Aussi rare que racé, le 002 est un synthé hybride polyphonique multitimbral conçu à Bristol par des fans du son PPG. Monstre sacré ou sacré monstre ?
En 2014, le 002 est le premier synthé polyphonique signé Modal Electronics (anciennement Modulus), conçu par P. Maddox, fanatique du son PPG. Très difficile à trouver de notre côté de la Manche, il aura fallu une traque digne de Sherlock Holmes pour en attraper un exemplaire. « Tout vient à point à qui sait attendre » synthétiserait bien cette aventure, arrivant à son épilogue dans les lignes qui vont suivre. C’est au Pays Catalan que nous avons déniché la perle rare chez l’ami Clarinette66, grand amateur de beaux synthés, qui nous avait déjà confié son Quantum : une fois acquis son beau 002 (l’un des 100 premiers Modulus construits en 2014), il l’a envoyé chez Modal Electronics pour lui faire installer l’option audionumérique/effets et nous l’a ensuite confié ; merci mon cher Stéphane ! Alors que nous venons à peine de tester l’Argon8, il s’agit cette fois d’un rétro-test sur un matériel récent, chose plutôt inhabituelle. Et de l’inhabituel et du déroutant, on n’a pas fini d’en croiser, sous les couleurs de l’Union Jack qui trône fièrement à gauche du panneau… Let’s go !
Say Hello
Si le 002 a plusieurs années de vol, le dernier OS ne remonte qu’à un an (1.3 d’après le manuel, 1.03 quand on contrôle la version à l’écran). Dès le déballage, le synthé impressionne à plusieurs titres : son poids élevé (16,5 kg) au regard de sa relative compacité (89 × 40 cm), la disposition de ses commandes en courbes harmonieuses (on peut aussi y voir une tête de Mickey et des Invaders), la forme de ses encodeurs, la texture de ses flancs, les graphismes classieux rouge et gris de l’écran central. La qualité de construction et le choix des matériaux semblent soignés : coque en métal épais, capuchons en alu tourné, flancs en cuir brun estampé (brillants noirs sur la dernière version signée Modal), bâton de joie à ressort, clavier 5 octaves Fatar TP/9 semi-lesté parfaitement équilibré, sensible à la vélocité et à la pression… on se croirait presque dans une Rolls ! Presque, car quelques détails viennent un peu gâcher ce beau tableau : certaines commandes s’enfoncent un peu quand on appuie dessus, indiquant des cartes électroniques insuffisamment fixées pour leur rigidité ; les encodeurs bougent sur leur axe, ils ne sont pas vissés au panneau ; parfois, certaines LED s’éteignent et les boutons deviennent inutilisables, bon…
Côté ergonomie, le 002 déroute autant qu’il fascine. Avec 57 encodeurs lisses très sensibles, 1 seul potentiomètre (volume) et 68 boutons poussoirs (ronds façon M&M’s et carrés/ronds façon Matrix-12), il y a de quoi faire sans entrer dans les menus. Cependant, on n’y échappe pas pour atteindre les nombreux réglages disponibles. Ceci se fait en appuyant sur l’une des 6 touches situées sous l’écran, correspondant aux 9 pages principales d’édition : programme/performance, séquenceur/animateur, paramètres/favoris, sauvegarde, comparaison et réglages généraux. Chaque page est divisée en sous-pages, dans lesquelles les paramètres portent un numéro d’appel rapide : on y « flotte » en composant le numéro avec le pavé numérique, ou en navigant avec l’encodeur-poussoir et trois autres poussoirs (arrière/sélection/avant). Une fois habitué, on gagne du temps. On ne peut pas régler l’angle de visibilité de l’écran ; dommage car il est difficile à lire assis. Sur le plan fonctionnel, on sent que l’OS n’est pas des plus stables ou des mieux optimisés : notes figées, plantages, délai dans la sélection des Performances multitimbrales (8 secondes !), emballement spontané… Crazy 002 ! 6 ans après sa sortie et un dernier OS datant de 2019, on a du mal à imaginer que la machine sera un jour finalisée…
Connecting people
Allez, on passe à l’arrière, pour y découvrir une connectique plutôt fournie : à gauche, deux sorties audio combo XLR (symétrique femelle) / jack (asymétrique), deux entrées audio jack TS (routage des signaux vers le VCF, nous en reparlerons), un connecteur D-Sub 15 broches apportant 12 sorties analogiques individuelles asymétriques (pour ceux qui trouveront un câble épanoui adapté, puisqu’il n’est pas fourni), une prise USB-B (disponible avec l’option carte numérique). A droite du panneau arrière, on trouve un trio MIDI DIN, un port USB-A (MIDI, appareils compatibles), un port Ethernet RJ45, deux entrées pour pédales (maintien et contrôleur continu assignable) et une borne IEC 3 broches flanquée de son interrupteur secteur (alimentation interne universelle, well done Sirs !).
La prise Ethernet RJ45 permet de relier directement le 002 au serveur de Modal via un routeur, pour partager des banques ou mettre jour l’OS. A partir d’un PC, en tapant l’adresse IP assignée par le routeur, on peut piloter l’ensemble des fonctions du 002 (paramètres sonores, banques, réglages système) avec un navigateur HTML, donc sans appli. Original ! La prise casque est située à l’avant droit, directement dans le pli métallique sous le clavier. Inhabituel mais bien pratique. Nous avons déjà évoqué la carte numérique optionnelle ; elle ajoute trois processeurs d’effets et l’audionumérique multicanal via USB, nous y reviendrons en détail en fin de test.
Hybrid sound
Le 002 est un synthé hybride (oscillateurs numériques, VCF, VCA) polyphonique 12 voix et multitimbral 12 canaux. L’énorme mémoire interne réinscriptible contient 100 banques de 100 programmes simples et 100 banques de 100 performances multitimbrales, ce qui permet de voir venir. Plusieurs centaines de programmes sont proposés par le constructeur et les utilisateurs, gratuitement téléchargeables sur le serveur du constructeur via la fameuse prise Ethernet. Les banques sont un mélange de textures diverses, ensembles synthétiques, nappes évolutives, tables d’ondes, basses, pas toutes inoubliables.
On déplore l’absence de Performances multitimbrales d’usine ; il y a une banque utilisant les effets de la carte optionnelle, ainsi que quelques présélections d’effets. On peut aussi organiser les sons en 100 banques de 12 favoris (pointage vers des programmes uniquement, le pointage vers les performances, séquences ou autres étant affiché mais pas disponible !) ; ils sont ensuite rappelés avec la rangée de 12 touches en partie gauche du panneau.
En écoutant les premiers sons, nous avons trouvé les niveaux des sorties analogiques assez faibles, même en XLR symétrique. Nous avons alors désactivé la fonction de compensation automatique de gain de la carte numérique optionnelle (prévue pour éviter la distorsion via l’audio USB multicanal) et réglé le gain à la main (50 à 100 suivant le son). Là nous avons retrouvé un niveau correct. Le 002 est très à l’aise sur les textures évolutives type PPG ou Prophet-VS, les nappes luxuriantes, les sons cristallins et les sons qui se baladent dans tous les sens, grâce à de nombreuses possibilités d’animation. Chose curieuse et sympathique, les oscillateurs numériques ont tendance à dériver naturellement, alors qu’aucun paramètre du genre n’est prévu. Renseignements pris chez le constructeur, cela est dû à leur conception indépendante, chaque carte voix ayant ses propres générateurs oscillant librement avec leur propre phase. Quoi qu’il en soit, le résultat sonore est convaincant. Le 002 est tout aussi à l’aise dans les gros sons de basse (pas seulement empilés), là où on ne l’attendait pas vraiment. Il ne remplacera pas un mono analogique dédié type Moog, mais s’en sort très bien sur les basses à transitoires claquantes…
- 002_1audio 01 Huge Pad00:50
- 002_1audio 02 Vocal Colours00:58
- 002_1audio 03 Add Harm00:40
- 002_1audio 04 Hybrid Strings01:00
- 002_1audio 05 Stack The Bass00:52
- 002_1audio 06 VCF EG00:52
- 002_1audio 07 DeRez PPG00:41
- 002_1audio 08 The Arrival00:31
- 002_1audio 09 Multi Wave01:01
- 002_1audio 10 Big Phatty00:52
- 002_1audio 11 Big Sync00:19
- 002_1audio 12 Vocal 200:39
- 002_1audio 13 PPG 200:39
- 002_1audio 14 Changed Heart00:49
- 002_1audio 15 Last Bass00:37
Numerical oscillations
Pour produire le son, chacune des 12 voix dispose de 2 NCO (oscillateurs contrôlés numériquement), 2 sous-oscillateurs, un mélangeur, un VCF et un VCA. Les NCO sont des oscillateurs à fréquence d’échantillonnage variable suivant la tessiture (un peu comme sur les PPG Wave et le Prophet-VS), ce qui les distingue des oscillateurs numériques classiques à fréquence fixe et leur apporte un son plus défini sur toute l’étendue du clavier. Pour chacun, on peut choisir la forme d’onde parmi 56 ondes courtes (dont un bruit et une onde à largeur d’impulsion variable), l’accorder (+/-24 demi-tons) et activer le mode PW. On peut évidemment désaccorder finement les deux NCO pour épaissir le son. Les autres manières d’avoir un gros son est d’empiler plusieurs voix et de les désaccorder, soit en mode unisson (1 à 12 voix simultanées en mono), soit en mode Stack (1 à 12 voix partageant la polyphonie). On trouve aussi les modes classiques Poly et Mono avec priorité de note (dernière, haute, basse, aucune). N’oublions pas le mode Chord, caché dans le menu, prévu pour mémoriser un accord et le transposer ensuite d’un seul doigt.
Un réglage DeRez permet de modifier la couleur des ondes en ajoutant des aigus, créant par moment de l’aliasing dans les aigus et du buzz dans les graves, un peu comme sur les synthés hybrides vintage. D’ailleurs le 002 produit lui-même un peu d’aliasing dans les aigus, même sans DeRez. On peut synchroniser les deux NCO (le NCO2 étant l’esclave auquel le NCO1 impose sa fréquence, ce qui modifie son contenu harmonique lorsqu’il est désaccordé, puisque sa forme d’onde est redéclenchée hors cycle). Chaque NCO possède un sous-oscillateur, capable de produire soit une onde carrée fixe, soit la même onde que le NCO à l’octave inférieure. Les NCO ne sont donc pas des tables d’ondes modulables, contrairement à l’Argon8 qui va plus loin dans ce domaine. Nous verrons toutefois qu’il est possible de recréer un effet assez proche avec la fonction animateur assignée au numéro d’onde (toutefois sans lissage ni ordonnancement des ondes). Les quatre signaux (NCO et sous-NCO) ainsi créés sont ensuite dosés dans un mélangeur avec les éventuels signaux externes présents aux entrées audio stéréo. Dans ce cas (c’est-à-dire dès que le volume du signal extérieur est supérieur à zéro), seules les 4 premières voix sont utilisables, les autres étant condamnées sans pitié, dommage !
Analog parts
Les signaux mélangés attaquent alors le filtre, doté d’un étage de saturation analogique dosable, au rendu très intéressant. Contrairement à ce que le panneau pourrait le laisser penser, ce n’est pas au mélangeur que cet étage est intégré mais bien au filtre. Ce dernier est un VCF discret en échelle de transistors, capable de passer progressivement entre les modes passe-bas 4 pôles, passe-bande 2 pôles et passe-bas 1 pôle. La position passe-bas 4 pôles reste la plus intéressante, les autres ne sont pas vraiment renversantes au plan sonore, c’est d’ailleurs souvent le cas sur les filtres analogiques en échelle d’autres marques.
La fréquence de coupure descend jusque 40 Hz et monte au-delà de 20 kHz. Mauvais point, on entend des effets de palier à résonance modérée, lorsqu’on bouge l’encodeur à vitesse lente, vu qu’il n’y a que 127 valeurs ; c’est moins flagrant quand on accélère le mouvement, comme s’il y avait un algorithme de lissage en tâche de fond. La fréquence de coupure est directement modulable par une enveloppe dédiée, le LFO2 (celui qui est polyphonique), la vélocité initiale et le suivi de clavier (avec décalage de note). Toutes ces modulations sont bipolaires, tant mieux ! Augmenter la résonance atténue les basses, comme toujours sur ce genre de filtre. La pousser davantage met le filtre en auto-oscillation, avec génération d’une onde sinus assez douce en mode 4 pôles et plus criarde dans les autres positions. Là, on se rend compte que les voix de notre 002 mériteraient sérieusement d’être recalibrées ; hélas ce n’est possible par logiciel, on se croirait revenus 40 ans en arrière ! Pire, Modal Electronics ne fournit pas la procédure de calibration manuelle, imposant un retour atelier. Dommage, des photos publiées sur la toile révèlent qu’il n’y a que trois ajustables multitours par voix (sans doute deux pour le VCF et un pour le VCA…)
Le signal passe enfin dans le VCA, doté d’une enveloppe dédiée avec réglage de quantité de modulation. Il n’y a pas d’autres modulations directes du volume, il faut passer par la matrice de modulation. Les voix sont alternativement routées vers les sorties gauche/droite, sauf avec la carte audionumérique/effets optionnelle où on peut toutes les centrer puis les envoyer vers les effets. Pourquoi Modal n’a-t-il pas ajouté de réglage de panoramique en mode Programme pour les 002 équipés de cette option, vu que cela existe en mode Performance ?
In the mod
Pour moduler le son de manière traditionnelle, on dispose d’un portamento (avec mode automatique), 2 LFO, 2 enveloppes et une matrice de modulation. Le LFO1 est global pour les 12 voix (ou par canal en mode multitimbral). Il offre quatre formes d’onde (sinus, dent de scie, carré et S&H) et un paramètre de vitesse avec possibilité de synchro MIDI (différentes divisions temporelles sont prévues). Le LFO2 est quant à lui polyphonique et un peu plus sophistiqué. En plus des paramètres du LFO1, il offre un délai, une modulation bipolaire de la vitesse par le suivi de clavier et plusieurs modes de cycle (libre, redéclenché, un seul cycle libre, un seul cycle redéclenché). Via le menu, on peut tripler la vitesse du LFO2 (mais pas jusqu’à l’audio) et passer en modulation positive (surtout utile avec l’onde carrée). Les deux enveloppes, de type ADSR, sont numériques. L’une est assignée au VCF, l’autre au VCA. On peut régler la courbe des segments de déclin et relâchement (linéaire ou exponentielle), l’attaque étant toujours linéaire (curieux). Ces enveloppes ont quelque chose d’étrange, leur étalonnage rend difficile la plupart des réglages, que ce soit sur des temps courts percussifs ou des extinctions de relâchement. Un paramètre permet de décider si l’enveloppe est redéclenchée ou non à chaque note jouée.
On passe à la petite matrice de modulation, disponible sous forme de deux ensembles de 3 sources et 8 destinations directement assignables en façade. Le premier ensemble permet de relier le LFO1, la pression et la molette de modulation aux pitchs des NCO1/NCO2, aux numéros d’ondes des NCO1/NCO2, à la fréquence de coupure du filtre, à la position de réponse du filtre, à la saturation et au volume. Le second ensemble permet de relier le LFO2, la vélocité et le suivi de clavier aux pitchs des NCO1/NCO2, aux numéros d’ondes des NCO1/NCO2, à la résonance du filtre, à la position de réponse du filtre, à la saturation et au volume. Bref, cela représente seulement 6 sources et 9 destinations, les enveloppes n’en faisant pas partie, such a shame ! De plus, la quantité de modulation (bipolaire) est commune pour toutes les destinations d’une même source, sauf le LFO2 qui possède des dosages de modulation par destination (accessibles via le menu). Un mot enfin sur le bâton de joie, avec 4 directions assignables à une longue liste de destinations, dont le pilotage de la molette de modulation / CC1, elle-même assignée via la matrice de modulation.
Triple Motion
L’un des points forts du 002 et de combiner un séquenceur, un animateur et un arpégiateur, tous capables de piloter le moteur interne, des instruments MIDI externes ou les deux en même temps. L’arpégiateur offre 10 motifs : avant, arrière, pendulaire avec répétition des notes extrêmes, pendulaire sans répétition, aléatoire sur un motif répété, aléatoire total, avant par ordre croissant de note, arrière croissant, pendulaire croissant avec répétition et pendulaire croissant sans répétition. Les notes arpégées peuvent être répétées sur 1 ou 2 octaves, mais pas plus. Un mode de maintien permet d’ajouter ou supprimer des notes à l’arpège en cours. Enfin, on peut définir la division temporelle du motif. En revanche, le temps de Gate est fixé à 50% et il n’y a pas de facteur de swing ou autres Ratchets. Bref, ça reste basique.
Le séquenceur possède 32 pas de 12 lignes directement ajustables avec les 2 rangées de 8 encodeurs-poussoirs situés à droite du panneau (réglage/activation du pas). Une ligne correspond à une note ou une modulation agissant en valeur absolue sur le moteur interne (note / paramètres de synthèse et d’effets) ou sur un instrument MIDI externe (note / CC MIDI). Chaque pas peut avoir une longueur spécifique, avec temps de Gate individuel séparé pour la ligne de notes. Les paramètres peuvent être lissés entre les pas, mais c’est leur valeur qui est lissée ; autrement dit, si on assigne le paramètre Note d’un oscillateur (accordage par demi-ton), le lissage est chromatique et pas continu (enlever le lissage fait sauter le pitch sur les valeurs réglées dans chaque pas). On peut définir les points de bouclage, le sens de lecture (comme l’arpégiateur, mais sans notion d’ordre de notes jouées) et le swing (bipolaire). En lecture, les séquences peuvent être transposées au clavier, soit en maintenant la touche Transpose, soit directement après avoir double-cliqué dessus. 10 000 mémoires attendent nos œuvres, que l’on rattache ensuite aux programmes.
Enfin, l’animateur fonctionne comme le séquenceur, sur 32 pas et 12 pistes, avec la même possibilité de lissage entre les pas, mais en agissant uniquement sur les paramètres internes ou CC MIDI (donc pas les notes). Autre différence, il est déclenché par chaque note jouée et peut fonctionner en valeur absolue ou relative. C’est ainsi que l’on module le numéro de forme d’onde ou le panoramique d’un programme tout en jouant. Pour la forme d’onde, le lissage ne permet pas le passer progressivement d’une onde à l’autre, car on lisse les numéros d’onde (on balaie les numéros consécutifs au lieu de sauter du premier au dernier), pas les formes d’onde, la nuance est importante. Pour l’animation du panoramique, la déception est grande là aussi, car la carte optionnelle qui permet ce réglage n’admet pas le lissage ! L’animateur dispose de points de début et fin de lecture, d’un sens de lecture et d’un facteur de swing. Il peut être lu en boucle, une seule fois avec arrêt sur les dernières valeurs modulées ou une seule fois avec retour aux valeurs du programme. Là encore, 10 000 mémoires attendent nos animations pour être rappelées rapidement. Une très bonne idée qui souffre des limites du code et/ou du processeur.
Multi Modal
Là où le 002 se démarque de ses descendants, c’est dans la possibilité de jouer ses 12 voix en multitimbralité totale. Cela se passe au sein du mode Performance. Basculer dans ce mode prend 8 secondes de calcul, autrement dit une éternité. Il en est de même pour changer de Performance, ce qui est difficile à admettre sur une machine ce cette génération et de ce standing ! C’est d’autant plus surprenant que les Performances ne mémorisent pas les paramètres des programmes assignés, mais juste leur numéro. En fait, une Performance renferme, pour chacun de ses 12 canaux, le numéro de programme, le volume, le canal MIDI, la réserve de voix, le statut des messages MIDI (émission, réception, les deux) et la transposition par demi-ton. Donc aucun réglage de fenêtre de vélocité, soit-dit en passant.
Si les programmes édités sont sauvegardés en mode Programme avec leurs réglages d’arpégiateur, le numéro d’animation et le numéro de séquence associés, ils sont chargés dans la Performance avec leurs réglages d’arpèges et les pointages vers l’animateur et la séquence associés, ceci pour chaque canal, ce qui commence à faire du monde. Lorsque la carte optionnelle audionumérique/effets est installée, chaque canal d’une Performance dispose de trois départs séparés vers les effets, ainsi qu’un réglage de panoramique (bizarrement sur notre modèle, le panoramique fonctionne à l’envers ; ne reculant devant aucun effort, nous avons inversé nos cordons audio gauche et droit, ce qui est au fond plus facile que rouler à gauche en étant assis à droite). D’ailleurs, parlons-en tout de suite de cette fameuse carte.
Digital option
La carte audionumérique/effets optionnelle prend la place de la carte audio de base. Cela nécessite d’envoyer son synthé chez Modal, on aurait préféré pouvoir faire cela soi-même, surtout pour changer un simple PCB. L’option permet d’abord d’utiliser l’USB-B pour véhiculer des signaux audionumériques multipistes vers une STAN, en plus du MIDI de base. On peut la configurer comme 12 sorties individuelles ou 2 paires de sorties stéréo (une traitée par les effets de la carte et une non traitée). Elle offre aussi une entrée numérique stéréo depuis la STAN, que l’on peut envoyer aux circuits analogiques VCF/VCA. Elle fonctionne à une résolution de 24 bits et à des fréquences de 48–96–192 kHz sous Mac, où elle est classe-compatible USB2. Sous Windows, elle est limitée à 48 kHz en USB1 et nécessite d’installation préalable d’un pilote (type Asio4all). Etant sous Windows XP et 10, nous n’avons pas testé cette partie pour ne pas mettre le bazar dans nos pilotes ASIO qui se portent très bien, merci…
Allez, parlons des effets. Le 002 de base en est complètement dépourvu. Avec la carte numérique, on a trois effets simples (chorus, délai, réverbe) avec des routages complexes. Le chorus est mono en entrée et stéréo en sortie. Sa sortie est retournée sur le bus stéréo maître et simultanément envoyée dans le délai, stéréo en entrée et en sortie. La sortie de l’ensemble chorus + délai est à son tour retournée sur le bus stéréo maître et son signal réduit en mono envoyé vers la réverbe (mono en entrée et stéréo en sortie), où il peut être ajouté au signal mono non traité. Enfin, la sortie stéréo de la réverbe est retournée sur le bus stéréo maître, où elle rejoint les sorties stéréo mélangées du signal sec, du délai, du chorus et de l’ensemble chorus + délai. Que ceux qui préfèrent les dessins se réfèrent au diagramme joint.
Entrons un peu dans le détail des effets. Le chorus offre 5 paramètres : temps de délai, feedback, vitesse, profondeur et largeur stéréo. Il apporte un peu d’ampleur au son, mais n’est pas exceptionnel. Le délai propose 6 réglages : quantité des modulations stéréo croisées, temps du canal gauche, feedback gauche, temps du canal droit, feedback droit et quantité de chorus envoyée dans le délai. Les temps des canaux gauche/droit peuvent être synchronisés à l’horloge MIDI suivant différentes divisions temporelles. Un effet plutôt réussi. Enfin, la réverbe offre 6 paramètres : prédélai, temps, taille des délais internes (résonance de pièce), balance des réflexions, feedback et quantité de délai injecté dans la réverbe. Le son est fin et métallique, plutôt décevant. Le manque d’algorithmes plus exotiques, tels que plaques, portes ou inversions, est aussi regrettable.
En mode multitimbral, rappelons que l’on peut doser l’envoi de chaque partie vers les trois effets, partagés avec l’ensemble de la Performance. Les réglages des trois effets sont stockés indépendamment dans 1 000 mémoires, que l’on lie au Programme ou à la Performance. Les paramètres de mixage (dont le panoramique) et d’effets peuvent être modulés avec l’animateur, mais seulement de façon discrète (pas de lissage, nous l’avons dit), ce qui en limite l’utilisation (notamment pour le panoramique, les départs/retours ou les temps de délai/réverbe). Même avec la partie audionumérique, la note pour obtenir cette carte est très salée (environ 700 € TTC compris montage et transport retour du synthé en Europe) au regard des possibilités et résultats sonores obtenus. Pas vraiment indispensable…
Say good bye
Le 002 a été un bel objet de convoitise à sa sortie. Il a su séduire un public de privilégiés, tant par son tarif haut de gamme que par sa rareté. Il faut dire que sur le papier, il offre des spécifications alléchantes, telles que la multitimbralité, le moteur hybride, les diverses possibilités d’animer le son, les commandes garnies, l’approche Web/Cloud, sans oublier la carte optionnelle qui apporte audionumérique, effets et panoramique ajustable, manquant cruellement à la version de base. Pourtant, le 002 présente plusieurs points de friction, dont certains seront rédhibitoires suivant les sensibilités de chacun : l’OS pas encore stable après plusieurs années de mise à jour, la lenteur surprenante du mode multitimbral, un écran peu visible en position assise et l’impossibilité de recalibrer soi-même les parties analogiques. C’est sans doute ces points, comparativement au prix premium, qui ont pu faire renoncer certains clients potentiels. Dommage, car le 002 avait sa place dans l’univers des synthés élitistes et sophistiqués, avec sa conception singulière et son caractère sonore hybride distinctif. Réservé aux belles collections…