Succédant au vénérable K2661 à classer désormais parmi les synthés vintage, le K2700 prend enfin le relai du solide Forte au sommet de la gamme des workstations signées Kurzweil. Continuité de l’offre ou nouvelle donne ?
En 2003, Kurzweil présente le K2661, la dernière workstation de la lignée des K26xx, ayant relayé la série K25xx à partir de 1999, ayant elle-même occupé dès 1995 le haut de gamme du panier en parallèle de la série K20xx lancée en 1992. Il faudra attendre la V3 du Forte en 2018 pour voir un piano de scène se transfigurer en véritable workstation (testé dans nos colonnes). La machine évolue encore en V4 en 2019, intégrant un moteur de synthèse FM à 6 opérateurs et un séquenceur multitimbral de CC Midi. Mais à l’usage, on sent que l’OS du Forte est au taquet, à bout de souffle, pour gérer cette étonnante métamorphose d’un instrument complètement repositionné au cours du temps et pas du tout prévu pour cela au départ. Ce que le Forte réussit par logiciel, il ne peut le faire via son interface physique, dont les limites se font sentir dès qu’on utilise l’arpégiateur ou le séquenceur : manque de commandes directes, fonctions ajoutées dans les menus. Devant autant d’expérience acquise pendant trente années mouvementées et sous la pression de la concurrence, le R&D Kurzweil, toujours basé au pays de l’Oncle Sam, a donc concentré son savoir-faire dans une nouvelle workstation, le K2700, basée sur un nouveau DSP maison. Alors, point d’orgue des K2xxx ou nouveau départ ?
Porte-avions
Le K2700 (V1.07 testée) est uniquement disponible en version 88 touches lourdes, ce qui est à la fois curieux et segmentant. Vu le panneau, il y avait de quoi faire un modèle un peu plus compact à 76 touches, en déplaçant les molettes sous les commandes de l’interface audionumérique, donc sans réellement modifier les cartes internes. Pourtant, cela ne semble pas au programme, dommage. On en profitera donc pour faire un peu de musculation, en embarquant les 130 × 40 × 14 cm et 24 kg sur scène, ou en agrandissant le studio pendant le week-end ou les vacances, avec des copains maçons. Par rapport au Forte, les commandes ont été revues et largement améliorées, collant aux possibilités de la machine : 2 molettes situées tout en haut à gauche (un peu loin), 2 touches de transposition par demi-ton, 2 potentiomètres de niveau d’entrée pour l’interface audio (avec 2 commutateurs haute impédance et alimentation Phantom), un curseur de volume avec touche Variation (ajout d’une couche sonore, commutation de la vitesse du haut-parleur tournant…), une section de mixage complète (9 potentiomètres, 9 grands curseurs, 9 touches, assignables), une section centrale de navigation (touches de sélection des canaux Midi / couches / zones / pistes, écran couleur non tactile 480 × 272 points, 6 touches contextuelles, 4 touches de navigation en croix, touches Edit/Exit, encodeur de données), une section de mode (programme, Multi, séquence, global), un pavé pour la sélection des sons et l’édition (catégories sonores, numérotation), des commandes de transport (arpégiateur, séquenceur de CC, tempo, séquenceur Midi) et 16 pads dynamiques (déclenchement de sons / accords / arpèges / motifs…).
Sur le K2700, on est à l’aise pour éditer, car les commandes sont qualitatives, de grande dimension et bien espacées. L’écran est un peu désuet en cette époque de tactile multizone, certaines pages de menu sont un héritage du K2000 (orientées texte), d’autres sont plus actuelles (graphiques, couleurs, zones). L’édition se fait comme il y a trente ans, en faisant défiler des pages à l’horizontale et en zoomant dans les éléments souhaités à la verticale (multi > zone > programme > couche > multisample > sample, ou encore, multieffet > bus > effet > algorithme > paramètres). Dès qu’on modifie un objet, le synthé propose de le sauvegarder dans une base de données. On peut ensuite gérer cette base, c’est très puissant et finalement assez simple quand on a compris la logique. Le clavier 88 notes est un Fatar TP/40L, à toucher piano (mécanique à marteau), qui offre une réponse agréable, de dureté medium donc très polyvalent. Il est également sensible à la pression mono. Il est surplombé par un long et large ruban permettant de transmettre de 1 à 3 zones de contrôles continus.
Côté connectique, tout se passe à l’arrière et c’est plutôt pas mal. Les jacks sont en métal, tout est vissé, là encore c’est une construction haut de gamme. On trouve une sortie casque stéréo (jack 6,35 TRS), 2 paires de sorties stéréo symétriques (jack 6,35 TRS), une paire d’entrée audio (2 combo XLR/jack 6,35, permettant d’envoyer un signal externe vers les effets et l’audio USB, mais pas d’échantillonner), 4 prises pour pédales (2 interrupteurs, 2 continues assignables), 2 prises Midi DIN (entrée/sortie) et 2 prises USB (A pour le stockage et la mise à jour du système, B pour l’interface Midi et l’audionumérique 16–24 bits / 44 à 192 kHz). On regrette de n’avoir que 2 paires de sorties stéréo analogiques plutôt que 4 ou 5 comme Kurzweil a si bien su le faire par le passé. On ne peut même pas se rabattre sur l’interface audionumérique USB, limitée à la stéréo en entrée et sortie. Roland fait beaucoup mieux dans chacun de ces domaines, il faudrait que la concurrence s’y mette, dans ce niveau de gamme !
Air connu
Comme toute bonne workstation, la panoplie sonore du K2700 est très diversifiée, basée sur des multisamples, des modules de synthèse émulés et une modélisation d’orgues à roues phoniques. La qualité audio est excellente, avec des convertisseurs N/A 32 bits au top, +21 dBu de réserve dynamique et des sorties symétriques. C’est un son naturel et musical qui se place toujours très facilement dans un mix. Par rapport au Forte, la Flash Ram PCM d’usine est réduite à 4,5 Go (contre environ 12 Go). En fait, elle en reprend tous les multisamples, mais compacte les deux pianos acoustiques principaux, un Steinway D9 et un Yamaha C7, de 4 à 1 Go. Résultat, on perd certains samples, donc de la précision. Le D9 reste très jouable, mais le C7 est en retrait, avec des points de multiéchantillonnage parfois perceptibles. Un retour en arrière regrettable. Après avoir discuté avec des développeurs, il semble que ce soit le prix à payer pour passer à 256 voix de polyphonie : 8 Go de Flash Ram totale adressable (contre 128 voix + polyphonie totale du modèle d’orgue et 16 Go pour le Forte, cf. tableau en encadré pour les autres différences).
Les autres sons sont similaires au Forte. Du coup, ils commencent à dater pour certains, au sens propre comme au sens figuré. On retrouve les pianos de l’Artis et du K2600, les pianos électriques (Rhodes 73 et 77, Wurlitzer, Clavinet D6), un clavecin français, des percussions orchestrales et cloches développées pour le Forte, ainsi qu’une sélection d’échantillons des modèles précédents de la marque : SP6, PC4, PC3, extension Kore 64, K2600, K2500, K2000 et banques de CD-Rom. Ce sont donc toujours les mêmes cordes, ensembles orchestraux, chœurs classiques, voix jazz du groupe Take 6, cuivres passe-partout, percussions, guitares et basses. Parmi les nombreux sons de synthés (vintage, FM, tables d’ondes, vectoriels…), certains sont signés Stéphane Garganigo, alias Barbenzinc, un grand spécialiste du design sonore, en particulier pour la marque Kurzweil, bravo pour cette collaboration ! On retrouve aussi d’excellents sons d’orgue B3 qui n’ont cessé de s’améliorer, servis par une section effets toujours aussi exceptionnelle. Grâce aux larges commandes directes, on peut jouer le K2700 comme un orgue à tirettes harmoniques accompagné d’un haut-parleur tournant. Bilan des sons d’usine : rien de bien nouveau, mis à part les programmes de Stéphane, ça tourne un peu en rond chez Kurzweil… Pour les amateurs de chiffres, on a 1.544 programmes et 775 Multi d’usine, accompagnés de 4.096 programmes et 4.096 Multi pour les sons utilisateur. Cela devrait suffire !
Programmes « acoustiques »
- K2700_1audio 01 AP D901:00
- K2700_1audio 02 AP C702:18
- K2700_1audio 03 EPianos00:33
- K2700_1audio 04 Reed00:18
- K2700_1audio 05 CP8000:46
- K2700_1audio 06 D600:35
- K2700_1audio 07 B300:41
- K2700_1audio 08 Strings00:44
- K2700_1audio 09 Brass00:11
- K2700_1audio 10 Guitars00:21
- K2700_1audio 11 E Bass00:31
- K2700_1audio 12 Choirs00:20
- K2700_1audio 13 Drums01:50
Multi « synthétiques »
- K2700_1audio 14 White Elephant00:33
- K2700_1audio 15 Stringed Arp00:54
- K2700_1audio 16 Arp & Solo01:17
- K2700_1audio 17 Wave Seq01:03
- K2700_1audio 18 Bad Trip01:35
- K2700_1audio 19 Choiry Arp00:59
- K2700_1audio 20 Back in Time01:00
- K2700_1audio 21 Riff & Arp01:31
- K2700_1audio 22 JM Jarp00:59
VAST toujours
Le K2700 utilise la synthèse VAST initialement introduite sur le K2000 et améliorée depuis 30 ans. Il s’agit d’une synthèse modulaire, permettant de combiner différents modules DSP (multisamples/oscillateurs/opérateurs, filtres, EQ, Shapers, distorsions, synchro… au total plusieurs dizaines de types) en algorithmes et de les moduler avec une liste impressionnante de sources (enveloppes, LFO, générateurs de fonctions, CC Midi, contrôleurs physiques). Un programme peut empiler jusqu’à 32 couches de DSP, chacune pouvant utiliser des algorithmes indépendants en cascade avec un routage complexe. Les sources sonores peuvent être des multiéchantillons, des oscillateurs numériques, des oscillateurs analogiques modélisées avec antialiasing (cf. paragraphe VA1) ou un algorithme FM à 6 opérateurs (cf. paragraphe FM). L’émulation d’orgue à roues phoniques est un peu à part de cette architecture (cf. paragraphe KB3). Dans chaque couche, on peut créer des arrangements de modules DSP, par exemple Pitch / Oscillateur dent de scie / Filtre 2 pôles / Shaper / Ampli. Il y a plusieurs dizaines d’algorithmes. Les blocs DSP Pitch et Ampli sont toujours présents au début et à la fin de la chaîne d’un algorithme. Le module Pitch gère la hauteur (accordage grossier et fin), le suivi de clavier et le suivi assigné à la vélocité. Le module Ampli gère quant à lui les mêmes variables appliquées au volume.
On peut aussi créer ses propres algorithmes de modules DSP, jusqu’à quatre par couche suivant la complexité des modules utilisés (en plus des modules Pitch et Ampli). Par exemple, un module Oscillateur peut occuper 1 ou 2 unités (suivant sa qualité) alors qu’un filtre 4 pôles résonant avec séparation en consomme 4. Chaque module DSP dispose de 1 ou 2 entrées et 1 ou 2 sorties. On peut donc connecter un module vers (ou depuis) 1 ou 2 autres modules. Cette connexion peut se faire avec n’importe quel module DSP de la chaîne, permettant ainsi des combinaisons en série et en parallèle. Tout cela, c’est pour une seule couche parmi 32 possibles (au prix de la polyphonie). Chaque couche offre un mode de jeu (mono/poly avec portamento/legato), une tessiture, une fenêtre de vélocité, un sens de lecture des échantillons, un délai, des paramètres de réponse aux contrôleurs physiques, des départs effets, un niveau de sortie, un panoramique, un crossfade…
Synthèse VA1
Le K2700 peut produire différents oscillateurs antialiasing de qualité supérieure permettant, au prix d’une consommation accrue de polyphonie, de générer des ondes synthétiques propres, idéal pour monter dans les aigus ou moduler en audio. La différence avec les ondes classiques est très nette. En effet, il est quasi impossible d’utiliser ces oscillateurs dans les octaves supérieurs sans être envahi d’infâmes gargouillis numériques, ce que les utilisateurs des séries K2xxx connaissent bien. Avec les modules dits « KVA anti-aliasing », Kurzweil a définitivement réglé ses comptes avec l’aliasing : le signal est enfin débarrassé de tout artefact audio jusqu’aux octaves les plus élevés, on peut chatouiller l’audio sans problème.
Le K2700 dispose de 25 types d’oscillateurs « KVA » : 11 modèles antialiasing et 14 modèles sans antialiasing, ces derniers étant moins pourvus mais jusqu’à 4 fois moins gourmands en ressources DSP. Les oscillateurs antialiasing occupent de 1 à 8 blocs DSP, voire 2 couches pour certains. Du coup, pour créer un synthé VA à 2 oscillateurs sans aliasing avec synchro et filtre, il faut utiliser 3 à 4 couches, donc consommer beaucoup de polyphonie. Kurzweil n’a toujours pas prévu de gabarits simplifiés de synthés-types, il faut tout se taper à la main, pas top. Certains blocs KVA sont des générateurs d’ondes Supersaw ou Triple Saw modulées ; d’autres sont des opérateurs FM (cf. ci-après) ; d’autres encore, sont des modules de synchro audio (Hard Sync) ; d’autres enfin, génèrent du morphing en temps réel entre une onde dent de scie et une onde sinus ; il s’agit bien là d’un morphing en douceur des harmoniques, pas d’un simple crossfade. Une section très puissante, puisqu’elle mélange différentes formes de synthèse (VA, FM, morphing et synchro).
Modélisation KB3
Le moteur KB3 est un peu à part de la synthèse VAST. Il s’agit d’une modélisation d’orgues à roues phoniques, tels que le B3 Hammond, mais aussi les orgues combo à transistors type Vox ou Farfisa. Un programme KB3 n’utilise pas de couche sonore comme dans un programme VAST, mais une modélisation pour générer 91 roues phoniques (+1 pour le clic). Chaque programme peut utiliser deux ensembles de roues (inférieur et supérieur), le premier faisant appel à des ondes sinus pour modéliser l’orgue Hammond B3, le second à des multisamples pour simuler un tas d’autres orgues (type Vox ou Farfisa avec des ondes carrées, par exemple). On peut aussi passer n’importe quel type de son par les roues phoniques, tel que des voix ou des cordes. La consommation de polyphonie dépend du nombre de roues phoniques activées (entre 24 et 91). Différents types d’orgues sont simulés, plus ou moins rincés. Les 9 tirettes harmoniques peuvent être désaccordées, ce qui permet d’aller au-delà des traditionnels pieds (16’, 5 1/3’, 8’, 4’, 2 2/3’, 2’, 1 3/5’, 1 1/3’, 1’). La percussion possède de nombreux paramètres : volume, déclin, harmonique, suivi clavier, contrôle via deux tirettes harmoniques, avec niveaux séparés pour la percussion Soft et Loud. Sans oublier le clic, qui ajoute un bruit caractéristique sur les attaques de notes. On peut là aussi contrôler volume, attaque, déclin, suivi, seuil de redéclenchement et effet aléatoire.
On peut aussi paramétrer le Leakage, c’est-à-dire l’effet de repisse du signal entre les roues adjacentes, encore appelée « Bleed ». Cela permet de salir le son de façon bien plus réaliste qu’avec des samples, puisque l’effet ne varie pas linéairement par rapport au suivi clavier. Là encore, différents modèles d’orgues sont reproduits, suivant les composants originellement utilisés. Enfin, on peut vernir le signal avec un vibrato, un chorus et un EQ. Reste alors à envoyer le tout dans le processeur d’effets, comme une chaîne vibrato > chorus > distorsion > Leslie > cabinet avec plus de 40 paramètres éditables ! Côté performance live, le mode KB3 tire pleinement partie de la section de commandes temps réel de la partie gauche du panneau : dosage du volume des 9 tirettes harmoniques avec les curseurs, modulations avec les 9 boutons situés juste au-dessous : vitesse de rotation des haut-parleurs, vibrato (lent, rapide, chorus), percussion (marche, volume, déclin, harmonique). Des CC Midi permettent de piloter ces paramètres, en plus de la pédale d’expression, du niveau de clic et du Leakage. Un moteur superbement réussi à notre goût. Limite à signaler, en mode multitimbral, un seul canal KB3 est possible, donc un seul clavier d’orgue modélisé à la fois.
FM 6 opérateurs
La V4 du Forte a apporté un nouveau moteur FM 6 opérateurs façon DX7. On pouvait auparavant créer un équivalent à coup d’algorithmes VAST cascadés, maintenant ça se fait en une seule étape et c’est beaucoup plus pratique. Le K2700 intègre directement ce moteur. Une couche FM consomme 4 voix de polyphonie. On peut choisir l’un des 32 algorithmes disponibles (combinaisons d’opérateurs FM identiques au DX7). Dans la première page, l’écran affiche graphiquement l’algorithme ainsi que les paramètres principaux des 6 opérateurs, éditables sous forme de tableau, ce qui facilite les choses : niveau, mode (ratio/fixe), fréquence, enveloppe de volume 4 pentes / 4 niveaux (avec graphique par enveloppe). La page menu suivante est dédiée à l’édition en détail par opérateur : forme d’onde (sinus, dent de scie, triangle), entrée (algorithme, multisample, couche), courbe de suivi de clavier, modulations de niveau, modulations de fréquence.
La page menu suivante est cette fois dédiée à la couche FM complète : accordage, feedback, synchro des opérateurs aux notes du clavier, enveloppe de pitch, modulation d’amplitude, modulation par la molette, action du LFO sur la FM, action de la pression sur le LFO, etc. La dernière page du menu FM s’attache aux réglages de la modulation d’amplitude globale et du panoramique. Le moteur FM du K2700 est indéniablement très puissant. Non seulement il peut reproduire les sons du DX7, mais il peut directement les importer en Sysex. Par ailleurs, le fait de pouvoir injecter le multisample de la couche en cours ou d’une autre couche VAST en lieu et place de l’opérateur classique ouvre des possibilités inédites, pour ceux qui aiment bidouiller. L’édition est plutôt bien pensée, variable suivant les pages, sans pour autant atteindre l’ergonomie d’un EssenceFM de Kodamo qui reste un modèle du genre encore inégalé.
Modulations à destination
Dans les synthés Kurzweil, les modulations sont placées par destination, dans chaque module. Quels que soient les DSP utilisés dans les algorithmes, on peut en moduler les paramètres en temps réel via des sources, des contrôleurs physiques ou des CC Midi. En général, on a deux sources par destination, dont l’une est elle-même contrôlable par une autre source entre deux valeurs extrêmes. La liste des sources est longue : 2 LFO, 2 enveloppes ASR, 4 FUN, 3 enveloppes multisegments (dont une préassignée au volume), tous les contrôleurs physiques, les CC Midi… Les LFO peuvent se synchroniser à l’horloge Midi ou osciller entre deux extrêmes contrôlables (jusqu’à 24 Hz, là on aurait aimé que Kurzweil augmente la fréquence maximale). Ils offrent 44 formes d’onde plus ou moins complexes et un réglage de phase.
Les ASR sont des enveloppes à 3 temps (de 0 à 30 secondes) avec bouclage, permettant de moduler des destinations sans monopoliser les enveloppes principales. Quant aux FUN, ce sont des combinaisons mathématiques de deux signaux qui en créent un troisième. On en a 52 sous la main : addition, soustraction, moyennes, comparaison, valeurs absolues, quantification, fonctions trigonométriques, fonctions booléennes… Les LFO, ASR et FUN sont regroupés sur la même page du menu, mais ne bénéficient toujours pas d’édition graphique. Enfin, les 3 enveloppes possèdent 7 segments de temps (0 à 60 secondes) et niveaux modulables, avec suivi de clavier et nombreuses possibilités de bouclage entre les différents segments. Un paramètre « Impact » permet de booster le niveau des vingt premières millisecondes de l’enveloppe de volume afin d’ajouter du punch sur les transitoires, idéal pour mettre en valeur les attaques…
Effets 32 bus
Pour les effets, le K2700 reprend les spécifications du Forte. Il est donc excellent dans ce domaine. On a 32 effets simultanés, quel que soit le mode de jeu. Les algorithmes sont équivalents à ceux du KSP8, un très recherché et rarissime rack d’effets de la marque, si bien que le manuel utilisateur nous renvoie gentiment au mode d’emploi de ce dernier, sur le site Kurzweil, pour une description complète. Chaque programme offre jusqu’à 8 chaînes d’effets d’insertion et 2 chaînes d’effets auxiliaires, avec départs bus réglables. Les effets d’insertion s’appliquent soit à tout le programme, soit à certaines couches au choix (routage vers l’une des 8 chaînes d’insertion). Chaque chaîne d’effets auxiliaire peut être appliquée avant ou après les effets d’insertion, ce qui offre une énorme souplesse de routage. Une chaîne peut contenir jusqu’à 16 boîtes d’effets distinctes et 30 destinations de modulation à choisir parmi tous les paramètres d’effets. Parmi les sources, on trouve 2 LFO, 2 ASR et 4 FUN spécifiques aux effets, impressionnant ! L’éditeur permet d’ajouter/supprimer des blocs d’effets à n’importe quel endroit de la chaîne, la seule limite étant la puissance totale (32 unités FX), donc la complexité de chaque effet (1 à 8 unités, les plus fréquents consommant 1 à 3 unités).
Au programme, réverbes (tout type), délais (simples, multiples), EQ (graphiques, paramétriques), processeurs de dynamique (compresseurs, expanseurs, portes simples ou multi-bandes), ensembles (chorus, flanger), filtres, distorsions, Leslie / tremolo / Autopan, modulateurs en anneau, le tout en mono ou stéréo. Fournis par le constructeur comme point de départ, des centaines de chaînes d’effets, d’effets Presets et d’algorithmes, chacun disposant de plusieurs dizaines de paramètres. Côté son, on est au niveau des meilleurs processeurs dédiés de studio, type Lexicon ou Eventide, du top ! Là où le K2700 enfonce le clou, c’est dans ses modes multitimbraux (Multi / Song), où chaque canal / piste offre une chaîne indépendante de multieffets d’insertion. Les deux bus auxiliaires sont, eux, communs au programme souhaité. A noter qu’il est possible d’écraser les valeurs de départ et les réglages pré/post stockés dans les programmes, afin d’affiner les réglages. En sortie, le K2700 propose quelques effets globaux de mastering, composée d’un EQ et d’un compresseur. Enfin, on peut router l’entrée audio stéréo vers les chaines d’effets, comme si c’était un canal sonore interne. Cela peut se faire de manière globale ou pour chaque programme / Multi. Sympa ! Par contre, on ne peut pas envoyer l’entrée audio vers la synthèse VAST, c’est bien dommage.
Arpégiateur 16 zones
Le K2700 reprend le puissant arpégiateur multitimbral développé sur le Forte. Il fonctionne selon deux modes : classique ou Step Sequencer. Dans le mode classique, on trouve différents modes de jeu : haut, bas, alterné, ordre joué, aléatoire, Shuffle, Walking, avec ou sans glissando… la vélocité et la pression peuvent moduler le son. Après chaque cycle, la hauteur des notes peut être décalée. Lorsqu’on relâche les notes, on peut produire différentes actions : stopper, continuer, ajouter des notes… de quoi se perdre, sans toutefois jamais s’ennuyer. Si on ne veut pas partir de zéro, vu la pléthore de paramètres (que nous n’avons que très partiellement couverts), on peut choisir un motif Preset. Bien évidemment, différentes signatures temporelles sont prévues et tout ce beau monde se synchronise en Midi. L’arpégiateur peut affecter les programmes internes ou les instruments reliés en Midi.
Le mode Step Sequencer permet quant à lui de programmer, sur 48 pas, un décalage de note, un décalage de vélocité, une durée et une signature temporelle. Un complément idéal aux arpèges classiques ! En mode multitimbral, chaque programme peut jouer son propre arpège, si bien qu’on peut faire tourner 16 arpèges en même temps, avec des sons différents sur des zones indépendantes. Bref, un morceau de choix dont la concurrence pourrait bien s’inspirer…
Séquenceur à CC
Ajouté dans la V4 du Forte, le séquenceur à CC permet de créer 4 pistes d’automation avec des contrôleurs Midi pilotant des paramètres internes (par exemple la fréquence de coupure du filtre) ou des instruments externes. Pour créer une séquence, on peut repartir d’un Preset ou inventer la sienne, sur 1 à 64 pas. La lecture est libre ou synchronisée, soit aux notes jouées, soit aux notes arpégées. Chacune des 4 pistes module un numéro de CC à choisir, en fonction de valeurs définies pour chaque pas, en absolu ou en relatif, suivant une échelle. Les réglages sont sauvegardés dans chaque programme, tout comme pour l’arpégiateur. En mode multitimbral, on peut jouer 16 séquences de CC simultanées, une par partie, du costaud !
Multi 16 zones
Le K2700 est multitimbral sur 16 parties, en mode Multi et Song. C’est en mode Multi qu’on gère 16 zones Midi indépendantes en émission/réception. Les curseurs et potentiomètres permettent de mixer rapidement les parties (volumes, panoramiques et autres paramètres programmés dans la matrice de modulation). Pour chaque partie, on définit le numéro de programme, le canal Midi, la destination (Midi, USB, interne), la tessiture, la fenêtre de vélocité, le panoramique, le niveau, les routages vers les effets (avec possibilité d’écraser les réglages faits dans le mode Programme). On trouve aussi tout ce qui concerne la réponse aux contrôleurs physiques : pitchbend, molette de modulation, curseurs linéaires, potentiomètres, pédales, pression, interrupteur assignable, ruban… l’éditeur s’avère à ce stade d’une aide précieuse pour visualiser les différentes parties sonores ou les mélanger.
Chaque canal possède son propre arpégiateur, qui peut commander les programmes internes ou des modules externes via Midi. Chaque canal offre aussi un motif rythmique indépendant, baptisé riff. Un riff est importé à partir des pistes du séquenceur. On peut ainsi choisir quelles pistes doivent jouer, les synchroniser au tempo, les déclencher, les transposer (ou non), voire les décaler dans le temps, avec ou sans vélocité. Tout cela se fait dans une zone de tessiture à définir. Cela s’ajoute au séquenceur de CC pour les automations de paramètres, dont nous avons déjà parlé. Le mode Multi du K2700 est très souvent spectaculaire, avec des sons massifs ou des rythmiques multitimbrales complexes.
Séquenceur 16 pistes
En bonne workstation, le K2700 intègre un séquenceur Midi 16 pistes, accessible en mode Song. La résolution est de 960 bpqn. La mémoire, portée à 3.520.000 évènements par morceau (!!!), est conservée à l’extinction de la machine. Chaque piste offre les réglages classiques de volume, panoramique, tessiture, avec filtrage des contrôleurs physiques. Côté enregistrement et édition, on trouve les classiques du genre : punch in et out, mode boucle et Overdub, quantification à l’entrée et à la sortie, enregistrement multicanal, édition d’évènements détaillée, copie/suppression de parties, comparaison de la séquence initiale/éditée, extension automatique de l’enregistrement sur les pistes déjà bouclées…
L’éditeur graphique permet de visualiser les évènements sous forme de piano-roll ou table de mixage, ce qui n’est pas aussi développé que ce qu’on trouve à la concurrence, en particulier sur le Kronos de Korg ou le Fantom de Roland. Le K2700 est beaucoup plus réactif que le Forte quand on change de Song, on sent que le processeur est plus musclé pour charger les données. Le mode Song offre jusqu’à 4.096 emplacements utilisateur en plus des 1.256 chargés de démos/riffs d’usine, on se demande bien quand on viendra à bout de cette mémoire gigantesque…
Conclusion
La dernière workstation native Kurzweil remonte à près de vingt ans. On se demandait si la firme allait un jour présenter un successeur au K2661. Tout avait été mis en œuvre pour transformer le Forte, au départ positionné comme un piano de scène, dans cette voie. Les développeurs avaient de ce fait démontré leur génie sur la partie logicielle, poussée dans ses derniers retranchements, mais la partie matérielle n’avait évidemment pas pu suivre. Le K2700 remet les pendules à l’heure, en offrant les capacités du Forte V4 dans une enveloppe physique parfaitement adaptée. Il en ressort un confort de travail très nettement supérieur et une responsivité plus fluide. On regrette que Kurzweil n’ait pas intégré un écran plus moderne, mais la marque a toujours trainé sur ce point. Côté moteur sonore, la polyphonie a doublé, au détriment de la Flash Ram, plafonnée à 8 Go : les deux pianos stars en paient le prix fort, voyant leur mémoire d’échantillons divisée par quatre, au détriment de la précision. Plus globalement, les échantillons commencent à dater et certains sons acoustiques ont fait long feu.
C’est sur le plan de la synthèse pure que le K2700 brille, sans pour autant innover : modularité extrême, oscillateurs antialiasing, interactions multiples, algorithmes FM, modélisation d’orgues vintage, tout cela servi par une section effets somptueuse. Tout est mis en œuvre pour faire bouger le son, avec des arpégiateurs et séquenceurs multitimbraux puissants. On regrette alors que le K2700 se contente d’importer des samples avec une édition limitée, là où ses prédécesseurs vintage offraient l’échantillonnage et des traitements complets. Mais qui édite encore des samples sur une workstation matérielle ? Sur le plan de l’audio, le K2700 a un peu régressé dans le nombre de sorties analogiques, mais offre une interface audionumérique USB, hélas seulement stéréo. Il y a donc des domaines où des progrès sont encore attendus, reste à connaitre la volonté de Kurzweil en la matière, d’autant que la machine n’existe qu’en version 88 touches. Bref, le K2700 est fait pour les amoureux de grands et classieux synthés, au panneau de commandes généreux, aux possibilités de modulations infinies et aux sons polyvalents faciles à mixer.