Après une période d’accalmie sur le marché des boîtes à Groove, Roland remet les gaz avec une mouture évoluée de sa MC-303. Plus perfectionnée mais surtout bien plus conviviale, la MC-307 entend bien décider les derniers DJ encore hésitants. Contact !
Le concept de la boîte à groove est apparu il y a quelques années avec la MC-303, astucieusement présentée à l’époque comme la paire TR-808 / TB-303 des temps modernes. Poursuivant sur sa lancée, Roland lui a adjoint la MC-505, une version boostée à 64 voix de polyphonie, 512 sons, 714 styles et une palette impressionnante d’outils en temps réel, dont le fameux contrôleur infrarouge DBeam. La version clavier ne s’est pas faite attendre avec le JX-305. Mais les concurrents se sont engouffrés sur le marché juteux des DJ-musiciens techno / dance et notamment Yamaha avec la RM1x, positionnée exactement sur le même segment. Roland revient donc très logiquement en force avec la MC-307, une boîte à Groove où l’accent est mis sur l’intégration parmi les setups DJ et la convivialité. En route !
Tableau de bord
Fidèle à la tradition Groovebox, la MC-307 est une console bourrée de commandes temps réel sur la face avant. Pas de doute, la machine est destinée aux performances scéniques, avec pas moins de 8 potentiomètres rotatifs, 53 boutons, 17 pads avec diodes lumineuses, une grosse molette crantée et un long fader. Ces commandes servent à modifier quelques paramètres de synthèse en temps réel (LFO et filtre), au mute ou au solo des pistes rythmiques à la volée, au contrôle du tempo, au transport du séquenceur ou à la programmation des patterns.
Très élégante dans sa robe en aluminium brossé, la partie supérieure du panneau comporte l’essentiel des commandes regroupées autour d’un LCD confortable (136 × 32 pixels et 25 caractères à 7 segments), surplombant 4 touches variant en fonction de la page écran. Merci, c’est beaucoup mieux que le petit LCD de la MC-505 que nous avions trouvé assez inconfortable. Cette disposition permet de clarifier nettement les différentes pages d’édition de la machine, grâce à un système de navigation clair et bien conçu. Sous ces commandes, 4 potentiomètres sont là pour contrôler 16 paramètres en temps réel : arpège, enveloppe AR et pas mal de réglages d’effets. Ils sont assistés par une touche « Grab » dont le rôle est de lancer des effets en temps réel. Toujours en-dessous, on trouve une rangée de switches lumineux avec lesquels on va pouvoir sélectionner, couper ou isoler une piste rythmique ou instrumentale, de quoi tenir une bonne demi-heure avec un pattern de quatre mesures.
Tout en bas, la rangée de pads signale l’appartenance de la MC-307 à la famille groovebox. Seize pads permettent de déclencher des boucles en temps réel ou de programmer les pistes rythmiques et un dix-septième d’entrer le tempo à la volée. Hélas, ils ne sont toujours pas sensibles à la vitesse de frappe. La partie droite de la MC-307 est réservée au contrôle du tempo, grâce notamment à un fader longue course et un afficheur à 4 diodes 7 segments dédié. On peut agir sur la vitesse de lecture et/ou la tonalité, simuler le ralenti ou l’accélération à la main des platines vinyle. Pas de doute, la MC-307 est faite pour vivre au milieu de matériel de DJ. En revanche, le panneau arrière est très dépouillé : un simple duo Midi In / Out, une paire de sorties audio, une prise casque, une prise pour pédale et une borne pour alimentation externe fournie (type bloc à l’extrémité peu pratique). Pas d’interface SmartMedia donc, ni de sorties séparées. Zut, j’ai calé…
Coup de klaxon
A l’image de ses prédécesseurs, le moteur de la MC-307 repose sur un synthétiseur polyphonique 64 voix couplé à un séquenceur rythmique multitimbral 8 canaux. A l’allumage, on dispose de 800 programmes, 40 kits de percussions, 240 séquences multitimbrales 8 pistes et 470 riffs élémentaires monopiste pour faire trembler les baffles. Parmi les programmes, on retrouve l’intégralité des 512 contenus dans la MC-505, ce qui autorise une compatibilité ascendante totale. La tradition techno / dance / hip-hop est bien respectée avec de nombreux sons de basses, de leads, de nappes évolutives, des effets spéciaux et des percussions. Les sons acoustiques sont également de la partie, avec une qualité globale satisfaisante pour l’utilisation voulue. La liste des kits de batterie est quasi exhaustive, reprenant l’intégralité des boîtes à rythmes de la série TR. Pour s’y retrouver, la MC-307 dispose d’un mode de sélection par catégorie d’instruments, fort utile. La partie rythmique est elle aussi très complète, avec pas moins de 240 patterns presets multitimbraux : 90 techno, 52 house, 37 hip-hop, 24 drum’n’bass, 17 break beat, 10 jazz, 5 reggae et 5 latin. De fort bonne facture, ceux-ci ont été programmés pour la plupart par des pointures de la scène japonaise.
Pour corser le tout, la MC-307 est capable de lancer des RPS en temps réel à partir de ses pads. Ce sont des riffs monotimbraux tirés d’une banque de 470 motifs dédiés aux percussions, aux lignes de basse, aux instruments ou aux effets spéciaux. 60 sets de 16 RPS peuvent ainsi être appelés à tout moment. Chaque set contient l’affectation des sons aux pads ainsi que le niveau, le panoramique, la transposition et les départs effets. De même, la MC-307 renferme 30 pattern sets permettant d’appeler des patterns avec les pads. Signalons la possibilité de transposer les séquences à la volée avec les pads et d’effectuer un remixage en temps réel des 8 pistes (niveau, panoramique, départs effets) grâce aux 4 potentiomètres – moins pratiques que les 8 faders de la MC-505 mais tout de même appréciables. Allez, je double.
Quatre cylindres
Comme le veut la tradition Roland depuis le D-50 (bientôt quinze ans !), un patch est un empilage de quatre couches sonores faisant appel à une forme d’onde. Au nombre de 741, les formes d’onde de la MC-307 sont des échantillons simples ou multiples tirés d’une Rom de 16 Mo, soit le double de celle de la MC-505 (lors du test de la MC-505, nous avions annoncé par erreur une Rom équivalente à 40 Mo, sur les indications du constructeur). Les couches sont arrangées 2 à 2 au sein de 10 structures déterminant l’ordre de leurs deux filtres (série ou parallèle) et leur éventuelle interaction (booster ou modulation en anneau). En plus des traditionnels réglages de volume, d’accordage, de délai ou de portamento, chaque couche sonore possède une fenêtre de tessiture et de vélocité. Le signal passe ensuite dans un filtre résonant puis dans un amplificateur avec panoramique modulable.
La MC-307 possède quatre types de filtres : passe-bas, passe-bande, passe-haut et peak. Pour moduler le tout, on dispose d’une modulation de fréquence interne, d’un facteur aléatoire sur l’accordage du son, de 3 enveloppes multisegments et de 2 LFO à 8 formes d’ondes synchronisables au tempo. Chaque section (oscillateur, filtre et amplificateur) possède un générateur de tracking. Une petite matrice de modulation permet d’affecter les molettes et l’aftertouch à 15 destinations. Lorsqu’on édite un paramètre donné, il est très facile de passer d’une couche à l’autre grâce aux quatre boutons F1-F4 situés sous le LCD. Sympa ! Les réglages utilisateur peuvent être sauvegardés au sein de 256 emplacements prévus à cet effet. Pas de doute, la section de synthèse de la MC-307 est du niveau de celle des bons synthés à lecture d’échantillons. Par ailleurs, on dispose d’un éditeur de kits de percussions, au sein duquel on peut affecter un échantillon au choix tiré de la Rom sur chaque touche. Mis à part le tracking clavier, le portamento et la tessiture, chaque note dispose à peu près des mêmes paramètres de synthèse que dans le mode patch. De plus, il est possible de régler indépendamment les départs vers les trois processeurs d’effets. Les résultats sont sauvegardés dans vingt kits utilisateur. Rien à redire, il y a des chevaux sous le capot !
Trente-deux soupapes
Si la partie synthèse de la MC-307 est tout à fait correcte, il en est de même pour sa partie séquenceur. La machine est capable de mémoriser 200 patterns utilisateur de 1 à 32 mesures dans la limite de 40 000 notes (95 000 sur la documentation commerciale…), avec une résolution correcte de 96 bpqn. On dispose de deux types d’enregistrement : temps réel et pas à pas. Dans le premier cas, l’enregistrement peut être effectué avec décompte, avec quantisation à l’entrée dans différentes signatures. La fonction « Loop Rest » ajoute une mesure à blanc, ce qui évite de réenregistrer sur la première mesure de manière intempestive, lorsque le pattern boucle. Comme sur les enregistreurs audio ou vidéo professionnels, une fonction « Rehearsal » permet de simuler l’enregistrement. Grâce aux touches de sélection de partie, on peut ainsi « ingurgiter » les huit pistes à la suite sans sortir du mode d’enregistrement. Merci ! Par ailleurs, il est possible d’enclencher l’arpégiateur pour enregistrer les notes générées, le plus facilement du monde. Enfin, la MC-307 autorise l’enregistrement du mouvement des commandes temps réel. Ceci permet de réaliser des séquences très animées, dans la plus pure tradition dance. Même les solo / mute de pistes sont enregistrés !
Bon point ergonomique, l’écran permet de contrôler un paramètre donné sur les huit pistes simultanées. La seconde manière d’enregistrer consiste à entrer les positions de déclenchement de sons grâce aux 16 pads du panneau de commande. Encore baptisé « mode grille », ce mode est très apprécié pour les enregistrements de kits de batterie. On détermine le temps de gate et la vélocité désirés, puis on allume les pads qui correspondent aux notes à reproduire dans la mesure. On passe ensuite à la percussion suivante grâce aux touches de sélection des instruments de percussion. Pour les parties instrumentales, c’est la même chose, mais il faut entrer le pitch et les accords avec les pads. L’écran affiche un clavier avec repérage des notes entrées, une avancée par rapport à la MC-505. Vive la navigation à bord !
Injection directe
Comme les meilleurs séquenceurs, la MC-307 dispose d’un mode microscope, permettant d’éditer pas à pas tous les évènements entrés : notes, contrôleurs, changements de programme, pitchbend, aftertouch, tempo, mute et Sysex. L’éditeur microscopique autorise la suppression, l’entrée, la modification et le déplacement des évènements cités. Cerise sur le gâteau, un filtre permet de masquer certains types de messages, afin d’aller droit au but. Une section de très bonne qualité qui invite à l’expérimentation. Pour le pattern global, on peut insérer / couper / copier / coller, ainsi que transposer, quantiser (à partir 71 types de motifs rythmiques plus ou moins « groovy »), altérer la longueur de note, la vélocité et d’offset temporel. La totale !
Comme le veut la tradition sur tous les séquenceurs ou presque, les patterns peuvent être chaînés en morceaux. Chaque morceau peut contenir 50 enchaînements de patterns. Pour chaque pas, on peut spécifier le statut des pistes, ce qui permet d’utiliser un même Pattern sur plusieurs pas sans « user » plusieurs patterns. Idem pour le type de multieffets, ce qui permet de modifier considérablement le son sans consommer de pattern. En revanche, il n’est pas possible de réenregistrer les mouvements des potentiomètres ou de répéter le même pattern au sein d’un même pas, si bien qu’on arrive vite à la limite des 50 pas pour les morceaux structurés. Mais pour les applications dance / techno, il n’y a pas à s’inquiéter. Au total, la mémoire permanente de la MC-307 renferme 50 morceaux. De quoi faire 1000 kilomètres avec le même plein.
Climatisation de série
Roland nous a habitués à équiper ses synthétiseurs et modules d’une trilogie réverbe + délai ou chorus + multieffets. La MC-307 n’échappe pas à la règle. La réverbération offre 6 types de pièce. On peut en régler le temps, l’atténuation des HF, le niveau de sortie et le niveau d’envoi provenant du multieffets. Le délai offre un mode court et un mode long. Limité à une seconde, ce dernier permet toutefois la synchronisation au tempo global. Les paramètres disponibles sont le feedback, l’atténuation des HF, le bus de sortie (vers la réverbe, directe ou les deux), le niveau de sortie et le niveau du signal en provenance du multieffets. Ce dernier, très complet, propose 25 algorithmes de 5 à 12 paramètres, la plupart dédiés au groove : les plus originaux sont le générateur de bruits (18 combinaisons de 6 types), le simulateur de radio, le simulateur de platine vinyle, l’effet lo-fi (réduction de la résolution de 1 à 7 bits et de la fréquence d’échantillonnage de 32 à 4 kHz), le slicer (34 types de timing et 16 types d’accents) et l’isolateur. Ce dernier permet de couper sans pitié les fréquences basses, médiums et hautes indépendamment. En conjonction avec la touche « Grab », on obtient des effets rythmiques très intéressants. Cette dernière peut d’ailleurs agir sur l’un ou plusieurs des trois effets. De même, les quatre potentiomètres principaux peuvent être affectés à n’importe quel paramètre du multieffets, ce qui permet quelques bidouilles fort sympathiques en temps réel. Concernant l’utilisation multitimbrale, le délai et la réverbe sont des effets système, avec envois séparés sur chaque partie. Le multieffets peut quant à lui être inséré sur chaque piste de pattern ou de RPS. De quoi rester au frais derrière le pare-brise.
Boîte automatique
La tradition techno ne serait pas respectée si la MC-307 ne comprenait pas d’arpégiateur. Même s’il est disponible uniquement sur un canal, contrairement aux machines telles que l’Audity 2000 ou le tout nouveau XL-1 de E-mu, celui-ci n’en est pas moins tonique. Il comporte pas moins de 43 styles presets permettant une utilisation immédiate ou des retouches élémentaires. Chaque style dispose de réglages optimisés pour l’accentuation, le motif d’arpège, le pattern rythmique et la quantité de Shuffle. En édition, il est possible de modifier le motif d’arpège parmi les 38 disponibles et le motif rythmique parmi les 115 proposés, autorisant un nombre confortable de combinaisons. Comme si cela ne suffisait pas, le Shuffle permet d’intervenir sur le swing des patterns quaternaires et l’accentuation sur la dynamique globale. Le tout peut être sauvegardé dans 10 motifs utilisateur. Voilà une section comparable à une boîte automatique, peu paramétrable mais pratique d’utilisation.
Conduite agréable
La MC-307 vient judicieusement enrichir la ligne de machines à groove constituée de la MC-505 et du JX-305. L’augmentation de nombre de sonorités et de patterns ne constitue pas une amélioration majeure à nos oreilles, c’est plutôt sur le plan de l’ergonomie que l’instrument a fait de gros progrès, même s’il y a moins de commandes directes que sur les précédentes productions. Ceci est dû à l’écran plus grand, organisé fort logiquement en pages menu et capable d’afficher graphiquement des paramètres essentiels lors de l’édition. Par ailleurs, la section « BPM » facilite l’intégration au sein d’un setup de DJ, en particulier la mise en tempo des rythmiques façon platine vinyle. C’est sur ces deux axes que la MC-307 risque fort de séduire les musiciens DJ restés réfractaires à la complexité ou à l’ergonomie de ses aînés… pour que la groove soit toujours un plaisir.
Glossaire
Shuffle : décalage des temps faibles d’une mesure quaternaire pour donner un effet de swing. Par exemple, les deuxième et quatrième temps d’une mesure 4/4 sont joués en retard d’une croche par rapport à leur position théorique.
HF Damper (atténuation des hautes fréquences) : filtre passe-bas permettant de couper les hautes fréquences d’un signal avant traitement. Sur une réverbe, on peut ainsi éviter les effets métalliques, désagréables lorsque la réverbe est de moyenne qualité.
DBeam : contrôleur infrarouge (breveté) permettant de modifier des paramètres en temps réel. Le Theremin de l’an 2000 !