Présentée récemment, la série de workstations Fantom-0 tente d’offrir à tarif modéré l’essentiel de la série haut de gamme Fantom sortie il y a quelques années. Puissance, plateforme, moteurs, fonctionnalités, cosmétique, voyons ce qui a pu être conservé…
![Test du Fantom-06 de Roland : Pilotage bien maitrisé](https://img.audiofanzine.com/img/fr/article/cover/4698.jpg?fm=pjpg&w=704&h=396&fit=fill&s=652909b068c328be174bdf7e21ae8d62)
Roland a présenté il y a quelques années sa nouvelle série Fantom, très puissante et surtout très ergonomique, positionnée dans le haut du panier. Il n’est pas surprenant de voir apparaitre quelque temps après, comme bien souvent, un modèle d’entrée de gamme héritant de la technologie du vaisseau amiral. C’est donc la nouvelle série Fantom-0 qui s’y colle, prenant la relève de la série FA qui peut maintenant prendre un repos bien mérité. Elle vient en effet de prendre un sacré coup de vieux. Voyons pourquoi, aux commandes d’un Fantom-06 équipé de l’OS1.01, un chasseur redoutable qui ne paie pourtant pas de mine…
Cosmétique et connectique
La connectique est assez complète, comme on le constate sur le panneau arrière. Pour l’audio : sortie casque, sorties principales gauche/droite, sorties secondaires gauche/droite, seconde sortie casque, entrées ligne gauche/droite, entrée micro avec mini-potentiomètre de niveau. Toutes les prises sont au format jack 6,35, sauf la seconde sortie casque en mini-jack. Les sorties principales sont symétriques, merci. Pour les pédales, on a trois entrées (maintien et deux continues, la seconde palliant le manque de réponse en pression du clavier). Le Midi DIN se limite à une entrée et une sortie. On trouve trois prises USB (type A pour contrôleur, type B pour PC, type A pour mémoires de masse). L’USB type B permet le transfert de données Midi et audio (2 entrées stéréo et 16 sorties stéréo, 24 bit/48–96 kHz), bravo ! Enfin, on trouve une borne circulaire pour alimentation externe, pas vraiment surprenant pour ce niveau de gamme.
Ergonomie bien pensée
A droite de la section centrale, une petite zone permet d’appeler directement les pages principales de la section synthèse (oscillateurs, ampli, effets, LFO), ou encore d’éditer le filtre avec deux potentiomètres (fréquence et résonance) et un interrupteur (type), pas aussi pratique que celle du Fantom. Imbriquée juste en dessous, la section programmes/séquences, avec des commandes de transport, sélecteurs pour les modes du séquenceur et une rangée de 16 touches (sélection des sons par catégorie, enchainement de scènes ou programmation des pas du séquenceur). Enfin, complètement à droite, la dernière section est dédiée aux pads et à l’échantillonnage. C’est ici qu’on déclenche le sampling, qu’on assigne les sons aux pads et les pads aux banques. Les 16 pads lumineux permettent de jouer des samples, des sons, des kits de percussions ou des motifs rythmiques, de sélectionner/couper des partiels ou des zones, ou encore de piloter une STAN. Dommage que ce soient de simples interrupteurs plutôt que des pads dynamiques, on ne pourra pas les utiliser pour programmer des percussions réalistes. Le rôle assigné aux pads est mémorisé dans chaque scène, tant mieux !
Tous en scène
Chaque zone dispose de paramètres indépendants : numéro de Tone, routage (sorties audio ou effets d’insertion), volume, panoramique, départs vers les effets globaux (chorus, réverbe), tessiture, fenêtre de vélocité (avec fondus haut et bas), EQ paramétrique 3 bandes, pitch, tempérament clavier (9 gammes, dont une programmable), vibrato, portamento, offset de certains paramètres de synthèse (coupure du filtre, résonance, ADR de l’enveloppe de volume), mode de voix (mono/poly), assignation aux commandes physiques, réserve de voix, canal Midi de réception, filtrage de contrôleurs Midi. Si la zone est (aussi) définie comme externe (pilotage d’un appareil Midi), on a quasiment les mêmes réglages, y compris les offsets des paramètres de synthèse. Seules exceptions évidentes, le vibrato, le tempérament et la réserve de voix. On peut aussi définir le canal Midi d’émission, le nom de l’appareil piloté, le numéro de banque et le numéro de programme. C’est vraiment très simple à utiliser, que ce soit avec les moteurs internes ou des modules externes, bravo ! On dispose de 4×128 mémoires de scènes. Pour les adeptes de la scène (la réelle), une fonction permet de créer 100 enchaînements de 512 scènes (virtuelles), de quoi tourner plusieurs décennies sans interruption !
Palette sonore
La machine renferme de nombreux et excellents sons de synthés, tirés des machines emblématiques de la marque ou issus du moteur Zen-Core VA intégré (on ne parle pas ici des modélisations EXM optionnelles). A nous les strings, les cuivres, les basses rondes, les nappes, les textures complexes et les effets spéciaux. Les percussions acoustiques et électroniques (samples) sont également qualitatives, pour tous les styles de jeu. Toute cette palette sonore déjà riche peut être étendue avec des moteurs et banques d’échantillons additionnels (cf. encadré). La qualité audio est très bonne, elle reste un poil en dessous du Fantom au plan définition, profondeur et dynamique. Il faut bien utiliser des câbles symétriques sur les sorties principales, on gagne environ 6 dB sur des câbles asymétriques et cela évite de pousser le gain dans les réglages système. Ce n’est pas surprenant, le grand frère coûte quand même plus du double ! Il manque aussi la transition douce entre les scènes, dommage.
![](https://img.audiofanzine.com/images/u/audio/495516.png)
- Fantom-0_1audio 01 Classic Piano102:27
- Fantom-0_1audio 02 Classic Piano200:34
- Fantom-0_1audio 03 Jazz Piano00:41
- Fantom-0_1audio 04 Electric Piano100:46
- Fantom-0_1audio 05 Electric Piano200:36
- Fantom-0_1audio 06 Electric Bass00:19
- Fantom-0_1audio 07 Slap Bass00:11
- Fantom-0_1audio 08 Brass Tower00:30
- Fantom-0_1audio 09 String Ens00:53
- Fantom-0_1audio 10 Mars Choir00:41
- Fantom-0_1audio 11 Rock Kit00:38
- Fantom-0_1audio 12 Metal Kit00:29
- Fantom-0_1audio 13 Electro Kit00:51
- Fantom-0_1audio 14 Sample Pads101:13
- Fantom-0_1audio 15 Sample Pads201:25
Zen-Core simple (sources et traitements)
Toujours au niveau du partiel, le signal entre dans un filtre multimode résonant : classiques LPF (x3)/BPF/HPF/Peak à 2–4 pôles ou VCF 2–3–4 pôles + HPF, modélisés sur des filtres passe-bas vintage (Roland, Moog, Prophet) ou sur un « VCF1 » d’origine inconnue. Les filtres modélisés sont vraiment excellents et très distinctifs. La fréquence de coupure et la résonance agissent sur 1.024 pas (tout comme les temps et niveaux d’enveloppes), ce qui garantit une réponse parfaitement lisse quand on les règle en manuel. Différentes modulations sont disponibles : suivi de clavier, vélocité, LFO, enveloppe multisegments sensible à la vélocité et au suivi de clavier. En sortie de filtre, on passe par l’ampli du partiel, avec réglage de niveau, réponse en vélocité, suivi de clavier, panoramique (position, suivi de clavier, facteur aléatoire), LFO, largeur (pour les échantillons stéréo) et enveloppe multisegments sensible à la vélocité et au suivi de clavier.
Zen-Core simple (modulations)
Sur le plan du Tone, il y a une petite matrice de modulation à 4 cordons, chaque source étant capable de contrôler 4 destinations. Parmi les sources, il y a la quasi-totalité des CC Midi, 4 CC système globaux, le pitchbend, la pression, la vélocité, le suivi de clavier, le tempo, les 2 LFO et les 3 enveloppes. Parmi les destinations, le pitch, la coupure du filtre, la résonance, le volume, le panoramique, la quantité de chorus, la quantité de réverbe, l’action des LFO (sur les pitch, filtre, volume et panoramique), la vitesse des LFO, les temps des enveloppes (ADR), la PWM, la XMOD… L’effet MFX de Tone possède lui-même 4 cordons de modulation distincts pour ses propres paramètres (fixés suivant l’algorithme). Les modulations sont toutes bipolaires. Pour les Tones Zen-Core simples, il y a 2.048 mémoires utilisateur, de quoi voir venir !
Zen-Core drums
Passons aux réglages communs par note : volume, panoramique, départs vers le chorus et la réverbe, groupe exclusif (1 à 31, les instruments d’un même groupe se coupant entre eux, utile pour simuler un hi-hat ouvert/fermé), assignation de sortie (sec, MFX ou l’un des 6 compresseurs), décalage de certains paramètres de synthèse (pitch, coupure du filtre, résonance, enveloppe ADR de volume), EQ paramétrique 3 bandes, enveloppe de pitch multisegments sensible à la vélocité, filtre résonant (6 types, sensible à la vélocité), enveloppe de filtre multisegments sensible à la vélocité, volume & panoramique (sensibles à la vélocité) et enveloppe de volume multisegments sensible à la vélocité. Il y a encore plein de paramètres accessibles, mais on va arrêter là l’énumération ! Les 6 compresseurs, spécifiques au mode Drum, permettent de traiter séparément certaines familles d’instruments. Le MFX, pour sa part, dispose des mêmes possibilités de modulation que dans le modèle Zen-Core simple (nous reviendrons sur les effets au paragraphe dédié). Côté mémoire, on dispose de 91 kits Presets et 128 kits utilisateur, dont 39 déjà programmés. Nous ne manquerons donc de rien !
Super Natural
Pour les pianos, le son est supérieur aux échantillons Zen-Core, mais on est loin du V-Piano maison ou des modélisations de workstations concurrentes, notamment les Kronos/Nautilus de Korg, que ce soit les pianos acoustiques ou électriques. Il manque aussi des simulations de Wurlitzer et Clavinet, pourtant très prisés sur ce genre de machine. Pour les autres instruments acoustiques, le son est également meilleur que les échantillons classiques Zen-Core, mais on n’est pas au niveau de ce qu’on trouve sur certains arrangeurs haut de gamme concurrents, tels que le Genos de Yamaha, qui actuellement survole tous ses concurrents hardware au plan réalisme sur ce type de son, échantillons bruts comme leurs articulations en temps réel. Aux 70+30+36 Presets (sons acoustiques + pianos + pianos électriques) s’ajoutent 256+128+128 mémoires utilisateur, c’est très confortable.
Orgue virtuel
Un grand soin a été apporté pour reproduire le comportement des roues phoniques type Hammond et tout ce qui va autour, comme les préamplis ou la cabine Leslie. On peut choisir le type de modèle (60’s, 70’s, Solid ou Clean), le niveau de fuite des roues phoniques (bruit caractéristique), le vibrato, le chorus, la percussion (pied, déclin, volume), le réglage des 9 tirettes harmoniques (avec l’écran tactile ou les curseurs en façade), le click (initial et relâchement) et la réponse du volume à la pédale continue. On passe ensuite aux réglages de l’overdrive : type (VK-7 maison, lampes, ampli guitare — 14 types modélisés), saturation, niveau, balance, EQ, type de haut-parleur, position du micro… Viennent enfin les réglages du simulateur de Leslie : vitesse de rotation de chaque haut-parleur, accélération, largeur stéréo, niveau, mode stop, pilotage de la vitesse par des CC ou contrôleurs. Le résultat est bluffant, entre les orgues doux pour les ballades romantiques, les sonorités typiquement gospel pour se lever en chœur ou encore les saturations les plus crades à faire pâlir Jon Lord. Aux 25 Presets s’ajoutent 128 mémoires utilisateur.
Effets pléthoriques
Comme toute bonne workstation qui se respecte, le Fantom-0 est équipé d’une puissante section effets, la même que le Fantom. Ils existent à différents niveaux dans la machine. On a déjà parlé des nombreux EQ, on se concentrera ici sur les autres effets. Commençons au niveau du Tone. C’est là qu’on trouve les MFX, au nombre de 16, soit un par zone. Ils peuvent produire 90 algorithmes différents : filtres (EQ, booster, wahwah, Enhancer, simulateur de HP), modulations (phaser, tremolo, autopan, HP tournant), chorus/flangers, processeurs de dynamique (OD, compresseur, limiteur), délais (simple, stéréo, multiple, écho à bande), effets lo-fi, modulations de pitch, simulations vintage (CE-1, SBF-325, SDD-320), loopers, DJFX, saturateurs… sans oublier les combinaisons de deux effets. Entre 5 et 15 paramètres sont disponibles par effet, certains synchronisés au tempo, d’autres, prédéfinis dans chaque algorithme, modulables par la matrice dédiée. Au niveau spécifique d’un Tone de type Drum (kit), rappelons qu’on peut envoyer chaque percussion dans l’un des 6 compresseurs disponibles. On règle, pour chacun, l’attaque, le relâchement, le seuil, le ratio, l’adoucissement (le Knee, si cher à l’ami Red Led), le gain de sortie et la destination (sec, MFX, sorties physiques principales/secondaires).
On passe maintenant au niveau global de la machine. On trouve un compresseur multibande (mastering), un EQ paramétrique 5 bandes, avec des réglages très nombreux (une vingtaine de paramètres) et un TFX, c’est-à-dire un multieffets avec les mêmes algorithmes et réglages que les IFX. Mais ce n’est pas encore fini, puisque les entrées audio possèdent aussi leurs propres effets : filtre coupe-bas (pour éviter la ronflette des câbles, recommandé sur l’entrée micro), effet vocodeur (transformation directe de la voix), suppresseur de bruit, MFX (multieffets identique à ceux des 16 zones !), EQ paramétrique 5 bandes et réverbe d’entrée (identique à la réverbe principale). Un truc de ouf ! Toutes les valeurs d’effets (tout comme la plupart des paramètres de synthèse) sont exprimées dans leur véritable unité, la grande classe… La qualité des effets numérique relève du haut de gamme, bravo !
Multisampling intégré
Le sampling vers le clavier fonctionne à peu près pareil sauf qu’on peut lire les samples en coup unique en avant, bouclés en avant (avec point de bouclage distinct des points de début/fin), bouclés en arrière (entre les points de début/fin) ou en coup unique en arrière. Ils disposent des mêmes (et rares) traitements destructifs que les samples vers les pads. Les temps de calcul sont très longs, on se croirait sur un sampler des années 80 (plusieurs secondes pour calculer la troncature d’un petit sample), sans doute la nature et la gestion de la mémoire Flash, par rapport à un échantillonneur qui travaillerait en Ram volatile. Le sampling vers le clavier permet d’étirer un sample sur toute la tessiture ou de le monter en multisample (accordage, volume, zone). L’éditeur est très bien pensé, permettant de sélectionner les zones au clavier et de tout visualiser à l’écran, avec facteur de zoom. Ainsi, on arrive à créer un multisample complet en quelques dizaines de secondes, c’est de loin ce qui se fait de mieux en hardware.
Le Fantom-0 peu aussi importer des samples aux formats WAV et AIFF 8–16–24bits linéaires à 44–48–96kHz, ainsi que les formats mp3 de 64 à 320 kb/s et VBR à 44–48 kHz, avec placement automatique ou manuel. Côté export, cela se passe au format WAV. La machine peut gérer 2.048 samples et 128 multisamples utilisateur. Bref, une section qui est devenue mature mais qui souffre de la lenteur des calculs et du manque de traitements sur les samples (time stretch, pitch shift, réduction de bits, fondus…), désormais l’apanage des softs.
Arpèges et rythmes
Le Fantom-0 dispose aussi d’une mémoire d’accords, que l’on peut utiliser seule ou avec l’arpégiateur. Elle permet de jouer des ensembles d’accords sophistiqués à un doigt. On trouve 17 Presets de style (pop, blues, traditionnel, jazz, majeur, mineur, quinte…), pour lesquels on choisit la note de base (chaque note ayant un accord différent dans le style) et le timing de jeu (accords plaqués ou grattés). Ce dernier mode permet de simuler le jeu d’un guitariste (vers le haut, vers le bas ou alterné), avec vélocité assignée à la vitesse de grattage.
Enfin, le Fantom possède un générateur de motifs rythmiques, déclenchables à l’écran, au clavier ou via les pads. Les motifs sont groupés par 6 (1 intro, 2 couplets, 2 fill-in, 1 fin). On choisit son motif dans la banque interne de 354 Presets (59 groupes x 6 sections) puis le drum kit associé. Ensuite, on lance les rythmes à l’écran tactile. Si on commence par l’intro, le premier couplet est automatiquement enchaîné après l’intro. Lorsqu’on lance le motif de fin, le rythme s’arrête lorsque celui-ci est achevé. Le groupe de motif et le kit associé sont mémorisables au sein de 20 mémoires utilisateur, en dehors des scènes. Ça aurait été bien de pouvoir créer ou importer ses propres motifs à partir du séquenceur.
Séquenceur à motifs
Revenons à nos motifs pour voir comment tout cela se construit. On trouve trois modes d’enregistrement : temps réel, pas-à-pas ou grille (TR-REC). En mode temps réel, on enregistre les notes à la volée, en surimpression à chaque boucle, avec possibilité de quantification à l’entrée ; le mouvement des commandes (pitchbend, molette, section mixage) est aussi enregistré. En mode pas à pas, l’écran affiche un piano roll permettant de contrôler ce que l’on fait et d’effacer certains pas pour les reprendre. En mode grille, on utilise la rangée de 16 touches rétroéclairées à droite, comme sur une bonne vieille TR.