Symbole d’une rentrée 2019 tonitruante pour Roland, la nouvelle plateforme Fantom représente le grand retour du constructeur japonais sur le haut de gamme des stations de travail, propulsée par de nouveaux DSP. Alors, retour gagnant ?
Un instant essoufflé, le marché de la station de travail haut de gamme semble reprendre du poil de la bête ces derniers temps. Il faut dire que Korg a longtemps fait seul la course en tête avec le Kronos, intelligemment décliné depuis sa première introduction, le plus souvent sur le plan de la cosmétique ou de la banque sonore ; il faut dire que la concurrence avait pris un sacré coup par ce raz de marée synthétique. En parallèle, Kurzweil n’a eu de cesse d’améliorer son Forte, passant d’un piano de scène à une puissante station de travail (la dernière version 4 lui ajoute un moteur de DX7). Yamaha a aussi dû mettre les bouchées doubles pour finaliser le Montage, plus récent, mais longtemps cantonné au stade de synthé (la récente version V3 ajoute enfin un séquenceur digne de ce nom). Quant à Roland, la marque semblait surtout concentrée sur les séries Aira et Boutique ces derniers temps. Mais récemment, le constructeur a annoncé coup sur coup une pléthore de nouveautés pour les adeptes de musique électronique : des nouvelles boites à groove (MC), des nouveaux synthés à modélisation (Jupiter-X) et des nouvelles stations de travail (Fantom). Bref, il y en a pour tout le monde. Nous testons ici le Fantom, successeur de la série Fantom G de 2008. Il s’agit d’une toute nouvelle génération de stations de travail, la plus puissante jamais construite par Roland, propulsée par un système DSP Quad-Core évolutif maison. Elle permet à la marque de revendiquer l’appartenance à la famille des grosses stations de travail, que nous baptisons pour l’occasion les Big KRYK. Les autres membres n’ont-ils qu’à bien se tenir ?
Instrument magnifique
La série Fantom est déclinée en trois modèles : 61 et 76 touches avec clavier plastique à toucher léger semi-lesté, ainsi que 88 touches avec clavier hybride bois/plastique PHA-50 à toucher lourd. Roland France nous a expédié un Fantom-7, un gros porte-avions avec façade en alu, dessous en acier noir et liseré rouge sur la tranche des flancs. Cela rompt avec le vert Aira, merci ! La machine en impose dans le studio, avec ses 130 × 40 × 11 cm et ses 18 kg, un poids toutefois raisonnable (merci l’alu). Les autres modèles affichent 108 × 40 × 11 cm / 15 kg (Fantom-6) et 143 × 44 × 15 cm / 28 kg (Fantom-8). L’instrument est magnifique, tant dans les proportions, l’apparence des commandes (LED et rétroéclairages multicolores), que les matériaux. Le plaisir des mains est tout aussi jouissif que celui des yeux. Les rotatifs et les curseurs sont bien ancrés et offrent une résistance parfaite. Les commandes sont de bonne dimension et bien espacées, idéal pour la manipulation. Le clavier léger semi-lesté est un régal du genre, avec des touches longues de 14 cm (plus que la moyenne) offrant une réponse impeccable à l’enfoncement et au relâchement, ainsi qu’un bon contrôle de pression (monophonique). Cette qualité s’en ressent naturellement sur la facture, on est dans le haut de gamme des stations de travail.
La connectique est très généreuse, comme en témoigne le panneau arrière. En partie droite, on commence par les sorties audio : casque, paire stéréo principale en XLR et jack 6,35, 2 paires stéréo additionnelles en jack 6,35 (donc un total de 3 paires stéréo) et une paire stéréo en sortie directe du filtre analogique. S’ensuivent 4 jacks 3,5 mm CV/Gate (2 CV / 2 Gate ou 3 CV / 1 Gate) ; les CV de Pitch fonctionnent uniquement en Volt/octave. Juste au-dessus, on trouve la connectique USB, avec pas moins de 5 prises : 1 de type B pour connecter un PC (MIDI et audio multicanal 3 entrées stéréo / 16 sorties stéréo tournant en 24 bit / 48 kHz), 1 de type A pour connecter une mémoire de masse (clé USB) et 3 de type A pour connecter en MIDI + alimentation électrique des appareils USB compatibles Class-C (tels que Roland Boutique, contrôleurs, smartphones). Passons à la partie gauche du panneau arrière, elle aussi bien garnie : une paire d’entrées audio symétriques combo XLR/jack pour l’échantillonnage (chacune avec leur petit potentiomètre de sensibilité), 4 entrées jack 6,35 pour pédales (maintien et 3 contrôleurs assignables, également compatibles avec la triple pédale piano Roland RPU-3), 3 prises MIDI DIN (entrée, sortie 1, sortie2/Thru), un interrupteur secteur et une prise IEC standard pour relier un cordon secteur à l’alimentation interne universelle ; on reste pro jusqu’au bout sur le Fantom, youpi !
Organisation soignée
Comme toute station de travail haut de gamme, le Fantom est couvert de commandes. Elles se divisent en six grandes sections : contrôleurs globaux, contrôleurs par partie, édition centrale, synthé, séquenceur et échantillonneur. Commençons à gauche avec les contrôleurs globaux : on trouve le bâton de joie (pitch et modulation vers le haut, tout à ressort de rappel), deux boutons de fonctions assignables (modulations par exemple), trois boutons de transposition (par demi-ton ou par octave) et quelques boutons d’activation (arpèges, accord, portamento) ; le bâton de joie est secondé par deux molettes classiques assignables (une avec ressort, l’autre sans) ; merci pour ce sympathique service trois pièces ! La seconde section de contrôleurs est située au-dessus du clavier, à gauche. Elle permet de piloter les 16 parties multitimbrales constituant une scène, un classique sur les autres Big KRYK. Pour cela, on dispose principalement de 8 encodeurs crantés cerclés de LED, 9 curseurs avec échelle de LED et deux rangées de 8 touches de fonction. Ces commandes permettent de mixer les parties (volume, panoramique et deux paramètres assignables) ou encore activer / sélectionner des zones internes / externes ; bravo Roland d’avoir intégré le pilotage d’appareils externes comme s’il s’agissait de canaux internes. Ah oui, parlons rapidement du split rapide de canaux et du pilotage du volume USB Audio en entrée et sortie, pour ne pas les oublier.
Allez, on passe au centre, avec la troisième section : l’édition. Richement dotée, elle est constituée d’un écran tactile couleur 7 pouces Wide VGA 800×480 pixels, qui surplombe 6 encodeurs-poussoir crantés d’édition contextuelle. Tout est prévu pour éditer : un gros encodeur, des flèches de navigation pour sélectionner le paramètre à éditer, des touches d’incrémentation / décrémentation, des touches Enter / Exit et une touche Shift pour accéder à certaines fonctions (par exemple accélérer la vitesse d’incrémentation / décrémentation lors de l’édition) ; c’est aussi dans cette section que l’on sélectionne le mode de jeu (scène / chainage de scène / affichage de zone / son simple) ou que l’on accède à certaines fonctions globales : mémorisation, effets maîtres, filtre analogique, pilotage d’une DAW externe, menus, tempo. L’écran tactile est un modèle du genre, permettant de visualiser très clairement les réglages et d’éditer directement au doigt et à l’œil. Ce n’est pas un multi-touch et la réponse aurait mérité plus de fluidité, surtout quand on tire sur un filtre ou une enveloppe. Les pages d’édition sont claires et soignées, que ce soit en mode multitimbral ou en édition spécifique. Par exemple, il y a quatre niveaux de zoom pour visualiser les canaux multitimbraux composant une scène : par 1, 4, 8 ou 16. Du très beau travail, qui contribue à l’excellente ergonomie générale de la machine.
À droite, on trouve la quatrième section du Fantom : le synthé. C’est là que l’on peut régler directement, avec de vrais potentiomètres (une dizaine), les principaux paramètres de synthèse : oscillateurs, filtres, enveloppes, volume, effets de partie. Dans chaque module de synthèse, une touche Param permet d’ouvrir un menu avec tous les réglages disponibles accessibles à l’écran ; bien vu ! On passe en-dessous, avec la section séquenceur (la cinquième), constituée d’une rangée de 16 boutons lumineux, de commandes de transport et de touches de type de séquence (motif, groupe, morceaux). Cette section permet non seulement de programmer le séquenceur, mais aussi de sélectionner directement des chaines de scènes pour le live. Enfin, complètement à droite, la sixième section est dédiée à l’échantillonneur. C’est donc ici qu’on échantillonne, qu’on assigne les sons aux pads et les pads aux banques. Les 16 pads lumineux permettent d’appeler les banques ou jouer les samples en temps réel ; ils sont hélas statiques, ce sont de simples interrupteurs, pas trop faits pour jouer des kits de batterie. Pour pouvoir programmer des percussions réalistes, il faut se rabattre sur le clavier ou un contrôleur externe. C’est certes un point faible, mais un point fort par rapport aux autres stations de travail du marché qui n’ont pas de pads physiques du tout.
Scènes musicales
À l’allumage, notre Fantom est prêt à jouer en un peu moins d’une minute. C’est donc plus lent que le Montage ou le Forte, mais plus rapide que le Kronos. En cours de test, nous avons mis à jour l’OS en version 1.10. Comme le Montage, la machine est organisée en scènes de 16 zones, qui pilotent une partie sonore interne et/ou externe (Tone). Les 16 zones peuvent être jouées au clavier ou via le séquenceur 16 pistes, suivant une tessiture à définir. Une zone est assignable aux Pads pour jouer les samples. Il est très facile de créer des empilages ou séparations de clavier complexes, l’ergonomie de la machine permet de faire cela très simplement, avec contrôle visuel. Ainsi, on peut rapidement sélectionner une scène, changer le Tone assigné à une zone, modifier les paramètres de zone, éditer les paramètres de synthèse ou d’effets (rapidement avec les 6 encodeurs sous l’écran ou en détail via les menus), transposer, mixer les différentes zones, envoyer des sons dans le filtre analogique global, jouer des échantillons avec les pads, piloter des générateurs sonores externes, lancer l’arpégiateur, jouer un motif rythmique ou lancer une séquence. Un Motional Pad virtuel permet de mélanger le volume de quatre parties sonores en temps réel en touchant l’écran, un peu comme un joystick de synthèse vectorielle. Il n’est toutefois pas aussi complet que le Super Knob du Montage, qui permet de piloter plusieurs paramètres distincts en même temps sur différentes zones. À l’usage, nous avons noté quelques péchés de jeunesse : sauts de valeurs fortuits sur les encodeurs contextuels (celui de droite notamment lors de la sélection rapide de Tones ou de formes d’onde), réponse laborieuse de certains sélecteurs virtuels de l’écran tactile.
Chaque zone dispose de paramètres indépendants : numéro de Tone, routage (sortie audio ou effets globaux d’insertion), volume, panoramique, départs vers les effets globaux (chorus, réverbe), tessiture, fenêtre de vélocité (avec fondus haut et bas), EQ paramétrique 5 bandes, pitch, tempérament clavier (9 gammes dont une programmable), vibrato, portamento, offset de certains paramètres de synthèse (coupure du filtre, résonance, ADR de l’enveloppe de volume), mode de voix (mono/poly), assignation aux commandes physiques, réserve de voix, canal MIDI de réception, filtrage de contrôleurs MIDI. Si la zone est (aussi) définie comme externe (pilotage d’un appareil MIDI), on a quasiment les mêmes réglages, y compris les offsets des paramètres de synthèse. Seules exceptions évidentes, le vibrato, le tempérament et la réserve de voix. On peut aussi définir le canal MIDI d’émission, le nom de l’appareil piloté, le numéro de banque et le numéro de programme. C’est vraiment bien fichu, un grand bravo ! On dispose de 512 mémoires de scène, dont 271 préprogrammées. Pour les adeptes de la scène, une fonction permet de créer 100 enchaînements de 512 numéros de scène, plus qu’il n’en faut pour 50 ans de tournées mondiales. Quand on sait que les moteurs Zen-Core et V-Piano du Fantom consomment chacun un DSP parmi les quatre disponibles, on se rassure sur la puissance de feu : jusqu’à 256 voix de polyphonie pour les sons Zen-Core (nombre maximum, qui dépend de l’utilisation des ressources DSP tels que les traitements audio ou les échantillons stéréo) et une polyphonie illimitée pout le moteur V-Piano. À cela il faut ajouter les 8 voix de l’échantillonneur.
Sonorités
Passons à l’écoute des sons. Le Fantom est livré avec 271 scènes multitimbrales et plus de 3 700 programmes et kits de batterie élémentaires. Il est possible d’importer jusqu’à 16 banques supplémentaires EXZ (programmes et multiéchantillons) à partir du site http://axial.roland.com/category/fantom/. On y trouve déjà 6 banques gratuites comprenant des centaines de programmes et des milliers d’échantillons (500 Mo), dont certains tirés de l’Integra-7 et des cartes SRX, dans les styles pop-rock, classique, world, percussions… D’autres EXZ sont déjà annoncées, une bonne dizaine, histoire de remplir rapidement les 16 emplacements. L’installation prend 5 bonnes minutes par banque, il faudra donc être patient le jour où on veut tout remplir d’un coup. Mais revenons à la configuration de base. La qualité audio du Fantom est excellente, avec un rapport signal / bruit très élevé et un niveau de sortie parfaitement calibré. L’ajout des filtres analogiques amène du niveau mais aussi du bruit de fond, surtout quand on re-route sa sortie vers le bus maître ; c’est pourquoi Roland a prévu un suppresseur de bruit (porte de bruit). On apprécie également les transitions douces entre deux scènes, sauf lorsque les deux utilisent un moteur V-Piano : là, le Fantom coupe sans pitié, même pour les autres canaux non V-Piano. Au plan sonore, nous avons beaucoup aimé les pianos acoustiques modélisés : tessiture progressive, réponse en vélocité équilibrée, variété sonore garantie, édition des paramètres physiques judicieuse. On peut créer des pianos vraiment très différents pour de nombreux styles musicaux.
Les autres sons acoustiques sont obtenus par simple lecture d’échantillons, il n’y a pas de moteur SuperNatural à l’heure actuelle. On lit çà et là que, pourquoi pas, un jour plus ou moins proche, ceci cela… mais à l’heure où nous écrivons, il faut se contenter de multiéchantillons tirés des précédentes machines de la marque. A côté des autres Big KRYK, la comparaison est un peu sévère. Si les cordes, les voix, les basses et les percussions tirent globalement leur épingle du jeu, ce n’est en revanche pas le cas des guitares et des ensembles de cuivres. Tout cela manque d’échantillons, de longueur et de couches sonores. Bref, certains sons acoustiques sont un peu le talon d’Achille du Fantom dans cette version initiale. En revanche, Roland nous offre une panoplie de sons synthétiques aussi étoffée que spectaculaire. On retrouve, entre autres, des programmes issus des séries D-50/JD/JV/XV. Pas seulement, car il y en a pour tous les goûts : vintage analogique, vintage numérique, contemporain. Du doux, du dur, du chaud, du froid, du gras, du maigre, du coton, du métal (phrase qui ne sert à rien quand on y réfléchit). Les programmes d’usine regorgent d’empilages audacieux et impressionnants, pas toujours faciles à placer, Roland a voulu montrer que la machine en avait sous le capot dans ce domaine !
- Fantom_1audio 01 Single APiano102:44
- Fantom_1audio 02 Single APiano200:40
- Fantom_1audio 03 Single EPs01:22
- Fantom_1audio 04 Single Strings01:27
- Fantom_1audio 05 Single Brass00:30
- Fantom_1audio 06 Single Choirs01:16
- Fantom_1audio 07 Rythm100:43
- Fantom_1audio 08 Rythm200:44
- Fantom_1audio 09 Rythm300:51
- Fantom_1audio 10 Rythm400:53
- Fantom_1audio 11 Samples101:42
- Fantom_1audio 12 Samples201:47
- Fantom_1audio 13 Group Trap00:58
- Fantom_1audio 14 Group Jazzy01:05
- Fantom_1audio 15 Group Raga01:35
- Fantom_1audio 16 Song101:41
- Fantom_1audio 17 Song201:26
- Fantom_1audio 18 Song301:39
- Fantom_1audio 19 Song401:31
- Fantom_1audio 20 Song501:24
Soyons Zen
Le moment est venu de descendre dans la synthèse. Chaque zone interne fait appel à l’un des trois types de Tone suivants : Zen-Core (son unique sur toute la tessiture), Drum (kit de percussions) ou V-Piano (modélisation de piano acoustique). Zen-Core est un moteur mélangeant la partie synthèse VA du V-Synth et la lecture d’échantillons, faisant partie d’une mémoire totale de 16 Go. Dans cette Rom, on reconnait des sons hérités des D-50 et JV/JD/XD. Au niveau global du Tone, on peut, entre autres et pour faire court, régler le volume, le panoramique, la priorité de note, l’accordage, l’instabilité (comportement des synthés analogiques), le mode mono/poly, l’unisson, le legato, le portamento, l’effet du pitchbend et le mode d’enveloppe (complexe ou ADSR). Le nombre de réglages est pléthorique, mais le meilleur reste à venir : un Tone Zen-Core est lui-même constitué de 4 partiels, que l’on peut sélectionner, activer / couper directement à l’écran ou avec les pads. C’est moins que les 8 éléments du Montage, les 2 sources à 8 couches du Kronos ou les 32 couches du Forte. Cette construction, développée la première fois sur le D-50 puis déclinée sur les séries JD/JV/XV, a tout de même pas mal évolué depuis. Elle permet toutefois au Fantom de reproduire les sons de ses illustres aînés.
On trouve deux types d’édition : Zoom, donnant un accès graphique, par partiel, à de nombreux paramètres ; Pro, donnant un accès à tous les paramètres, pour les 4 partiels, sous forme de tableau déroulant. Les partiels sont joués dans une tessiture et une fenêtre de vélocité programmables individuellement. Chacun est constitué d’un oscillateur, un filtre, un ampli, 2 LFO, 3 enveloppes et un EQ. Les partiels sont arrangés en structures, au sein desquelles ils peuvent interagir deux par deux : synchro, modulation en anneau ou cross modulation (sorte d’AM complexe). Les oscillateurs peuvent faire appel à un multiéchantillon (mono ou stéréo) ou à une onde analogique modélisée. On compte 963 multiéchantillons mono / stéréo de toute sorte, toujours monocouche, en mémoire interne, auxquels s’ajoutent les éventuels multiéchantillons des banques additionnelles EXZ. Il s’agit d’une simple lecture PCM, la synthèse SuperNatural n’étant pas à l’ordre du jour. Autre point, on ne peut pas importer ses propres multiéchantillons. Les oscillateurs VA, dérivés du V-Synth, peuvent faire appel à 9 formes d’ondes élémentaires : dent de scie, carrée, triangle (x3), sinus (x2), rampe ou Juno (dent de scie modulée). On peut faire varier la largeur d’impulsion de chacune. Il existe également les modes PCM-Sync (avec 48 formes d’onde à détruire sauvagement), Supersaw (avec Detune, pour les amateurs d’EDM) et bruit blanc. Le pitch peut être directement modulé à la main, aléatoirement, par le suivi de clavier, avec un vibrato ou une enveloppe multi-segments sensible à la fois à la vélocité et au suivi de clavier.
Toujours au niveau du partiel, le signal attaque ensuite un filtre numérique multimode résonant 2–3–4 pôles suivi d’un HPF à 1 pôle. On peut choisir deux types de filtre : TVF ou VCF. Le premier est le classique multimode LPF (x3) / BPF / HPF / Peak ; le second simule des filtres passe-bas vintage : Roland, Moog et Prophet-5 (sans autres détails). Ils sont excellents, vraiment, et très différents les uns des autres. Les fréquences de coupure et les résonances des filtres agissent sur 1 024 pas (tout comme les temps et niveaux d’enveloppes), ce qui garantit une réponse parfaitement lisse quand on les touille en direct depuis le Fantom. Là encore, on a un tas de paramètres et modulations directement accessibles : suivi de clavier, vélocité, LFO, enveloppe multi-segments sensible à la vélocité et au suivi de clavier. En sortie de filtre, on passe par l’étage d’amplification du partiel, avec réglage de niveau, réponse en vélocité, suivi de clavier, panoramique (position, suivi de clavier, facteur aléatoire), LFO, largeur stéréo (pour les échantillons stéréo évidemment) et enveloppe multi-segments sensible à la vélocité et au suivi de clavier.
Dans un partiel, il y a 2 LFO ultra complets, dotés de 11 formes d’onde, dont un mode aléatoire, un mode chaos et un mode Step. Dans ce dernier, on peut créer une forme d’onde cyclique complexe en définissant un nombre de pas (1 à 16), une amplitude de modulation par pas (bipolaire) et une courbe entre chaque pas (37 possibilités de toute forme). La vitesse peut être synchronisée à l’horloge. Il y a un délai avec suivi de clavier, un paramètre pour faire fluctuer la vitesse, un fondu d’entrée ou de sortie, des modes de déclenchement de cycle (libre ou non), un réglage de phase et des réglages directs de modulation sur le pitch, le filtre, le volume et le panoramique. En sortie de partiel, on trouve un EQ paramétrique 3 bandes et des réglages de sortie : sec / vers l’effet de Tone MFX, ainsi que des départs vers les effets globaux chorus et réverbe.
Au plan du Tone, on trouve une petite matrice de modulations à 4 cordons, chaque source étant capable de contrôler 4 destinations. Parmi les sources, il y a la quasi-totalité des CC MIDI, les 4 CC système globaux, le pitchbend, la pression, la vélocité, le suivi de clavier, le tempo, les 2 LFO et les 3 enveloppes. Parmi les destinations, le pitch, la coupure du filtre, la résonance, le volume, le panoramique, la quantité de chorus, la quantité de réverbe, l’action des LFO (sur le pitch, filtre, volume et panoramique), la vitesse des LFO, les temps des enveloppes (ADR), la PWM, la XMOD… L’effet MFX de Tone possède lui-même 4 cordons de modulation distincts pour ses propres paramètres (prédéfinis suivant l’algorithme). Les modulations sont toutes bipolaires. Pour les Tone Zen-Core, il y a 3 668 Presets et 2 048 mémoires utilisateur, de quoi voir venir !
Drum kits
Le second type de Tone est baptisé Drum. Il s’agit ni plus ni moins d’un éditeur de kits de percussions basé sur des échantillons. Le point de départ est le choix du Drum kit. Seul le mode Pro est disponible pour l’édition. Grosso modo, on peut assigner 4 échantillons stéréo à chacune de 88 notes du clavier, ce qui est bien mieux que le Montage (un seul échantillon par note), mais moins que le Kronos (8) ou le Forte (32 !). Pour chaque note, il y a des réglages communs et des réglages par échantillon. Commençons par les réglages par échantillon, donc à répéter, au besoin, 4 fois par touche : choix de la forme d’onde (mono ou stéréo) parmi la mémoire interne (2 108 échantillons en Rom répartis en 4 banques ABCD) ou les samples EXZ (mais pas d’accès aux échantillons utilisateur là non plus), gain, FXM (cross modulation suivant 4 types de coloration plus ou moins brutale), accordage, niveau, panoramique, délai d’apparition et fenêtre de vélocité avec fondus haut et bas. Cela permet de rendre les percussions bien plus expressives qu’un mode à une seule couche.
Passons aux réglages communs, c’est-à-dire pour une note : volume, panoramique, envois vers le chorus et la réverbe, groupe exclusif (1 à 31, les instruments d’un même groupe se coupant entre eux, utile pour simuler un hi-hat ouvert / fermé), assignation de sortie (sec, MFX ou l’un des 6 compresseurs), offset de certains paramètres de synthèse (pitch, coupure du filtre, résonance, enveloppes ADR de volume), EQ paramétrique 3 bandes, enveloppe de pitch multi-segments sensible à la vélocité, filtre résonant (6 types, sensibles à la vélocité), enveloppe de filtre multi-segments sensible à la vélocité, volume & panoramiques (sensibles à la vélocité) et enveloppe de volume multi-segments sensible à la vélocité. Pardon pour l’énumération et les effets de répétition, mais c’est très condensé par rapport au nombre de paramètres réellement disponibles par note ! Les 6 compresseurs sont propres au mode Drum et permettent de traiter séparément certaines familles d’instruments. Le MFX, pour sa part, dispose des mêmes possibilités de modulation que dans le modèle Zen-Core ; nous reparlerons de tous ces effets dans le paragraphe dédié. Côté mémoire, on dispose de 91 kits Presets et 128 kits utilisateur, dont 24 déjà programmés. De quoi voir venir là aussi !
Piano virtuel
Le troisième type de Tone est le V-Piano, un moteur dédié à la modélisation de pianos acoustiques, introduit sur le RD-2000. On ne peut l’assigner qu’à la première zone d’une scène, car il est très consommateur en ressources et utilise un DSP dédié. Là aussi, seul le mode Pro est disponible. On y règle le volume, l’ouverture du couvercle arrière (brillance et présence), le niveau de résonance sympathique des cordes, le bruit de marteau, l’échelle de résonance, les bruits d’échappement de touche, la résonance de la table et celle de l’instrument tout entier.
À un niveau plus fin, on peut descendre sur des réglages indépendants pour chaque note : accord micro-tonal (Preset ou utilisateur), niveau (volume) et caractère (brillance). Le V-Piano dispose des mêmes réglages MFX que les autres modes de Tone. Sur le plan des mémoires, on trouve 17 Presets V-Piano (couvrant différents styles musicaux tels que baroque, classique triomphant ou romantique, blues, jazz, pop-rock ou ballade) et 128 mémoires utilisateur. Une section très réussie qui nous fait une fois encore regretter l’absence de moteurs SuperNatural pour les autres sons acoustiques du Fantom, du moins en l’état actuel des choses, vu que le système de moteur semble ouvert, d’après ce que les équipes de développement de Roland nous ont confié.
Effets pléthoriques
Que serait une station de travail moderne sans ses puissants multieffets ? Le Fantom ne déroge pas à la règle, avec des effets à tous les niveaux. Commençons par les EQ, présents dans chaque partiel / note de kit, dans chaque Tone et au plan global. Poursuivons par les MFX, disponibles pour chacune des zones multitimbrales. Il y en a donc 16, capables de produire 90 algorithmes différents : filtres (EQ, booster, wahwah, Enhancer, simulateur de HP), modulations (phaser, tremolo, autopan, HP tournant), chorus / flangers, processeurs de dynamique (OD, compresseur, limiteur), délais (simple, stéréo, multiple, écho à bande), effets lo-fi, modulations de pitch, simulations vintage (CE-1, SBF-325, SDD-320), loopers, DJFX, saturateurs… sans oublier les combinaisons de deux effets, bien utiles pour les indécis du fromage ou dessert. Entre 5 et 15 paramètres sont disponibles par effet, certains synchronisables au tempo, d’autres, prédéfinis dans chaque algorithme, modulables par la matrice dédiée.
Toujours au niveau du Tone, plus spécifiquement du Tone de type Drum principal (celui défini comme tel), on peut envoyer chaque note de percussion dans l’un des 6 compresseurs mis à notre disposition. On règle, pour chacun, le temps d’attaque, le temps de relâchement, le seuil, le ratio, l’adoucissement (Knee), le gain de sortie et la destination (sortie sèche, entrée MFX, sorties physiques principales / séparées, entrées effet analogique AFX).
Passons maintenant aux effets globaux de scène. Au menu, deux effets d’insertion IFX, un chorus et une réverbe. Les effets d’insertion ont les mêmes 90 algorithmes et réglages que les MFX. On peut les placer en série ou en parallèle, puis doser leur envoi vers le chorus et la réverbe, avant de les router vers les effets analogiques ou l’une des paires de sorties physiques. La différence ici, c’est que les IFX, comme tous les effets globaux de scène, ne sont pas modulables en temps réel. Le chorus offre 8 algorithmes (chorus stéréo, émulation de la pédale CE-1, émulation de SDD-320, délai stéréo, délai synchro, délai -> trémolo, double écho stéréo, triple écho stéréo et simulation du chorus du Juno-106). Pour tous, on définit le niveau, la quantité d’envoi vers la réverbe et la sortie physique de destination (principale ou séparées). Les autres paramètres (entre 1 et 10) sont fonction de l’algorithme. Il y a ensuite la réverbe, forte de ses 6 algorithmes : Integra-7 (8 sous-types), Warm Hall, Hall, GS (8 types), SRV-2000 (4 types), SRV-2000 non linéaire et GM2. Elle aussi peut être routée vers la paire de sorties physiques de son choix. On trouve généralement une dizaine de paramètres par type de réverbe. Nous saluons les choix faits par Roland, plus éclectiques qu’à l’accoutumée.
La première fois que nous avons découvert les spécifications du Fantom, nous avons été surpris de découvrir des effets analogiques. Il s’agit de deux ensembles Distorsion + VCF permettant de conserver la stéréo du signal. Ce qui entre dans le filtre peut sortir directement ou être réinjecté dans le bus maître. On peut régler le niveau, le panoramique, la quantité d’envoi vers le chorus et la quantité d’envoi vers la réverbe. Une fois le gain de la distorsion dosé, on passe dans la section VCF. Les circuits ont été conçus pour imiter le LPF 4 pôles Roland (on pense à l’IR3109 qui a équipé bon nombre de synthés vintage polyphoniques de la marque), le LFP 4 pôles Moog (en échelle de transistors) et un filtre multimode à variable d’état (LPF/BPF/HPF). Reste à régler la fréquence de coupure et la résonance, là aussi sur 1 024 valeurs. Il n’y a en revanche pas de modulation type enveloppe ou LFO, ces VCF sont statiques. Les réglages des effets analogiques sont sauvegardés au sein des scènes.
On passe maintenant au niveau global de la machine. On trouve un compresseur multibande (mastering) et un EQ paramétrique 5 bandes, avec des réglages très nombreux (une vingtaine de paramètres), histoire de peaufiner le son avant qu’il ne parte se promener. Mais ce n’est pas tout, puisque même les entrées audio ont leur propre section effets : filtre coupe-bas (pour éviter la ronflette des câbles – uniquement recommandé sur la voix), EQ paramétrique 5 bandes et réverbe d’entrée (identique à la réverbe principale). Du costaud ! Toutes les valeurs d’effets du Fantom (tout comme la plupart des paramètres de synthèse) sont exprimées dans leur véritable unité, la grande classe… La qualité des effets numérique et des filtres analogiques est très élevée. Le seul véritable point faible dans cette section effets est le manque cruel de vocodeur. Allez, encore un effort s’il vous plait Monsieur Roland et ce sera parfait !
Sample à part
Le Fantom est équipé d’une section échantillonnage polyphonique 8 voix mono ou 4 voix stéréo. Ils sont sauvegardés en mémoire globale (et pas au sein des scènes), dans 4 banques de 16 pads, ce qui est très peu. On peut sampler la sortie stéréo de la machine, une source externe analogique via les entrées stéréo, une source audio USB ou tout cela en même temps, en 16 bits / 48 kHz. La mémoire de samples, de type flash permanente, peut utiliser pour le moment 2 Go sur les 4 Go embarqués. L’échantillonnage peut être lancé à la main ou à partir d’un seuil audio. On peut régler le gain d’entrée, activer l’alimentation Phantom intégrée aux entrées XLR (48 V / 10 mA, pour les micro statiques), couper les basses fréquences (pour éliminer la ronflette de certains câbles micro asymétriques, trop longs ou pas assez blindés), ajouter un EQ, ajouter une réverbe, régler le niveau post EQ, doser le panoramique puis assigner le signal direct d’entrée à une sortie audio. À tout instant, on peut stopper l’échantillonnage en cours.
Une fois le sample capturé, on l’assigne à un pad puis on l’édite de façon très sommaire : mode Gate (la lecture se poursuit après relâchement du pad), points de lecture, bouclage, niveau, troncature et normalisation. Il n’y a pas de traitements avancés (slice / time stretch), de montage en multisamples ni d’utilisation possible dans les moteurs de synthèse. L’échantillonneur reste un moteur séparé, pas du tout intégré, contrairement au Kronos. Si les samples sont déclenchés par les pads ou la zone assignée. Les pads peuvent prendre d’autres fonctions, comme jouer des Tone, sélectionner ou couper/activer les 4 partiels d’un Tone Zen-Core, muter/isoler les zones ou jouer des motifs rythmiques. Pour terminer, signalons que le Fantom peut importer les formats Wav et Aiff 8/16/24 bits linéaires à 44/48/96 kHz, ainsi que les formats MP3 de 64 à 320 kbps + VBR à 44/48 kHz, avec placement des imports automatique ou manuel. Côté export, cela se passe au format Wav, par pad individuel ou pour l’ensemble des pads. Bref, une section inégale qui vit un peu en marge du reste de la machine, même si on peut l’assigner à l’une des 16 zones.
Arpèges et rythmes
On trouve un arpégiateur qui pilote la ou les zones activées dans une scène. On sélectionne un style parmi 128 Presets et leurs variations (1 à 2 suivant le Preset). Les styles existent sous forme de mini-séquences, d’accords, de riffs, dans différents genres musicaux : pop-rock, funk, blues, latino. On règle ensuite l’ordre de jeu (haut, bas, alterné, aléatoire, ordre joué, glissando, accord, timing voix basse, timing voix haute, phrase transposée suivant la note jouée), la vélocité (fixe de 1 à 127 ou telle que jouée), la transposition de motif (plus ou moins 3 octaves), l’accent (pour amener du groove dans le motif) et le Shuffle (en pourcentage et résolution). On peut aussi activer le maintien automatique. L’arpégiateur n’existe qu’en unique exemplaire dans chaque scène, il n’est pas multitimbral, contrairement à ce qu’on trouve sur un Forte (16 arpèges simultanés toujours disponibles) ou un Montage (8 arpèges simultanés en mode clavier maître). Ici, il faut définir les zones (1–16) qui doivent être pilotées par l’arpégiateur. De même, il n’existe pas d’arpèges de mouvements ou modulations comme sur le Montage. On ne peut pas non plus créer son propre motif d’arpège de quelque manière que ce soit. Cette section mérite donc d’être un peu étoffée, surtout par les standards actuels…
La Fantom dispose aussi d’une mémoire d’accords (fonction Chord Memory), que l’on peut utiliser seule ou avec l’arpégiateur. Elle permet de jouer des ensembles d’accords sophistiqués à un doigt. On sélectionne l’ensemble d’accords parmi une liste de 17 Presets (pop, blues, traditionnel, jazz, majeur, mineur, quinte…), puis on choisit la note de base (chaque note ayant un accord différent dans un style donné) et le timing de jeu (accord plaqués nets ou notes grattées). Ce dernier mode permet de simuler le jeu d’un guitariste (vers le haut, vers le bas ou alterné), la vitesse de grattage dépendant de la vélocité. Enfin, le Fantom possède un générateur de motifs rythmiques, qu’il peut lancer en parallèle du jeu et des samples. Les motifs sont arrangés en groupes de 6 sections (intro, couplets 1 et 2, Fill-in 1 et 2, fin). Il suffit d’assigner le motif d’un groupe à chaque section parmi une liste de 354 Presets (en fait, 59 groupes Presets de 6 sections). On choisit également le Drum Kit et le tempo. Il suffit ensuite de lancer la section à l’écran. Si on commence par l’intro, le premier couplet est automatiquement enchaîné à la fin du motif d’intro. Lorsqu’on lance le motif de fin, le rythme s’arrête à la fin de la fin, imparablement logique ! Une fois les sections arrangées et les kits assignés, on peut mémoriser le groupe de motifs au sein de 20 mémoires utilisateur, donc pas dans les scènes. Ça aurait été bien de pouvoir programmer ou importer ses propres motifs à partir du séquenceur : sur un prochain OS peut-être ?
Séquenceur à motifs
Un séquenceur est nécessaire pour qu’une station de travail soit une vraie station de travail. C’est le cas pour le Fantom, qui offre un séquenceur 16 pistes d’une résolution de 120 BPQN, dans chacune de ses scènes. La mémoire totale n’est pas connue, on l’imagine immense. Les motifs sont les éléments de base. Ils sont constitués d’une piste de 32 mesures, avec bouclage éditable entre deux points. Il y a 16 pistes de motifs. Un groupe est un ensemble comprenant jusqu’à 8 motifs sur chacune des 16 pistes, un peu comme la structure d’un mini-morceaux (intro, couplets, refrain, pont, fin…). Les motifs sont complètement dissociables, ce qui veut dire qu’on peut lire différents motifs d’index différent dans les différentes pistes. On peut aussi activer/muter/isoler les 16 pistes à l’écran, très visuel, avec des codes couleur bien choisis pour faciliter la compréhension de l’organisation. Au total, il y a 16 groupes par scène. Enfin, un morceau est un enchaînement de groupes (32 indexes maximum) dans un ordre défini, avec possibilité de 32 répétitions par index. On peut même boucler une section du morceau. Il y a un morceau par scène et le tempo est global pour tous les motifs de la scène. Donc un morceau = 32 enchaînements d’une piste parmi 16 groupes x 8 motifs x 32 mesures x 16 pistes. C’est plus clair ?
Revenons à nos motifs pour voir comment tout cela se construit. On trouve trois modes d’enregistrement : temps réel, pas à pas ou grille (TR-REC). En mode temps réel, on enregistre les notes à la volée, en surimpression à chaque boucle, avec possibilité de quantification à l’entrée ; il en est de même pour le mouvement des contrôleurs, pour peu qu’on ait bien activé l’option (on peut ainsi filtrer les notes, les CC MIDI, le pitchbend, la pression par canal, la pression polyphonique). Si l’enregistrement des curseurs et encodeurs de gauche fonctionne bien, nous ne sommes pas arrivés à enregistrer le mouvement des commandes de la partie synthé. En mode pas à pas, l’écran affiche un piano roll permettant de contrôler ce que l’on fait et d’effacer certains pas pour les reprendre. En mode grille, on utilise la rangée de 16 touches rétroéclairées au-dessus du clavier à droite, comme sur une bonne vieille TR-808 (qui fut la pionnière de ce mode de programmation il y a bien longtemps, si nos souvenirs sont bons).
Une fois qu’un motif est enregistré, on peut réenregistrer par-dessus en temps réel (pour peu qu’on ait activé le mode Mix et pas New) ou l’éditer avec précision en mode piano roll. Tout se passe à l’écran : on clique sur la note à modifier, on la déplace si nécessaire puis on change ses paramètres (vélocité, durée) ; on peut aussi entrer une nouvelle note suivant une définition de grille ajustable ou supprimer une note indésirable. On peut enfin utiliser des fonctions globales, genre suppression à la volée ou par fenêtre de valeurs, transposition globale, quantification. Le seul problème, c’est qu’une fois dans l’éditeur piano roll, on ne peut pas enregistrer en temps réel. C’est un point de workflow où le Fantom peut encore progresser, le reste étant vraiment bien conçu ! Autre point de progrès potentiel, l’absence de pistes linéaires pour s’affranchir de la limite de 32 mesures par motif. Il faudra donc… séquencer ses séquences ! C’est surmontable, car l’assemblage en structures plus élaborées est vraiment bien pensé. Enfin, on peut importer des séquences enregistrées à l’extérieur au sein d’un motif, puis réciproquement exporter des motifs, groupes et morceaux au format SMF.
Conclusion
Roland renoue avec les grosses stations de travail qui forment la famille des Big KRYK, avec le Korg Kronos, le Yamaha Montage et le Kurzweil Forte. Chaque membre de ce club prestigieux possède un ADN commun, on pourrait quasiment dire un air de famille : grosse polyphonie, multitimbralité totale, plusieurs moteurs de synthèse, énorme section effets, arpégiateur, séquenceur, interfaçage avec le monde extérieur et capacité d’extension déjà démontrée. Certains intègrent le sampling ou a minima l’import d’échantillons utilisateur. Alors, comment le Fantom se démarque-t-il et pourquoi pencher plutôt pour lui ? D’abord pour l’ergonomie, exceptionnelle, la meilleure de ce qu’on a pu rencontrer jusqu’à présent. L’organisation est claire, les menus bien dessinés, les commandes tombent sous la main. Ensuite, pour la coloration des sons de synthèse, possédant ce timbre globalement rond et chaud, signature de la marque, avec une prédisposition pour les sons de piano du moteur V-Piano et des sons de synthèse du moteur Zen-Core. Sans oublier le filtre analogique stéréo global (hélas statique). Enfin, pour l’intégration parfaite avec le monde extérieur, que ce soit en USB audio avec les STAN logicielles ou en pilotage MIDI de modules sonores : on ne fait pas la différence entre l’interne et l’externe, c’est très réussi. N’oublions pas la qualité de construction, irréprochable, ainsi que la polyphonie plus que confortable, mais les autres Big KRYK ont eux aussi ces atouts.
La Fantom n’est toutefois pas exempt de tout reproche, à commencer par la panoplie de sons acoustiques (hors pianos modélisés), qui souffre la comparaison avec ce que propose aujourd’hui la concurrence. C’est là que le moteur SuperNatural nous manque le plus. De même, un moteur dédié à la modélisation d’orgues vintage serait le bienvenu. On pense aussi aux superbes moteurs ACB. Autre point, Roland peut encore un peu améliorer son séquenceur, en revoyant le workflow entre les différents modes enregistrement / édition et en ajoutant des pistes linéaires. Au passage, un vocodeur ne serait pas superflu, les briques matérielles et logicielles étant déjà là. Enfin, la section Sampling gagnerait énormément à être mieux intégrée au reste de la synthèse et à s’ouvrir au multiéchantillonnage, car pour le moment, elle est traitée comme une zone à part. Avec sa nouvelle technologie Z-Core, Roland nous promet l’ouverture, notamment vers de nouveaux moteurs de synthèse. En attendant ces mises à jour avec délectation, n’oublions toutefois pas d’acheter un synthé pour ce qu’il est et non pas pour ce qu’il pourrait être. D’autant qu’avec ses qualités intrinsèques, même s’il peut encore progresser et se muscler, le Fantom est une station de travail magnifique qui mérite amplement l’Award Audiofanzine Valeur Sûre 2019.