Embarquant en grande partie le moteur sonore du Motif XF, le MOXF tente de redéfinir le standard des workstations de milieu de gamme. Relève assurée ?
Plutôt calme il fut un temps, le marché des workstations semble bien reparti ces dernières années. Après le Kross de Korg venu placer un nouveau standard en entrée de gamme début 2013, la nouvelle série MOXF de Yamaha s’est insérée fin 2013 en ce qu’il convient maintenant d’appeler le milieu de gamme, en attendant la nouvelle série FA Roland présentée début 2014 au NAMM. Sans oublier Kurzweil en position d’outsider avec les séries PC3K et PC3Le dont on attend toujours la relève. Les workstations sont des concentrés de fonctionnalités, alliant les samples à la synthèse, les trucs qui bougent, les effets, les commandes, voire l’audio pour certaines… les questions cruciales à se poser dorénavant, au-delà du son, tournent autour de l’ergonomie : vais-je m’y retrouver rapidement dans mes milliers de programmes, puis-je sculpter rapidement la banque qu’il me faut, est-il sûr d’emmener tout cela sur scène avec le bon niveau de fiabilité, ai-je suffisamment de commandes directes pour faire une performance sans me vautrer devant des milliers de fans en transe ? Bref, le quotidien du musicien adepte du tout-en-un…
MOX outside
À première vue, le MOXF a tout du MOX : même poids plume (7 kg), même construction en plastique qui plie sans rompre, même finition granuleuse, mêmes commandes en façade avec une réponse franche et un ancrage satisfaisant. L’organisation est identique : à gauche, section dédiée à l’audio (potard de volume et de gain d’entrée avec rangée de diodes de niveau pour le monitoring des signaux internes/externes), commandes temps réel (2 rangées de 4 encodeurs crantés assignables, 2 boutons de modulation assignables, 2 boutons de transposition par octave, 2 boutons de transposition par demi-ton), section effets, contrôle des arpèges, commandes de transport (pour les séquences internes ou une DAW externe). Au centre, un LCD rétro-éclairé monochrome 240 × 64 points surplombe 2 rangées de 6 boutons : une rangée pour les pages menu, une autre pour les sous-pages, ce qui permet de s’y retrouver relativement vite ; la navigation se fait avec la complicité de 4 flèches et un gros encodeur, des boutons d’incrémentation/décrémentation, bref du classique.
À droite, on trouve les boutons de mode de jeu (Voice, Performance, Master, Song, Pattern, Mixing), de gestion des fichiers, de fonctions (Job, Utility et Quick Setup pour créer rapidement des configurations multitimbrales). Bon point d’ergonomie, des fonctions à accès direct permettent de créer instantanément des Splits / Layers / Drum Kits. Enfin, pour sélectionner les innombrables programmes ou activer/ muter des couches sonores ou des arpèges, 3 rangées de 8 boutons sont prévues, avec défilement de banques, listes de programmes et sélection par catégorie / sous-catégorie. Donc un bon point pour le MOXF sur le plan de l’ergonomie, compte tenu de la pléthore de fonctions présentes.
Le clavier 61 touches du MOXF6 testé est assez moyen, bien que supérieur aux MO/MM : il est de type semi-lesté et sensible à la vélocité uniquement. Il existe aussi un modèle de 88 touches lourdes (mais toujours pas de 73/76 touches).
Toute la connectique est située sur le panneau arrière : à gauche, une prise pour alimentation externe fournie (de type bloc à l’extrémité) et son interrupteur marche / arrêt ; à droite, 2 entrées audio gauche / droite, une prise casque, 2 sortie audio gauche / droite (le tout en jack 6,35), 3 prises pédales (2 interrupteurs Sustain / assignable et 1 contrôleur continu assignable), 3 prises MIDI et 2 prises USB (Host / Device pour l’audio, le MIDI et les sauvegardes, bravo !). Pour le moment, à part la couleur bordeaux des flancs, on se croirait sur un MOX, mais c’est à l’intérieur que tout se passe…
Motif XF Inside
Le MOXF est au Motif XF ce que le MOX est au Motif XS. Cette fois, on a le droit aux 741 Mo de formes d’onde échantillonnées (près de 4000 multi-échantillons et échantillons), avec une polyphonie de 128 voix. C’est remarquable dans cette gamme ! Autre point remarquable, la qualité audio ne semble pas dégradée par rapport au Motif XF : les niveaux semblent proches, tout comme la présence. On retrouve avec plaisir la musicalité des sons acoustiques, très homogènes dans l’ensemble… côté pianos acoustiques, un Yamaha S6 de 7 pieds généreusement multi-échantillonné côtoie le CFIIIS de 9 pieds de concert ; il est plus régulier dans les médiums, on entend moins les transitions de samples que sur le CFIIIS. La panoplie de pianos électriques est très convaincante, grâce notamment à d’excellents effets modélisés (compresseurs, préamplis, wah wah, chorus…).
- Piano A Concert S6 1 02:03
- Piano A Concert S6 2 00:31
- Piano A Concert CFIIIS 1 02:04
- Piano A Concert CFIIIS 2 00:31
- Piano A Jazz 00:42
- Piano E Clavinet 00:51
- Piano E CP70 00:52
- Piano E Fender 01:11
- Piano E Wurly 00:49
Côté guitares et basses, le MOXF ne flanche pas, bénéficiant là aussi des effets modélisés et d’articulation simulant différentes techniques de jeu (certes on n’atteint pas le niveau de méga banques VST, on s’en doute !).
- Guitar A 01:06
- Guitar E 01:04
- Bass A 00:17
- Bass E 01:15
- Bass F 00:32
Les orgues ne rivalisent pas avec les modélisations présentes sur certaines machines concurrentes, il serait temps que Yamaha s’y mette un peu (par exemple insérer le moteur du VSTi maison YC-3B, par ailleurs disponible gratuitement). La Rom renferme de belles cordes en solo et en différentes sections stéréo, des instruments à vent (cuivres / bois) très musicaux, tirant là aussi parti de différentes articulations selon le jeu (vélocité et utilisation des 2 switches prévus à cet effet…).
- Strings 01:31
- Brass 00:33
Côté drums, que du bon, avec plusieurs couches de dynamique intégrées au samples, notamment des kits acoustiques / hip-hop / classiques / ethniques magnifiques. Le MOXF comporte son lot de sons de synthèse très variés, avec de belles basses, des ensembles polyphoniques capturés sur des légendes analogiques et de beaux pads tirant parti des nombreux filtres multimodes internes. Quelques Performances permettent de vérifier que tout ce beau monde se mélange bien, même réduit à 4 canaux, grâce notamment aux effets d’insertion multiples qui permettent des traitements différenciés. Bref, le MOXF, tout comme le Motif XF, est l’une des workstations les plus homogènes et musicales sur le plan sonore.
- Synth Bass 01:03
- Synth Poly 01:55
- ZPerf1 01:09
- ZPerf2 00:45
- ZPerf3 00:48
- ZPerf4 00:58
8 couches…
Le MOXF reprend l’architecture de synthèse du MOX, elle-même empruntée au Motif XF, elle-même déclinée du Motif XS. Bref, rien de bien nouveau à se mettre sous le filtre… On a donc un mode programme appelé Voice basé sur la lecture d’échantillons. En mode normal, on peut empiler 8 couches stéréo et en mode Drum, on peut créer des kits de 73 notes (mais sans couche éditable, ce qui est vraiment ballot, on ne le dira jamais assez). En mode normal, on a donc 8 éléments qui peuvent avoir leur tessiture, leur fenêtre de vélocité et leur routage vers les effets. Un élément est un ensemble multisample – filtre – ampli. Les voix peuvent être jouées en legato, en cycle, aléatoirement, avec du retard… leur pitch est modulable par le suivi de clavier et une enveloppe dédiée 5 temps / 5 niveaux, elle-même modulable par la vélocité (temps et niveaux) et le suivi de clavier (temps).
Le signal est alors injecté dans le filtre, de type multimode résonant. On retrouve les 18 algorithmes (passe-haut, passe-bas, passe-bande, réjection) en différentes pentes (4, 3, 2, 1 pôles) et différentes couleurs (modélisation analogique qui arrondit les angles, numérique qui agresse à haute résonance, dur, doux) ; il y a même des combinaisons série et parallèle ; bref, pour tous les goûts. La vélocité peut moduler la coupure et la résonance ; la coupure peut ensuite être modulée par le suivi de clavier, une enveloppe dédiée 5 temps / 5 niveaux identique à la précédente et un générateur de tracking à 4 points. Puis la sortie de filtre passe par un ampli avec enveloppe dédiée 4 temps / 4 niveaux, générateur de tracking à 4 points et modulation de panoramique (suivi de clavier, aléatoire). Autres modulations au niveau de l’élément, un LFO à 3 formes d’ondes basiques agit sur le pitch, le filtre et l’ampli, suivi d’un EQ simplifié (2 bandes semi-paramétriques, 1 bande paramétrique ou boost de +6 /+12 /+18 dB). Tout ça pour un élément !
… au programme
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Au niveau global, le programme a d’autres nombreux paramètres : catégories (principale et secondaire), volume, panoramique, pitch, polyphonie, Pitchbend, portamento, tempérament (13 Presets), assignation des 2 encodeurs et des 2 boutons. Il y a aussi une matrice de modulations à 6 patches, permettant de relier des contrôleurs physiques à des destinations (plus d’une centaine, dont la plupart des paramètres de synthèse et d’effets d’insertion) ; puis un LFO global très sophistiqué (cf. test du MOX), un arpégiateur et 2 effets d’insertion (nous y reviendrons). Ce qui manque dans la synthèse des workstations Yamaha, ce sont des possibilités d’intermodulation audio entre les éléments d’un programme…
Un mot rapide sur mode Drum, où on définit, pour chacune des 73 touches assignables, l’échantillons PCM, le pitch (modulable par la vélocité), le mode de déclenchement (exclusif, note off, tenue), l’assignation aux 2 effets d’insertion, les niveaux de départ vers les 2 effets maîtres, la coupure du filtre passe-bas (modulable par la vélocité), la résonance, la coupure du filtre passe-haut, le volume (modulable par la vélocité et une enveloppe 3 temps / 2 niveaux), le panoramique (fixe, balayage automatique, aléatoire) et l’EQ (identique au mode normal). Les paramètres communs sont des versions très simplifiées du mode normal. Au global, le MOXF comprend 1664 programmes (dont 384 utilisateur) et 105 Drum kits (dont 32 utilisateur).
4 maxi
Les Workstations Yamaha sont abonnées au regroupement des programmes par 4. Là encore, aucune nouveauté, la concurrence fait beaucoup mieux. C’est donc un mode Performance identique au MOX que l’on va retrouver : 4 parties, chacune avec son canal MIDI, ses paramètres de synthèse re-paramétrables (certains modifiables avec les commandes temps réel), ses paramètres de mixage…
L’entrée audio vient s’ajouter aux 4 parties avec quelques réglages bienvenus. Le réglage des 4 canaux peut être exporté d’un coup vers un Pattern ou une Song (voir ci-dessous). On peut aussi enregistrer le jeu produit par une Performance vers un Pattern ou une Song, les pistes étant immédiatement configurées et les notes envoyées au bon endroit. La mémoire comprend 256 Performances pré-chargées en usine. On apprécie que tout s’y règle en détail et s’y synchronise parfaitement (motifs, arpèges…). Mais 8 canaux auraient franchement été les bienvenus, surtout que les effets d’insertion sont passés à 8 ensembles de 2 en mode multitimbral, comme nous le verrons ensuite.
Nouveaux arpèges
Le MOXF reprend les arpégiateurs du Motif XF auquel il ajoute des nouveautés, pour un total de 7981 arpèges en Rom, classés en 16 catégories et 24 sous-catégories. Certains sont des motifs polyphoniques complexes, d’autres des patterns de percussions, d’autres enfin font appel aux Megavoices, des échantillons multicouches reproduisant les nuances subtiles des instruments acoustiques. Seul problème dans ce dernier cas, c’est injouable en live, il faut se contenter de jouer l’arpège et la Megavoice associée. Le réalisme de l’arpégiateur tient aussi du fait que des événements MIDI sont utilisés en plus des notes : modulations de paramètres de synthèse, mixage, zone de jeu, vélocité, accords, swing. Les arpèges en Rom diffèrent selon que le programme est de type normal ou Drum.
On peut également créer ses propres arpèges et les sauvegarder au sein de 256 emplacements. Pour cela, on utilise jusqu’à 4 pistes de 16 notes, à partir de l’un des séquenceurs (Pattern ou Song). Chaque programme est enregistré avec de 1 à 6 variations d’arpèges, que l’on peut enchaîner parfaitement à partir des boutons de fonction situés sous l’écran. En mode multitimbral, on a le droit à 4 arpégiateurs polyphoniques simultanés ; pour les modes Pattern ou Song qui tournent sur 16 pistes, il faut choisir les 4 canaux auxquels les arpèges seront assignés, c’est aussi simple que cela.
Séquences inchangées
Aucun changement au rayon séquences dans le MOXF, qui hérite des excellents séquenceurs de ses ancêtres. On a 2 modes de jeu et d’enregistrement : Pattern et Song. Au programme, 16 pistes MIDI, une piste tempo, des scènes de jeu et un total de 226.000 événements MIDI, pour une résolution de 480 BPQN.
Le mode Pattern opère sur 256 mesures maximum, constituées de 16 sections de 16 pistes bouclées. On peut remplir ou non les 16 sections de 16 pistes, à la manière d’une matrice 16 × 16. On peut définir des listes de lecture avec des enchaînements de pas, chaque pas mémorisant le numéro de section jouée et les pistes activées. Le résultat obtenu peut être envoyé dans une Song où il sera lu de A à Z. Le mode Pattern permet d’enregistrer en temps réel ou en pas-à-pas. En temps réel, toutes les fonctions classiques mais bien utiles sont prévues : punch in / out, bouclage, Overdub / Replace, quantisation. Même l’arpégiateur peut être utilisé et enregistré à la volée. Une fois capturé, on peut éditer le Pattern globalement ou par liste avec accès par évènement ; on accède alors à des fonctions d’insertion / suppression, transposition, injection de Glide / roulement, remix, découpage, édition des CC MIDI. Question mémoire, on a 64 Patterns pour immortaliser nos œuvres.
Le mode Song permet une approche complémentaire au mode Pattern, linéaire plutôt que par bloc. Les séquences peuvent toutefois être bouclées, chaque piste ayant sa propre longueur. On trouve aussi les fonctions de mixage et d’enchaînement, l’enregistrement en temps réel ou pas-à-pas, l’édition microscopique par liste. Question mémoire, on dispose de 64 Songs. Enfin, le mode Mixing permet de paramétrer les 16 canaux à la volée : programmes, canal MIDI In, tessiture, vélocité, mixage et effets (assignation aux 2 effets d’insertion et départs vers les 2 effets de chorus / réverbération). Comme en mode Performance, l’entrée audio est paramétrable, un peu comme une 17e piste. C’est aussi en mode Mixing que l’on peut éditer les programmes, en rebasculant dans l’éditeur Voice. Le MOXF permet de sauvegarder 256 programmes supplémentaires (des « voix de mixage ») et les assigner à n’importe quel canal, afin de ne pas écraser les programmes originels, cool !
Effets démultipliés
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Le MOXF reprend les mêmes effets que le MOX, mais nous verrons qu’ils sont démultipliés dans les modes multitimbraux. Un programme dispose de 2 effets d’insertion, 2 effets système (chorus et réverbe), un effet maître (global pour l’ensemble des programmes) et un EQ maître (global lui aussi). Les effets modélisés VCM sont bien évidemment de la partie, pour le plus grand plaisir de nos pianos électriques, basses et guitares. Les 2 effets d’insertion (A et B) sont les plus puissants, avec 54 algorithmes complexes (jusqu’à 16 paramètres) modulables en temps réel. Au programme, réverbes, délais, ensembles, compresseurs, simulateurs d’ampli, distorsions, EQ, effets destructeurs de signal et effets chaînés. Les effets A et B peuvent être placés en série (A -> B ou B -> A) ou en parallèle. Un vocodeur, faisant appel aux 2 blocs, permet de traiter des sons internes (porteurs) via l’entrée audio (modulateur) ; on dispose de 10 bandes, avec compression / Gate à l’entrée, décalage de formants, bruit, HPF et gains séparés pour les bandes.
Les effets globaux sont des effets d’ensemble : pour le Chorus, on trouve 22 algorithmes de chorus, flanger, phaser et réverbes ; pour la Réverbe, on trouve 9 algorithmes de réverbes et délais complexes, dont certains tirés du SPX2000. On peut régler l’envoi du chorus vers la réverbération et les retours des 2 bus, avec panoramiques séparés. L’effet maître global offre 9 algorithmes : délais, compresseurs et effets destructeurs, histoire de colorer le son final d’une manière plus ou moins subtile. L’EQ global, en fin de chaîne, est un paramétrique 5 bandes, de type Peaking /Shelving (bandes centrales) ou Shelving (bandes extrêmes). En mode multitimbral, on dispose cette fois de 8 blocs d’effets d’insertion A+B (le MOX étant limité à 3), donc jusqu’à 16 multi-effets. On peut ainsi traiter séparément les 4 canaux d’une Performance et 8 pistes sur 16 d’une séquence, impressionnant dans cette gamme de prix. S’y ajoute un EQ 3 bandes par canal, sans oublier les 2 effets système (chorus et réverbe) avec 2 départs séparés par canal, le multi-effet maître et l’EQ maître. Ces deux derniers sont mémorisés dans chaque Performance ou séquence. Une section bien balèze !
Garde relevée
Nous avions déjà apprécié le MOX à sa sortie, comment ne pas apprécier davantage le MOXF. Deux fois plus de mémoire PCM, deux fois plus de polyphonie, une section d’effets plus puissante, une option Flash Ram pour banques de samples externes… bref, un concentré de Motif XF pour une fraction du prix, la fonction sampling en moins. Sans oublier les points forts inhérents à la série : qualité sonore très homogène, arpèges et séquences bien fournies, audio et MIDI over USB, poids allégé… mais aussi quelques rares défauts : la construction plastique, un clavier moyen, un écran réduit, des Performances limitées à 4 canaux ; mais rien de rédhibitoire dans cette gamme de prix. Voici une workstation de milieu de gamme qui affiche bon nombre de caractéristiques du haut de gamme, parmi lesquelles la qualité sonore. Une fois encore, la relève de la garde est bien assurée !
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