Désormais disponible en OS V3 et en blanc, le Montage ressemble de plus en plus à une station de travail, intégrant toujours plus de fonctionnalités… une bonne raison pour compléter notre test déjà très détaillé de ce monstre numérique !
Le premier Motif date de 2001. Comme toute workstation de l’époque, le principe est d’intégrer différents composants sonores, un générateur multitimbral, des arpèges, un séquenceur et des effets au sein d’une même machine afin de la rendre quasi autonome. Le Motif tire son nom des multiples arpèges et mini-séquences qu’il intègre par milliers, permettant de créer rapidement un morceau complet ou de jouer avec un accompagnement rythmique fourni en toile de fond. Quatre générations de Motif se sont succédées pendant 15 ans, ajoutant plus de sons, plus de mémoire, plus de canaux, plus d’effets… jusqu’au Motif-XF. Mais au NAMM 2016, nous avons assisté à un tournant : fini le Motif, bonjour le Montage ! Au départ positionné comme puissant synthé PCM+FM, l’ajout d’un séquenceur de motif le rapproche cette fois du concept de station de travail, quoiqu’on en dise. C’est donc sous cet angle que nous analyserons le Montage, venant en concurrence directe du Kronos (indétrônable en matière de puissance), du Forte (passé désormais en V4, émulant les algorithmes FM du DX7) et du tout nouveau Fantom (doté d’une ergonomie remarquable). Pour des détails précis et précieux sur toutes les mises à jour ou un tour exhaustif de la machine, le site Moessieurs (https://www.moessieurs.com/) de l’ami Joël Borg est devenu un incontournable, avec l’équivalent de 100 pages PDF de tutos et astuces suite au passage en V3.
Bien monté
Une fois en place, le Montage dégage une impression de sérieux. Entièrement anthracite ou blanc (suivant le modèle), il est solidement construit avec une coque en métal plié entourée de flancs en plastique moulé ; les commandes sont fermes, la connectique maintenue et les ajustements soignés. On repère tout de suite, sur la partie gauche du panneau, les 8 encodeurs cerclés de diodes, les 8 curseurs linéaires à échelle de diodes et l’énorme encodeur multicolore lui aussi cerclé de diodes (toutes rouges). Tout cela facilite grandement le repérage des données, les réglages rapides (paramètres de synthèse, effets, mixage) et l’assignation des multiples modulations en temps réel, l’un des points forts de la machine sur lequel nous reviendrons. Sous les curseurs, des boutons de scène permette de choisir jusqu’à 8 réglages différents d’un même programme (Performance en langage Montage), déclenchant des variations subtiles ou drastiques (changement de source / canal sonore, variation d’effets, modulation alternatives) : incroyable ce qu’on peut déjà faire au sein d’une même Performance avec toutes ces commandes. Des touches d’accès direct permettent aussi de transposer (par octave ou demi-ton, merci !), lancer des motifs complexes, enclencher des séquences de mouvements, jouer sur l’expressivité d’un son…
Au centre trône un magnifique écran tactile couleur haute définition 7 pouces, permettant d’éditer et visualiser un grand nombre de réglages. Les menus sont très soignés, avec de beaux graphismes, des onglets de page, des zones de sélection… la navigation et l’édition peuvent aussi être réalisées avec des boutons physiques dédiés et un gros encodeur de données situés à droite de l’écran. Merci d’avoir pensé à tout le monde ! La partie droite de la façade, jonchée de sélecteurs lumineux ambre, est réservée au choix des programmes (par favori ou par catégorie), des canaux sonores (1 à 16) et des éléments de chaque canal (1 à 8) : sélection du canal à jouer/éditer, activation/isolation/coupure des canaux, activation d’arpèges/de séquences de mouvement, etc. La touche Edit/Compare n’a pas été oubliée. En conjonction avec l’écran, l’édition peut être très rapide, pour peu qu’on prenne le temps de bien vérifier le mode en cours des sélecteurs lumineux. Le bouton Control Assign permet de sélectionner un paramètre à l’écran et de l’affecter directement à une commande physique.
A gauche du clavier, on retrouve les molettes de pitchbend et de modulation, accompagnées de 4 boutons de performance (modification des programmes en temps réel, lancement / maintien des séquences de mouvement) et d’un ruban de modulation horizontal assignable. Tout cela complète les nombreuses modulations temps réel déjà décrites, faisant du Montage l’un des synthés les plus expressifs que nous ayons eu sous les doigts. La machine est disponible en trois formats : clavier semi-lesté 61 touches FSX (103×40 cm, 15 kg), clavier semi-lesté 76 touches FSX (124×40 cm, 24 kg) et clavier lourd 88 touches Balanced Hammer (145×47, 29 kg). Tous sont sensibles à la vélocité et à la pression. Le clavier du Montage 6 que nous avons testé s’avère excellent, avec un parfait équilibre de l’enfoncement et du relâchement, une modulation de pression bien dosée… l’un des meilleurs que nous ayons joué.
Un petit tour à l’arrière laisse entrevoir une connectique très complète : entrée audio stéréo (avec potentiomètre de volume en façade) pour traiter des sources externes (effets, vocodeur, suiveur d’enveloppe, synchronisation audio automatique du séquenceur… mais pas d’échantillonnage interne), sortie casque, deux paires de sorties audio stéréo symétriques, 2 entrées pour pédales-interrupteurs, 2 entrées pour pédales continues (tenue avec position intermédiaire, assignable), 3 prises Midi (In/Out/Thru), USB To Host (interface Midi/audio dont nous reparlerons), USB To Device (unités de sauvegarde et tout appareil compatible depuis la V3), borne IEC 3 broches (alimentation interne, merci !) et gros interrupteur secteur. Toutes les prises audio et pédales sont au format jack 6,35. On ne trouve pas de sortie audio numérique traditionnelle (type AES/EBU ou S/P-DIF), mais nous verrons plus tard que la gestion intégrale de l’audionumérique se fait via USB, de fort belle manière d’ailleurs !
Il déménage !
Le Montage utilise un processeur et une carte audio spécifiques. Ce n’est donc pas un PC avec carte mère et carte son banalisées. Résultats, il boote en 15 secondes. La machine réunit deux moteurs de synthèse (lecture d’échantillons AWM2 et synthèse FM-X). Elle organise tous ses programmes en Performances de 1 à 16 canaux, capables d’utiliser indifféremment les deux moteurs en parallèle, mais sans connexion ou interaction entre les deux. Pour chaque canal d’une Performance, on règle le volume, le panoramique, les 2 effets d’insertion, les 2 départs vers les effets maîtres, la tessiture, la fenêtre de vélocité, la sortie audio (plusieurs sorties analogiques et USB disponibles), le mode de jeu mono / polyphonie, le pitch, le portamento, la gamme microtonale, la zone clavier (canal Midi séparé sur les 8 premiers canaux, cf. paragraphe « Relations extérieures ») et les trucs qui bougent (motifs, arpèges, séquences de mouvements, modulations… tout cela sera détaillé en temps voulu). On peut moduler de nombreux paramètres simultanément, à l’aide de trois sources macro (contrôleurs de mouvement), baptisées Super Knob, Motion SEQ et Envelope Follower (nous y reviendrons aussi) et tous les contrôleurs physiques. On peut aussi assigner rapidement des paramètres à des contrôleurs et les sauvegarder immédiatement sous forme de scènes. Une fonction d’édition rapide permet de modifier sur une même page écran une trentaine de paramètres, liés à une ou plusieurs parties sonores.
La nouvelle carte de sortie analogique développée pour la série Montage apporte une qualité audio exceptionnelle : large bande, équilibre, définition, profondeur, ce sont les termes qui nous viennent immédiatement à l’esprit. On est encore un cran au-dessus du Motif-XF que nous avions déjà plébiscité en son temps. Le Montage est livré avec 2707 Performances (800 nouvelles en V3) et 192 Live Sets (favoris) Presets. Il peut par ailleurs mémoriser 640 Performances et 256 favoris Utilisateur en mémoire interne, ainsi que dans 8 bibliothèques (soit 5120 Performances et 2048 favoris, de quoi voir venir). Depuis l’OS V3, il est possible de lier un motif rythmique, un morceau ou un fichier audio (USB) à chaque favori, très pratique. Parmi le très grand nombre de Performances Presets simples ou complexes, on retrouve l’ensemble des voix du Motif-XF. Les Performances font aussi honneur aux nouvelles sonorités développées pour l’occasion : pour la partie AWM2, des multiéchantillons d’instruments acoustiques et électriques très généreux tirant partie d’une nouvelle mémoire Flash de plusieurs Go (7 fois plus que le Motif-XF). La musicalité est excellente, que ce soit le nouveau piano CFX de concert, le CP80, les claviers électriques, les orgues, les guitares, les cordes, les instruments à vent, les voix ou les kits de percussions. Les très nombreux sons de synthèse sont partagés entre les échantillons passés à travers les filtres et le nouveau moteur FM-X, qui conjugue tous les standards du passé et les nouveaux algorithmes à 8 opérateurs. Hormis la musicalité générale présente à tous les niveaux, nous apprécions particulièrement l’expressivité des sons (articulations, modulations), la qualité sonore des effets intégrés (dont ceux à modélisation, superbes) et la puissance du mode Performance, permettant des évolutions sonores drastiques ou subtiles. On sent un gros travail effectué par des designers sonores de talent. Un très bon point aussi pour les changements de Performances sans coupure sonore, possibles lorsque celles-ci ne dépassent pas 8 parties simultanées. Nouveauté de la V3, le Montage se voit doté du motif rythmique du MODX, bien pratique pour s’accompagner en live. En appuyant sur Shift + Control Assign, on assigne un motif et un kit de batterie à la Performance en cours, et c’est parti ! Bref, le Montage nous a réellement convaincus sur le plan sonore et audio, nous le plaçons en tête du segment des synthés-workstations haut de gamme.
- 01 CFX 01:22
- 02 S700 00:30
- 03 Imperial 01:55
- 04 S6 00:28
- 05 CP80 01:19
- 06 Rhodes 01:12
- 07 Wurly 00:56
- 08 Clavinet 00:43
- 09 Organs 01:16
- 10 Guitars1 01:00
- 11 Guitars2 02:17
- 12 Bass Ac 01:12
- 13 Bass El 01:24
- 14 Bass S1 00:56
- 15 Bass S2 02:00
- 16 Strings1 01:24
- 17 Strings2 01:20
- 18 Choirs 01:57
- 19 Brass1 01:14
- 20 Brass2 01:03
- 21 Brass Synth 01:08
- 22 Woods1 01:03
- 23 Woods2 00:54
- 24 Synth1 01:35
- 25 Synth2 00:56
- 26 Synth3 01:07
- 27 Synth4 01:30
- 28 Synth5 01:38
- 29 Synth6 01:43
- 30 Drums1 01:43
- 31 Drums2 01:50
- 32 Drums3 01:30
- 33 Drums4 01:38
Lecture d’échantillons
La synthèse AWM2 n’a guère évolué depuis les premiers Motif de 2001 ; c’est souvent une question de mémoire et de puissance. Sur le Montage, les principes de base sont les mêmes que sur ses prédécesseurs. La polyphonie pour le moteur AWM2 passe toutefois à 128 voix stéréo et la mémoire interne équivaut à 5,67 Go d’échantillons PCM (6347 multiéchantillons et échantillons). De plus, le Montage offre 1,75 Go de mémoire Flash intégrée pour les samples utilisateur ou développés par des tierces parties (gratuites ou payantes, cf. encadré). Nous en étions restés à la Performance et ses réglages généraux par canal au dernier chapitre. Passons maintenant à la synthèse : une partie AWM2 peut contenir un multiéchantillon (type Normal) ou un kit de percussions (type Drum).
Le type Normal offre jusqu’à 8 éléments sonores simultanés, composés chacun d’un ensemble multiéchantillon stéréo –> filtre –> ampli et les modulations associées (nous les détaillerons dans un paragraphe spécifique). Chaque élément dispose d’un multiéchantillon (interne ou importé) avec sa tessiture, sa fenêtre de vélocité, son articulation de jeu (legato, staccato, cycle, aléatoire, effet de relâchement) permettant de rendre les sons « réels » plus expressifs, son accordage et son routage vers les effets d’insertion. Le pitch est modulable par la vélocité, un paramètre aléatoire, un suivi de clavier et une enveloppe 5 temps / 5 niveaux, elle-même modulable par la vélocité (temps et niveaux) et le suivi de clavier (temps). Plus puissant que sur les précédents synthés Yamaha, on peut descendre au niveau des zones de multiéchantillons (Key Bank) et redéfinir leur tessiture et leur vélocité.
La forme d’onde est ensuite envoyée dans le filtre résonant. On trouve 18 modes distincts, comme sur les précédentes workstations Yamaha : passe-haut, passe-bas, passe-bande ou réjection avec différentes pentes (1 à 4 pôles) et couleurs (modélisation analogique, numérique agressive à résonance élevée, dur, doux) ; il y a même des combinaisons série et parallèle. La vélocité peut moduler la coupure et la résonance ; la coupure peut ensuite être modulée par le suivi de clavier, une enveloppe dédiée 5 temps / 5 niveaux et un générateur de suivi à 4 points. On termine par la section ampli avec son enveloppe dédiée 4 temps / 4 niveaux, un générateur de suivi à 4 points, une modulation de panoramique (suivi de clavier, aléatoire) et un mode Half Damper (avec temps de Decay, utile pour simuler une pédale de piano acoustique avec une pédale compatible, telle que la FC3 maison). Toujours au plan de l’élément, on trouve un LFO à 3 formes d’ondes basiques (dent de scie, triangle, carrée) pouvant agir sur le pitch, le filtre et l’ampli, suivi d’un EQ simplifié (2 bandes semi-paramétriques, 1 bande paramétrique ou boost de +6 / +12 / +18 dB). Tout ça pour un élément ! Depuis l’OS V3, les LFO bénéficient d’une plage très étendue, allant de très lent à 1,4 kHz, donc largement dans l’audio, sympa !
Le type Drum AWM2 permet de définir des paramètres séparés pour les 73 touches assignables et ainsi créer un kit de batterie : choix de de l’échantillon, sortie audio (analogique, USB), tessiture, vélocité, pitch (modulable par la vélocité), mode de déclenchement (exclusif, note off, tenue), assignation aux 2 effets d’insertion, niveaux de départ vers les 2 effets globaux, coupure du filtre passe-bas (modulable par la vélocité), résonance, coupure du filtre passe-haut, volume (modulable par la vélocité et une enveloppe 3 temps / 2 niveaux), panoramique (fixe, balayage automatique, aléatoire) et EQ. Dommage qu’on n’accède pas aux différentes couches d’échantillons parfois présentes sur certaines note. Dommage aussi que les sons de Drum kits soient limités au moteur AWM, cela aurait été bien de pouvoir leur assigner des sons FM… Pour ne pas partir de zéro, le Montage dispose de 174 Drum kits préprogrammés dans pas mal de styles (Pop, rock, jazz, latin, EDM, classique, ethnique, FX…).
Synthèse FM
Le second moteur de synthèse du Montage, baptisé FM-X, est dédié à la synthèse FM. Elle s’apparente ici à celle développée sur les anciennes machines FM de la marque (DX7, SY77, FS1r) et diffère de celle proposée dans le récent Reface DX. La polyphonie de ce moteur est de 128 notes (mono), ce qui est considérablement plus que tous les synthés FM développés à ce jour. Rappelons quelques principes de base de la FM : les oscillateurs sont des opérateurs produisant des ondes cycliques, arrangés en algorithmes. Il y a deux types d’opérateurs : les porteurs (qui produisent le son) et les modulateurs (qui modulent le son). Les opérateurs sont reliés suivant différentes configurations prédéfinies appelés algorithmes : les porteurs sont additionnés, alors que les modulateurs sont multipliés. Il s’agit donc de modulation de phase plutôt que de fréquence. La FM peut se faire suivant un rapport de fréquence (ratio) ou une fréquence fixe sur toute la tessiture (création de formants). Le Montage propose 88 algorithmes de 8 opérateurs. Un algorithme définit donc la nature de chaque opérateur et leur interaction (addition ou multiplication). Ainsi, on peut avoir 8 porteurs additionnés côte à côte, des porteurs modulés par plusieurs branches séparées de modulateurs, des porteurs modulés par 1 à 4 modulateurs en cascade… Certains opérateurs peuvent s’auto-moduler, seuls ou à plusieurs (c’est la boucle de feedback). Ce dispositif permet, à partir d’ondes cycliques basiques, de créer des spectres complexes. Sur le Montage, on a plusieurs ondes possibles pour chaque opérateur, ce qui va bien plus loin que les premiers synthés FM comme le DX7, cantonnés aux ondes sinus…
Après avoir défini les paramètres généraux et communs comme sur une partie AWM2 (volume, panoramique, départ effets, sortie audio, tessiture, fenêtre de vélocité, pitch, enveloppe de pitch, filtre, enveloppe de filtre, ampli, enveloppe d’ampli, panoramique, LFO commun, second LFO commun additionnel…), on choisit le fameux algorithme. Tout le reste se passe au niveau de l’opérateur : choix de la forme d’onde (parmi 7, telles que sinus, spectre et résonances, mais pas l’onde à formants de voix du FS1r), largeur de la base de l’onde, résonance de l’onde, mode de fréquence (ratio/fixe), fréquence (grossière/fine/Detune), enveloppe de pitch (2 temps/2 niveaux), vélocité sur le pitch et redéclenchement (ou pas) du cycle d’onde ; tout cela est bien plus puissant que sur un DX7, qui agit sur le pitch global de tous ses opérateurs. On passe ensuite à tout ce qui concerne le niveau de l’opérateur : niveau initial, vélocité sur le niveau, enveloppe 4 temps/4 niveaux, suivi de clavier (temps, niveaux, courbes, point central). Rappelons ici qu’un niveau correspond à un volume sur un opérateur porteur et à une intensité de modulation (timbre) sur un opérateur modulateur… Ici aussi, l’OS V3 permet une plage d’oscillation des LFO très étendue, de très lent à 1,4 kHz (audio). On apprécie l’ergonomie de l’éditeur FM, très visuel, que ce soit sur le choix de l’algorithme ou les courbes d’enveloppe. Si seulement le FS1r avait eu cette ergonomie !
Modulations en mouvement
Les précédents synthés Yamaha tels que le Motif-XF étaient dotés d’une matrice de modulation à 6 cordons, permettant de relier des contrôleurs physiques à des destinations (plus de cent paramètres de synthèse et d’effets). Sur le Montage, les choses se compliquent sérieusement : en plus des modulations déjà abordées (physiques et logicielles), on trouve des modulations classiques (type LFO global par partie, comme sur le Motif-XF), des modulations automatiques générées par un séquenceur et des modulations complexes commandées par des contrôleurs physiques coordonnés. Tout ce qui est rapport avec le temps ou presque, dans le Montage, se synchronise au tempo global interne/externe. On commence la liste par le Super Knob, ce gros encodeur translucide rétroéclairé par une LED arc-en-ciel, dont on peut régler l’évolution de la couleur et le battement en rythme (on peut même le supprimer). Il est capable de piloter les 8 encodeurs en même temps, eux-mêmes assignés à des destinations, telles que les paramètres de synthèse ou d’effets. Pour chaque encodeur, on règle les valeurs mini (0–127) / maxi (0–127) correspondant à la plage d’action que doit commander le Super Knob. Tourner le Super Knob peut donc faire agir les encodeurs entre n’importe quelles valeurs et dans n’importe quel sens (c’est d’ailleurs très joli, ces mouvements coordonnés de LED circulaires…). L’action du Super Knob peut être reproduite par une pédale de modulation (type FC7), histoire de garder les deux mains libres, ce qui est une bonne idée pour ceux qui jouent du clavier. On peut même lui assigner un CC Midi (depuis l’OS1.2) ou le piloter automatiquement par le séquenceur de mouvements.
On poursuit la ballade au pays des trucs qui bougent par le séquenceur de mouvements. Il s’agit d’un générateur de modulations rythmiques de type séquenceur à pas composé de lignes de modulations, à raison de 4 lignes par partie sonore et 8 lignes maximum pour la Performance entière. Chaque ligne est constituée de 1 à 8 séquences de 1 à 16 pas. L’éditeur, très visuel, permet de s’y retrouver dans cette pléthore de paramètres. Une ligne va pouvoir moduler une destination (à choisir parmi des centaines de paramètres de synthèse ou d’effets, certains par partie, certains globaux) suivant ce qu’on aura entré dans les pas. Et qu’entre-t-on dans les pas ? Grosso modo, une amplitude de modulation (mono ou bipolaire) et une courbe (différents types éditables, allant de lisses à très agités). Pour la ligne, on définit la vitesse de lecture, la synchronisation au tempo, la synchro à la note, la longueur, le bouclage, la fenêtre de vélocité d’activation, le lissage global entre les pas… Le Montage renferme des lignes Presets et 256 mémoires par banque Utilisateur (interne / bibliothèque) pour y coller les nôtres. En mode clavier maître, on peut avoir 8 instances de séquenceurs de mouvements qui tournent en même temps. Enorme !
Toujours au chapitre des modulations complexes, la matrice de modulation passe à 16 cordons par partie. Elle s’est considérablement complexifiée depuis les Motif. On dispose de 40 sources potentielles : molettes, pression, ruban, interrupteurs, pédales, 8 encodeurs, 4 lignes du séquenceur de mouvements et 18 suiveurs d’enveloppe (16 parties sonores, partie A/D, Master). La quantité de modulation est ni plus ni moins qu’une courbe entièrement paramétrable en entrée, sortie, polarité, profil… Les destinations peuvent être communes à chaque partie ou cibler différents éléments d’une partie. Il y en a plus de 250, certaines dépendant du moteur de synthèse utilisé : citons les paramètres des 2 effets d’insertion et des 3 effets globaux (réverbe, variation, maître), les départs vers les 2 premiers effets globaux, les paramètres de synthèse (en descendant jusqu’à l’élément ou l’opérateur suivant le moteur), les 8 encodeurs assignables par partie… Bref, c’est très balaise !
Enfin, signalons la fonction Envelope Follower, qui transforme un signal audio en signal de contrôle, avec fonction Auto Beat Sync (synchronisation automatique du Montage à un signal audio via l’entrée A/D). Pour créer ce signal, on peut utiliser plusieurs sources : la sortie de l’une des 16 parties sonores d’une Performance, la Performance tout entière ou l’entrée audio. Le signal créé devient alors une source de modulations à part entière. Pour une meilleure compréhension de toutes les possibilités d’interaction, nous recommandons de jeter un coup d’œil à la capture d’écran du schéma récapitulatif jointe au présent test.
Effets colossaux
S’il y a bien un domaine en constant progrès au fil des années dans les synthés-workstations, c’est bien la section effets. Le Montage ne déroge pas à la règle. Comme il est en permanence en mode multitimbral, cela simplifie les choses.
Les effets se décomposent en effets de partie (propres à chaque canal) et effets globaux (partagés par tous les canaux). Certains font appel aux remarquables modélisations VCM développés par Yamaha depuis plusieurs années. Chaque partie (16 parties sonores + entrée audio A/D) dispose d’un ensemble EQ 3 bandes + Insertion A + Insertion B + EQ 2 bandes, ce qui nous fait 34 EQ et 34 effets pour bien commencer dans la vie. Les effets d’insertion sont en réalité de puissants multieffets comprenant 79 algorithmes complexes (jusqu’à 24 paramètres) modulables en temps réel : réverbes, délais, ensembles, compresseurs, simulateurs d’ampli, distorsions, EQ, effets destructeurs de signal, effets Beat et effets en cascade. La V3 apporte de nouveaux algorithmes d’effets : on peut ainsi se balader au pays de l’oncle Sam, entre la côte Est (modélisation du filtre et du boost d’un synthé du coin commençant par Mini) et la côte Ouest (Wave Folder).
Les effets d’insertion (A, B) peuvent être placé en série (A -> B ou B -> A) ou en parallèle. On peut y connecter chaque élément d’une partie sonore. 8 algorithmes d’effets disposent d’un Side Chain (à partir d’une partie de 1 à 16, du master ou de l’entrée audio externe) : compresseur 376, compresseur classique, compresseur multibande, modulateur en anneau classique, modulateur en anneau dynamique, filtre dynamique, Phaser dynamique, Flanger dynamique. Un effet vocodeur permet de traiter des sons internes (porteurs) via les entrées audio (modulateur) ; on dispose de 10 bandes, avec compression/Gate à l’entrée, décalage des formants, bruit, HPF et gains séparés pour les bandes. Pour nous faire gagner du temps, Yamaha a doté chaque effet d’un certain nombre de Presets prêt à l’emploi, merci les gars !
Les effets globaux sont constitués d’un effet de variation (multieffet doté de 76 algorithmes, identiques aux effets d’insertion), d’une unité de réverbe spécialisée (12 algorithmes, parmi lesquels différentes simulations de pièces, de plaques et d’ambiances extérieures, certains tirés du SPX2000) et d’un effet maître (15 algorithmes dédiés à la finalisation du signal, tels que distorsion, compression modélisée, compression multibande, destruction sonore…). Chaque partie dispose d’un départ vers les deux premiers effets, il existe aussi un départ de l’effet de variation vers l’unité de réverbe. Les retours sont ensuite mélangés au signal sec avec niveaux et panoramiques, avant d’attaquer l’effet maître placé en insert stéréo. En bout de chaîne, il y a encore un EQ maître 5 bandes (Peaking / Shelving pour les bandes centrales, Shelving pour les bandes extrêmes). On frise donc les 40 multieffets dans un Montage, avec une qualité de très haut niveau !
Gros arpégiateur, petit séquenceur
Depuis le premier Motif, Yamaha a démontré qu’il savait incorporer des éléments rythmiques dans ses synthés-workstations. Les arpégiateurs n’ont cessé de progresser et on est bien loin aujourd’hui des modes basiques up & down et Random… Sur le Montage, l’arpégiateur offre 10.239 motifs Presets classés par catégorie, suivant leur destination ou leur mode de jeu : arpèges générés à partir d’une seule note, motifs rythmiques pilotés par des accords, motifs de batterie, modulations de paramètres, séquences hybrides, Mega Voices (motifs utilisant des multiéchantillons complexes d’instruments très réalistes, injouables à la main). Chaque partie sonore dispose de 8 variations d’arpèges que l’on peut choisir avec les 8 boutons du pavé de droite. On peut lancer l’arpège de différentes manières : tant que les notes sont maintenues, dès que les notes sont jouées ou alternativement.
4 des 8 encodeurs peuvent moduler l’arpégiateur en temps réel : swing, signature temporelle, temps de Gate et vélocité. Les autres paramètres de reproduction sont très nombreux : ordre des notes, bouclage, quantification, limite de note, octaves de transposition d’arpège (-3 à +3), effets aléatoires (déclenchement de bruits liés au jeu d’un instrument, par exemple pour simuler les frets d’une guitare). Depuis l’OS 1.2, le Montage permet de créer ses propres arpèges par extraction d’une partie de Song et de les sauvegarder au sein de 256 emplacements Utilisateur (en banque interne ou dans chacune des 8 bibliothèques). On choisit pour cela la portion de Song à exporter, le type de notes à générer (suivi, fixe, suivi de la note d’origine) et les pistes de destination dans le motif d’arpège (4 pistes de 16 notes maximum). L’OS V3 crée cette possibilité au sein-même du séquenceur de motifs, ce qui est plus simple à l’usage. Pour clore ce paragraphe, signalons qu’en mode clavier maître, on peut avoir 8 instances d’arpèges qui tournent en même temps. Du lourd !
Séquenceur revisité, mais…
Jusqu’à présent, le Montage intégrait un séquenceur Midi basique 16 pistes, capable d’enregistrer 130.000 notes dans 64 Songs (la Performance étant liée à la Song), avec enregistrement uniquement en temps réel au sein d’une Performance (avec ou sans quantification) et suivant trois modes : Overdub, remplacement ou punch in/out. On ne pouvait ni boucler pendant l’enregistrement, ni éditer la moindre piste une fois enregistrée, ne serait-ce que changer un pain sur une note. On pouvait ensuite exporter une Song vers un PC, l’éditer puis la réimporter dans le Montage au format SMF0 ou 1, via un logiciel facilitant grandement les échanges de données (cf. chapitre suivant). Bon…
Cette fois-ci, le Montage intègre un Performance Recorder ; le choix de ce terme, plutôt que séquenceur, nous interpelle quelque part et en dit long sur la résistance de la marque à fournir un véritable séquenceur. Bref, qu’avons-nous cette fois ? La capacité passe à 520.000 notes pour les motifs et 520.000 pour les Songs. Les séquences sont arrangées en 8 sections (Scènes) de 16 pistes, chaque piste pouvant totaliser 256 mesures. On peut enregistrer en mode boucle avec superposition ou effacement, ou encore se placer en mode répétition (jouer sans enregistrer). Tout ceci facilite l’enregistrement de motifs de batterie ou de pistes enchainées les unes après les autres sans interrompre le flux créatif. Il est aussi possible de quantifier, transposer, échanger, copier, coller, séparer des pistes, diviser des pistes drums… On peut aussi ajouter et contrôler des effets en live sur chaque piste, tels que Swing, Vélocité, Gate, roulements. Là où ça se gâte, c’est pour éditer un motif avec un minimum de précision : on peut juste supprimer une note à la volée et c’est tout. Par le moindre éditeur par grille, clavier ou liste déroulante ! Les motifs peuvent ensuite être enchainés pour être joués tels quels ou exportés vers le mode Song. Nous avons du mal à comprendre pourquoi Yamaha n’est pas allé au bout de la démarche avec un vrai séquenceur à complètement éditable. C’est ce que tout le monde demande…
Relations extérieures
Le Montage peut recevoir sur 16 canaux Midi simultanés, chaque partie étant assignée au canal du même numéro, de manière hélas fixe. En émission, le Montage transmet initialement sur le canal de la partie sélectionnée, que ce soit à son générateur interne ou en externe (Midi DIN et/ou Midi USB). Mais en activant le mode Master Keyboard, le Montage se transforme en puissant clavier de commandes 8 zones, capable de piloter indifféremment le générateur sonore interne et/ou des modules Midi externes : les 8 premiers canaux d’une Performance peuvent alors être joués simultanément, en couche, en split, selon la fenêtre de vélocité, avec arpèges et séquences de mouvement multiples. Chaque zone peut aussi transmettre certains messages Midi (numéros de banques/programmes, tessiture, transposition, commandes physiques), avec filtrage précis des données. La V3 de l’OS amène aussi un mode hybride dans lequel on peut séparer les canaux que l’on veut jouer au clavier et ceux que l’on veut piloter depuis l’extérieur. Les réglages sont sauvegardés au sein des Performances. C’est donc bien plus puissant que ce qu’on pouvait faire sur un Motif, limité à 4 zones, mais ça n’est pas autant que sur un Kronos, un Forte ou un Fantom, qui gèrent indifféremment les 16 canaux en émission / réception au sein de la même configuration multitimbrale. Passons maintenant à l’échange de données : le logiciel Montage Connect permet d’échanger les Performance et Songs entre la machine et un ordinateur, soit en autonomie, soit comme plug (VST3/AU). Dans ce dernier cas, on peut transférer directement les séquences pour les éditer dans sa STAN, par exemple Cubase AI8 livré avec la machine.
Pour ce qui est de l’audio, le Montage fonctionne comme une véritable interface audio USB, avec la possibilité d’envoyer jusqu’à 16 canaux stéréo à 44 kHz vers une STAN et d’en recevoir 3 canaux stéréo. On peut même pousser la fréquence à 48/92/192 kHz en émission, mais on est alors limité à 4 canaux stéréo au lieu de 16. Tant qu’on parle d’audio, le Montage ne peut pas échantillonner, mais il peut télécharger des fichiers WAV ou AIF, avec relecture en 16 ou 24 bit / 44 kHz stéréo. Enfin, pour ce qui est des banques sons, le Montage est directement compatible avec les voix des MOTIF XF/XS (et tous les synthés Yamaha compatibles via l’éditeur VST du Motif-XF) pour le moteur AWM2. Pour le moteur FM-X, il faut passer par l’utilitaire FM Converter, qui permet de convertir les fichiers DX7 (toutes générations), TX-802 et TX816 en banques pour Montage. Pour cela, on peut soit utiliser des fichiers (Sysex ou DXC), soit raccorder l’un de ces instruments pour en extraire les données (Web Midi sous Chrome). Plus d’informations à ce lien.
Conclusion
Le Montage est devenu une station de travail à part entière. Du coup, il est en comparaison directe avec les Kronos, Fantom et Forte. On apprécie que Yamaha ait ajouté des fonctions séquenceur Midi à motifs, faute d’audio et d’échantillonnage. Cependant, on regrette que Yamaha ne soit pas allé jusqu’au bout, en n’autorisant pas l’édition des notes dans les séquences autrement que par une méthode globale capillotractée, présumant toujours que tout le monde préparait ses Songs et ses samples dans un synthé hardware seul. En revanche, le Montage peut importer ces éléments préparés au préalable sur ordinateur sans aucune difficulté. Il intègre deux moteurs de synthèse : l’AWM2, qui n’a jamais aussi bien sonné, et la FM, qui apporte un complément précieux pour tous les amoureux de la synthèse et du beau son. Il dispose de nombreux atouts pour l’expressivité, la nuances et le contrôle, que ce soit avec les mains, les pieds, la bouche ou automatiquement. Il démontre également une très grosse puissance de feu aux rayons polyphonie et multitimbralité. Sa construction est très soignée, tout comme ses éditeurs graphiques. C’est donc une station de travail haut de gamme et parfois un peu complexe. Le professionnel ou l’amateur averti sauront en tirer la quintessence en studio comme sur scène, après un peu d’efforts et un passage sur le site Moessieurs. Compte tenu des améliorations apportées depuis la première version, nous remontons la note, en attendant de pied ferme et de doigts tapoteurs l’édition totale des séquences. Pour toutes ses qualités actuelles, nous reconduisons évidemment l’Award Audiofanzine Valeur Sûre pour 2019 !
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