveloppe ADSR dédiée, elle-même contrôlée par la vélocité (toutes ces modulations sont bipolaires). La résonance va jusqu’à l’auto-oscillation, nous l’avons déjà dit.
À l’étage suivant d’amplification, on règle le volume et le panoramique (qui s’additionnent au volume et au panoramique de partie), ainsi que l’action de la vélocité, du suivi de clavier et d’une enveloppe ADSR dédiée sur le volume. Pour moduler tout ce beau monde, on peut aussi faire appel à 2 LFO (1 direct et 1 assigné à la molette de modulation), quasiment identiques aux LFO des parties analogiques, à ceci près qu’ils sont un de moins, mais peuvent agir sur le panoramique. Il existe enfin des réglages communs aux trois partiels, tels que l‘activation de la modulation en anneau entre les partiels 1 et 2, la quantité de modulation de fréquence entre les partiels 1 et 2 (fonction Wave Shaping), l’Analog Feel (fluctuation aléatoire du pitch simulant l’instabilité d’oscillateurs analogiques), le nombre de notes de l’unisson, le mode de jeu (mono/poly, legato), le temps de portamento et l’action du Pitch Bend. Notons que le portamento peut ici fonctionner en mode lisse ou chromatique (glissando par demi-ton, merci !). Par rapport aux parties analogiques, on perd la matrice de modulation, quel dommage ! On se contentera de régler l’action bipolaire de l’aftertouch sur la coupure du filtre et le volume, de boucler les enveloppes (avec synchro MIDI), ou encore de raccourcir les segments AD d’enveloppe ou de portamento lorsque le jeu s’accélère.
Pluie d’effets
La section effets du JD-XA est bien bâtie. On accède à quelques réglages basiques directement en façade (choix d’effets, activation, mixage), mais l’édition se fait en majorité par le menu. Certains effets sont liés à chaque partie, d’autres sont globaux. Commençons par les premiers : chaque partie dispose d’un MFX (multieffets) et d’un EQ 3 bandes (bandes extrêmes semi-paramétriques et bande centrale paramétrique). Le MFX possède pas moins de 67 algorithmes variés, parmi lesquels plusieurs effets connectés en série : des filtres (EQ, boosters, Enhancer…), des modulations (phaser, Ring Mod, tremolo, autopan, Slicer, haut-parleur tournant…), des chorus/flanger, des processeurs de dynamique (OD, compresseur, limiteur, Gate…), des délais, des effets Lo-Fi, des Pitch Shifter et des combinaisons en série (OD > Flanger, Simulateur d’ampli > délai, EP > chorus…). Ces algorithmes sont très détaillés (parfois 15 paramètres à éditer), hyper soignés, certains stéréo en entrée et en sortie. Mieux, le MFX bénéficie d’une matrice de modulation à 4 cordons, pour moduler des paramètres prédéfinis par Roland suivant chaque type d’effet, via des sources à choisir parmi quelques contrôleurs physiques et une liste de CC MIDI, avec modulation bipolaire. Les autres effets du JD-XA n’ont pas ces capacités de modulation en temps réel.
Passons aux effets globaux, agissant au niveau programme. On trouve une réverbe, 2 TFX (multieffets finaux), un délai et un EQ maître. On peut régler le départ de chaque partie vers la réverbe (en sortie de MFX + EQ), qui est ensuite envoyée dans les TFX puis le délai. Cet ordre est hélas fixe, bien qu’on dispose de mélange wet/dry pour les 2 TFX. La réverbe offre 5 algorithmes complets (2 pièces, 2 halls, une plaque) et un réglage compatible GM2. On peut en régler 8 paramètres essentiels, tels que le temps, la densité, la diffusion, la coupure des fréquences hautes et basses, l’étendue et la tonalité. Les TFX comprennent chacun 29 algorithmes, tels que filtre, isolateur, Looper, réducteur de bit, wah wah, réverbe, délai, écho à bande, slicer, flanger, phaser, chorus, tremolo, distorsion, générateur de bruit, compresseur, EQ… on accède à 3 ou 4 paramètres à chaque fois, on va donc cette fois droit au but sans faire dans le détail. Vient ensuite le délai global, dont on peut régler le temps, l’accélération (lors de variations dynamiques de la vitesse), le feedback, l’atténuation des hautes fréquences et les gains HF/BF. Les temps du délai global et des MFX sont synchronisables à l’horloge interne. La qualité de l’ensemble des effets est très correcte, un cran au-dessus du JD-Xi. Avant de sortir, le signal passe encore par un EQ maître 5 bandes (2 extrêmes semi-paramétriques et 3 intermédiaires paramétriques), de quoi peaufiner le son quel que soit le contexte…
Sur la voix
Le JD-XA permet de vocoder un ou plusieurs canaux synthétiques internes (l’onde porteuse dite « de synthèse ») par un signal entrant tel qu’une voix ou toute autre source passant par l’entrée micro/ligne (l’onde modulatrice dite « d’analyse »). Le principe d’un vocodeur est de découper un premier signal audio (d’analyse) en bandes de fréquence (8 à 32 en général) ; l’amplitude du signal mesurée à chacune de ces fréquences est répercutée aux mêmes fréquences d’un second signal (de synthèse, en général une onde riche en harmoniques, comme une dent de scie) pour le sculpter en temps réel. Ainsi, une voix va faire « parler » la dent-de-scie (de manière plus ou moins intelligible suivant le nombre de bandes utilisées et la pente du filtrage à ces bandes), une boucle de percussions va faire « battre » la dent de scie. Sur le JD-XA, nous ignorons combien de bandes sont utilisées, mais le signal est plutôt intelligible quand on règle bien les niveaux et qu’on utilise une pure onde dent de scie. On peut régler l’envoi de la voix vers une réverbe dédiée (8 types dont 2 délais), le type de vocalisation (voix humaine, instrument ou vintage), le niveau d’entrée du micro, le niveau d’entrée de la partie synthétique, la portion du son du micro passant par un filtre passe-haut (pour éliminer les plosives/sifflantes) et la fréquence de coupure dudit filtre.
On peut aussi utiliser les variations de volume de la voix prise à l’entrée micro pour moduler un paramètre de synthèse dans les parties analogiques. La liste des destinations est celle de la matrice de modulation précédemment évoquée : le pitch de chaque oscillateur, la coupure du filtre, la résonance, le volume, la Cross Mod, les largeurs d’impulsion, les modulations des LFO, les vitesses des LFO… sympa ! En revanche, on perd le mode Auto Note du JD-Xi permettant de piloter le pitch du synthé par le pitch de la voix. Cela aurait été bien de pouvoir commander les parties analogiques à la fois par le pitch et le volume de la voix… Dernier mot, on peut faire tourner le vocodeur et le séquenceur en même temps !
Arpèges et séquences
Le JD-XA possède un arpégiateur programmable, sauvegardé avec chacun de ses programmes. Il n’y a qu’une occurrence (un seul motif à la fois), que l’on peut activer ou pas pour chaque partie sonore. Les paramètres sont assez nombreux : la division temporelle (avec Shuffle et triolets), la durée des notes (30 à 120 %), le motif (sens de lecture), la réponse à la vélocité (jouée ou valeur fixe), l’étendue des arpèges (-3 à + 3 octaves) et l’accent (0 à 100 % suivant la vélocité programmée/jouée). Les 12 formes de motifs internes permettent la lecture vers le haut, vers le bas, alternée (avec ou sans répétition des notes extrêmes), aléatoire ou suivant une phrase transposée en fonction de la dernière note jouée. Pour ne pas partir de zéro, on peut choisir l’un des 64 gabarits d’arpèges ou programmer son propre Pattern sur une grille de 32 pas x 16 notes. À chaque case de la grille, il y a soit une note, soit un silence, soit une liaison. Pour entrer les notes, on sélectionne le pas souhaité à l’aide des 16 boutons de sélection des programmes, puis on joue les notes (solo ou accord). Les informations de numéro de note et de vélocité sont alors enregistrées. On peut aussi entrer les notes en mode pas à pas, comme pour le séquenceur dont il est temps de parler dès à présent.
Ce séquenceur à motifs est totalement multitimbral, que ce soit avec les 8 parties internes ou les 8 parties externes (cf. paragraphe « Monde extérieur »). La signature temporelle est 4/4, mais on peut choisir 4 échelles de division : triples-croches, doubles-croches, triolets de doubles-croches, triolets de croches. Les pas sont représentés par les 16 boutons de sélection de programme. Les motifs sont limités à 4 mesures, donc on utilisera, selon l’échelle, de 48 (4 × 12) à 128 (8 × 16) pas. Ceux qui veulent rallonger la sauce pourront ainsi programmer 8 mesures de doubles-croches en utilisant l’échelle triples-croches et en divisant le tempo par deux. Il est possible de réduire le nombre de mesures en lecture (boucler un motif plus tôt) sans supprimer les événements présents après la boucle. On peut aussi programmer des variations de tempo. L’enregistrement se fait en temps réel (avec ou sans Overdub) ou en pas-à-pas.
En temps réel, le JD-XA quantise les notes à l’entrée selon une grille à choisir, une précision de correction (on peut laisser la correction à zéro) et un facteur de Shuffle. Les notes entrées peuvent être effacées à la volée. Le mouvement des commandes est également enregistré, ce qui permet une automation complète des paramètres de synthèse et d’effets. En pas-à-pas, on commence à définir la longueur de pas, la durée de la note et la vélocité (jouée ou fixée) ; classique. Moins classique, on peut jouer une note ou un accord, puis définir à quel pas ils doivent être joués, avec les 16 boutons de sélection de programmes. Pour changer la mesure (ou demi-mesure) assignée aux 16 boutons, il suffit de maintenir la touche [Shift] et d’appuyer sur les boutons [1] à [8], suivant l’échelle de temps choisie au départ (les 16 boutons « ne suivent pas » les mesures).
Les motifs peuvent être édités après coup : effacement partiel ou complet (notes, Sysex, tempo). On peut aussi les exporter en SMF ou importer des SMF (type 0, sur 4 mesures). Chaque piste du séquenceur ainsi programmée peut piloter le générateur sonore interne à laquelle elle est rattachée, un module externe (via MIDI/USB ou CV/Gate assignés à deux canaux MIDI) ou les deux à la fois. En mode MIDI Control (voir ci-après), on peut programmer 8 pistes additionnelles pour piloter des modules ou STAN externes, à la fois en notes et en Sysex. On ne peut pas transposer le séquenceur en temps réel, ce que certains ont déjà pointé du doigt (peut-être en insistant chez Roland ?), on peut en revanche jouer par-dessus sans restriction (à concurrence de la polyphonie) et piloter des modules externes pendant qu’il tourne. Rappelons aussi que l’arpégiateur polyphonique peut jouer ce rôle de transposer des phrases pré-programmées à la volée, même si ce n’est pas tout à fait la même chose. Voici donc un séquenceur tout à fait intéressant à qui il ne manque qu’un mode Song, une transposition et des possibilités de lecture un peu plus exotiques pour être parfait…
- 01 Arp Mix 01:06
- 02 Arp Bass 01:04
Monde extérieur
Le JD-XA embarque toute la connectique et les fonctions nécessaires pour communiquer avec des machines externes. En appuyant sur la touche [MIDI CTRL], il se transforme en clavier de commande 8 canaux externes, afin de piloter d’autres modules sonores ou des STAN via MIDI et USB. Les notes jouées au clavier, les commandes bougées en façade, l’arpégiateur et le séquenceur (notes et Sysex) sont ainsi transmis à tout appareil (correctement) connecté en MIDI ou USB. Pour chaque partie externe, on peut régler l’activation du canal, la tessiture, l’activation de l’arpégiateur, le canal MIDI, l’activation des contrôleurs physiques et l’assignation de numéros de CC à chaque potentiomètre et curseur de la façade (soit 36 CC différents, super !). De plus, les 16 boutons de sélection de programmes peuvent eux aussi émettre des messages MIDI : notes, CC (valeurs différentes pour l’activation/la désactivation), contrôleurs physiques, changements de programme.
L’USB fonctionne également comme une interface audio stéréo en relation avec une STAN, une fois le pilote installé sur l’ordinateur hôte (ASIO 16 bits/ 44 kHz stéréo bidirectionnel, compatible Windows 7/8/8.1 et OSX 10.7/8/9/10). On peut donc parfaitement automatiser le JD-XA et l’intégrer comme un plug-in. L’autre prise USB permet de raccorder le JD-XA à des mémoires de masse pour la sauvegarde de données. Enfin, les deux paires de sorties CV/Gate situées à l’arrière permettent la connexion avec le monde analogique. Le Gate émet du +5 Volts pour les messages Notes On/Off. Le CV travaille uniquement en Volt/Octave (pas en Hz/Volt) ; la pente (Scale) est réglable de –63 à + 63, tout comme le zéro Volt de référence (choix de la note sur 4 octaves et accordage fin sur + ou – 50 %). Ainsi, le JD-XA s’accommode à tout synthé analogique travaillant en Volt/Octave. Ces réglages sont globaux ou par programme, au choix. Toute note émise par le clavier, l’arpégiateur ou le séquenceur sur l’un des deux canaux MIDI spécifiés sera répercutée en tensions aux sorties CV/Gate.
Hybridation réussie
Nous voici arrivés au bout de ce test bien plus profond que nous l’avions imaginé au départ. Le JD-XA (2 099 €) nous a beaucoup plu, car il recèle en lui les véritables qualités d’un instrument de musique : il sonne bien, se laisse facilement apprivoiser et permet de s’exprimer aisément. Il n’en demeure pas moins une machine très aboutie, que ce soit sur le plan de la synthèse, des effets ou des séquences. Complet, mais jamais complexe, il s’efface toujours devant l’utilisateur. La mélange analogique/numérique est une véritable réussite sur le plan sonore, que ce soit en audio ou en modulation. Le JD-XA n’est toutefois pas exempt de reproches : le dessous de la coque semble fragile, il manque de beaux sons acoustiques et le séquenceur aurait mérité un mode Song, ainsi qu’une transposition à la volée. Ceci dit, il s’intègre parfaitement aux outils de production d’hier et d’aujourd’hui ; on donc pourra très facilement l’associer à un synthé modulaire d’hier ou une STAN dernier cri. Avec ses qualités intrinsèques, on l’imagine bien donner naissance à différentes lignes de produits : une ligne hybride, avec un clavier étendu et un moteur SuperNatural Acoustic et une ligne analogique, avec davantage de voix et des fonctions split/layer. En attendant, nous souhaitons une belle carrière au JD-XA, dans tous les studios et sur toutes les scènes où inspiration, qualité sonore et performance sont des mots qui comptent.
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