Trois ans après le Super 6, UDO Audio présente son deuxième synthé, un grand modèle haut de gamme baptisé Super Gemini. Ce magnifique synthé hybride va-t-il nous transporter vers l’infini voire au-delà ?
UDO Audio a été fondée à Bristol en 2018 par George Hearn, auparavant développeur chez Modal Electronics, située dans la même ville de l’ouest de l’Angleterre. Après s’être fait la main sur le Modal 008, il a développé le Super 6 dans sa nouvelle société, un synthé polyphonique hybride bénéficiant d’un son stéréo ample, d’une interface conviviale sans menus et d’une qualité de construction exemplaire. La finalisation avait pris une bonne année après la présentation Superbooth 2019 et nous avions réussi à tester un exemplaire début 2021, entre Covid et Brexit.
C’est au Superbooth 2023 qu’UDO audio a présenté le grand frère du Super 6, sous le vocable Super Gemini : nouveau clavier étendu avec pression polyphonique, bitimbralité, polyphonie accrue, commandes doublées… le synthé s’annonce très prometteur. Si les premiers exemplaires ont été diffusés fin 2023, il aura fallu attendre que la nouvelle distribution de la marque pour la France soit en place avant d’attraper un exemplaire. Merci à Alex4 de nous avoir prêté un Super Gemini en version 1.12…
Construction magnifique
Tout comme pour le Super 6, la qualité de construction du Super Gemini est irréprochable : coque en métal plié, ancrage parfait des commandes, réponse très agréable (résistance des curseurs, fermeté des potentiomètres et clic franc des poussoirs), peinture et assemblage très soignés, bravo UDO Audio ! Le Super Gemini est beau, avec sa robe blanc cassé mêlée de tons gris et orange, sa sérigraphie grise discrète, mais parfaitement lisible et ses flancs affinés. Le synthé mesure 104 × 44 × 11 cm pour 14,5 kg, ce qui en fait un grand porte-avions d’un gabarit comparable au Jupiter-8 de Roland. Le Super 6 fait tout petit à côté ! Le panneau est séparé en deux grandes zones : synthèse en partie supérieure, contrôles/mémoires/matrice en partie inférieure. La zone de synthèse a été doublée : il y a une rangée de commandes pour chacune des deux couches sonores qui constituent une performance (dominante de blanc pour la couche supérieure et d’orange pour la couche inférieure), une conception rare dans l’histoire de la synthèse, sans aucun doute inspirée du CS80 de Yamaha.
Les zones de synthèse sont subdivisées en différentes sections : LFO1, modulation des oscillateurs, oscillateurs, mixeur, VCF, VCA et enveloppes. La zone de contrôles/mémoires/matrice comprend les contrôleurs temps réel, la sélection de couche sonore, les modes d’assignation des voix, l’arpégiateur, le séquenceur, la sélection des performances/patches/ondes des oscillateurs/matrice de modulation/fonctions globales et effets. Cela représente 12 potentiomètres rotatifs, 59 curseurs linéaires de 30 mm (donc plus courts que ceux du Super 6), un encodeur poussoir, 12 sélecteurs rotatifs, 29 sélecteurs à bascule et 41 boutons poussoirs. De quoi bien s’éclater, d’autant qu’une large majorité de commandes ne dépasse pas deux fonctions (le plus souvent une), ce qui assure une prise en main instantanée. Niveau interface utilisateur, c’est droit au but : aucun menu, aucun écran, pas même une petite LED pour indiquer lorsque la valeur en cours correspond à la valeur stockée. On a toutefois une rangée de 16 LED pour représenter certains réglages, bon. UDO a prévu une fonction de comparaison avant écriture, un mode manuel par couche et l’initialisation des réglages (Patch Init programmable). L’entrée en matière est facilitée, s’il en était besoin, par le manuel très détaillé de 134 pages fourni avec la machine.
Pression polyphonique
Le clavier de 5 octaves Fatar TP/8 sensible à la vélocité et à la pression polyphonique est de très bonne facture (les touches blanches ont une certaine course d’enfoncement à la pression, ça surprend au départ). Un sélecteur permet de transposer par octave (+/-2) ou par demi-ton (+/-12). La vélocité peut contrôler le filtre, le volume sonore et d’autres paramètres à définir, alors que la pression peut s’ajouter à l’axe vertical du bâton de joie pour piloter les pitchs/VCF/VCA des couches sonores (au choix) en direct ou via un LFO dédié. La conception mécanique sans course de cet axe le rend peu pratique à doser. Au-dessus du clavier, on trouve un grand ruban assignable conçu par UDO, lui très agréable à parcourir.
Mise à part les deux prises casque stéréo situées à l’avant gauche (Jack 3,5 et 6,35 mm), ce qui est bien pratique, le reste de la connectique, vissée, est située sur le panneau arrière : trois paires de sorties stéréo TS (mix principal, couche inférieure, couche supérieure), une entrée pour geler le délai, trois entrées pour pédales (maintien simple/double, continue assignable, volume), un trio Midi DIN (notes, changements de programme, pitchbend, modulation, CC/NRPN, le MPE étant encore en développement), un port USB (Midi, échange de programmes/séquences/formes d’ondes et mise à jour du système d’exploitation), un connecteur IEC pour cordon secteur (alimentation interne universelle 90–250V/50–60 Hz, chouette !) et un interrupteur secteur. Toutes les connexions analogiques sont au format jack 6,35 mm. Passée à la trappe, hélas, l’entrée audio stéréo vers la seconde paire d’oscillateurs dont est équipé le Super 6…
Très large bande
La mémoire interne renferme 128 performances de 2 patches et 256 patches individuels indépendants réinscriptibles, ce qui est vraiment le minimum syndical de nos jours. La gestion des mémoires internes se fait par USB, dans un mode permettant de naviguer dans différents répertoires (performances, programmes, ondes, séquences), nous y reviendrons. Les programmes d’usine ne nous ont pas tassés sur le fondement, avec un niveau de qualité et d’utilité très hétérogène, impression mitigée que nous avions déjà ressentie avec le Super 6. Vu le panneau de commandes, on n’aura aucun regret à les écraser avec nos propres œuvres.
Ce qui nous a beaucoup plus, c’est la largeur stéréo des textures produites. En mode binaural, les canaux gauche et droit peuvent être modulés de manière subtilement différente, créant des effets de phase sur le filtre ou le volume. Le son est ample, la bande passante sans compromis, la pureté de mise. On ne note aucun aliasing disgracieux, que ce soit sur des sons hyper modulés ou des aigus extrêmes. Le Super Gemini tient la route sur toute la tessiture. On apprécie la variété sonore, tantôt à consonance analogique, tantôt à grain numérique bien marqué. On tombe par-ci par-là sur des petites dérives simulées bien senties, la douceur des filtres fait place à la brutalité de la FM, les cuivres côtoient les textures évolutives, les basses profondes répondent aux leads tranchants, les cloches parlent aux drones sans fin. Tout semble possible au détour d’une commande… et on n’en est pas dépourvu ! Comme toujours, quelques éléments viennent un peu gâcher ce beau tableau : la vélocité et la pression polyphonique sont difficiles à bien doser (absence de courbes de réponse). On a aussi remarqué que les niveaux de sortie des programmes d’usine n’étaient pas des plus élevés, pourtant on peut les remonter avec les curseurs de VCA sans craindre l’apparition de bruit de fond ou de saturation, tant mieux !
- Super Gemini_1audio 01 Wide space01:16
- Super Gemini_1audio 02 Two arps01:23
- Super Gemini_1audio 03 Sand call01:35
- Super Gemini_1audio 04 PPGesque00:30
- Super Gemini_1audio 05 Pressure bass00:55
- Super Gemini_1audio 06 Hybrid power00:28
- Super Gemini_1audio 07 Large choir01:07
- Super Gemini_1audio 08 Deep bass00:45
- Super Gemini_1audio 09 Double fifth01:32
- Super Gemini_1audio 10 Cross bell01:06
Paire de dix
Le Super Gemini est un synthétiseur hybride polyphonique bitimbral. On trouve les modes Simple (20 voix mono ou 10 voix binaurales), Double (10 voix mono ou 5 voix binaurales par couche) et Split (10 voix mono ou 5 voix binaurales par côté). On peut désaccorder la couche inférieure de la couche supérieure. En mode binaural, les 20 voix sont appairées pour former un signal stéréo du début à la fin du parcours (cf. schéma). Un LFO (LFO1) est chargé de moduler les « côtés » gauche et droit avec une différence de phase, en agissant sur le pitch, le filtre et le volume, ce qui crée un signal enveloppant et envoûtant. Chaque voix mono ou chaque « côté » du signal est constitué de deux oscillateurs numériques, un HPF analogique, un LPF analogique et un VCA. Les oscillateurs numériques sont générés par deux FPGA de nature différente. Le premier (DDS1) est basé sur un oscillateur maitre et 6 oscillateurs esclaves désaccordables (Super DDS1). Il est capable de produire des ondes classiques (sinus, dent de scie, carré, triangle, bruit blanc) ou d’utiliser l’une des 32 ondes numériques alternatives, avec possibilité d’import (voir encadré). Les ondes préchargées couvrent différents contenus spectraux (cloches, EP, orgues, résonances…). Ce sont des ondes statiques, pas des tables d’ondes. On peut passer progressivement d’une onde classique à la suivante (par exemple de sinus à dent de scie, de dent de scie à carré, etc.) avec le réglage PW/Wave. Pour les ondes alternatives, on peut passer progressivement d’une onde A à une onde B. Le DDS2 dispose des mêmes formes d’ondes classiques, mais pas de mode Super DDS ni de transition progressive entre les ondes. Les ondes alternatives sont remplacées par une impulsion variable.
La puissance des FPGA est telle que les ondes sont dépourvues de tout aliasing notable, ce sur toute la tessiture. Chaque oscillateur peut être accordé sur 32–16–8–4–2 pieds. Le DDS1 descend même à 64 pieds, alors que le DDS2 peut passer en mode LFO (il n’émet plus de signal audio, mais est routable via la matrice de modulation, travaillant à une fréquence comprise entre 0,1 et 100 Hz). Avec le DDS2 en mode LFO (donc inaudible), on peut ajouter au DDS1 un suboscillateur sinus ou carré à l’octave inférieure. Les deux DDS peuvent être combinés de différentes manières : balance, synchro (du DDS2 par le DDS1) ou modulation en anneau (DDS1 porteur, DDS2 modulateur). Le DDS2 peut aussi être désaccordé finement du DDS1 sur plus ou moins 7 demi-tons. Côté modulations, la fréquence de chaque DDS est directement modulable par le LFO1 et la première enveloppe. Il en est de même pour le désaccordage du Super DDS1 (désaccordage) ou pour les PW, sympa d’avoir prévu ces réglages essentiels en accès direct. C’est dans cette même section que l’on dose la Cross Modulation (FM exponentielle du DDS1 par le DDS2). On trouve également un portamento polyphonique à temps variable de 0 à 10 secondes. On apprécie vraiment la puissance de ces oscillateurs, qui sont assez singuliers. Cette fois, on trouve une fonction Drift dosable qui simule la dérive des oscillateurs, filtres, enveloppes et modulations, comme sur les synthés analogiques vintage, sympa !
VCF SSI
Les deux oscillateurs sont ensuite mélangés sous forme de balance avant d’attaquer les filtres. On aurait préféré des dosages séparés et la possibilité de saturer les filtres, tant pis. Il s’agit de deux filtres analogiques placés en série. Le premier est un simple HPF 6dB/octave non résonant, dont on peut régler puis moduler la fréquence de coupure (unique paramètre) via la matrice de modulation. Le second est un LPF 4 pôles résonants basé sur le circuit intégré SSI2144 (version modernisée du fameux SSM2044 qui équipe les Korg Polysix/Monopoly, PPG Wave 2.2/2.3, Kawai K3…). Un Drive à trois positions permet de saturer ce filtre, soit de manière modérée avec résonance compensée, soit plus profondément sans compensation. La fréquence de coupure répond de manière parfaitement lisse quand on bouge le curseur associé. Elle peut être modulée par les enveloppes (1,2, 1+2, dosable), le LFO1 (dosable), le DDS2 (dosable) et le suivi de clavier (0–50–100%). Quand on pousse la résonance, le filtre entre en auto-oscillation. Le son de ce filtre est très musical, avec une belle coloration et une résonance puissante (et même sifflante si on la pousse dans les extrêmes).
En sortie de VCF, on reste dans le domaine analogique en passant par le VCA (toujours en stéréo en mode binaural). Il peut être piloté par la seconde enveloppe, le LFO1 et le DDS2, avec niveaux de modulation dosables pour chacun (ce qui permet au passage de programmer le niveau sonore pour chaque patch). On peut substituer à cette enveloppe une porte simple ou une porte + Release, ce qui la libère pour d’autres utilisations via la matrice de modulation, bien vu ! La vélocité peut aussi directement piloter le VCF et le VCA suivant trois niveaux (0–50–100%), on aurait aimé des dosages séparés ! Lorsque le mode binaural est activé, on peut régler le panoramique. Lorsqu’il est désactivé, on peut créer une alternance stéréo (largeur dosable) entre les voix paires et impaires. Il y a différentes manières d’assigner les voix : mono, legato, poly (avec superposition ou coupure du Release d’enveloppe à chaque enfoncement d’une même touche) et unisson (toutes les voix, la moitié des voix, à l’octave ou à la quinte).
Modulations matricielles
Le Super Gemini possède deux enveloppes par voix, respectivement DAHDSR et AHDSR. Les temps des segments AHDR varient de 1 ms à 10 secondes, ce qui est plutôt bien comme plage, pour pas mal de sons. Ces enveloppes affichent un bon punch sur les temps courts, permettant au synthé des transitoires efficaces sur les segments d’attaque et de déclin. Outre le délai, la première enveloppe dispose de quelques réglages supplémentaires par rapport à sa collègue : bouclage, inverseur de polarité et suivi de clavier (0–50–100%). Elle est librement assignable via la matrice de modulation, alors que la seconde enveloppe est simplement assignable au VCF et au VCA.
Passons au LFO1. Chacune des 10 voix stéréo possède un LFO indépendant. En mode 20 voix mono, chaque instance du LFO est partagée par 2 voix. On trouve les ondes triangle, dent de scie, carré positif et S&H. Le cycle peut être libre, redéclenché à chaque note ou joué une seule fois. La fréquence peut être synchronisée à l’horloge interne/Midi. Il y a aussi un réglage de délai. En mode binaural, on peut déphaser le cycle du LFO pour les « côtés » gauche et droit des voix, créant ainsi des effets de balayage stéréo plus ou moins marqués ; c’est hélas la seule source de modulation de la stéréo, assignable au pitch (DDS1, DDS2, DDS1+2), à la PWM du DDS2, à la coupure du VCF et au VCA. On peut aussi basculer le LFO1 en deux modes haute fréquence (20Hz-20kHz) où il se transforme en troisième oscillateur, avec ou sans suivi de clavier. Dans ces modes, la forme d’onde est uniquement sinusoïdale (pour le moment). Elle est alors sommable au DDS1 ou au DDS2. Le Super Gemini offre également un LFO2 dans la section modulation à gauche du clavier. Il possède les ondes sinus, dent de scie, S&H, carré positif, rampe et bruit. Il peut moduler le pitch (DDS1, DDS2, DDS1+2), le VCF et le VCA, pour l’une, l’autre ou les deux couches sonores. La quantité de modulation est fixée manuellement, via le bâton de joie (axe vertical) et/ou la pression, avec réglages de délai et fréquence.
Enfin, le Super Gemini dispose d’une matrice de modulation, permettant de relier 8 sources à de très nombreuses destinations, avec quantité de modulation bipolaire. Les sources sont le DDS2, le LFO2, l’enveloppe 1, la vélocité, la pression polyphonique, la pédale continue, le ruban et le numéro de note. Ces deux dernières sources ont avantageusement pris la place du bâton de joie par rapport au Super 6, dont les destinations ont été réduites et remisées à gauche du clavier, tant mieux. Les destinations sont à choisir parmi la plupart des commandes continues en façade. Les touches de sélection de banques A-H correspondent à des destinations prédéfinies : vitesse du LFO1, quantité de Cross Modulation, modulation d’onde du DD1, mixage des oscillateurs, HPF, résonance du LPF, déclin de l’enveloppe 1 et temps de délai. Pour chaque source, on peut choisir d’autres destinations (parmi 24, dont les DDS, le VCF, le VCA, les LFO, les segments d’enveloppe, le portamento, les paramètres de l’effet délai) en maintenant le bouton correspondant à la source (1–8), en bougeant les commandes des destinations à assigner, puis en réglant la quantité de modulation avec l’encodeur poussoir. À noter qu’une source peut être assignée à plusieurs destinations, super ! Il manque hélas le panoramique parmi les destinations assignables, ce qui est un peu ballot compte tenu de la nature stéréo de la machine…
Effets stéréo basiques
Chaque couche sonore dispose de deux effets 24 bits stéréo indépendants, chorus et délai, placés en série. Ils sont d’excellente qualité, mais offrent très peu de réglages. Le chorus possède trois positions (I, II, I+II) correspondant à trois niveaux d’intensité… et c’est tout ! La sortie est injectée vers le délai, avec dosage de départ. Il n’y a qu’un seul type de délai (stéréo parallèle) dont on peut régler le temps (1 ms à 1 seconde) ou la division temporelle (synchro à l’horloge interne/Midi) et le feedback (nombre de répétitions, produisant des effets d’échos brefs jusqu’à des répétitions infinies, sans dégradation du signal). Une pédale peut être utilisée pour geler le délai. Heureusement que la qualité est là, parce que cette section est un peu légère par rapport à ce que propose une partie de la concurrence dans une gamme de prix proche (Summit de Novation, série 6 de Sequential, Quantum/Iridium de Waldorf).
Arpèges ou séquences
Le Super Gemini est doté d’un module arpégiateur/séquenceur indépendant par couche sonore. L’arpégiateur offre quatre motifs basiques (haut, bas, alterné, aléatoire) et une positon séquenceur. Les motifs d’arpèges peuvent être transposés sur 0 à 3 octaves et joués suivant 4 niveaux de swing (on aurait aimé plus de finesse, surtout pour les premiers réglages). Le tempo peut être synchronisé à l’horloge interne/Midi, à laquelle on peut raccrocher la vitesse du LFO1 et le temps de l’effet délai. Une fonction Hold permet de maintenir l’arpège en cours tout en ajoutant des nouvelles notes. Tout cela est très conventionnel, mais toujours agréable à avoir sous la main.
Le séquenceur possède 64 pas avec une polyphonie de 20 notes. En lecture, la séquence est lue et transposée en temps réel au clavier. Par défaut, elle joue en boucle tant qu’on maintient une note et retourne en début de cycle à chaque nouvelle note jouée. Si on active Hold, elle joue en boucle après relâchement de note et est immédiatement transposée dès qu’on joue une nouvelle note, sans retourner au point de départ, ce qui permet des enchaînements sans à-coup. Le swing est également accessible, comme pour les arpèges. Chaque pas contient des notes (1 à 20) et différents paramètres additionnels : Slide (liaison/portamento), Accent (vélocité accentuée sur les différentes destinations programmées dans la section synthèse) et Rest (silence du pas sans effacement des notes entrées). Leur statut est modifiable avec les sélecteurs de mémoires.
Pour programmer, on appuie sur Seq Rec. Les notes jouées sont mémorisées dans le pas en cours dès que toutes les touches sont relâchées, le synthé passant automatiquement au pas suivant. Pour modifier un pas, on le choisit avec l’un des 16 sélecteurs de mémoires et la touche Range, puis on rejoue les notes. C’est la même chose pour les pistes Slide, Accent et Rest. Par contre, il n’y a pas de réglage de durée de pas, ratchet ou autres exotismes (Length détermine le nombre de pas dans la séquence, pas la longueur du pas en cours). De même, on ne peut pas enregistrer de mouvements des paramètres de synthèse. Enfin, il n’y a qu’un sens de lecture, en avant toute ! Au total, 16 séquences peuvent être mémorisées et l’une d’entre elles rappelée par chaque patch. Dernier point qui frotte, les notes arpégées/séquencées ne sont pas transmises en Midi, mais les développeurs nous ont promis une intégration de l’option à très courte échéance.
Conclusion
Le Super Gemini est un grand synthé très confortable tant pour programmer que pour jouer. Impressionnant, construit comme un tank et plutôt beau gosse, c’est une sorte de croisement, entre d’un côté le Jupiter-8 pour le choix et l’arrangement des modules sonores, et d’un autre le CS-80 pour la double rangée de commandes, la pression polyphonique et le grand ruban. Une belle filiation ! Il s’éloigne toutefois de ses pairs au plan sonore, aussi bien capable de butiner sur des territoires analogiques avec ses VCF pur jus que sur des contrées plus numériques avec ses oscillateurs modulables à base de FPGA, permettant l’import de tables d’ondes maison. Avec ses facultés binaurales (et bitimbrales) et sa polyphonie confortable, les territoires de prédilection sont évidemment les nappes spatiales et les textures complexes où différentes couleurs se mélangent. Les empilages sonores constituent également un point fort, que ce soit en polyphonie ou à l’unisson.
L’architecture, pas si basique qu’il n’y parait, est facile à comprendre, avec de nombreux routages prédéfinis, mais le constructeur n’a pas oublié les modulations matricielles. Par rapport au Super 6, le synthé a progressé, au-delà de la puissance et des commandes qui ont doublé (tout comme le prix). Mais certaines limites du Super 6 ont été reprises sans amélioration : balance des DDS, réglages de suivi de clavier, assignations de la seconde enveloppe, paramètres d’effets, séquenceur, dommage ! De même, il manque un petit écran pour éditer certaines valeurs (globales) ou visualiser certains réglages (matrice de modulation ou séquenceur par exemple). On regrette aussi le nombre limité de mémoires, notamment les performances. C’est donc un synthé racé pour designer sonore plutôt fortuné qui sait parfaitement où il va et ne veut pas perdre de temps dans les menus. Et dans ce domaine, c’est un premier choix !