La nouvelle version de la Spark Creative Drum Machine signée Arturia se voit dotée d’un contrôleur matériel plus compact et d’un nouveau nom, SparkLE. Voyons comment tout cela communique.
Malgré quelques versions sous forme rack (Roland R-8M, par exemple) ou les ancêtres de type Ace Tone, Maestro Rhythm King, Roland CR-78, Korg Minipops et compagnie, la plupart des boîtes à rythmes matérielles ont proposé une interface permettant, via des pads, de rentrer ou jouer directement des grooves ou instruments séparés, et grâce à divers potards, faders et switches, de modifier en temps réel plusieurs paramètres, selon le type de génération du son, analogique, numérique, faisant appel à des échantillons, de la modélisation ou tout mélange de synthèse possible et imaginable. Autant dire que les plus anciens (…) d’entre nous, comme les utilisateurs de MPC ou d’Electribe, ont pu acquérir des habitudes qui ont été bien bousculées par les versions exclusivement logicielles des instruments qui leur ont succédé.
Car même si ces instruments logiciels offrent des capacités que peuvent leur envier leurs prédécesseurs matériels, notamment en matière de puissance de programmation et de variété sonore, et même si certains s’ingénient à nous proposer des interfaces graphiques reprenant des pads et des façades bien connues, il a longtemps manqué à l’utilisateur le principal : l’outil permettant de déclencher tout ça, obligeant à se rabattre sur le piano roll ou les touches d’un clavier Midi. Et, concernant ce dernier, encore faut-il que l’implémentation ne soit pas fantaisiste, ou tout du moins standardisée (ce qui est plus ou moins le cas avec la norme General Midi). Mais quand on se retrouve face à des monstres comme BFD2 ou Superior Drummer, un 88 notes peut ne pas suffire…
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Depuis quelque temps, et pas seulement pour des raisons pratiques pour l’utilisateur, mais aussi pour le fabricant (l’interface matérielle comme dongle ultime…), on voit refleurir des contrôleurs spécifiquement dédiés à une utilisation non mélodique (i.e. sans clavier de type piano), comme la série des Maschine de Native Instruments, le récent Push d’Ableton ou le plus ancien Monome, les différents contrôleurs Akai (MPD32, APC40, etc.) et l’inclusion de plus en plus fréquente de pads sur les claviers de commande. Sans parler des autres catégories de contrôleurs, des Lemur, Rhizome ou QuNeo en passant par les produits Eowave, sans oublier l’interfaçage découlant des tablettes, smartphones et compagnie (liste non exhaustive).
En 2011, Arturia propose un ensemble logiciel et matériel conçu pour la création de sons et patterns de batterie, Spark Creative Drum Machine. L’éditeur a ensuite sorti plusieurs extensions ou déclinaisons, comme Spark VDM (que l’on trouve chez Arturia sous ce nom ou celui de Spark Vintage), testé ici. Tout récemment, l’éditeur/fabricant propose une version plus compacte de son produit, avec un nouveau contrôleur dédié, le tout revêtant l’appellation SparkLE. Revue de détail.
Introducing Arturia SparkLE
On comprendra aisément que le produit ne s’achète qu’en boîte, pour la somme de 249 euros (prix public conseillé). Manuel papier trilingue, DVD d’installation, câble USB de bonne longueur (mini USB d’un côté, pas mon format de contacteur préféré, plutôt fragile…), le contrôleur plutôt fin et plat doté (donc…) d’un connecteur mini USB et d’un port pour verrouillage Kensington, et une pochette néoprène assez « classieuse » composent le contenu du coffret.
Compatibilité Mac/PC assurée, bien entendu, avec les formats VST, AU et RTAS (AAX en cours, nous dit Arturia) et on dispose d’une version autonome. Sont aussi installés deux logiciels supplémentaires, Spark Midi Control Center (inutile) et SparkLE Midi Control Center, ainsi que la banque d’échantillons signés Sonic Reality, Ueberschall, Ultimate SoundBank, Sample Magic, ModernBeats et Sounds Of Revolution et plus généralement tous les kits, projets, etc. Sous Mac OS X, l’ensemble, pesant moins de 1,2 Go, est placé dans HD>Library>Arturia>Spark. Eh oui, Spark, et non SparkLE, car du côté logiciel, il s’agit bien de la version complète. Merci.
Des Templates pour Ableton Live et Reason sont ou seront disponibles (le premier est déjà offert au téléchargement, le second en attente, peut-être, de la nouvelle version de Reason prévue durant le deuxième trimestre de cette année), ce qui permettra de piloter l’un et l’autre logiciel via le contrôleur. Notons tout de suite que le contrôleur est USB Class Compliant (pas de pilotes à installer), qu’il envoie du Midi Out, à la fois vers l’extérieur (si l’on dispose d’une interface Midi, par exemple) ou au sein d’un hôte gérant ces informations en provenance d’un plug (donc pas dans Logic…), depuis les pads et depuis le séquenceur intégré (il est conseillé de ne pas utiliser les deux possibilités en même temps).
L’autorisation se fera via le numéro de série et le code de déverrouillage fournis, en se connectant sur son compte utilisateur créé sur le site. Un code d’activation est envoyé en retour. Pas besoin de clé eLicenser, et le logiciel fonctionne tout aussi bien sans le contrôleur (qui ne fait donc pas office de dongle…).
Du matériel
On pourra, même si les fonctions et sons peuvent être différents, se référer au test de Spark VDM déjà mentionné. La partie principale est bien entendu le nouveau contrôleur, aussi commencerons-nous par celui-ci (en détaillant l’une ou l’autre fonction du logiciel si besoin).
L’objet offre un design plutôt réussi, la finition et l’assemblage semblent de bonne qualité. Même si l’on est face à un petit format (entre le clavier d’un Mac et le Nocturn de Novation, pour se faire une idée), SparkLE est plutôt lourd, grâce à sa plaque inférieure en métal (tout le reste, à l’exception du contrôleur tactile, est en plastique). Les grandes différences avec son aîné sont la disparition de l’écran central, de la triple rangée de trois rotatifs assignés à trois des principaux réglages d’un son (donc changeant suivant l’instrument sélectionné), des six potards centraux (assignés aux réglages Cutoff, Reso, Aux 1 & 2, Panning et Volume), ainsi qu’au bouton Tap pour entrer manuellement le tempo. De même, le gros rotatif cliquable ne dispose plus de sa couronne de switches pour la sélection des patterns et banques. Mais le nouveau contrôleur a été de ce côté particulièrement optimisé, et l’on retrouve ces accès via les 64 pas du séquenceur et un ensemble de switches permettant de les basculer en mode Bank, Pattern, Seq et Tune (qui permet de jouer des mélodies sur les 16 switches). L’accès aux Kits, Instruments et Projets via le rotatif est même simplifié grâce à autant de boutons.
Chose plutôt amusante, on peut choisir dans les Preferences (fenêtre Sequencer) le type d’interface graphique (SparkLE, Spark Creative, ou choix en fonction du contrôleur branché). Ainsi, on peut afficher celle du Spark complet, et s’apercevoir que le contrôleur fonctionne sans souci, et que l’on retrouve vite ses marques. Les six boutons centraux sont certes manquants, mais correspondent aux fonctions du pad tactile en mode Instrument.
On bénéficiera des fonctions supplémentaires en activant leur visibilité via le point d’interrogation sur le côté droit de l’interface, puis en maintenant le bouton Select enfoncé pour la sélection d’une de ces fonctions. Il faudra malheureusement garder un œil sur le logiciel, car seules sept de ces fonctions sont indiquées sur le contrôleur.
C’est d’ailleurs un des reproches que l’on pourra faire à l’ensemble : on sera toujours obligé d’avoir l’ordi hôte près de soi, pour cause de manque d’écran de rappel sur le contrôleur (fondamental pour les changements de filtre, de Slice ou Roll, voir encadré), pour absence de sérigraphie affichant les fonctions supplémentaires (alors que la place ne manque pas), et pour illisibilité de certaines typos sur l’écran même de l’ordi (le choix de la typo orange des pads sélectionnés est particulièrement incompréhensible…).
Un autre reproche : alors que chaque fonction/bouton sur l’écran a son vis-à-vis sur le contrôleur (du moins lorsque l’on est en affichage Center, celui des potards et pads), il manque inexplicablement celui du Shuffle. Si l’on n’ose croire qu’il a été prévu sur le logiciel et oublié sur le contrôleur, c’est pourtant l’impression donnée. Autre problème : on sait que le contrôleur peut passer de mode exclusif Spark à un mode contrôleur Midi, dont les potards et switches seront réassignés via le SparkLE Midi Control Center. Oui, mais comment passe-t-on en mode Midi ? Rien ne le précise dans le mode d’emploi (pour information, il faut presser en même temps les boutons Filter, Slicer et Roller…) !
Pads et sons
Quelques mots sur les huit pads, de presque 2,5 cm de côté, sensibles à la vélocité et à la pression. On peut leur donner une vélocité par défaut, de 0 à 127 via les Preferences accessibles dans la fenêtre Top. L’utilisation normale les verra dotés d’une réponse normale à la vélocité. Ils sont assez sensibles (on peut ainsi jouer de toutes les nuances sans relever les doigts et simplement appuyer plus ou moins forts) et il faudra de toute façon un certain temps d’adaptation (si je pouvais retrouver les pads de ma R-8…). Il manque peut-être un réglage de courbe de vélocité dans le logiciel, ce qui permettrait d’affiner la réponse sur certains. Voilà un petit exemple de vélocité directement depuis les pads, les effets de traitement de la dynamique ayant été si nécessaire coupés.
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À ce propos, si jamais vous avez l’impression de n’avoir qu’une seule vélocité, n’oubliez pas de jeter un œil sur la très puissante fenêtre Bottom, en particulier la partie Mixer et FX : il n’est pas rare qu’un compresseur soit utilisé avec un Threshold très bas, une enveloppe rapide et un ratio élevé… Un simple Bypass dudit compresseur vous rendra toute la dynamique désirée.
Le logiciel embarque plus de 1500 sons et 100 kits, avec des possibilités de synthèse, resynthèse et modélisation très étendues, un séquenceur très complet disposant d’un mode Song afin d’ordonner ses patterns (et gardant l’ancienne représentation en cercle des patterns et banques), et une section mixage et traitements plutôt efficaces, avec 14 effets à disposition (on ne reviendra pas sur toutes ces possibilités). Un conseil, prendre le temps de regarder et paramétrer la page Preferences, offrant de nombreuses options d’export audio et Midi, de séquences, de contrôles, etc.
Voici quelques exemples de sons et grooves d’usine, on l’entend, la palette est large…
Bilan
Autant le dire tout de suite, j’ai été séduit par cette version « légère » de Spark. Malgré quelques défauts et bugs (la fonction Update Spark Controller renvoie sur un écran de non-connexion, est-ce à dire qu’elle est uniquement prévue pour le Spark complet ?), l’outil logiciel est très puissant, et la banque fournie offre de nombreuses possibilités sonores et pistes de départ. Les patterns fournis permettent de démarrer très rapidement, les modifications s’effectuant très facilement en direct via les pads/switches ou à la souris dans l’éditeur du séquenceur. L’import par glisser/déposer des échantillons maison ou en provenance d’autres bibliothèques assure de ne jamais être limité par une esthétique datée ou réservée à un style unique.
Le contrôleur SparkLE est quant à lui une belle réussite, même si l’on ne peut juger pour le moment de la durée de vie des potards, switches et rotatif/contacteur. Après la première impression au déballage (heu, c’est un peu petit…), on s’habitue très vite au format et la maîtrise des pads s’acquiert rapidement. Le contrôleur est très stable, grâce à son poids et aux patins antidérapants (on aurait aimé un set de rechange). Manquent quand même quelques potards et boutons, et surtout un écran de retour, dont l’absence se fait cruellement sentir lors de l’utilisation du pad tactile, ou la sélection des Kits, Projects et Instruments, obligeant à garder un œil sur l’écran de l’ordi (attention au strabisme…).
Malgré tout, à ce prix, Arturia propose une véritable machine de production sonore dédiée aux instruments de batterie et percussion, pouvant héberger et traiter bien d’autres types de sons, dotée d’une ergonomie tant logicielle (beaucoup de glisser/déposer) que matérielle idéale. Et elle est surtout très portable, ce qui en fait une solution parfaite pour les musiciens nomades.